Outfit ━ La fatigue c'était accumulée. Beaucoup trop accumulée. Entre les rendez-vous à l'hôpital, les urgences psychiatriques, les cours à royal, les recherches de Zeno (qui au passage était toujours manquant) et les tentatives d'avancer mon prochain livre. Je n'étais pas du genre à faire attention à ce que je mangeais, à quand je mangeais et si je dormais. Je me demandais d'ailleurs bien depuis quand est-ce que je n'avais pas dormis toute une nuit. Alors, en arrivant ce matin à RPS, dans l'espèce de bureau qui m'avait été attribué quand bien même je n'étais pas là tous les jours de la semaine, le fait que ma tête tourne et que j'avais l'impression que mon corps entier allait me lâcher ne m'étonnait pas plus que ça. Mes traitements en plus pour ma bipolarité n'aidaient pas à me sentir bien. Il devait bien y avoir une infirmerie. Je savais qu'il y en avait une puisque j'avais été élève ici et que j'y avais fait quelques séjours au début de mon traitement. Apprendre à gèrer les quelques effets secondaires avait demandé un peu de temps. Sans attendre et en marchant plus ou moins droit, je me dirigeais vers l'infirmerie. Si on ne me connaissait pas, il était impossible de savoir que je me sentais mal. J'avais appris à ne rien monter, derrière une carapace dure et froide. Tout ce dont j'étais certains c'était que je ne pourrais sans doute pas assurer mes cours aujourd'hui. Ou quoi que ce soit d'autre d'ailleurs. Ce qui était sacrément embêtant. Je trouvais l'infirmerie sans trop de difficulté. Mon cerveau tournait toujours comme il faut. J'entrais sans toquer, regardant la pièce en détail. Un homme. Inconnu de ma mémoire puisque son visage m'était totalement étranger. Je l'observais rapidement. Blouse, badge, c'était l'infirmier. Au vue de comment il se tenait, je dirais un obsédé de son travail et à l'odeur, légèrement accro à la cigarette. Enfin... l'odeur était assez lointaine. Peut-être essayait-il d'arrêter. Bref, au pire, cela n'était pas vraiment le plus important.
-"Excusez moi. Je ne me sens pas bien."
Je n'attendais pas qu'il me dise quoi que ce soit avant de m'asseoir. Je n'étais pas du genre à attendre qu'on me dise de faire quelque chose pour le faire. De toutes les manières, si je restais debout, je n'étais pas sur de tenir encore très longtemps. Une chose était sûre, je devais avoir un visage aussi inerte et inexpressif que d'habitude parce que cet infirmier ne m'avait pas l'air très réactif. Même pas réactif du tout. J'haussais un sourcil et le dévisager.
-"Vous êtes bien l'infirmier non?"
Je ne pensais tout de même pas m'être trompé. Je me trompais rarement sur ce genre de choses, même si je n'aimais pas m'avancer sur quoi que ce soit. Et là, cela me paraissait plutôt évident. Je regardais l'horloge derrière lui et prenait note du fait que d'ici trente à quarante minutes il fallait que je prenne certaines de mes pilules. Oui, ma vie était réglée comme du papier à musique par la prise de remède et les rendez-vous. Mais, j'aimais avoir pleins de choses à faire. Mon psychologue n'était pas vraiment d'accord, il pensait que je jouais avec le feu. Qu'un jour, même avec mes remèdes, j'allais finir par faire une crise. Et sans doute qu'il avait raison. Et peut-être même que cela allait arriver aujourd'hui. Je n'osais pas imaginer ce que cela risquait de donner. Mieux ne valait pas y penser. Je clignais des yeux, j'avais de plus en plus de mal à voir clair. Ou plutôt à voir net. Il avait un visage assez flou d'ailleurs.
-"A moins que je me sois trompé de porte."
Ma voix n'avait pas bougé d'intonation. Aussi nette et froide que d'habitude. Quand bien même j'étais entrain de partir à l'ouest. Je ne perdais pas de ma consistance et de ma confiance pour si peu. Se serait beaucoup trop simple. La seule chose qui me dérangeait s'était que certains des stylos sur la table n'étaient pas dans le pot à crayon. Mes tics qui faisaient des leurs quand cela ne servait à rien.
Outfit ━ La relaxation et le travail de la respiration le soir avant d'aller dormir est bénéfique... Soit disant. Soit disant ça pourrait m'aider à mieux dormir. Soit disant ça pourrait me rendre moins nerveux... C'était fini. Je n'allais pas me faire berner encore. Du moins ce matin je n'en avais pas envie. J'étais tendu, crispé. Encore une nuit trop courte où j'avais dormi sur le canapé. La douche chaude avait heureusement permis de dénoué pas mal de noeuds musculaires au niveau des omoplates et des cervicales. Mais j'étais toujours pas dans mon assiette. J'avais fini par avoir l'habitude. Je me préparais et quitte à arriver un peu en retard, je pris le temps de manger un bon petit déjeuner. Parce qu'à pas beaucoup dormir, si je ne mangeais pas comme à midi, je crois que je finirai complètement HS au milieu de l'infirmerie de l'université. Et ce serait moi dont on devrait s'occuper. Hors de question. Je ne finirai pas malade. Je mangeais donc tranquillement, reprenant des forces. Je pris un café et puis me voilà enfin parti pour l'université.
Je garais ma voiture pas loin et le temps de marcher jusqu'à l'établissement, je m'autorisais la première cigarette de la journée. Ca aussi ça faisait partie de mes sales habitudes que je cherchais à me débarrasser. Mais à force de pas avoir de résultats avec la relaxation du soir, j'en avais aucun sur la cigarette. Frustrant. Juste frustrant. Les étudiants auront intérêt à bien se tenir.... J'arrivais enfin dans l'infirmerie. Joy n'était pas encore là. Heureusement ou malheureusement... Je ne sais pas. Par moment je trouvais qu'elle mettait un peu de peps dans cette salle remplies de lits. Je me débarrassais de ma veste en jean et enfilait ma blouse blanche, mon badge bien accroché à la petit poche au niveau de la poitrine, avec deux ou trois bic dedans. Je m'installais à mon bureau et commençait déjà à faire le tri des papiers, lisait le courrier fraîchement arrivé, et bientôt les premiers étudiants rebelles firent leur apparition.
Facile à reconnaître à des kilomètres. Un faux maux de tête. Une fausse fièvre... Pas de chance pour eux, j'avais mal dormi. Alors ça se solvait par des renvois direct en salle de cours. Je ne suis pas drôle semble-t-il... Ils feront avec aujourd'hui. Déjà je suis gentil, je ne leur ai pas donné de corvée à faire en échange d'une place sur un lit. L'heure passait. Et un jeune homme arriva. Je ne l'avais encore jamais croisé celui là. Surprenant. J'étais occupé à ranger des médicaments dans l'étagère quand il fit irruption dans l'infirmerie. C'est parce qu'il attisa un peu ma curiosité que je m'en étais détachée, posant mes médicaments sur le meuble juste en dessous. Je le regardais un peu de la tête au pied. Un étudiant ? Il m'en avait tout l'air en tout cas... Il m'avait l'air... Bizarre... Comme... Shooté. Complètement shooté.
Je me postais devant lui, le regard fixé sur lui. Qu'est-ce qu'il me fait celui-là... S'il croit que son jeu d'acteur allait fonctionner... Il se mettait le doigt dans l'oeil. Il ne se sentait pas bien hein ? Ben voyons... Ca m'arracha un léger rictus. Une phrase normale que j'entendais des tas et des tas de fois dans la journée....
- "Mais encore ?" Oui, quoi ? Autant qu'il soit encore plus précis ? Que je puisse jauger de l'étendue de son imagination débordante... Celui-là a vraiment pas de chance de venir aujourd'hui tant je ne suis pas d'humeur. Et puis il devait se sentir beaucoup trop à l'aise là pour s'assoir comme ça sur un lit sans que je ne lui en donne l'autorisation. Il allait très vite faire moins le malin... Mais je le laissais bien gamberger...
Sa question m'arracha un petit sourire. C'est bien Captain Obvious. Tu es très perspicace.... Il faut que je fasse taire mon cynisme... Je n'allais pas pouvoir le maintenir plus longtemps dans ma tête sinon... - "Oui oui c'est moi, tu ne t'es pas trompé. Pourquoi ? " Je m'avançais vers lui et me pencha un peu pour glisser : "Ah... En fait je sais. Tu t'attendais surtout à voir Mademoiselle Watanabe... Qui est plus... Féminine que moi on va dire... hm ?"
Je me redressais. Il allait vite comprendre que je ne serait pas dupe du tout... Je me tenais alors bien droit devant lui, l'air vraiment très sévère et très sérieux. - "C'est bon. Ca suffit avec ton petit numéro là, de mec shooté là. Mademoiselle Watanabe n'est pas là, et j'ai autre chose à faire que de m'occuper de quelqu'un qui simule pour mieux sécher des cours..."
Les étudiants alors... J'vous jure.... A moins que ce ne soit pas un étudiant... Et là j'aurais commis une belle bourde... mais non. Je ne peux pas me tromper. Il est... Trop jeune pour être prof.... Sauf qu'il y avait un truc soudainement qui me fit douter... Pas au niveau de s'il étudiant ou non... au niveau de sa santé.... C'était moi ou il était en totale hypoglycémie ?... J'en fronçais les sourcils, tant son attitude et son état ne collait pas ensemble...
Outfit ━ Si nous avions été à l'hôpital, je me serais sans doute directement adressé au chef de service pour lui signaler un incompétent pareil. Mais nous n'étions ni à l'hôpital, ni aux urgences mais bien à l'infirmerie de Royal. Mais, il semblait donc que la politique avait drôlement changée depuis mon époque. Qui ne remontait pas pourtant à si longtemps que ça. Quelques années tout au plus. Quoique... a partir du moment où j'avais été capable de m'occuper de moi-même, je n'y avais plus remis les pieds. J'avais toujours été plutôt indépendant dans ma vie. Et cela assez jeune. Passer mon enfance à voyager entre la Corée et l'Angleterre en était sans doute la principale raison. Watanaquoi? Je n'avais aucune idée de ce dont il était en train de parler. Je ne prêtais pas suffisamment attention aux gens pour savoir qui était cette personne supposément plus féminine. Et il fallait bien l'admettre, qu'elle soit plus féminine, ait trois yeux ou quatre bras, je m'en contrefichais. J'avais juste besoin d'aller mieux et vite. Sauf qu'il ne semblait pas le comprendre. Il me prenait pour qui? Aurais-je été quelqu'un d'autre, sans doute me serais-je sentis insulté ou offusqué. Là, on pouvait simplement dire que j'étais blasé. Ou plutôt que je n'avais pas envie de perdre d'avantage de temps avec lui. Je n'étais pas du genre à aimer m'expliquer ou à raconter ma vie en détail. Je partais du principe que quand je disais quelque chose, cela devait être pris pour monnaie comptant. Sauf que cela ne marchait pas à tous les coups. Shooter... sécher les cours... il me prenait vraiment pour un étudiant. J'haussais un sourcil et penchais la tête sur le côté. J'étais rarement surpris mais, là, j'avais du mal à ne pas l'être. J'étais tout sauf un étudiant. Est-ce que je devais bien le prendre? J'imagine que je devais sembler être jeune. Mais, même comme ça... Peut-être aurait-il mieux fallut que je vienne en costard cravate complet plutôt que d'opter pour une tenue un tout petit peu plus décontractée. Je passerais moins pour un étudiant et peut-être d'avantage pour un professeur. Aucune idée. Dans tous les cas je n'allais pas immédiatement faire un allez-retour avec chez moi pour changer de tenue.
-"Je ne comprend rien à ce que vous dîtes et je n'ai aucune idée de qui est cette Mademoiselle Wataquelque chose. Et comme vous le dîtes, si ça continue je ne vais pas être capable d'assurer mes cours."
Je détestais les personnes qui jugeaient uniquement sur l'apparence. Je les avais en horreur. C'était aussi une des raisons pour lesquelles j'étais devenu psychiatre. Parce que je savais pertinemment que l'être humain ne se résumait pas à son apparence. Il y avait beaucoup plus que cela. Et je détestais aussi avoir à décliner mon identité. Théoriquement, un infirmier ou un médecin devait apporter son aide à tous quelque soit la raison, l'âge ou le sexe. Commencer par remettre en question les paroles du patient était une erreur que beaucoup de mes collègues, médecins ou psychologues, auraient qualifiés de rédhibitoire. Et j'en faisais partit. Devoir me justifier sur mon identité ou ce que j'étais m'énervais grandement. Aurais-je été dans un meilleur état, je me serais lever et aurais appeler une ambulance ou l'un de mes collègues à l'hôpital pour lui décrire les symptômes. Sans attendre qu'il se décide, je passais de la position assise les jambes dans le vides, à assise le dos contre le mur et les jambes sur le lit. Je ne comptais pas me faire mal en cas de perte de connaissance inopinée.
-"Je suis professeur de psychologie à RPS. Quand vous aurez finit de jouer au plus malin, peut-être voudriez-vous bien me prendre au sérieux."
Je n'étais pas du genre rigolo. Ou à faire des blagues d'une quelconque nature que ce soit. En général, on me qualifiait même de terriblement sérieux et d'horriblement terre à terre. La fantaisie n'était pas un luxe pour lequel j'avais du temps à perdre. Même pas en rêve. Je trouvais déjà que les 24 heures d'une journée n'étaient pas assez longues pour contenir tout ce que j'avais à faire, alors me mettre à rêvasser, très peu pour moi. J'aimais l'efficacité, être efficient. Toute chose à sa place, chaque place a sa chose. Mes tics et mes tocs ne faisaient que rajouter au côté très carré de ma personnalité au quotidien. Surtout dans le monde du travail. Sur le plan personnel, cela restait très... complexe.
Outfit ━ Le pauvre "malade" n'avait vraiment pas de chance. Ce n'était pas mon jour. Et il arrivait après des étudiants vraiment volontaire pour sécher les cours. Et j'avais les nerfs à vif. Il ne se sentait pas bien. C'était bien le genre de phrase beaucoup trop vague que je ne supportais pas. Son attitude, du style qu'il lui était déjà tout permis dès son entrée dans mon infirmerie m'irrita tout autant. Non aujourd'hui je ne serais pas sympathique. Je serais relou. Et étant dans MON infirmerie, c'était à moi de décider comment mener les choses pas à lui. Alors ses critiques il pouvaient se les garder, sauf peut être s'il voulait que je devienne vraiment désagréable et que je le laisse souffrir là sur le lit. Les étudiants, parfois il fallait leur faire des misères pour qu'ils comprennent.
Son air hautain m'insupportait totalement. Sa façon de me répondre aussi. Il me prenait pour un incompétent. Il allait vite penser différemment. Les gens parfois... Juste parce qu'il vous voit avec une blouse blanche estiment de suite que vous êtes sensé être devin. "Je ne me sens pas bien"... Non mais j'allais lui en foutre moi des "je ne me sens pas bien"... Et lui ? Un professeur ? Non sérieusement, j'en fus énormément surpris. Je passais ma main sur mon visage. L'autre posée sur ma hanche. Je poussais un soupir. Qui en disait long non seulement sur mon agacement vis à vis de son attitude, mais aussi parce qu'il m'épuisait déjà. Il avait été sourd aussi ? Je lui avait pourtant bien demandé ce qu'il avait précisément. Il le faisait exprès ?
- "Et tu dois être sourd. Tu crois qu'en disant que tu ne te sens pas bien ça va t'aider et m'aider aussi ? Rah j'vous jure..." Il s'était installé un peu plus au milieu du lit, le dos contre le mur. Il était pâle je ne pouvais pas le nier. Et parce qu'il insistait, je l'examinais. Il allait voir un peu si j'étais un incompétent. Je pris sa tension, je l'obligeais à tourner son visage vers moi. J'étais très sérieux. Concentré. Je ne parlais pas. Mais j'agissais vite. Je saisis son bras, remontait sa manche et le touchait, toujours la mine concentrée. Hypoglycémie. Fatigue. Surmenage. Voilà ma conclusion.
- "Au vu de tes traits tirés, tu n'as pas dormi depuis plusieurs jours. Ta température corporelle est basse..." je l'auscultais complètement et déballais tout son diagnostique.
- "Palpitations, tremblements corporels. Ajoutons aussi ton étourdissement de tout à l'heure... Je parie que t'as rien mangé non plus avant de venir... Parce que tu es en hypoglycémie. Tu veux aller mieux ? Mange. Et tu pourras faire cours."
J'étais sérieux. Et je ne pouvais pas me tromper. Tout indiquait l'hypoglycémie. Si le diagnostique ne lui plaisait pas, tant pis. Je partis ranger mon matériel. J'aurais pu me remettre à ranger les boîtes de médicaments mais je le sentais... Ce type. Etudiant ou professeur peu importe. Il n'allait pas bouger de là. J'ouvris alors un placard et en sortis des snacks et des fruits frais. Je pris également un gobelet que je remplissais d'eau et lui apportais tout cela à côté de lui, une fois que tout était préparé,
- "Mange. Que t'ai faim ou pas, je veux pas le savoir. Ton seul remède, c'est tout ça. Rien d'autre. Et ce soir, je te conseille de dormir et de ne pas te surmener davantage. Tu risques de faire pire qu'une crise d'hypoglycémie, surtout si tu manges pas. "
Je m'assis sur une chaise juste à côté. Il allait manger. Je le forcerais à le faire de toute façon s'il refusais. Mais je remarquais aussi autre chose. J'en fronçais les sourcils... Il me cachait un truc. Quoi ? je ne sais pas. Il faudra bien qu'il me le dise... Il n'aura pas le choix, surtout s'il est vraiment malade.
- "... Qu'est-ce que tu ne m'as pas dit aussi ? Cette fois, c'est toi qui ferai mieux de ne pas faire le malin en me cachant des trucs. T'as intérêt à me le dire, surtout si tu veux aller mieux et aller bosser..." J'étais plus que sérieux. A ne pas me parler de ce qu'il y avait de plus important que son hypoglycémie, il allait se mettre dans la mouise tout seul. [justify]
Outfit ━ Je voyais bien qu'il ne me croyait pas. Il fallait être stupide pour ne pas le remarquer. Et j'étais loin de l'être. Il paraît même que j'étais un surdoué et une forme de génie. Cela ne devait pas vraiment sauter aux yeux. Enfin... en tout cas pas aux yeux de ce pseudo infirmier. Pseudo. Parce que je n'étais pas vraiment convaincue qu'il soit capable de faire son boulot correctement. Et j'étais quelqu'un qui accordait beaucoup d'importance au professionnalisme. Et à la politesse. Si j'avais été dans un meilleur état, je lui aurais demander de me vouvoyer. Mais, perdre de l'énergie pour quelque chose d'aussi futile me paraissait... inutile. En plus, il semblait enfin s'être décidé à s'intéresser à ce qui se passait. Je n'allais pas le couper dans son élan. Ce serait idiot de ma part. Puisque j'avais son attention, autant en profiter pour le moment. Qu'est-ce qu'il voulait que je dise de plus. Je ne me sentais pas bien, point. Rien de plus, rien de moins. Pas de douleurs aiguës, pas de vomissements ou quoi que ce soit qui saigne. Je me sentais mal. Subitement, le visage de ma mère revint dans mon esprit. Elle qui s’inquiétait en permanence pour moi, je comprenais mieux pourquoi. Parce que je ne savais pas vraiment prendre soin de moi. Et pourtant je vivais seul depuis l'âge de quatorze ans, voir même avant. Manger, dormir, tout cela me paraissait être souvent obsolète et une véritable perte de temps mais, mon corps n'était pas de cet avis. Il n'aimait pas les nuits blanches, ni même l'extensibilité de mes horaires de travail. J'étais toujours entrain de réfléchir. Hypoglycémie. Et bien , il avait enfin fait son travail. Ce n'était pas trop tôt. J'haussais un sourcil en le voyant ramener les snacks et les fruits frais. Encore d'avantage quand il s'assit à côté de moi. Je n'étais franchement pas porté sur la promiscuité physique. Voir même pas du tout. J'attrapais une pomme et la regardais attentivement avant de sortir un mouchoir et d'essuyer sa peau. J'étais assez porté sur l'hygiène. Je mordais dedans quand il recommença à parler. Je tournais la tête dans sa direction en clignant des yeux. De quoi est-ce qu'il voulait parler. Ce n'était pas comme si il y avait écrit "bipolaire" et "nourris aux pilules" sur mon front. Je finissais de mordre dans la pomme, mâchais avant de lui répondre.
-"Rien qui ne vous concerne. Cela n'a rien à voir avec ma situation actuelle.Merci pour la nourriture."
Il n'avait pas nécessairement besoin de savoir. Je ne le connaissais ni d'Adam, ni d’Ève et il n'était pas un de mes médecins habituels. Je ne lui faisais pas confiance et j'étais du genre méfiant. Mon regard dériva sur l'horloge et je me rendis compte qu'il était temps pour moi de les prendre. Je remordais dans la pomme, ma main se glissant dans la poche de mon manteau pour sortir la boîte dans laquelle je rangeais toutes mes pilules. Rapidement je les glissais dans ma main, puis dans ma bouche et les avalais à l'aide du verre d'eau qu'il m'avait servit. La pomme retrouva immédiatement le chemin de ma bouche. Je ne me sentais pas bien, mais je me sentais mieux. Comme quoi il connaissait quand même quelque chose à son métier. Simplement, je n'avais aucune envie de rester d'avantage avec cet infirmier. Je préférais retourner à mon bureau à la limite. J'avais peur qu'il ne me provoque une crise avec son caractère franchement... étrange. Et c'était moi qui disait ça. Oui, c'était l'hôpital qui se fout de la charité. Je tentais de me redresser. Mais sans aucun succès. Aucun. Bon... concrètement, le sucre n'avait pas encore fait son effet. Je me décidais à ouvrir un paquet de snacks et en mettre dans ma bouche. Je regrettais que les anciens infirmiers ne soient plus là, ceux de quand je faisais mes études. Ils me connaissaient bien.
-"Vous travaillez ici depuis longtemps? Vous avez l'air nouveau. Ou inexpérimenté."
Parce qu'il avait profondément l'air nouveau. C'était idiot non, cette impression? Dans tous les cas, il ne me semblait pas vraiment qualifié. Dur de changer une première impression pas vrai.
Outfit ━ Rien qui me concerne. Rien. J'en avais haussé un sourcil. Il me prenait vraiment pour un incompétent... Décidément. C'était ma journée. J'en laissait de nouveau ma main passer sur mon visage. Sérieusement. S'il me prenait pour un véritable incompétent, il pouvait bien parler, lui qui dit être un professeur alors qu'il a tout d'un étudiant simplement hautain semblant se croire au dessus de tout le monde. C'est juste triste qu'il soit passé après cette ribambelle d'ado flemmards, sinon, je pense que j'aurais peut être eu une attitude différente. Mais s'il attendait un effort de ma part quand lui même n'en fait aucun... Non, merci, je ne vois pas pourquoi je me montrerai plus agréable. Etre professeur ne le place pas au dessus de ma personne, loin de là. Ca nous mets juste au même niveau. Quant à mon incompétence, il ne pourra en juger vraiment que s'il me voit aux urgences, les bistouris dans les mains, mais je doute que cela finisse par arriver, à moins qu'il veuille prendre le risque ? Exaspérant. Juste exaspérant. Il me demande mon aide, mais quand je lui demande des détails, monsieur fait dans le secret.
- Ah. Bien. Comme tu veux. Après tout, c'est vrai. Qui suis-je pour poser ce genre de question. Ce n'est pas moi qui suis malade et qui ai débarqué à l'infirmerie pour avoir droit à des soins....
Hum. Trop sarcastique... Tant pis. Il l'a cherché. Je me levais de ma chaise et débarrassais au moins l'assiette qu'il avait vidée, laissant simplement les snacks qu'il commençait déjà à entamer et son verre d'eau. Je me dirigeais un peu plus loin dans la pièce, afin de ranger tout ce que j'avais sorti, et continuer au moins ce que j'étais en train de faire à son arrivée, mettant de plus en plus d'ordre dans cette infirmerie que je trouvais beaucoup trop petite pour un établissement de cette taille.
Mais le jeune homme allongé sur le lit rouvrit la bouche. Il n'aurait sans doute pas dû vu la façon dont cela n'arrangeait pas mes nerfs. Inexpérimenté. Le mot était lâché. J'en eu un léger rire amer. Agacé. Je finissais par l'être véritablement. Je lâchais un soupir et reprit ma place près du lit, croisant les bras.
- Bien. Je vais de nouveau être désagréable, mais pour quelqu'un qui dit être professeur et qui a du mal à avaler qu'on l'ait pris pour un étudiant, il me semble tout à fait mal placé de me prendre pour un gars qui n'y connaît rien en médecine. Après, si tout ici te semble mauvais, rien ne t'empêche de partir, d'aller voir quelqu'un d'autre qui te dira sûrement la même chose que moi à savoir du surmenage, et un gros manque de soin de toi-même par l'absence totale de prise de petit-déjeuner et donc de vitamines le matin, mais aussi quelque chose qui apparemment n'a pas lieu d'être évoqué bien que tu sois malade. Ou même mieux que tout cela : de te soigner toi-même.
Bizarrement j'avais lâché tout cela d'un ton très calme et très posé par rapport à ma façon de lui parler au début. J'étais à cran. Il me titillait, et ça ne m'aidait pas. Et cet abruti réveillait mes envies de fumer une clope... RAH. Je pris une profonde inspiration et de nouveau d'un ton calme je pris de nouveau la parole :
- Ceci étant, pour te répondre, saches que je suis ici depuis un peu plus d'un an, que j'ai eu tout les diplômes qu'il faut, et que si tout cela ne te suffit pas, je peux te montrer mes résultats, te laisser juger par toi-même de mon incompétence ou non ? Sinon, tu peux aussi t'arranger pour passer aux urgences, et voir si je suis un vulgaire petit interne ou bien déjà un médecin ?
Je le fixais un instant et puis attrapa le premier sachet de snacks qu'il venait de finir pour le mettre à la poubelle.
- Que je t'ai blessé en te prenant pour un étudiant... Soit. Je peux le comprendre. Mais parce que tu es professeur ne signifie pas non plus que tu es plus haut placé que moi. Il fallait que je le dise finalement semble-t-il. Je terminais de tout remettre en ordre, avant d'aller ouvrir la fenêtre à un lit d'écart de lui, pour ne pas lui filer de courant d'air, et pour pouvoir m'allumer une cigarette.
Dès la première bouffée, au moins, elle su me décrisper. Adossé à la fenêtre je prenais le temps, enfin, de savourer chaque bouffée de nicotine, expirant longuement comme pour me détendre.
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