« Ca te dis que je te refasse une beauté ? » Son couteau suisse enfoncé dans la joue du traître, un fils de sang dégoulina le long de sa mâchoire. Il avait peur et gémissait de douleur pour le plus grand plaisir de l'étudiant. Masaomi adorait ce genre de boulot. Même si cette fois c’était plus une faveur qu’il devait à un ami qu’à une tâche rémunérée. Accroupis sur sa victime, il le jugea de haut en bas ; il devait lui avoir brisé une jambe et quelques côtes. « Tian. » Il souleva la tête vers son camarade. « Je le torture ou je le tue directement ? » Ce dernier pouffa, lui tendant sa clef anglaise. « A toi de voir, Masa. » Le sourire jusqu’aux oreilles, il rangea son couteau et accepta l’offre de son ami. « Tu n’aurais jamais du tenter quoi que ce soit avec tes potes. » fit le hongkongais à l’égard du pauvre homme à moitié mort au sol. « N’est-ce pas. » continua l’italien en enfilant la clef anglaise dans la bouche de l’individu. Il se leva, et donna un violent coup de pieds à l’outil qui transperça la trachée de la victime. Une flaque de sang visqueux se répandit au sol.

Le regard vide, il resta à fixer un moment le corps en convulsion puis dirigea son regard vers le fond de la ruelle. Il faisait nuit noir. Tant mieux, comme ça on ne pouvait pas voir le reste des cadavres dispersés un peu partout le long des murs. Il massa ses blessures à la mâchoire, il s’en était pris des coups pendant sa besogne. Il ne pouvait pas vouloir le beurre et l'argent du beurre. S'il voulait se battre, il devait s'en prendre quelques unes aussi. Il se retourna à l’entente de son nom, pensant que c’était son partenaire. A sa surprise, il le vit en train de faire des approches à une fille. Il le rejoint et lui donna une légère tape à l’arrière du crâne. « Mec, évite d’importuner les femmes quand je suis là. Tu ne vois pas qu’elle n’apprécie pas ? » Son interlocuteur souleva les mains en signe d’innocence et s’excusa à moitié amusé auprès de la brune. Masaomi la contempla un moment, se disant qu’elle ressemblait étrangement à quelqu’un. « C’est un quartier dangereux pour une jeune fille comme toi ici, tu ferais mieux de partir. » Il s’avança vers elle pour cacher au mieux le désastre qui se trouvait derrière lui. « Accompagne-la dans un endroit plus sûr. » dit-il à Tian, d’un air entendu. Il allait s’occuper du nettoyage avec les autres.

Partant rejoindre les autres, il se mit à vérifier l’état des lieux. En effet, il n’y était pas allé de main morte et décida d’appeler des renforts. Il chercha son téléphone dans la poche de son jean et dressa l’oreille à l’entente de l’une de ses langues maternelles : le japonais. Il chercha dans sa mémoire où est-ce qu’il avait déjà entendu cette voix quand il sentit son bras être agrippé. Il la dévisagea en fronçant les sourcils. Son visage… « Katreeya ? » murmura-t-il, perplexe. Il ne l’avait pas reconnue étant donné qu’elle avait abandonné sa chevelure dorée pour une couleur plus commune. La voir aussi énervée le poussa à devoir quitter l’endroit. La dernière chose qu’il voulait c’était d’avoir des problèmes juste après avoir passé du bon temps. « Calme-toi. » répondit-il sèchement à ses accusations. Il pouvait comprendre sa réaction, n’importe qui sainement constitué aurait réagis de la même manière. Il se tourna vers la bande et leur dit qu’il devait partir et qu’il les appellera plus tard. Il lui prit la main et quitta la ruelle en donnant une tape à Tian. Il pensait vite régler l’histoire et les rejoindre s’il n’était pas trop tard.

Ils marchèrent dans les rues sombres d’un des quartiers les plus dangereux et mal famés de Hong Kong. Tomber sur elle était la dernière chose qui lui avait traversé la tête. Il l’avait même oubliée le temps des quelques jours passés ici. « Déjà toi qu’est-ce que tu fais ici ? Tu ne vois pas que ce n’est pas le genre d’endroit où devraient se promener les filles ? Seule en plus ! » La voir dans une tenue aussi provocante dans un endroit aussi mal fréquenté le rendait bouche bée. Il ne la croyait pas aussi imprudente. « Et puis de quoi je me mêle ? » L’idée de devoir jouer au baby sitter maintenant qu’il l’avait croisée commençait à l’énerver. « J’ai ma vie et t’as la tienne. J’ai respecté ta vie privée que je sache. Tu vas devoir faire de même avec moi. » Il renforça son étreinte et accéléra le pas, sentant que les regards commençaient à devenir un peu trop curieux.

Il ne comprenait pas pourquoi elle se sentait concernée par ce qu’il faisait. De toute manière il était dans ce milieu bien avant de la rencontrer et continuera à l'être bien après bien. Du désespoir mélangé à de l’agacement commençait à se faire sentir et à lui monter à la tête. Ce n’était pas, mais alors pas du tout le moment de jouer aux filles courageuses et têtues dans un endroit pareil. « S’il te plaît. » Il inspira profondément, sentant qu’il perdait patience un peu trop vite. « Même si ces gars sont des amis, je ne peux pas garantir que tu t’en sortiras indemne. » Il mentait. S’il leur disait de ne rien lui faire, personne dans tout Hong Kong n’allait la toucher à moins de lui faire subir un horrible affront. Et Dieu seul savait ce qui était arrivé aux personnes ayant tenté de le mettre au défi.

Il lui prit les deux mains cette fois, se doutant bien que ce qu’elle disait n’étaient pas des paroles en l’air. Il ne voulait pas qu’elle y retourne, ce n’est pas le genre de scène dont devrait être témoin une fille. « Tu n’as pas à te sentir concernée par mes affaires tu sais. » Il se demanda si intérieurement, l’image que Kat se faisait de lui avait changé du tout au tout. Il aimait bien se faire passer pour l’abruti de service. Le fait qu’elle le voit en plein dans son environnement naturel, dans lequel il avait passé toute son adolescence, la moitié de sa vie, le mettait en quelque sorte mal alaise. « Kat, allons-nous-en. Ca ne t’avancera à rien de le savoir. » Même si à Tokyo il avait réussi à rester loin des problèmes, son passé le rattrapait toujours quand il voyageait. Partout dans le monde, du moins là où il était parti avant, on le connaissait.

Malgré les crises, les cris, les insultes et les regards noirs, elle n’avait jamais réagi aussi violemment que maintenant en retirant ses mains des siennes. Voilà pourquoi il ne parlait jamais de lui et que tout le monde ignorait cette facette de sa vie. Il voulait éviter ce genre de réaction. Ca lui faisait perdre du temps et ça pouvait facilement finir en dispute, même s’il savait très bien qu’il était celui en tort. Tout ce qu’il demandait, c’était qu’on le laisse vivre sa vie comme il l’entendait. De toute façon, il était trop tard pour la changer et faire comme si rien de tout cela ne s’était jamais passé. « Si tu veux je reste avec toi. » Il soupira, de plus en plus impatient. En y regardant avec un peu de recul, le plus important a été fait. Il restait juste à se débarrasser des indices, et pour ça, ils pouvaient très bien se débrouiller sans lui. Sur cette pensée, il changea son objectif qui passa de rejoindre ses amis le plus tôt possible à sortir Kat du quartier malsain.

Ses yeux s’arrondirent à sa question. Qui était-il ? « Je ne pense pas que ce soit ni le bon moment ni le bon endroit pour en discuter. » Il jeta un coup d’œil autour d’eux pour lui faire comprendre que même en ne faisant rien, les choses pouvaient vite déraper dans ce genre d’endroit. C’était aussi sa manière d’éviter la question étant donné qu’il ne savait pas quoi répondre. Il était qui il était c’est tout. Il ne pouvait rien y faire même si ça ne lui plaisait pas. « On va rentrer dans mon hôtel. » conclut-il en se dirigeant vers un 4x4 aux vitres teintées. Il lui ouvrit la portière des passagers puis partit s’asseoir au volant. Il avait laissé la clef sur le contact et personne n’y avait touché. Ils savaient que la voiture lui appartenait. « C’est à cinq minutes et c’est sûrement le meilleur endroit que tu fréquenteras ici. »

Ok. Il n’allait pas pouvoir éviter le sujet là. Il allait donc essayer d’atténuer ses propos un minimum pour ne pas totalement paraître pour un monstre. Et puis, il ne lui dira pas tout. Juste le nécessaire. « Les deux. » répondit-il en ouvrant son placard et sortant des vêtements de rechange. Il ne voulait pas rester avec des vêtements qui puaient la clope et étaient tâchés de sang. Il aimait rester propre et frais chez lui. Il se dirigea vers la porte de la salle de bain écoutant d’une oreille ce que lui disait la jeune fille et de l’autre son envie de prendre une bonne douche. Il ouvrit la porte et entra. Il se retourna pour lui faire face une dernière fois avant de fermer la porte. « Je ne pense pas que des élèves d’une université pour gosses de riches iraient dans un endroit pareil. » Il resta un moment silencieux en fixant ses pieds avant de continuer. « Où est le mal ? Il le méritait. » Finalement, il n’avait plus envie d’atténuer ses propos. « Et si justement ce que j’avais fais n’était rien ? »

Sous la douche, il se demanda si Kat allait l’agacer encore longtemps avec cette histoire. Elle allait sûrement lui poser des questions aux quelles il ne voudra pas répondre. Rien ne l’empêchait de le faire dans un certain sens. Il sortit de la salle en pyjama, les cheveux encore mouillés et s’allongea sur le lit juste à côté d’elle. Il ferma les yeux, fatigué à l’avance. « Vas-y. Mais je te préviens, je ne répondrai pas à toutes tes questions. » Il fronça les sourcils, déjà sceptique en s’imaginant une série de questions défiler dans son esprit. Il se sentit horriblement seul en à peine quelques secondes. Personne n’allait jamais le comprendre après tout.

« Je ne suis juste qu’un simple mannequin. » Et le pire, c’est qu’il disait la vérité. Concrètement, officiellement, c’est ce qu’il faisait dans la vie. Il rouvrit les yeux, jetant un coup d’œil dans sa direction. Il n’avait vraiment pas la tête à lui raconter sa vie là, tout de suite. Déjà parce qu’elle était très longue et compliquée, mais aussi parce que ça relevait du domaine du privé. Il se tourna de côté, son bras sous sa tête. Il essayait de formuler des phrases courtes et claires qui pourraient le justifier sans trop s’épandre. « Je ne suis pas nettoyeur. Une série d’événements dans ma vie a fait que je me suis fait une belle réputation. » Ce qu’elle avait vu n’était rien comparé à ce qu’il avait fait dans le passé. Trafiques d’armes, assassinats, tortures pour passer le temps… Il avait dû se débrouiller tout seul dans cette jungle dès la puberté. Et puis, il n’aimait pas ce terme de ‘nettoyeur’. C’est comme s’il dépendait de quelqu’un. Alors que lui, il faisait tout tout seul. C’était lui celui qui donnait les directives.

Il se remémora l’épisode de Milan avec sa sœur. « Ils savent. Mais ils n’en ont qu’une vague idée, rien de concret. » Si ce n’était pas pour ce connard, il serait toujours à Vérone avec ses amis et pas là allongé sur le lit à subir un interrogatoire forcé. Il n’allait pas lui dire que c’était à cause d’un accident qu’il était fini à Tokyo dans une université qu’il n’avait même pas choisi de son plein gré. Ses parents pensaient qu’il ne faisait parti que d’un gang de simples délinquants.

Il aimait de moins en moins la position dans laquelle il était. Il voulait juste sortir et s’amuser encore un peu dehors. « Je veux un câlin. » fit-il en gonflant les joues. Avec Kat, il avait prit l’habitude ou de l’ignorer complètement ou alors d’éviter le sujet en jouant les enfants capricieux. C’était un système de défense customisé selon les situations à défaut de pouvoir la battre à cause du fait qu’elle était une fille. « Si t’es sage je t’autorise à me poser deux autres questions. » Il se redressa pour lui prendre le bras et la forcer à s’allonger à côté de lui. Il s’ennuyait à mourir et le pire, c’est qu’elle ne semblait pas encline à le divertir.

« Je ne sais pas, t’as quel âge ? » répondit-il en se doutant bien qu’elle devait être plus âgée. Il avait volontairement ignoré le commentaire précédent, espérant qu’elle allait passer à autre chose. Il savait que c’était peine perdue, mais au fond, il se disait qu’à force de tourner autour du pot, elle allait passer à autre chose ? « Quoi ma cicatrice. » Il se crispa, il avait déjà oublié l’épisode la salle de bain lui. Pourquoi les filles continuaient-elles à rabâcher tout le temps les mêmes âneries ? Kat ne pouvait-elle pas ignorer son passé une bonne fois pour toute. Oui c’était un souvenir douloureux, mais il en avait pleins d’autres aussi. « Oh tu veux savoir… » Il se releva et la fixa de haut. A quoi ça allait l’avancer d’en connaître les origines ? Pour une fois en plusieurs mois, il allait la contenter. En compensation du nombre de fois qu’il avait dû la faire sortir de ses gonds.

Il se redressa complètement et s’assit en tailleur, imitant la position qu’avait la jeune fille il y a quelques minutes. Il inspira calmement avant d’entamer son récit. « J’avais 16 ans. J’étais parti en Grèce avec… Des amis. C’était à la frontière de la Turquie. Là bas, les gens sont connus pour être très agressifs. » Il se mit à tortiller ses doigts et à fixer la couverture du lit, se remémorant les événements de son séjour. « Je ne les prenais pas au sérieux. Mes amis et moi avons commencé à nous battre contre eux. Ca avait limite créé une guerre de rue. Pendant que je me battais contre l’un d’eux, j’ai senti un choque au dos et je suis tombé à terre. » Il releva le regard et le posa sur la jeune fille, contemplant sa réaction. « Un grecque de plus de deux mètres avait décroché du sol un panneau de circulation et m’avait empalé avec. Il le retira de mon dos pour me redonner un coup. » Son cœur se serra, il se rappelait de la douleur qu’il avait ressentit comme si c’était hier. « Je ne pouvais plus bouger, en quelques secondes j’avais abandonné la vie. J’étais certain de mourir. » Un sourire s’afficha sur son visage, dévoilant toutes ses dents. Il s’étira les bras et sauta sur Kat pour la serrer. « Mais bon, je suis vivant là non ? On s’en fiche maintenant. »

Collé à elle, il posa son menton sur son crâne. La voir aussi docile était rare, il allait en profiter encore un peu. La savoir aussi sensible aux histoires des autres lui plaisait, il allait pouvoir trouver ses points faibles encore plus facilement. Même si raconter sa vie ne lui plaisait en rien, il se disait que ça allait l’aider à la manipuler plus facilement. Il n’était pas fier d’avoir dévoilé une partie de son passé et encore moins celle de la cicatrice. Il allait devoir y remédier plus tard. « Je pensais aussi être invincible, avant ce jour. » Savoir la vie aussi fragile lui avait ouvert les yeux ; lui aussi pouvait mourir comme n’importe qui d’autre. Sur ce point là, il ne valait pas mieux que les autres imbéciles qu’il avait massacrés dans le passé. Un large sourire décora son visage. S’il était aussi facile à tuer, alors les autres devaient l’être encore plus. C’était la conclusion qu’il s’était fait une fois sorti de l’hôpital.

« J’ai essayé. » Du moins, on l’avait 'forcé'. « Mais je me suis rendue compte que ce n’était pas ce que je méritais. » Les personnes pourris jusqu’à la moelle comme lui ne pouvaient plus se permettre de vivre dans le confort et la tranquillité. C’était aussi une punition qu’il s’infligeait. Il savait qu’il ne pouvait pas se conformer au moule. Le monde avait aussi besoin de personnes comme lui. C’était un rôle comme un autre. Il ne pouvait rien y faire, il était déjà gravement atteint. « Tes jokers sont épuisés ! » s’exclama-t-il, ses bras enlaçant toujours la jeune fille. Il se sentit soulagé. « Maintenant, plus de questions avant un bon bout de temps. » Plus jamais même. Il allait faire gaffe la prochaine fois, même s’il savait que le hasard n’était pas toujours de son côté. Comme aujourd’hui par exemple.

Son sourire s’élargit. « Merci de le penser. » Il savait qu’il avait de la chance d’avoir une sœur et des parents qui l’aimaient et il n’en demandait pas plus. Ses amis aussi contribuaient à sa part de bonheur. La thaïlandaise avait du voir en lui une part de bonté dont il n’était toujours pas au courant. Tant mieux. Il la laissa se détacher de lui, la regardant en haussant un sourcil. « Harcèle-moi autant que tu voudras si ça te chante. » Elle ne semblait pas avoir compris qu’aujourd’hui était une exception faite pour pouvoir mieux jouer avec plus tard. Il se rappela soudainement que la prochaine escale sera la Thaïlande, son pays d’origine. Il avait aussi des affaires à régler là bas.

Il se mit à lui caresser le creux du dos des bouts des doigts, faisant des allé-retours le long de sa colonne vertébral. « T’es sûr de ne pas vouloir passer la nuit avec moi ? Dommage… » Il n’avait pas besoin qu’elle se préoccupe pour lui, il faisait toujours attention. Il avait hâte qu’elle s’en aille pour pouvoir rejoindre ses amis tout aussi vite. Il prit son téléphone pour vérifier l’heure ; à peine une heure était passée. Il se leva aussi et se pencha sur elle par derrière. « Bonne soirée Katreeya. C’est à toi de faire gaffe maintenant. » Maintenant qu’on l’avait vu avec lui. Il se leva pour remettre les vêtements qu’il avait laissés dans sa salle de bain. Cette fois il allait bien sortir et faire ce qui lui passait par la tête. Pendant qu’il se changeait, son téléphone se mit à vibrer. Il ne pouvait pas l’entendre de là.

Il sortit de la salle de bain tout habillé, se sentant enfin près pour continuer sa soirée. Cependant, sa bonne humeur fut stoppée par la vue de Kat toujours allongée sur son lit. Il resta là à la fixer, quand il remarqua la petite lumière des notifications de son téléphone clignoter sur la table de chevet. Il partit prendre son téléphone, c’était Tian qui avait appelé. « Alors comme ça on ne prévient pas quand le téléphone sonne ? » dit-il à l’égard de la brune. Il recomposa le numéro et l’appela. Il lui dit qu’il avait un contretemps et qu’avec un peu de chance il sera là avant minuit. Il ne quitta pas la jeune fille du regard, se demandant si c’était mieux de la prendre et de la jeter dans un taxi ou alors de l’enfermer dans sa chambre d’hôtel. Il mit son mobile dans la poche arrière de son jean. « Tu veux finalement passer la nuit avec moi ? » Il savait qu’elle avait compris que c’était son ami à l’autre bout du fils. Elle ne voulait sûrement pas qu’il parte les rejoindre.

Elle l’avait déjà assez énervé en l’obligeant à raconter sa vie. Cette fois, il allait échanger les rôles. Vu qu’elle connaissait l’histoire de la cicatrice et qu’elle ne semblait pas prête de l’oublier, il allait reprendre ses mauvaises habitudes. « Tu sais, une fille ne reste pas avec moi toute une nuit juste pour papoter. » Il monta à quatre pattes sur le lit et se positionna à son niveau. Il allait la pousser à bout quitte à ruiner leur relation ; il détestait qu’on se mêle de ses affaires. Il se mit à caresser sa cuisse à moitié dénudée. Il voulait vérifier à quel point elle pouvait lui résister. Qui des deux était le plus têtu?

Il lui rendit son sourire. Il allait jouer son jeu. Elle voulait rester avec lui ? Soit. Il se leva du lit et se dirigea vers la sortie de sa suite. Une idée plutôt saugrenue lui traversa l’esprit, comme à son habitude il fallait dire. « Je vais exaucer tous tes souhaits ce soir. » lui dit-il en lui gardant la porte ouverte, l’invitant à sortir dans les couloirs et à le suivre jusqu’au parking où était garée sa voiture. Il envoya un message vite fait à ses camarades en leur disant qu’il allait pouvoir s’occuper du cas du dealer. Sur la route, il ne regarda pas une seule fois Kat, trop content d’avoir trouvé un moyen de finir son devoir sans qu’elle ne puisse lui mettre des bâtons dans les roues. Plus il se rapprochait du lieu de rendez-vous et plus son cœur battait la chamade. La jeune fille allait assister au spectacle le plus inoubliable de sa vie.

Il sortit de la voiture et lui ouvrit la portière pour qu’elle descente. « Écoute-moi bien, une fois entrés là dedans… » Il désigna du doigt le bâtiment délabré derrière lui. « Tu me suis au pas, tu restes bien à mes côtés, compris ? S’il t’arrive quelque chose, je ne ferai rien pour te défendre. » Ca allait lui servir de leçon, si elle en sortait vivante du moins. Il la prit fermement par le bras et entra dans l’immeuble. Ils durent monter trois étages, croisant des enfants qui jouaient sous la lumière des néons qui clignotait dans les couloirs avec leurs vêtements en lambeaux, des cris se faisant entendre pas loin derrière les portes à moitié pourries par l’humidité. Il s’arrêta devant une porte au fond du corridor « Reste derrière moi. » dit-il en y toquant.

Un homme maigrichon qui devait avoir au maximum la trentaine ouvrit. « C’est qui putain. » réchigna-t-il dans un vieux dialecte du Kansai. Son visage se décomposa à la vue de l’italien. Il tenta de fermer la porte mais Masaomi la bloqua de son pied et força pour entrer dans la chambre. « Comment vas-tu depuis le temps, Tezuka ? » Ses fossettes se creusèrent de plus en plus au creux de ses joues à la vue du pauvre homme à terre, tout tremblant. « No-non… Je suis désolé ! Je ne le referai plus jamais ! » s’écria-t-il les mains jointes en signe de regret. L’étudiant s’approcha de lui et lui donna un violent coup de ses semelles dans son torse, le clouant au plancher. Cet abruti avait liquidé tout l’argent qui lui a été prêté pour fructifier les affaires dans le domaine de la drogue.

Il repoussa violemment Kat. Il allait lui montrer une partie de lui, elle qui était si curieuse. Le pied toujours sur sa future victime, il tourna doucement la tête vers elle. Son sourire toujours collé aux lèvres. « Tais toi et assiste au spectacle. » Il sortit sa père de ciseaux et se baissa sur l’homme. Ses yeux étaient rouge, embués de larmes. Masaomi n’était du genre à discuter. Quand il était trop tard, c’était fini. Il ne savait pas encore qu’est-ce qu’était la pitié, surtout pour des déchets. Aujourd’hui, il allait s’improviser artiste. « T’aimes bien Van Gogh ? » demanda-t-il à la brune tout en dirigeant l’instrument vers les oreilles de Tezuka, qui semblait avoir compris qu’il ne pouvait plus rien y faire. Masaomi s’était fait une réputation de Faucheuse, sans scrupule ; dès qu’elle toquait à ta porte personne ne pouvait plus s’enfuir.

Un claquement suivit d’un cri aigus se fit entendre. L’oreille à terre baignait dans une flaque de sang. L’italien immobilisa les bras du trentenaire et se mit à le poignarder dans l’estomac. Il riait comme un enfant, tellement fort que ça pouvait même couvrir les hurlements de sa victime. Même si la porte était ouverte, il s’en fichait complètement. On le connaissait dans tout le quartier, les gens faisaient semblant de ne pas le voir. Il venait et partait comme un fantôme, laissant derrière lui qu’un corps sans vie. Ca devait faire deux ans qu’il ne venait plus à Hong Kong, et malgré cela, personne ne l’avait oublié. Il se leva sans quitter l’homme du regard. Il ne l’avait pas tué, il voulait qu’il souffre en se vidant petit à petit de son sang. Ce même sang qui lui salissait les mains et son visage. Chaque bonne chose avait une fin.