Tenue ♔ Elle avait réfléchi plusieurs jours, une bonne semaine peut-être avant que ses pas ne la mènent finalement au pas e l’immense bâtiment. Elle inspecta pendant quelques temps l’espèce de tour qui la surplombait, où elle décelait le nom du magazine bien connu qui la possédait. Ce qui ne manqua pas de faire ressurgir quelques souvenirs, après tout, elle y avait son stage, ses compétences et son curriculum vitae ayant été plus qu’appréciés. Au final, elle avait passé une grande partie de son temps à traduire différentes nouvelles pour les uns et les autres, et à servir d’interprète parfois pour son maître de stage. Était-ce vraiment une bonne idée de revenir ici ? Elle s’était posée la question plusieurs fois en chemin mais elle était toujours incapable de décider si elle faisait une bêtise ou si elle faisait un pas de géant. Ce pouvait être les deux après tout, un pas de géant vers une bêtise énorme. De toute façon, elle ne pouvait pas faire marche arrière et outre ses motifs plus que discutables, Hye Ni avait une raison plus que légitime d’entrer dans les locaux du magazine. Un papier à faire signer, des trucs administratifs pas bien marrants mais si elle voulait faire valider sa première expérience de façon officielle, il fallait que ce soit réglé. Ses parents se fichaient sans doute pas mal qu’elle puisse un jour travailler, encore moins dans le journalisme, cependant, elle y tenait plus que toute autre chose. Alors elle avança d’un pas déterminé pour se présenter à l’accueil et se voir donner l’autorisation de retrouver la personne concernée un peu plus loin. C’était encore une zone accessible au public mais nul doute que Setsuna préfèrerait traiter tout ça dans son bureau, pour elle, ce n’était plus un secret d’État de toute manière. Elle attendit sagement avant de voir surgir le journaliste à toute vitesse et esquissa naturellement un sourire ravi en le voyant. Ils avaient passé de bons moments durant le stage et c’était lui qui avait renforcé son affinité pour le métier plus que pour l’interprétariat. Si plus tard les politiques se plaignaient d’être persécutés par la jeune femme, ce serait sa faute. « Salut ! Désolée de te déranger. C’est juste de la paperasse pour l’administration de la fac à propos du stage. Tu as le temps ? ». Etre journaliste pouvait parfois être très prenant et nécessitait parfois beaucoup d’heures de travail sans coupure. Ou alors peut-être allait-il saisir l’occasion pour utiliser ses atouts linguistiques pour une affaire, ça ne l’étonnerait pas et elle le ferait avec plaisir.

Tenue ♕ La flemme est sûrement le pire ennemi d'un journaliste, mais comment se motiver à quitter son siège confortable pour remplir une tasse d'un café fumant au succulent parfum ? Franchement, je ne vois pas. Ma tasse ne s'est pas remplisse seule malgré mes nombreux regards dans sa direction, comme si elle allait filer à la machine d'un coup de baguette magique. évidement, personne ne vient dans mon bureau pour une quelconque affaire... Je ne me suis jamais senti aussi seul et lasse de toute ma vie, m'appuyant sur mon fauteuil à roulette jusqu'à le faire tourner sur lui-même, voyant la pièce tourner doucement. Je m'ennuie en vérité. J'ai pleins de truc à écrire, des questions à répondre, mais personne à interroger et c'est ça qui fait que mes journées sont au top. Pas de Haru non plus, ce qui me déçoit le plus. Je ne peux pas le déranger toute les deux minutes, puis il y a un dicton qui dit « fuis-le et il te suit, suis-le et il te fuit ». Bon, je ne le fuis pas, je lui laisse juste de l'air pour respirer, sinon il va vraiment me fuir. Bref, ma tasse est toujours vide et y a personne à l'horizon. Prenant mon courage à deux mains, je saute de ma chaise en motivant moi-même, prenant ma tasse avec moi avant de quitter mon bureau et me précipiter dans la partie commune, où tout le monde circule, la ferme intention d'aller rincer et remplir ma tasse. Je n'aurais pas cru me faire arrêter en cours de route, surtout pas par une stagiaire à laquelle je ne m'attendais pas à la voir ici de si tôt. « Hye Ni, salut ! Tu ne me déranges pas, tu le sais bien. De la paperasse ? » J'aurai espéré qu'elle vienne avec une requête plus palpitante, mais faut croire que ma journée est vouée à être longue et plate. « J'allais justement me faire un café, tu veux boire quelque chose ? » Elle va en avoir besoin s'il faut remplir des papiers, le truc qui ne me passionne pas du tout. « Tu tombes à pique, je commençais à m'ennuyer dans mon bureau. Mon ordinateur n'est pas très bavard. » Plaisantais-je. « Je ne t'ai même pas demandé si tu allais bien ! Tu t'en sors dans tes études ? » J'ai même du temps pour parler, si ce n'est pas magnifique. Hye Ni a vraiment choisi le bon moment pour venir.

Tenue ♔ Oh non, Hye Ni n’était pas fière d’elle en se pointant comme une fleur au travail de Setsuna. Elle avait beau avoir une excellente raison de s’y rendre, il était clair que ce n’était pas sa motivation principale. En vérité, elle aurait pu se contenter de le faire envoyer par la poste, même si professionnellement parlant, c’était mieux de s’y rendre en personne, conseil de la responsable des stages. Histoire de maintenir le contact pour trouver du travail plus tard, comme pour entretenir l’illusion que les étudiants aisés de la Royal n’avait pas un poste offert sur un plateau à la fin de leurs études. Quelle hypocrisie. Et le délai était généreux, elle aurait pu revenir bien plus tard, elle n’aurait pas été pénalisée, elle aurait pu attendre les vacances par exemple. Mais non, elle s’était obstinée à rendre visite au journaliste ce jour précis, parce qu’elle avait une idée derrière la tête et qu’elle ne savait pas comment lui en parler, ou si elle allait pouvoir se retenir d’en parler justement. Un sourire amusé prit place sur son fin visage quand elle aperçut l’intéressé, son inséparable tasse en mains, symbole du rituel bien connu du café, un rituel qu’elle avait partagé pendant plusieurs semaines. « On ne sait jamais. La première dame pourrait avoir des vêtements contrefaits et tu ne saurais plus où donner de la tête pour raconter cette histoire juteuse, le taquina-t-elle d’un air espiègle, c’est ça. Des papiers pour faire valider le stage. ». Elle ne s’était pas vraiment penchée sur lesdits papiers mais elle savait qu’elle avait besoin qu’il les remplisse, histoire de valider ses crédits. Son rapport de stage et la convention ne devaient sans doute pas être suffisants pour les joies de la bureaucratie, peu étonnant qu’à ce rythme des forêts soient décimées à cause de tous ces papiers. « Je prendrais bien un thé à la menthe si y’a. Sinon un cappuccino fera l’affaire. ». Tout dépendait s’il se rendait à la machine ou à la cafétéria, la diversité de choix n’était pas la même, mais elle ne ferait pas sa difficile. « Oh. Alors le grand Setsuna peine à trouve de bons filons pour ses histoires ? Je ne sais pas comment je vais pouvoir me divertir si je ne peux pas lire de bons articles. ». Depuis son passage dans les lieux, Hye Ni avait développé un certain attrait pour le style et le contenu que proposait Setsuna et suivait quotidiennement les derniers écrits de ce dernier. Ne serait-ce que pour voir comment il traitait les sujets, de la veille concurrentielle comme elle l’appelait, pas du tout pour connaître les ragots qu’il relayait et en rire voyons, un peu de sérieux. « Ça va bien. Parfois je peine encore avec le japonais, genre je peux à peu près tenir une conversation mais pour les aspects techniques des cours, c’est pas encore ça. ». Sinon elle n’aurait pas eu besoin de l’aide d’Emon qui ne lui avait plus donné de nouvelles depuis. Ce qui était fort dommage étant donné les révélations dont elle avait eu vent dernièrement. « Dis-moi. Est-ce que par hasard tu aurais suffisamment de temps pour me montrer deux-trois trucs ? ». Eh non, elle n’avait pas résisté, la tentation avait été plus forte.

Tenue ♕ La visite de Hye Ni est loin de me déranger, au contraire, je suis même content de la voir ici après qu'elle soit parti à la fin de son dernier stage. Revoir mes stagiaires ne peut que me faire plaisir, qu'importe si ceux-ci se sont plu ou non à partager mon métier avec moi. Hye Ni a été très réceptive et intéressante durant sa période de stage, je ne peux qu'être fier d'elle et lui souhaiter un bon parcours. évidement, je suis étonné de la revoir ici maintenant, ne m'attendant pas à ce qu'elle se pointe de si tôt. Ma tasse de café vide m'a guidé dans sa direction comme par hasard, l'accueillant avec un sourire rayonnant et des paroles chaleureuses, tel des amis. Une dame aux vêtements contrefaits ? Je ris, ne voyant pas quelle dame pourrait autant m'intéresser, puis ce n'est pas mon genre de critiquer. « Tu crois que je devrais interroger son pressing ? » Plaisantais-je. Des papiers, la joie des journalistes. Bien que je ne sois pas un grand passionné de la paperasse, je m'occuperai sans soucis de ceux-là si ça peut aider la demoiselle. Après tout, elle a été une très bonne stagiaire et je ne regrette pas d'avoir signé ce contrat avec elle. Un thé à la menthe ? C'est comme si c'était fait ! Autant se rendre à la cafétéria, au moins il y a plus d'espace que la salle de pause, là où est implanté la machine à café. Ce n'est pas que je n'aime cette pièce, mais je la trouve trop ... Banal ? Peu intime aussi, même si se mélanger à mes collègues ne me déplaît pas le moins du monde. « Le grand Setsuna est trop gourmand, il épuise son stock de ragot à une vitesse folle. » Les histoires, il y en a partout, mais faut surtout les dégoter et les exploiter. Difficile de faire quoi que ce soit dans un bureau ou dans ce bâtiment, je me sens comme un lion en cage ici. Autant dire que Hye Ni m'apporte une touche de lumière dans cet endroit sombre, une touche de couleur et d'amusant perceptible au premier coup d'oeil. D'un signe de la main je lui indique de me suivre vers l'ascenseur, pour se rendre un étage en dessous à la cafétéria de la boite. L'agence se répand sur plusieurs étages, mais il n'y a pas seulement des bureaux comme le mien. En route j'interroge l'étudiante, prenant ainsi des nouvelles sur les possibles changements dans sa vie. « Je croyais qu'ils avaient les meilleurs professeurs à Royal ? » Je ne connais pas tout le monde dans cette école, puisque je n'ai été diplômé que de ma section. Hye Ni doit partager le même genre de cours que j'avais en étant élève, des leçons généralisées sur le pays, la langue, sûrement des mathématiques ou de la philosophie, ce genre de chose qui n'ont pas vraiment de rapport avec notre parcours. Du temps ? « Tu as de la chance, c'est ma journée presque libre ! En quoi puis-je t'aider ? » Demandais-je, les portes de l'ascenseur s'ouvrant sur une salle plus large et plus spacieuse, avec des tables et des chaises jusqu'au fond. Dans un coin il y avait une sorte de comptoir où les employés commandaient leurs boissons et où était exposé différentes sortes de nourriture, au cas où. « Tu n'es pas réellement venu pour ta paperasse, n'est-ce pas ? » Ce n'est qu'une déduction, à la façon dont elle m'a posé la question, je suppose que les papiers sont une excuse pour venir me voir sans avoir les mains vides.

Tenue ♔ Ces lieux l’apaisaient d’une certaine manière, ils lui rappelaient une époque agréable, sans réelle prise de tête, sinon celle de travailler correctement. Et faire du bon travail n’avait jamais été un problème pour Hye Ni, elle était débrouillarde, consciencieuse et plutôt intelligente. Elle avait beau n’avoir jamais eu de contact avec le journalisme auparavant, elle avait rapidement trouvé ses marques, grâce à son maître de stage compréhensif, parfois amusé, et en était sortie plus forte et plus déterminée quant à son avenir. Elle savait que c’était quelque chose qu’elle pouvait maîtriser, contrairement à certaines choses moins réjouissantes, des choses qui avaient conduit ses pas jusqu’ici plus tôt qu’elle ne l’aurait imaginé. Ça la démangeait, elle essayait de réfréner cette idée, mais elle n’y arrivait pas. L’absence d’Emon ne faisait qu’empirer les choses, elle avait tenté de se raisonner en se disant qu’en savoir plus sur cette fille ne changerait rien, la curiosité, et l’envie de vengeance, était plus forte. Ce qui ne l’empêchait pas de plaisanter un peu avec Setsuna au préalable. « Je crois que ça peut être une bonne source. Surtout si tu mentionnes leur nom dans l’article, ils vont adorer la publicité. ». Ce n’étaient pas eux qui faisaient les vêtements contrefaits, ils ne faisaient que les laver et si bien, qu’on aurait cru des habits de marque authentiques, c’était la gloire assurée. L’étudiante suivit le journaliste vers la cafétéria, cela lui convenait, ils seraient plus tranquilles pour discuter. Elle ne put retenir un nouveau sourire suite à la réflexion de son interlocuteur sur les misères du « grand Setsuna ». « Je vois, je vois. Tu n’as pas réussi à t’imposer un rythme comme je te l’avais sagement recommandé ? Les lecteurs vont se lamenter dis donc. ». Elle y compris. Quoi de mieux que de bonnes histoires saugrenues pour se divertir ? Elle n’en avait peut-être pas l’air, mais Hye Ni aimait se divertir à base de bons ragots par moments, ce n’était pas pour rien que Gossip Girl demeurait sa série préférée, envers et contre tout. Enfin, encore fallait-il qu’elle saisisse parfaitement tous les kanjis de chaque article et cela restait sa grande faiblesse. « Peut-être… Mais ils ne perdent pas leur temps à enseigner les bases du japonais aux étrangers. On doit se débrouiller. », soupira-t-elle en haussant les épaules. Désormais, elle se débrouillait assez bien, surtout à l’oral, l’écrit comprenant des nuances qui lui échappait encore. Parfois, elle réussissait à tenir une conversation sans insérer d’anglais ou de coréen et elle n’en était pas peu fière. Une fois hors de l’ascenseur, ils se dirigèrent vers la fameuse cafétéria, où Setsuna ne tarda pas à démasquer ses véritables intentions. Etait-elle si facile à déchiffrer ? Pour un professionnel comme lui, sans doute, c’était bien pour ça qu’elle venait le voir. « Je vois que tu es toujours aussi perspicace. Je vais t’expliquer. ». Ça l’ennuyait un peu de constater qu’il ait deviné à l’avance mais peu importait, il n’allait pas la juger pour demander des conseils pratiques, si ? Son thé à la menthe en mains, Hye Ni repéra une table un peu en retrait, où des oreilles indiscrètes ne risquaient pas de les surprendre, et s’y assit, en attendant le journaliste. Elle avait beau essayer de répéter diverses façons de lui présenter la chose, rien ne semblait convenir. Tant pis. « J’aurais besoin d’informations. Sur une personne. Je ne connais pas son nom. Je cerne juste à peu près son apparence, ses fréquentations. Aurais-tu un tuyau pour que je puisse trouver des choses sur elle ? ». Pas besoin de préciser de suite qu’il s’agissait d’une connasse qui avait eu le culot de flirter avec son fiancé. Non, il n’avait pas besoin de la qualifier d’hystérique jalouse tout de suite, elle avait bien le droit de boire quelques gorgées de son thé avant ça.

Tenue ♕ « Tu es diablesse, Son Hye Ni ! » Riais-je à son commentaire sur la publicité et l'affichage des noms. En dehors de la personne interviewer, j'ai toujours craint de mentionner des noms, à moins d'avoir l'accord des intéressés. Certains journalistes s'en fichent complètement des accords, à croire qu'ils sont au-dessus des lois ou qu'ils se prennent pour des messagers de dieu. La cafétéria est l'endroit parfait pour discuter, quant aux papiers, on verra ça plus tard une fois dans mon bureau. Là, je l'invite à boire quelque chose avec moi durant ma pause, même si je peux faire des arrêts quand bon me semble et autant de temps que je le souhaite. Parler de moi à la troisième personne me donne moins l'impression de me plaindre, bien que ce ne soit pas vraiment le cas. « Tu me connais, mon emploi du temps et moi, nous sommes un peu fâché. » Je lui fais un clin d'oeil et un sourire en coin. Que ce soit ici ou chez moi, je passe le plus clair de mes journées à travailler sur mes articles ou sur les questions que je pourrais poser à mes prochains clients, je cherche même les potentiels intervenants à bombarder d'interrogation. Parfois cela me poursuit quand je dors, mais comme on dit si bien, la nuit porte conseil. « Je trouverais toujours quelque chose à donner à mes lecteurs et mes lectrices. » Ne pas oublier les femmes, elles sont majoritaires. Les enseignants ont sûrement d'autres choses à faire que reprendre des cours de primaire, même si ce n'est pas très sympathique à dire. Les étrangers doivent se débrouiller seuls, comparé aux Japonais qui ont appris dès les premières classes. « Si jamais tu as besoin d'aide, je pourrai te faire cours. » Après tout, j'ai longuement étudier ce domaine des lettres et des langues, avant de devenir journaliste. Le truc bien avec moi, c'est que j'ai appris l'anglais et le parle aussi bien qu'un homme de Londres ou des états-unis. Par contre, je ne peux pas en dire autant du Coréen. Arrivé à la cafétéria, je questionne Hye Ni sur la raison de sa venue qui, à mes yeux, ne porte pas seulement sur ses documents à faire signer. En vérité, elle m'a mit la puce à l'oreille quelques secondes plus tôt. « Disons que je comprends vite. » ça revient au même, mais soit. Commandant un café bien sucré, je suis mon ancienne stagiaire vers l'une des tables et tire une chaise pour m'asseoir. « Tu sais que je ne fais pas dans la filature ? » Normalement. « Tu dis que tu cernes ses fréquentations ? Commence par ça. » Dis-je en remuant mon café, les yeux parfois dans ma tasse, parfois sur elle. « Dans ce genre d'affaire, les gens préfèrent engager des enquêteurs ou des détectives privées. En vérité, ce sont des personnes payés pour suivre la personne et l'espionner quasiment h24. » Ce que je n'apprécie pas beaucoup, puisque ça reste une atteinte à la vie privée. Je préfère me pointer devant la personne elle-même et cueillir moi-même mes informations. « Je te conseille de te faire passer pour une potentielle amie de cette personne et d'interroger ses fréquentations comme si elles pourraient t'aider à te rapprocher d'elle. » Ce qui n'est pas différent niveau atteinte à la vie privée, mais au moins tu es entièrement responsable de tes décisions et des conséquences.

Tenue ♔ Si Setsuna avait appris quelque chose à Hye Ni, c’était que les journalistes devaient user de nombreux moyens et stratagèmes pour obtenir les informations qu’ils souhaitaient. Si on voulait obtenir les données les plus précises possibles, il ne fallait pas uniquement se contenter de ce que les attachés en communication leur délivraient, non, il fallait creuser et pour cela, il fallait faire travailler son cerveau et chercher des sources annexes. Appliquer ces procédés pour décrocher des potins sur les stars ou autres personnalités publiques pouvait paraître méprisable, néanmoins, c’était avec lui qu’elle avait appris à faire ses armes et à ne jamais lâcher l’affaire. Ce qui expliquait qu’elle n’avait pas baissé les bras, en plus du motif bien déterminant qui l’animait, en ce qui concernait cette fille. Elle comptait bien savoir qui elle était, d’où elle venait et tout ce qu’elle pourrait utiliser contre elle. C’était le cœur d’Emon qui était en jeu, ce n’était pas anodin. Et la monotonie de l’emploi du temps de Setsuna convaincrait sans doute plus aisément ce dernier à lui accorder un peu de temps pour faire marcher ses affaires. Surtout s’il pouvait lui enseigner quelques bonnes expressions japonaises au passage. « Avec plaisir. Trouver un bon professeur n’est pas chose aisée, surtout avec des étudiants débordés. ». Peu avaient du temps à lui accorder et elle ne pourrait pas toujours abuser de la générosité de son fiancé, quand bien même cela rendait les leçons bien plus agréables et les mots plus faciles à retenir. Un professionnel comme Setsuna pourrait assurément lui servir, surtout pour saisir les nuances du jargon journalistique. Pour l’heure, elle avait surtout besoin d’avoir ses astuces d’enquête sur les gens. Elle haussa les épaules à sa question, elle ne l’avait vu que quelques semaines, pas de quoi savoir s’il lui arriver de pister des gens de la sorte. Peut-être l’avait-il fait par le passé, en tant que pigiste par exemple ? Elle tiqua suite à son premier conseil : elle ne pouvait pas aller les espionner elle et Emon, c’était trop. Enfin. Quoique. Ce serait un bon début et elle pourrait cerner les choses de ses propres yeux, elle verrait enfin à quoi ressemblait cette traînée. Elle sortit rapidement un petit calepin sur lequel elle annota les conseils du professionnel, en coréen évidemment. Un enquêteur ? Ce pouvait être une bonne idée, elle avait les moyens nécessaires pour en engager un, son milieu aidant. Ses parents ne se préoccupaient pas vraiment de la façon dont elle dépensait leur argent, elle était même prête à parier qu’ils approuveraient son initiative s’ils savaient. Mais elle ne leur ferait pas ce plaisir. Elle fit la moue suite au dernier conseil, pas moyen qu’elle fasse croire à Emon qu’elles étaient amies, c’était impensable. « Je pense que je vais m’en tenir aux deux premières astuces. Je peux pas vraiment faire croire que je suis son « amie ». Je sais juste qu’elle fréquente mon fiancé. Si tu vois ce que je veux dire… ». Elle pouvait bien être honnête avec lui après tout ce qu’il venait de lui apprendre et, malgré les apparences, Setsuna n’était pas vraiment du genre commère. Elle n’avait pas à craindre de se retrouver sur la une de son numéro, même en cas désespéré absolu. Elle entoura sa tasse de ses mains, à la fois pensive et attristée par la situation. « C’est un ami qui m’en a parlé. Je pense que ça fait un moment que ça dure… Je sais que c’est une union arrangée, mais ça ne l’empêchait pas d’être honnête avec moi, n'est-ce pas ? ». Surtout qu’ils s’entendaient bien, qu’ils s’étaient rapprochés au fil des mois et qu’elle pensait qu’ils auraient réellement pu construire autre chose au-delà de l’entente entre leurs parents. Mais de toute façon, elle s’était bercée d’illusions depuis le début et elle comptait bien le faire payer à cette garce.

Tenue ♕ J'ai appris beaucoup de chose à Hye Ni durant ses stages, surtout de ne pas lâcher l'affaire quoi qu'il se passe, mais je lui ai aussi enseigné le respect des autres et la bonne fonction d'un véritable journaliste. Nous ne sommes pas des paparazzi qui vendrait père et mère pour une information juteuse et dévalorisante pour la personne. Je déteste ça, lancer des rumeurs absurdes et faire atteinte à la vie privée de quelqu'un qui n'a rien demandé. Si ça en vaut la peine, faut insister, mais si c'est pour détruire une vie ou une carrière, autant s'abstenir. C'est bien pour cette raison que j'aime avoir des jeunes comme stagiaire, pour leur apprendre à être des bons journalistes qui se respectent eux-mêmes et donnent confiance à n'importe qui, même le plus bourru de tous. C'est ainsi que j'obtiens mes articles, en étant franc, sincère et en divulguant que la stricte vérité, celle qu'approuve mon interlocuteur. S'il refuse que je dise quoi que ce soit, je ne le fais pas. Bref, j'ai déjà mis Hye Ni au courant et je l'ai prévenu que parfois l'abandon est plus judicieux que la témérité. Il n'empêche que je ne dis jamais non pour aider l'étudiante, que ce soit pour lui donner des conseils ou des cours, tant que c'est dans mes moyens. Hye Ni n'est pas seulement venu pour parler cours, Japonais ou rapport de stage. J'ai dû le sentir dès le début, mais lancer le sujet de but en blanc n'est pas dans mes habitudes. Je préfère l'inviter à boire à la cafétéria de l'agence, préparer le terrain avant de rentrer dans le vif du sujet. C'est difficile d'expliquer certaines choses, difficile de ne pas lancer la demoiselle sur des mauvaises pistes. Parce qu'il y a journaliste et journaliste. Il y a ceux qui, comme moi, ne veulent pas créer d'histoire. Et ceux qui en ont rien à faire tant que ça rapporte de l'argent. L'argent n'est pas ma motivation, donc c'est vite réglé. « Douterais-tu de ton fiancé ? Ou serais-tu jalouse de cette fille ? » Questionnais-je, sans vouloir l'offusquer. à voir sa tête, elle n'aime pas cette fille trop proche de son fiancé et je peux le comprendre, même sans le vivre. « Oublions cette idée. Il te reste donc l'option d'un enquêteur ou d'enquêter par toi-même dans son entourage. » C'est ce que je fais en règle générale, m'occuper moi-même de mes affaires pour être sûr de ne rien rater. Les histoires de coeur, ce n'est pas trop mon délire. J'en ai tellement entendu jusqu'à aujourd'hui que je ne saurais dire si c'est enviable ou non, d'être amoureux ou fiancé. « Si tu penses qu'il pourrait être honnête avec toi, interroge-le directement. Parfois c'est le mieux à faire, ne pas tourner autour du pot et en venir droit au but. Si tu vois qu'il n'est pas sincère avec toi ou qu'il te cache des choses, alors trouve une autre solution. » User de stratagème peut ternir ou briser des liens, et je suis sûr que ce n'est pas ce qu'elle veut. « Que ferais-tu s'il s'avère que ton fiancé a vraiment une liaison avec elle ? Tuer n'est pas pardonné par la loi. » Plaisantais-je malgré le sérieux de notre conversation.

Tenue ♔ Elle n’en avait parlé à personne, pas depuis que Gareki avait eu l’honnêteté de lui annoncer la nouvelle. Elle avait refusé d’y croire, elle ne pensait pas qu’Emon pourrait sympathiser avec une autre fille, qu’il s’intéresserait à quelqu’un d’autre, pas tant qu’ils étaient fiancés. Et surtout pas dans son dos. Elle pensait qu’il serait au moins honnête sur ce plan, ils étaient bons amis après tout. Elle espérait qu’il aurait au moins eu la décence de se confier à elle, ne serait-ce que pour ne pas lui donner de faux espoirs, car c’était ce qui s’était passé. Malgré cela, elle n’arrivait pas à lui en vouloir, non, c’était trop douloureux, elle préférait rejeter la faute sur l’autre. Cette fille. Cette traînée. Ce devait être elle qui avait commencé à tourner autour de lui, qui avait dû profiter de sa gentillesse et qui faisait que les gens se faisaient de fausses idées. Jamais il ne la blesserait de la sorte. Cependant, elle ne pouvait pas laisser cette tumeur se propager, elle devait connaître son ennemie et l’éradiquer pour de bon. Elle ne laisserait aucun obstacle se dresser entre elle et son fiancé, c’était un fait, elle allait se battre jusqu’au bout. « Je ne sais pas quoi penser. Je sais de source sûre qu’il est proche d’elle. Et je déteste ça… ». Ils n’étaient pas officiellement ensemble, elle le comprenait, Setsuna ne pouvait pas le deviner mais tout de même. Il ne pouvait pas la mettre dans ce genre de situation et espérer qu’elle approuver avec le sourire, n’est-ce pas ? Elle haussa les épaules : être sincère ? L’avait-il seulement été ? Non, il ne lui avait pas juré fidélité et qu’elle était l’unique femme de sa vie, mais un non-dit n’était pas vraiment mieux, pas dans ces circonstances. S’il ne lui avait pas parlé de cette fille, pourquoi serait-il franc si elle lui en parlait ? Mieux valait abandonner cette idée. « Je ne pense pas qu’il sera honnête. S’il ne m’en parle pas de lui-même, je ne peux pas espérer avoir une vraie réponse sans détour. Je préfère découvrir la vérité par mes propres moyens. ». De toute manière, elle ne le croirait pas. Elle n’était pas assez idiote pour croire Emon sans doute, plus maintenant. Elle refusait de se retrouver dans la même situation que sa sœur aînée, elle ferait tout pour l’éviter et ce, peu importe les conséquences. Hye Ni lâcha un petit rire crispé à l’écoute de la dernière phrase du journaliste. L’idée était tentante mais elle n’irait pas jusque-là. En théorie. « Je sais bien, soupira-t-elle, à vrai dire, je n’y ai pas encore réfléchi. Mais je pense la confronter directement et lui dire d’aller faire son marché ailleurs. ». Lui laisser Emon n’était pas une possibilité, hors de question. Quitte à jouer dans la boue, elle défendrait son bien bec et ongles. « J’espère que je ne t’ennuie pas trop avec mon drama personnel. Je ne veux pas trop me la jouer « pauvre petite fille riche ». Tu ne vas pas me haïr ou écrire un édito sur moi hein ? ».  Elle venait chercher des conseils après tout, pas une épaule sur laquelle pleurer. Même si se confier à quelqu’un sans filtre pouvait faire du bien également.

Tenue ♕ Les histoires d'amour sont une plaie. Je n'ai jamais eu le temps d'être amoureux de qui que ce soit dans ma vie, les études et mon boulot étaient mes seuls occupations qui prenait toute la place sur mon emploi du temps. Quand j'entends les paroles de ma stagiaire, je me considère plutôt chanceux de n'avoir jamais connu ça. Trahison, perte, coeur brisé. Na, ce n'est pas pour moi. « Source sûre ? Qui donc ? » Je lui demanderai presque un nom et une photo pour décliner l'identité de la source sûre. Si elle possède telle chose, elle devrait s'en servir. L'honnêteté est une autre chose, il n'y a pas dans ce monde des gens à cent pour cent honnête. On a tous une part de secret en nous, un peu comme son fiancé. Pourquoi n'a-t-il rien dit ? Pourquoi cache-t-il sa relation avec l'autre fille ? à la place de Hye Ni, j'aurai cherché ces informations-là en premier lieu. Après, je tenterai de comprendre qui est la voleuse d'homme et ce qui les relie précisément. Mais je ne suis pas Hye Ni et ma curiosité est différente de la sienne. « Tu es compliqué en négociation. » Mes idées ne lui conviennent pas, jusqu'à présent. Parler directement à l'intéressé, interroger son entourage, chopper la fille. Bref, rien ne semble plaire à Hye Ni. Après, y a des solutions moins raisonnables, plus violentes, mais je n'aime pas trop procéder de manière barbare. Si je peux aider la demoiselle, ce sera avec la face pacifique du journalisme, pas le côté paparazzi envahisseur et traqueur sur les bords. Une confrontation directe, en face à face. Hochement doucement la tête, je me gratte le menton de mon index et mon pouce. « C'est sûrement la meilleure idée énoncée jusqu'à présent. » Elle ne doit pas se laisser faire par une autre, si elle estime que c'est son homme, c'est son homme à elle et à personne d'autre. Son drama ? Je ris franchement à ses paroles. à dire vrai, je trouve la situation plutôt amusante et intéressante, mais je ne peux pas l'avouer comme ça à l'étudiante. « Oh non t'inquiète pas, je garderais cette histoire pour moi. » Fis-je, tapotant ma tempe comme pour indiquer le mémo à l'intérieur. « En fait, tu m'amuses. Je ne souhaite pas ce qu'il t'arrive, mais je trouve cela divertissant pour un journaliste qui cours sans arrêt après des informations. » Je lui fais un clin d'oeil, buvant une gorgée de ma boisson. « Même si ton fiancé était une idole, je n'interférerais jamais dans votre histoire. » Après tout, ce n'est pas mon rôle. « Par contre s'il m'accordait un interview, je ne dirais pas non. » ça, c'est moi.

Tenue ♔ L’idée avait tourné dans sa petite tête durant des semaines, avant qu’elle se décide à agir. Ce n’était pas une situation commode ou facile à gérer, non, elle avait connu des problèmes bien plus aisés. Et ce, malgré ses difficultés linguistiques mais en ce moment, elle donnerait n’importe quoi pour troquer cette affaire sordide contre des dizaines d’exercice de traduction. Alors qu’elle détestait cela. Elle n’espérait pas tant que Setsuna comprenne ou même qu’il cautionne son comportement, non, elle n’était pas venue chercher l’approbation de son mentor. Seulement des conseils avisés pour ne pas s’y prendre comme un manche et paraître ridicule plus que nécessaire. Sans doute était-elle venue à lui également pour trouver une oreille attentive à qui s’adresser, sans que cela ait la moindre répercussion sur sa vie à la faculté. Nul besoin que tout ceci s’ébruite dans les couloirs de la Royal, il y avait bien assez de drama dans ces lieux sans qu’elle ajoute son grain de sel, quand bien même ça concernait son fiancé. « Un ami. Quelqu’un que je connais depuis des années et qui ne m’aurait pas fait de sale coup en racontant des absurdités. ». Parfois, elle aurait préféré que ce soit le cas, malgré son attachement pour Gareki. Elle aurait tant souhaité qu’il se soit trompé, qu’il ait mal vu, mais il avait l’air certain de ce qu’il avançait. Il lui fallait par elle-même ce qui se tramait exactement, avant de devenir la risée de tous. Et d’avoir à faire une scène de jalousie auprès d’Emon devant des yeux curieux. Compliquée ? Elle en était bien consciente, le monde dans lequel elle vivait n’avait rien de simple, tout était réalisé à base de sourires faux, de négociations polies mais sèches et de mensonges également. Elle ne pouvait pas gérer ses affaires simplement avec un tel contexte, il fallait qu’elle s’y prenne soigneusement, sinon elle n’aurait pas à faire appel à lui. Et puis ça pourrait lui apprendre les ficelles du métier pour plus tard. Non, certainement pas en fait. « Je te remercie pour le compliment. Mais pour ça, je dois savoir à qui j’ai affaire. Connais-toi et connais ton ennemie comme dit le dicton. ». Elle ne pouvait pas se permettre d’y aller à l’aveugle, juste après l’avoir surprise de ses propres yeux avec son fiancé. Elle devait être prête, Hye Ni ne prenait aucune chose à la légère, pas même une simple joute verbale ou un petit règlement de comptes. Elle arqua un sourcil à l’écoute des propos de son interlocuteur : divertissant ? Eh bien, ce serait au moins un bon point pour l’un d’eux, c’était déjà ça. Au moins, elle ne l’ennuyait pas alors peut-être ne la mettrait-il pas dehors tout de suite. « Tant mieux alors si tu te réjouis de mon malheur, dit-elle en roulant des yeux, avec un petit air amusé cela dit, du moment que tu gardes ta bouche scellée, ça me va. Qui sait, peut-être que ça te donnera des idées pour dégoter ton prochain scoop ? ». Si jamais elle apercevait une histoire similaire dans le magazine, elle saurait où il avait trouvé son inspiration. Elle lâcha un petit rire nerveux en finissant sa boisson. Emon, une idole ? Certainement pas. « Non, désolée pour toi. C’est plus le genre à étudier l’économie pour reprendre l’entreprise familiale. Rien de bien exaltant. ».  Cela pouvait l’être si on apprenait qu’il était un riche héritier d’une compagnie reconnue, mais mieux valait taire ce détail. Même si ça restait moins intéressant que l’aventure du dernier groupe à la mode. « Et toi ? Pitié, dis-moi que ta vie sentimentale est moins désastreuse que la mienne. ». Ils pouvaient se parler librement après tout et elle apprécierait si elle pouvait se raccrocher à autre chose que les romances de séries.

Tenue ♕ Un ami de longue date, qu'elle dit. Est-ce qu'une personne que l'on connait depuis des années est vraiment digne de confiance ? Je ne juge pas son ami, ni sa relation avec lui. Peut-être que c'est quelqu'un de franc et de sincère qui ne veut que le bien de la jeune demoiselle. De toute évidence, c'est à Hyeni de savoir si ce qu'il raconte est absurde ou pas du tout. De mon point de vue, je ne peux rien faire de plus qu'écouter et conseiller. Quoi que, mes conseils ne sont sûrement pas toujours bon à prendre. J'agis selon mes envies, selon la situation qui se présente à moi. Je décide au bon moment, du moins c'est ce que je crois. Personne ne peut décider pour nous, qu'importe ce que je pourrais lui dire de faire, c'est à elle de prendre ses décisions et de réagir comme il se doit. La jeune étudiante est dure en affaire, compliqué à aider, mais je n'ai pas pour habitude de renvoyer ceux qui viennent vers moi. Elle a besoin d'un soutien, d'une personne à qui parler de ces choses-là, et même si je ne suis pas un bon professeur, je sais écouter. Le monde dans lequel vit Hyeni est loin d'être plaisant, à base de faux semblants et d'argent, de regards critiques et de jugements. Malgré ma place dans la société et mon métier, je ne vis pas de ce côté-là et préfère largement être dans la partie modeste. Certes, certains ont tendances à me regarder de travers, à ne pas apprécier ma modestie ou mes sourires, mais ça prouve que je ne suis pas faux. Je connais mes défauts et je ne cherche pas à les masquer pour autant. à l'écouter, Hyeni me fait penser à ces personnages héroïques dans les films, ceux qui savent que la force physique ne fait pas tout pour vaincre. « Et comment comptes-tu connaître ton ennemie ? En crapahutant à droite et à gauche pour quelques informations ? » D'après ses propres paroles, j'aurai plutôt pensé à ce qu'elle se rapproche d'une manière ou d'une autre de la fille proche de son fiancé. Après, ce ne sont que mes idées farfelus. Décrire notre rencontre et notre échange comme divertissant n'est pas la meilleure chose à dire, mais je ne peux pas m'empêcher d'être honnête et de dire ce que j'en pense. « Je ne m'en réjouis pas, quand même. » Sinon je ne chercherais pas à lui fournir de l'aide. « Tu sais comment je fonctionne, jamais sans l'accord de mon client. Je ne vais pas à l'encontre des gens pour créer des histoires. » Non, ce n'est pas mon délire. Je pense avoir suffisamment d'ennemie dans cette ville pour m'en apporter des nouveaux. Quant à son fiancé, je n'irai pas vers lui, qu'importe ce qu'il est. « Un grand avenir. » Commentais-je, taisant mes questions à son sujet. Ma vie sentimentale ? Je hausse les épaules, sans perdre mon sourire. « Je n'ai pas de fiancée, si c'est ce que tu veux savoir. » Ni de copine d'ailleurs. « Je n'ai pas trop le temps avec mon boulot, et mes parents ne me forcent pas à épouser qui que ce soit. » Heureusement, je déteste que l'on me force la main. En tant que parents adoptifs, ils savent m'accorder une part de liberté, puis nous ne sommes pas différent eux et moi. Sauf qu'ils voyagent beaucoup dans divers pays, tandis que j'arpente la ville. Quant à Haru, je préfère taire cette histoire pour le moment, puisqu'elle n'est pas stable ni précise.

Tenue ♔ Elle savait bien qu’il ne fallait pas crier au loup sans preuve évidente, encore moins dans cette école. Elle savait que le mieux à faire, que la démarche la plus honnête et la plus sûre était de confronter directement la personne, de lui demander ce qu’il en était, sans détour. Mais elle ne pouvait pas se le permettre, elle ne pouvait pas compter sur la simple bonne foi de son fiancé pour se faire une idée claire et véridique de la chose. Ça la tuait de l’admettre, mais non, elle ne pouvait pas faire confiance à Emon sur ce coup-là. Pas quand elle savait ce qu’il faisait dans son dos de la sorte car elle devait se rendre à l’évidence, ce ne pouvait être que vrai. Son ami ne serait pas venu la voir dans le simple but de semer des embrouilles au sein du « couple », il avait mieux à faire et n’aurait pas perdu autant de temps à la convaincre pour si peu. En fin de compte, il était comme tous les autres, il se cachait sous des airs de faux-semblants mais mentait autant que le reste des gens de leur milieu. Il ne lui avait pas menti non, mais le simple fait de le lui cacher la blessait terriblement. Quand bien même il était contre cette union arrangée, ils avaient suffisamment sympathisé pour qu’il soit franc à son égard, pour qu’elle ne se fasse pas d’illusions et qu’il n’agisse pas dans son dos de la sorte. Avait-il seulement songé à ce qu’on dirait dans les couloirs ? Non, elle n’avait pas le choix, il fallait désamorcer la bombe tant qu’il était encore temps. « Je n’ai pas le choix. Je vais devoir le suivre. Ou le faire suivre, énonça-t-elle, tout à coup peu sûre de vouloir assister à ce spectacle écœurant, ça ne devrait pas être compliqué apparemment si n’importe qui a pu les voir. ». Il ne se cachait même pas, n’avait pas une once de honte pour ce qu’il lui faisait subir. Mais tout ce à quoi Hye Ni songeait, c’était l’impudence de cette fille, à ses griffes vicieuses qu’elle avait plantées sur son fiancé et comment elle essayait de le lui voler sans émoi. Elle devait l’éliminer pour assurer son bonheur, par tous les moyens. Une démarche peu éthique pour une future journaliste, elle le concédait. « Je n’en doute pas. Je préfère simplement te prévenir avant que tu ne te mettes à creuser inutilement. J’ai à cœur le temps que tu passes à travailler. », plaisanta-t-elle d’un ton taquin. Si elle n’était pas convaincue par son professionnalisme, jamais elle ne serait venue lui parler, elle n’était pas si inconsciente. L’étudiante savait que ce milieu était parsemé de requins et Setsuna constituait l’une des seules bouées de sauvetage qui se présentait à elle. Il n’était pas avide de scandale qui serait sur toutes les bouches, pas juste par simple intérêt financier, il avait plus de mérite que cela. Ce n’était pas une pâle copie de Royal Shit, il ne s’abaissait pas de la sorte. « On peut dire ça comme ça, approuva-t-elle en haussant les épaules, une belle cage dorée surtout, si tu veux mon avis. ». Elle avait au moins cette liberté, ne pas dépendre de l’entreprise familiale, parce qu’on s’attendait à ce qu’elle devienne une gentille femme au foyer. Dans leurs rêves. Autant dire qu’elle enviait son interlocuteur, plus libre et plus émancipé qu’elle ne l’était, une sorte d’idéal auquel elle aspirait et qu’elle comptait bien atteindre un jour. « Je vois. Pas de souci inutile et superflu. Ce doit être agréable de pouvoir faire ce que tu veux sans sentir une ombre qui plane en permanence derrière ton épaule, lâcha-t-elle en soupirant, enfin, je suppose que chaque situation a ses avantages et ses inconvénients. ». La jeune femme avait besoin d’entendre quelqu’un d’autre se plaindre, cela l’aiderait à moins culpabiliser. Elle ne voulait pas penser qu’elle était la seule à avoir des problèmes, ou pire, la seule ayant le droit d’en parler.

Tenue ♕ Hyeni s'en fait beaucoup pour cette histoire, à savoir si son fiancé est sincère ou non. D'un côté, elle pourrait croire qu'il ment et cache une vérité dure à prendre. D'un autre, elle pourrait croire qu'il est honnête, mais dans ce cas pourquoi ne pas évoquer l'existence de cette autre fille ? Je ne sais pas trop. Peut-être que ce Emon ne se sent pas responsable de ce couple formé par intérêt. Après tout, les parents ont décidés pour eux, ça ne veut pas dire que le fils veuille vraiment de la fille du couple. Les alliances entre familles fortunées et entreprises au sommet est difficile à comprendre, même moi je ne saisis pas toute la subtilité de cet univers. Mes parents ne sont pas milliardaires, ni haut placé, ils vivent de leur passion et me laisse faire de même. Passion, amour, amitié, ils ne cherchent pas à s'immiscer là-dedans. Une chance pour moi, je ne tiens pas à tout partager avec eux, voulant garder un minimum d'intimité. ça ne doit pas être évident pour les jeunes filles comme Hyeni, obligé de suivre père et mère sans quoi elle pourrait être à la rue, déshérité ou une honte. J'aime beaucoup Hyeni, et je serais triste de la voir tomber pour un homme. Elle s'embarque dans quelque chose de grand et de dangereux, pour son couple surtout. Que ferait-elle en sachant que son fiancé la trompe avec une autre ? Pourront-ils rompre ? La famille accepterait une telle chose ? Ce serait un bon sujet pour rédiger un bouquin sur le monde des bourgeois. J'imagine que les parents ont vécus la même chose en étant jeune et que, même s'ils n'ont pas été d'accord au début, font finalement la même connerie avec leur progéniture. C'est un cercle vicieux que d'avoir le pouvoir, ou d'y croire. Creuser inutilement ? ça m'arrive souvent, creuser et abandonner avant d'arriver au bout. « Tu es très attentionnée, Hye Ni. » De penser à mon travail et à l'intérêt que je porte pour celui-ci. Bafouiller les gens, les rabaisser et les soumettre à des vérités parfois mensongère n'est pas dans mes délires, même si ça peut me rapporter bien plus d'argent qu'être honnête. Une bouée de sauvetage me convient, pas besoin de devenir un requin pour entendre son nom de la bouche des autres. « C'est mieux que de n'avoir aucun confort. » Mais le mieux, c'est de choisir ce que l'on veut devenir. Une cage dorée, ça ne fait pas rêver. Une cage est déjà un poids à porter, mais qu'elle soit en or est encore plus difficile. Berné par la richesse et l’opulence, alors que c'est une voie sans porte de sortie. « C'est vrai, je me sens libre comme un oiseau. » Sans cage, qu'elle soit de fer ou d'or. « Des inconvénients ? Je peux choisir qui je veux, ce n'est pas un inconvénients. Être un bosseur est un inconvénients, vivre pour son boulot sans voir les gens autours est néfaste, mais j'adore ce que je fais. » Je ne me plains pas, je conteste simplement ce que je vis, ce que je ressens. « Je n'ai pas à rentrer dans un moule non plus, ça me rendrait trop malheureux de devoir m'arrêter à la gente féminine. » Plaisantais-je, soulevant un point parfois tabou dans ce pays -dans le monde entier-. Être attiré par un homme quand nous sommes un homme, c'est contre-dire la parole de dieu ou aller à l'encontre de la normalité. Savent-ils seulement ce qu'est la normalité ? Je ne suis pas ce genre de personne à croire qu'il faut forcément un homme et une femme pour monter une famille, ça ne veut rien dire. Être humain, c'est avant tout être égaux et libre.

Tenue ♔ Ce n’était pas son genre de se monter aussi prévenante, aussi méfiante, ni même de vouloir contrôler les gens de quelque façon que ce soit. Au contraire, elle avait toujours pensé que laisser de la liberté à quelqu’un, à lui laisser sa petite bulle d’air pour respirer était indispensable. Elle-même n’aurait pas apprécié avoir un copain hyper possessif, qui l’empêcherait de sortir ou de traîner avec ses amies. A aucun moment elle n’avait pensé devoir contrôler Emon et pourtant, il semblait qu’elle allait vite remédier à ce petit détail. Les enjeux étaient trop importants, elle ne pouvait pas courir le risque de se voir moquer de la sorte, pas devant les centaines de paires d’yeux braquées sur elle à l’école. Sans compter celles de ses parents, qui étaient sans doute les plus terribles. C’était même dans l’intérêt du jeune homme, car comment réagirait son père si cela s’ébruitait ? De ce qu’elle avait saisi, ce n’était un personnage commode, mieux valait limiter les dégâts à sa propre petite bulle, peu importait les dommages que cela causerait inévitablement sur leur relation. Heureusement qu’elle n’était pas de ces filles qui limitaient leurs rapports sociaux à leur seul amoureux, et qu’elle pouvait passer du temps avec ses amis pour se changer les idées. Et de se préoccuper de leurs propres affaires. Elle haussa les épaules d’un air innocent à la réponse de Setsuna. « Je t’en prie. Les gens n’aiment pas beaucoup les journalistes, alors si on ne se soutient même pas entre nous… ». Et pourtant il y en avait beaucoup qui étaient prêts à se tirer dans les pattes pour réussir. Mais elle n’était pas de ceux-là, sans doute parce qu’elle n’avait jamais eu à se préoccuper de réussir, car tout lui avait toujours été accordé sur un joli plateau, bien qu’elle se soit assurée d’en être digne. Beaucoup dans son milieu ne se donnaient pas cette peine.

D’un autre côté, elle enviait la situation de son confrère, certes moins confortable sous bien des aspects, mais la liberté, n’était-ce pas un bien à chérir ? Bien plus que l’argent ou les biens matériels ? C’était un problème qu’elle ne savait pas encore résoudre mais auquel elle devrait face bien assez vite, au risque de finir comme sa sœur. Mieux valait s’assurer d’avoir trouvé un travail avant, car nul doute qu’avec sa nouvelle progéniture en route, son père n’hésiterait pas à lui infliger le même sort. « Je ne suis pas certaine que ta vie sociale serait plus commode à ma place, commenta-t-elle avec sarcasme, je pense que ce serait une raison supplémentaire de te réfugier dans le travail. ». Heureusement qu’elle avait pu bénéficier de son année à l’étranger pour ne pas en faire de même. Un séjour qui lui avait permis de s’épanouir sur bien des aspects et aussi de confronter ses idées parfois fermées à d’autres manières de penser. Ce qui expliquait qu’elle ne fit qu’arquer un sourcil suite à la nouvelle intervention de son ancien tuteur. Oh. Elle était surprise certes, surtout en le voyant aborder le sujet si aisément, ce n’était pas commun au Japon. Mais c’était loin d’être le premier homme qu’elle entendait faire son « coming-out », oh non. « Oh oooooh ? Tu m’as caché des choses on dirait, dit-elle en croisant les bras, affichant soudain un air bien plus intéressé par cette conversation, j’ai toujours rêvé d’avoir un meilleur ami gay, you know. ». C’était le fantasme de beaucoup de filles et elle n’y échappait pas. Pour elle, ce n’était rien de plus qu’une affaire de goût, c’était comme si on s’évertuait à lui explique que l’ébène était franchement moche, trop sombre, trop froid et repoussant, en résultat, cela n’en demeurait pas moins sa couleur préférée sans explication rationnelle derrière. Jamais elle ne lancerait la pierre à quelqu’un pour son orientation sexuelle, jamais. « And… it’s not too difficult to handle in Tokyo ? ». Elle avait réussi à tenir la conversation uniquement en japonais jusque-là, on ne pouvait pas lui en vouloir de déposer finalement les armes.

Tenue ♕ C'est une histoire beaucoup plus compliqué qu'elle en a l'air. ça ne s'arrête pas seulement à Hyeni ou à son fiancé, mais ça va même au-delà de leur couple. ça touche la famille, et ce qu'il peut y avoir autour. Les mariages arrangés n'ont pas toujours leurs points positifs. Si l'homme ou la femme ne s'aiment pas et vont voir ailleurs, ça posera obligatoirement problème aux parents, qui eux, espèrent une alliance solide et bénéfique. Je suppose donc que si son Emon flirte avec x ou y fille, ça portera préjudice à Hyeni et à sa famille, ou ses parents pourraient penser n'importe quoi de leur fille. Je ne suis pas fort pour deviner ce genre d'affaire, mais pas besoin d'être intelligent pour imaginer. C'est bien pour cela que je n'aime pas les alliances entre familles sans demander l'avis des enfants au-préalables, ça cause toujours des soucis quelque part. Quand on s'aime, ce n'est pas parce que notre père ou notre mère l'a choisi à notre place. On aime par nous-même, avec le coeur, et non pour l'argent. Je trouve que ça gâche une vie d'imposer un amour à quelqu'un, ou juste d'être une femme pour un homme. « Dois-je changer de métier pour me faire apprécier ? Nous ne sommes pas vraiment journaliste, ça c'est l'étiquette qu'ils nous collent tous. En vérité, nous sommes plutôt compteur d'histoire. » Je plaisante, même si ça une part de vérité. Je compte les histoires des gens, avec des questions et des réponses. Je ne balance pas des informations dans le dos des gens sous prétexte que ça fera le buzz. Si c'est pour être porté en justice, autant s'abstenir. Puis, être honnête n'a jamais tué personne. Si jamais je ne réussi pas dans ce métier, je me reconvertirai sûrement dans un autre.

Certes, je ne suis pas riche, je ne possède pas une villa, ni une ferrari, je n'ai pas plusieurs compte en banque, ni une place qui me permettrait d'être tranquille jusqu'à la mort, mais je le vis bien. Mon appartement ne requière pas de personnel pour le ménage ou la cuisine, mon entourage n'est pas énorme mais adorable, mes fins de mois ne sont pas difficile. Je suis à l'aise dans ma vie, surtout dans mon boulot. Je n'ai rien à envier à ces riches, il me ferait presque de la peine, au contraire. Que feront-ils si un jour ils perdent tout ? Plus de maison de luxe, plus de voiture de sport, plus de bonne à tout faire, plus de nourriture en abondance. Ce n'est pas amusant de tout avoir en ayant peur de tout perdre, alors qu'à ma place, j'ai plutôt tout à gagner. « Oh, mais je n'ai aucune envie de prendre ta place. » Quant au boulot, je me réfugie déjà beaucoup dedans. à cause de cela, je ne m'intéresse pas à d'autres choses comme l'amour, les sentiments, ou me faire plaisir. Mes journées se résument à boulot, dodo, manger, boulot. Y a pas trop de place pour le reste, même si je tente en ce moment d'élargir mes horizons. Cacher ? Je ris, ne voyant pas ce que je pourrais cacher à mon ancienne stagiaire. « Tu ne m'as jamais posé la question. » Avouons que ce n'est pas trop le sujet de conversation durant un stage. « Je ne suis pas vraiment gay, et je n'ai pas trop de temps à accorder à ces trucs-là. » Autant le dire, je n'ai touché personne depuis bien longtemps. « Who cares ? » Ce n'est pas difficile à gérer si personne n'est au courant. Je ne le crie pas sur tous les toits non plus. « Je suis un éternel célibataire. » Et franchement, je ne devrais pas provoquer le destin avec ce genre de phrase. Parce qu'on ne peut pas prédire l'avenir, et que celui-ci peut se montrer très fourbe.

Tenue ♔ Beaucoup s’étonnaient de voir la jeune femme s’orienter vers un milieu aussi controversé que le journalisme. Un métier qui divisait facilement les esprits, entre ceux qui le considéraient comme le plus beau métier du monde, et les autres qui ne voyaient chez les journalistes que des chiens de garde, ou pire, des vautours prêts à vendre leur âme pour l’information du siècle. Quelqu’un venant d’une famille aussi aisée que Hye Ni n’avait ainsi à première vue pas d’intérêt à risquer de se frotter à un tel univers, on l’aurait aisément imaginée orientée en droit ou en interprétariat, même en mannequinat pour certains, mais certainement pas journaliste. Trop de risques pour tous ces étudiants bien couvés de la Royal. Pourtant, elle ne se sentait jamais aussi libre et indépendante qu’en allant parler à des gens, raconter leur histoire et la partager au monde entier. Elle aimait ce rôle de petite enquêtrice, elle aimait découvrir de nouvelles choses pour les faire découvrir au plus grand nombre. Cela lui donnait l’impression d’être plus proche de la réalité des gens, de leur quotidien, d’être moins enfermée dans son cocon de verre doré. Apprendre aux côtés de Setsuna n’avait fait que renforcer cette certitude et elle était désormais plus que prête à devenir une reporter digne de ce nom. « J’aime beaucoup cette expression. Si jamais un jour je deviens célèbre et qu’on m’interviewe, je la ressortirai probablement. En te créditant évidemment. », répondit-elle avec un sourire enjoué. Nul doute qu’elle était déterminée à accomplir ce rêve et si elle pouvait lui faire de la publicité au passage, elle s’en ferait une joie. Après tout, si elle avait découvert ses talents et faire ses premiers pas, c’était grâce à lui, elle lui devait bien ça. Sans compter que ses articles comblaient son temps libre quand elle prenait le temps de les lire.

Non, son statut n’avait décidément rien d’enviable, au point qu’elle mettrait tout en œuvre pour s’en débarrasser dès qu’elle le pourrait. Cela aussi, elle pourrait que ce serait grâce à lui, de lui avoir donné les moyens nécessaires pour s’émanciper, trouver un travail et subvenir à ses besoins par elle-même. Alors elle comprenait aisément qu’il préférait encore être prisonnier de son addiction au travail plutôt que de parents trop envahissants et à l’esprit trop enfermé quant à l’avenir de leur progéniture. En revanche, elle apprit un détail chez Setsuna qui éveilla sa curiosité et son intérêt. Il ne l’avait pas dit ouvertement, mais de toute évidence, monsieur préférait les hommes et Hye Ni avait passé trop de temps sans parler de sujets aussi controversés au Japon, qui l’étaient en fait beaucoup moins dans certains pays occidentaux, même si cela demeurait encore loin d’être considéré comme usuel. Pas pour elle, Kurt faisait partie de ses personnages favoris dans Glee et il en était de même pour Tristan et Miles dans Degrassi, qu’elle trouvait adorables. « Oh excuse-moi, la prochaine fois, je demanderai directement à mon recruteur ses préférences pendant l’entretien. Je suis sûre qu’il se confiera à moi sans souci. », rétorqua-t-elle en roulant des yeux. Ce n’était pas le genre de sujet qu’on abordait quand on travaillait dans une entreprise et elle avait tout simplement attribué son peu de conversation sur sa vie sentimentale à son assiduité au travail. « Comment ça, « pas vraiment » ? Ooooh. Monsieur est gourmand. », taquina l’étudiante en croisant les bras, songeuse. Deux fois plus de possibilités, cela restait un choix intéressant. Peut-être devrait-elle y songer au vu de ses mésaventures, mais après, bien après s’être émancipée financièrement, ou elle finirait à la rue sans comprendre pour sûr. « Éternel peut vite devenir éphémère. Regarde-moi. Rien à l’horizon pendant des années et maintenant me voilà fiancée. Si les choses vont mal, ça pourrait même changer mais gage que trois mois plus tard, j’aurais probablement une bague différente à mon doigt. »., lâcha-t-elle en soupirant, s’affalant dans le fond de sa chaise. C’était une évidence, rien n’était instable quand on s’aventurait sur le plan sentimental et on se trouvait facilement dépassé par les évènements, avant de comprendre qu’une personne s’était fait une place dans son cœur. Ce qui expliquait pourquoi son attachement à Emon la mettait dans de tels états et lui faisait prendre de telles mesures. « Même pas un petit crush en vue ? ».

Tenue ♕ Le titre est plus accrocheur en disant que nous sommes compteur d'histoire, plutôt que vautours. J'en ai vu des journalistes qui sautaient sur ces pauvres gamins dans le show-business pour les rabaisser plus bas que terre et faire d'eux des victimes, les poussant à la dépression et à l'envie de tout arrêter. C'est triste pour eux, mais une fois qu'ils sont la cible de ces chiens galeux, autant dire qu'ils ont peu de chance d'en réchapper. Je déteste ces adultes trop avides, qui marchent sur les autres pour se sentir utile et puissant. Si je pouvais, j'aiderai le moindre de ces idoles à remonter la pente et à prouver qu'ils valent mieux qu'être bafouillé par des menteurs et des racoleurs. Avec Hye Ni, j'ai pu lui montrer ce que je voyais de ce métier. Il n'y a pas de subterfuge, ni de chasse. « J'en serais honoré. Si tu parviens à changer les mentalités, tu deviendras une héroïne. » Ce n'est pas qu'une expression, c'est un choix de vie. C'est faire ouvrir les yeux aux gens, faire disparaître la médiocrité qui pululent dans ses magazines ou sur le net, fermer les bouches des colporteurs et montrer que le monde n'est pas fait de 90% de noirceur ou de ce qu'on lit dans les bouquins.

L'amour n'est pas essentiel à ma vie, je m'en suis passé jusqu'à aujourd'hui et je pense pouvoir m'en passer encore un peu. Je ne peux pas en dire autant des relations courtes, celle qui ne dure que le temps de prendre du plaisir, mais là encore, mon travail passe avant mon propre intérêt, mon propre plaisir. Si Hye Ni est piégé avec des parents qui décident pour elle, moi, c'est mon boulot qui décide à ma place si je peux avoir une vie privée ou non. Je ne sais même pas comment j'en suis venu à parler orientation sexuelle, mais Hye Ni a compris que je n'étais pas fixé que sur la gente féminine. De toute façon, ça fait une éternité que je n'ai pas posé les yeux sur quelqu'un, si ce n'est sur l'écrivain de la dernière fois. Un truc a fait tilt en moi quand mes yeux ont croisés les siens, c'était presque comme de la magie. Il a dû me jeter un sort, ou un truc dans le genre. Hye Ni est difficile à convaincre, aucun mensonge ne pourrait éloigner cette idée d'avoir un pote gay dans son cercle d'ami, encore moins son maître de stage. ça ne me dérange pas, ni d'être son ami intime, ni d'être qualifié d'homosexuel. « Si tu tiens à avoir le job, attend un peu pour demander. » Pas dès l'entretien, sinon ça passe moyen comme question. Je plaisante, bien sûr. Gourmand ? J'hausse un sourcil, interrogeant la demoiselle de ce regard intrigué. Que veut-elle dire par gourmand ? « Tu es vraiment une drôle de fille. » Dis-je pour me convaincre qu'elle n'est pas comme les autres. « Tu as peut-être raison, ça ne veut rien dire. Qui sait, je pourrais trouver l'amour demain et dire que c'est l'histoire de ma vie. » Hm, néanmoins ça me paraît aussi étrange que dire que j'aime les hommes.

« Tu penses que je suis capable de délaisser mon métier pour quelqu'un ? » Ce n'est qu'une question, comme si je demandais si elle aimait les fruits. Je veux bien croire au coup de foudre ou à l'amour de toute une vie, céder à la tentation et me rendre compte que mon boulot est secondaire. Mais quand ? Comment ? Avec qui ? Un crush ? Je réfléchis deux secondes, me grattant le menton avec un air songeur. « Peut-être. Il y a cet écrivain qui m'a accordé son attention pour un interview. » ça tourne toujours autour de ma carrière, mais sans elle, je ne l'aurai pas rencontré. « Si jamais il se passe un truc avec lui, je te tiendrais au courant. » Dis-je, dans un petit rire amusé. Elle veut un ami gay, ça ne me dérange pas de remplir ce rôle, mais je n'ai rien à voir avec l'image maniérée que rendent les rôles homosexuels dans les séries américaines.

Tenue ♔ S’épanouir professionnellement était vite devenu une priorité dans l’esprit de l’étudiante. Quand elle avait compris qu’elle n’aurait aucun contrôle sur sa vie, le travail était apparu comme la seule échappatoire possible. Pour peu qu’elle la saisisse, elle ne s’était pas encore décidée, elle attendait de voir comment les choses tourneraient avec son fiancé. Mais elle avait conscience que son bonheur personnel ne serait jamais une priorité pour ses parents et que si elle voulait lui donner une chance, elle devrait le faire de son côté. L’exemple de son aînée lui avait au moins appris cela. Et grâce à Setsuna, elle était désormais toute décidée quant au milieu où elle voulait s’orienter. Sa vision du métier lui plaisait, elle avait l’impression d’être tombée sur le bon tuteur de stage pour apprendre à faire ses armes et à savoir ce qu’elle voulait faire. Le chemin serait assurément semé d’embûches fut toutes les controverses qui existait vis-à-vis du métier de journaliste mais elle savait à présent qu’elle tiendrait bon. « Ne doute pas de moi comme ça. Je suis certaine que je changerai les choses voyons, c’est dans ma nature. », plaisanta-t-elle en riant. Non, ce n’était pas chose simple de redorer le blason de ces conteurs d’histoire comme il disait, mais peut-être pouvait-elle y apporter sa patte tout du moins. Après tout, les gens qu’elle avait interrogés et dont elle avait recueilli les témoignages ne l’avaient pas encore agressée ou insultée, c’était un bon début, non ? Elle décidait en tout cas de s’en conforter.

Sujet plus intéressant sans doute, les histoires sentimentales du côté de Setsuna, vu que du sien, c’était à peu près aussi calme que la Syrie à cette époque. Mieux valait s’orienter vers quelqu’un de moins compliqué. Et surtout de plus intéressant de son point de vue, ce n’était pas tous les jours qu’elle avait affaire à quelqu’un d’aussi détendu au sujet de son orientation sexuelle. Et ça lui plaisait. A vrai dire, tout ce qui lui permettait de sortir un instant du carcan conservateur japonais la détendait. C’était comme appuyer sur un bouton, c’en était presque inquiétant. Elle ne s’y attendait pas et en fait, elle ne voyait pas vraiment comment en parler, tant elle avait le sentiment que c’était tabou. « Hm hm. Oui, remarque, il le prendrait mal et penserait que c’est parce que je ne le trouve pas du tout charmant. Certains peuvent être vraiment susceptibles… », renchérit-elle avec un rire franc. Il était évident qu’on ne parlait pas de ce genre de choses en entretien, mais l’image était si comique qu’elle hésitait désormais. A suivre. « C’est un compliment j’espère ? », s’inquiéta Hye Ni en haussant un sourcil. Être drôle était une bonne chose en soi, mais pas dans certains contextes. Et son léger manque de maîtrise en japonais renforçait ses inquiétudes quant aux différences sens d’un même mot. Elle esquissa un sourire enthousiaste en voyant le journaliste se ranger à son point de vue, c’était gratifiant, elle ne s’en cachait pas. « Exactement. Et quand tu écriras un édito dessus, tu me citeras, bien entendu. ». Techniquement, ce serait elle qui l’avait inspiré, donc elle méritait au moins ça. Néanmoins, il semblait que son interlocuteur n’était pas entièrement débarrassé de ses inquiétudes concernant le travail. Un vrai workaholic songea-t-elle. « Je pense que tu n’es pas obligé de le « délaisser » pour cela. Disons que faire des semaines à soixante heures n’est pas une obligation pour faire du bon boulot et que tu auras plus de chance pour trouver quelqu’un à côté. Just my opinion. », énonça-t-elle en haussant les épaules et arborant un air malicieux. Travailler était important, se reposer pour bien travailler l’était tout autant. Et être épanoui sur le plan personnel permettait souvent de l’être davantage sur le plan professionnel, elle ne lui apprenait rien.

Trêve de réflexion, elle tenait son ragot du jour, il y avait bien quelqu’un dans le radar de Setsuna. « Je vois. Écrivain, critique de livre, contact facile et boum, le charme littéraire qui fait tomber. Classique mais prenant. J’attends beaucoup de ce début. ». Amatrice de séries qu’elle était, elle ne pouvait qu’approuver cette jolie entrée en matière et raffoler de nouvelles par la suite. Elle fut ainsi au comble du bonheur quand son vis-à-vis lui en promit. « J’y compte bien ! Pour la peine, je veux un état des lieux toutes les deux semaines. Ou je serais obligée de venir te harceler au bureau. ». Elle plaisantait à peine, quand elle était passionnée par quelque chose, ce n’était pas à moitié et si Setsuna ne tenait pas parole, il risquait d’en faire les frais. « Sinon, avec tout ça, on ne s’est toujours pas occupés de mes papiers. Je tiens à avoir mes crédits et à valider mon année tu sais. », dit-elle d’un air faussement outré et sérieux, en sortant lesdits papiers. C’était son motif pour lui rendre visite après tout, autant que ce soit fait. Il pourrait toujours lui raconter ses histoires en les remplissant.

Tenue ♕ Il est certains que je fais confiance à Hyeni, que je ne doute pas de ses talents et que je crois en son travail, mais certaines choses sont plus difficile à modifier que d'autres. Les gens savent que les journalistes sont des rapaces, qu'ils n'hésitent pas à sauter sur la personne pour la dépouiller, se fichant pas mal que leurs informations la détruise. Je déteste quand ils s'acharnent sur des pauvres gamins qui ne rêvent que de gloire, tout cela pour les pousser au bord du gouffre et les regarder chuter vers le fond. J'aimerai sincèrement que les journalistes comme moi poussent un peu partout comme des champignons et que la vision des gens changent sur notre compte. Si je peux initier Hyeni à ma manière de bosser, je le ferai sans hésiter. Peut-être que grâce à elle, d'autres jeunes suivront notre route et redorerons le blason. En attendant, faut se serrer les coudes et ne pas baisser les bras. Si elle croit en moi et moi en elle, c'est déjà un bon début aussi.

Allez savoir comme nous sommes passés de la discussion sur notre métier à celui sur ma vie sentimentale, mais je me trouve à parler émotion, expérience et préférence avec mon ancienne stagiaire. Nous sommes journalistes, les potins ça nous connait, même entre nous. ça ne me dérange pas de parler de moi, même dans un cadre plus privé que professionnel. L'amour, c'est une chose naturelle. ça l'est moins quand un homme aime un homme, ou une femme avec une femme, mais je ne m'arrête pas à l'étroitesse d'esprit. Cette conversation tourne à la plaisanterie, mais mieux vaut aborder ce genre de sujet en rigolant qu'en étant trop sérieux. « Tu marques un point. » Faut pas trop titiller là où ça dérange, la base d'un entretien. Hyeni est une fille formidable et amusante, je ne peux le garder pour moi, ni me retenir de le dire. « C'est un compliment pour moi. » à elle de voir si elle l'accepte comme tel ou pas. Une fille trop sérieuse n'est pas rigolote, alors que la jeune Son a toujours une phrase, un mot, pour me faire sourire. « Je n'y manquerais pas. Je noterai au début « à toi qui a cru en l'impossible et en l'amour, deux choses qui ne s'accordent pas toujours. » » Plaisantais-je. évidement, mon métier passe avant tout, même avant l'amour. J'ai l'air d'un fou du travail, mais je n'ai jamais vécu une histoire de coeur depuis que je suis ici, dans ces locaux. Une semaine de soixante heures ? Vraiment, je bosse autant ? Une moue s'installe sur mon visage, tandis que je réfléchis à ses paroles. « Donc, tu insinues que bosser moins et accorder ces heures à quelqu'un serait une bonne chose ? Tu n'as peut-être pas tord, mais déjà que je trouve ce quelqu'un qui sache me faire décrocher. » Un vrai Junkie.

Hyeni venait de réussir à ouvrir une brèche pour s'infiltrer dans ma vie privée, ou du moins, le peu que j'en possède. Parler de Midoriya est étrange à mes oreilles, mais comme mon orientation sexuelle, je n'ai aucune raison de m'en cacher. « Charme littéraire ? Mais où vas-tu trouver tout ça ? » ça me fait rire, les mots sont bien choisi. Ce n'est pas pour aujourd'hui, si elle veut tout savoir, mais je la tiendrai au courant sur ce plan-là. « Hey, pas sûr qu'il se passe quelque chose en deux semaines. » Elle commence fort, déjà à vouloir m'harceler pour une histoire qui n'a pas encore débuté. Et qui ne débutera peut-être jamais, en fait. Je n'ai jamais dit que c'était faisable entre l'écrivain et moi. Ah, les papiers. Hyeni pense vraiment à tout, jusqu'à avoir gardé et ramené les papiers ici, plutôt que les avoir laissé à mon bureau. « Très bien, que dois-je faire ? » Qu'elle m'explique vite-fait ce qu'il faut faire pour se débarrasser de cette paperasse, qu'elle puisse être tranquille.

Tenue ♔ Converser avec Setsuna ne faisait que lui faire prendre davantage la mesure des efforts qui lui restaient à accomplir. Certes, son entretien s’était bien passé, bien sûr qu’elle s’était bien débrouillée et qu’aucun dérapage n’avait eu lieu, pour autant, son chemin tortueux vers le monde du travail était encore semé d’obstacles. Rien ne lui garantissait que sa bonne foi et ses compétences suffiraient à lui faire une place dans le milieu, ou même qu’on lui laisserait sa chance. Prendre quelqu’un en stage était une chose, engager un journaliste en devant lui verser un salaire en était une autre. Son diplôme lui ouvrirait sans doute bien des portes, pour peu que les médias aient encore les moyens de prendre quelqu’un, et pour peu que son japonais ne lui porte pas préjudice d’ici là. Elle avait encore quelques années pour l’améliorer. Néanmoins, parler de la vie sentimentale de son ancien tuteur de stage était beaucoup plus apaisant et moins sujet à éveiller une source de stress. Peut-être était-ce parce qu’elle savait qu’elle n’avait aucune illusion à se faire concernant ses propres relations, mais Hye Ni avait toujours développé un intérêt particulier pour les péripéties amoureuses de son entourage. Une sorte de vie par procuration. Et elle ne manquerait pas de rappeler à son interlocuteur qu’elle était celle qui l’avait encouragé à y accorder plus d’intérêt, oh non. « Ça me paraît bien. Encore un peu d’éloges à mon égard et ce sera parfait. ». Ce n’était pas tous les jours qu’elle pouvait se lancer des fleurs en toute impunité, autant en profiter. Et pas qu’un peu.

Elle savait bien que composer entre vie personnelle et travail n’était pas chose aisée, c’était l’un des grands maux des temps modernes, en particulier des jeunes mères. Du moins c’était vers elles qu’on se tournait le plus pour en parler, cela constituerait un bon sujet de changer d’angle. Un futur sujet pour la reporter en herbe ? A suivre. Ce qui était certain, c’était que si Setsuna ne se faisait pas une raison, il allait frôler le burn out. Ou en faire les frais. Et ce n’était pas une chose qu’elle comptait observer sans rien dire. La société avait beau bien vouloir leur faire croire que le travail était source d’épanouissement et d’accomplissement personnel, il ne fallait pas vivre uniquement à travers son travail, l’humain valait plus que cela à ses yeux. L’ouvrier modeste ne constituait pas moins une personne de qualité que le riche PDG installé en haut de sa tour. C’était ce genre de pensée qui lui faisait grincer intérieurement les dents quand elle entendait parler son père avec l’autre greluche. « Tu trouveras, je n’en doute pas. Tu es quelqu’un de bien, il y a toujours de bonnes personnes pour les gens bien. Passer du bon temps avec quelqu’un que tu apprécies peut être plus gratifiant que des heures de boulot. ». La preuve, son temps avec son fiancé lui manquait cruellement et elle avait savouré ces heures bien plus que ses jours de cours à l’université. Il ne fallait pas non plus vivre à travers quelqu’un, mais s’engager dans une relation contribuait également à se sentir mieux dans sa peau. Elle était convaincue que le journaliste ne tarderait pas à s’en rendre compte.

Chose qui se confirma une fois qu’elle en sut un peu plus et elle ne put retenir une élancée lyrique. Le résultat ne manqua pas et elle afficha un sourire satisfait en réponse à son vis-à-vis. « J’ai l’esprit fin monsieur, c’est grâce à ça que je peux écrire et qui sait, gagner ma vie. ». Certainement pas en tant qu’écrivaine, elle n’avait pas vraiment l’imagination pour cela – elle était bouche bée devant chaque retournement de situation dans une série après tout – mais écrire sur des choses concrètes, oui, ça elle savait faire. D’ailleurs, elle attendait à ce que Setsuna en fasse de même concernant ses prochaines aventures, elle voulait un roman de tout ceci. « Tu n’auras pas le choix, énonça-t-elle en fronçant les sourcils, affichant un air trop sérieux pour la situation, comme ça, ça t’obligera à le contacter souvent et à faire avancer les choses. Tu gagnes au change. ». Prendre son temps pouvait être bien, mais le connaissant, il laisserait cela traîner pendant des mois si personne ne lui mettait de coup de pied aux fesses. Elle s’était donc attribuée ce rôle en toute impunité. Enchaînant sur une préoccupation beaucoup plus pragmatique, l’étudiante sortit les fameux formulaires, ceux pour lesquels elle était officiellement venue, avant que tout ceci ne dérive bien trop. « Très simple, il faut remplir tout ça. Ton nom, ton occupation, ton entreprise. Puis le nom de la stagiaire, c’est-à-dire moi. Les tâches que j’ai effectuées, les dates de stage, le fait que j’ai bien rempli les objectifs. Et tu signes gentiment pour confirmer tout ça. ». Un double presque parfait de la convention de stage, elle ne comprenait pas pourquoi ils voulaient un autre formulaire. Pour s’assurer qu’elle n’avait pas falsifié le premier et que les écritures correspondaient ? Ça n’avait pas de sens. Mais c’était la Royal, alors elle ne cherchait plus à force.

Tenue ♕ Des éloges, elle en aura sûrement d'autres dans sa vie. Je peux lui accorder les premières, si jamais ma vie amoureuse évolue et mène quelque part. En attendant, ce n'est qu'une promesse faite sur des « si ». Même si je parle naturellement de ça, je n'ai jamais envisagé de me caser ou de rencontrer quelqu'un, même pour une simple aventure. Mon travail est important, il me prend beaucoup de temps et j'ai bien peur que la personne partageant ma vie ne parvienne à le supporter. C'est aussi un problème dans une relation ou dans un couple, le manque d'attention, le boulot qui passe avant les rendez-vous ou les instants privés. Bref, une plaie. Autant le monde professionnel que celui plus intime. Si seulement je pouvais mêler les deux sans me prendre la tête, je serais le plus heureux des hommes. Malheureusement, mon intérêt pour les gens divergent tellement que je me perdrais trop facilement. Sauf peut-être avec cet écrivain qui a capté mon attention comme un papillon attiré par la lumière d'un néon. Midoriya ressemble à une lumière vive, si attirante, si intrigante, que je pourrais m'en brûler les ailes. Hye Ni me noie de compliment, des mots que je ne pense pas mériter à cent pour cent. Quelqu'un de bien, ça semble beaucoup pour un simple journaliste. « Comme avec toi ? » Dis-je par hasard, sans faire de sous-entendu. Elle sait que je préfère les hommes aux femmes, donc je peux jouer sur les mots sans paraître trop lourd. « C'est gentil de croire en mon potentiel de bonne personne. » Elle me fait gagner en confiance, malgré ma jauge déjà bien pleine. Je devrais suivre le conseil de Hye Ni et passer plus de temps avec quelqu'un que j'apprécie, du moins comme une personne qui me tient trop à coeur pour être une simple ami.

L'esprit fin, écrire et gagner sa vie. Hye Ni a vraiment une bonne mentalité, j'aime sa façon de parler, mais aussi de voir les choses. Elle ira loin, bien plus loin que moi sûrement. J'espère. Je ne peux que lui souhaiter le meilleur pour sa futur carrière. « J'espère aussi que tu pourras gagner ta vie avec ton esprit fin et tes écris. » Si je peux l'aider à monter les échelons, je le ferais à coeur joie. Hye Ni revient sur l'histoire de l'écrivain, réclamant un suivi sérieux et précis. Je ris, disant que ce serait difficile. « Serais-je puni si jamais je manque à ma tâche ? » Plaisantais-je, même si ça a une part de vérité. Je ne pourrais pas toujours remplir ma mission, au grand malheur de ma tutrice en amour. Finalement, les papiers reviennent sur la table et je demande quoi faire. Elle m'explique et j'écoute attentivement, souriant à sa remarque logique puis grimaçant sur les dates. Ah, les dates. C'est dure de retenir tout, surtout quand on court partout. « Tu n'aurais pas pu me le faire faire en même temps que ton stage ? » Je me plains un peu, tout en regardant la pile de feuille qui s'accumule. Bon, faut se mettre au boulot. Buvant une gorgée de ma boisson -presque froide désormais-, je me munie d'un stylo noir et commence par rédiger le début, donc la partie me concernant. « Sans ça, tu ne pourrais pas valider ton année, c'est ça ? » J'ai une bombe à retardement entre les mains, si je comprends bien. Si je loupe un détail, elle explosera. Et Hye Ni sera la plus touchée de tous. Du coup, je fais bien attention en écrivant de rien oublier, de ne faire aucune erreur et d'être cohérent dans mes paragraphes. Le problème avec moi, c'est que quand je commence un truc, il m'est difficile de l'arrêter. J'ai presque peur de ne pas avoir suffisamment de place pour tout noter, vu le pavé.

Tenue ♔ Parfois, Hye Ni se prenait à rêver ce que sa vie sentimentale aurait pu être si elle était née dans une famille moyenne, faisant fi des conventions et des normes imposées par ses parents. Si elle avait pu avoir le choix, vivre librement sans l’ombre de l’approbation de ses géniteurs qui la surplombait. Si elle n’avait pas tout l’héritage d’une entreprise à défendre. Si le mariage de sa sœur aînée ne s’était pas effondré, peut-être même alors aurait-elle pu jouir d’un semblant de liberté. Choisir avec qui elle voulait faire sa vie, pour peu qu’elle ait trouvé quelqu’un avec qui la partager. Ne pas être un simple rouage faisant le lien entre plusieurs générations. Elle ne savait même pas si elle en était capable, la simple vision du ventre rond de la compagne de son père la dégoûtait, alors qu’en serait-il si son tour advenait ? Ce n’était pas des questions dont elle était censée se préoccuper à son âge, mais on avait fait en sorte qu’elles l’obsèdent en permanence, au point de ne pas en dormir la nuit parfois. Et de souhaiter aussi d’être stérile, peu importait les déceptions qu’on aurait contre elle, ça n’aurait pas été de son ressort. A côté, les misères sociales de Setsuna lui paraissaient bien moins terribles et plus faciles à discuter aussi. Il réussirait à être heureux en trouvant la personne de son cœur elle n’en doutait pas une seconde. Pour peu qu’il accepte de réduire l’espace consacré à son travail. « C’est vrai ?, demanda-t-elle, quelque peu émue de sa confidence, contente de participer à ton épanouissement personnel. Et puis, ce n’est pas difficile de croire en toi, tu donnes de bonnes raisons à peu près toutes les cinq minutes. », énonça-t-elle avec un sourire franc. Il faisait vraiment partie des meilleures personnes qu’elle connaissait, au-delà de l’admiration qu’elle lui portait. Comment pouvait-on refuser de lui accorder un peu de bonheur ?

Gagner de sa plume n’est jamais chose aisée, et ce, même quand on fournissait de l’information concrète à son lectorat. Les gens n’aimaient pas forcément son style ou son angle, ou même son point de vue, c’était courant et de plus en plus répandu vis-à-vis des journalistes. Choisir de raconter une histoire controversée pouvait attirer les foudres du public, même relatée avec justesse. Certaines personnes ne supportaient simplement pas d’être tirées de leurs avis préfabriqués ou de leur petit confort personnel, ses parents les premiers. Ils se moquaient bien de ce qu’elle pouvait écrire, mais elle était certaine que s’ils tombaient un jour sur un de ses articles, ils pâliraient. Et ce, même si Setsuna ne lui avait a priori rien fait écrire de polémique, il en fallait parfois peu pour choquer. « Ecoute, je t’en reparle dans quelques années après avoir eu mon diplôme. On verra bien. ». Inquiète ? A peine. Son avenir dépendait en grande partie de sa capacité à trouver un travail, comme beaucoup de gens, mais c’était encore plus cher à ses yeux. On aurait pu croire qu’elle aurait voulu profiter du cocon familial bien confortable plus longtemps, mais non, elle voulait s’en arracher et construire sa propre carrière. Puni ? Oh oui, elle s’assurerait qu’il ne manque pas de lui conter ses aventures, sinon les conséquences seraient terribles. « Tu n’as pas idée. Je viendrai en personne venir chercher des nouvelles. Et je suis pas certaine que tu aies envie qu’on parle de tes amours au bureau. ». Ce pourrait aisément être gênant, au-delà du fait qu’il s’agissait d’un homme en vue, le simple fait d’évoquer le sujet attirerait les regards. Et pas sûr que ça lui plaise. Elle n’attendait pourtant pas moins de sa part qu’il signe ces fameux papiers. Pourquoi ne l’avait-elle pas fait plus tôt ? Haha, la question qui fâchait. « Parce qu’un bug a frappé l’administration. Ils sont vite perdus pour pas grand-chose tu sais, alors par sécurité, ils demandent à refaire tout signer. Comme ça, ça couple le contrat de stage et le rapport que tu leur avais transmis à la fin. Au cas où ils ne les retrouvent pas. ». Evidemment, il avait fallu que ça tombe sur elle, et quelques autres malheureux étudiants. « C’est ça. », confirma Hye Ni en suivant scrupuleusement ce qu’écrivait son mentor sur les feuilles, sans réussir à tout déchiffrer. La beauté des kanjis pour une étrangère, il y en avait tellement, elle n’avait pas réussi à tous les mémoriser. « Ne me descends pas trop hein, ça compte pour un quart de ma note finale en journalisme. ». C’était toujours bon à préciser. Il ne voulait pas avoir son échec scolaire sur la conscience, n’est-ce pas ?

Tenue ♕ Une vie sentimentale ne devrait être dicté par personne, si ce n'est pas soi-même. Et encore, ça devrait se faire naturellement, sans qu'on ne sache comment ou pourquoi ça arrive. Aimer est sûrement une belle chose à vivre, mais c'est mieux d'aimer par hasard que d'aimer par obligation. Pour ma part, je n'attends pas l'amour et je ne le cherche pas non plus, s'il vient à moi, ce sera une bonne surprise que je tenterai de prendre avec bonne humeur. En attendant, c'est difficile de coordonné mes deux vies, celle au bureau et celle en dehors des locaux. Hye Ni a raison, je devrais lever le pied et arrêter de m'en faire pour mes articles ou mes interviews, juste penser un peu plus à moi. Ce n'est pas faute d'essayer, mais quand je m'intéresse à un truc qui m'intrigue, ça dénote forcément sur mon travail. La morale de mon ancienne stagiaire tient la route, après tout je me sens bien quand je parle avec elle. C'est vrai. Je lui offre un sourire pour confirmer. « à peu près toutes les cinq minutes ? Je parle beaucoup dis donc. » Mais ça me fait rire, et en même temps ça me rend fier de l'entendre. J'aime que l'on complimente mon boulot, mais j'aime encore plus qu'on me complimente, sans vouloir être narcissique ou quoi. ça prouve que j'apporte quelque chose aux autres.

Les gens ne sont pas tous pareils, certains aiment le blanc, d'autre le noir. Ce que l'on écrit, nous les journalistes, ne plait pas à tout le monde. Si quelques uns aiment les ragots et s'en frottent les doigts, d'autres trouvent cela scandaleux et réclament à la justice. Un rien peut être interprété différemment, même ce que j'écris dans mes articles est susceptible d'être mal tourné. J'en prends le risque, de toute manière je n'ai rien à me reprocher sur mon boulot. Mes données sont justes, elles viennent des personnes elle-même, donc aucun soucis à me faire de ce côté-là. Ce qui n'est pas toujours le cas de tout le monde dans le métier. « J'attendrais dans ce cas. » Qu'elle soit diplômé, déjà. Ensuite, pour son début de carrière. Être journaliste, ce n'est pas comme être vendeuse dans une boutique. Ce n'est pas si simple, ça ne demande pas juste un CV ou un peu d'expérience, faut sûrement faire ses preuves et montrer de quoi on est capable. ça s'apprend, Hye Ni va le découvrir à l'avenir. Mes amours au bureau ? Oh, mais loin de là. « Oh, ça ne me dérange pas d'en parler dans mon bureau, tu sais. » Je la taquine, lui faisant un clin d'oeil. Les regards ne me font pas peur, mais je ne me donne pas en spectacle pour autant. Hye Ni me fout beaucoup de pression sur les épaules avec ses papiers, mais pourquoi si tard ? L'administration ? Ah. Je comprends mieux. « Drôle de manière de procéder. » Mais nous allons pas nous en plaindre. Continuant d'écrire son fameux rapport, je souris à son commentaire. « Tu as trois quart pour te rattraper alors. » Je souris, à peine farceur. « Je n'ai rien de négatif à dire sur toi, tu as été ma meilleure stagiaire jusqu'à présent. » Même si j'en ai pas eu des masses. Grâce à Hye Ni, je penserais à accepter les autres demandes, si jamais des étudiants cherchent un stage. « Grâce à toi, d'autres étudiants auront la chance de voir le métier de plus près. n'hésite pas à conseiller mon bureau à tes camarades. » ça me ferait plaisir d'aider des jeunes à avoir leur diplôme et à s'en sortir dans ce domaine-là, surtout pour les guider sur la bonne voie du compteur d'histoire.

Tenue ♔ Il faudrait encore plusieurs années pour que les générations anciennes changent de refrain, surtout en milieu aisé. Hye Ni peinait parfois à concevoir comment on pouvait encore avoir des idées aussi dépassées, voire archaïques, ça ne rimait à rien. Elle avait des haut-le-cœur en imaginant ses parents songer qu’elle finirait femme au foyer, parce que c’était de convenance. Alors que sa propre mère se tuait au travail, sans doute plus que son père, elle en mettrait presque sa main à couper. Mais comme beaucoup de femmes, elle avait quitté son travail un temps pour élever ses filles et n’avait repris ses activités qu’une fois les petites mises entre les bonnes mains de la nounou. Et Hye Ni n’était pas certaine de vouloir sacrifier son avenir professionnel pour une vie de famille, encore moins si cette dernière avait été le fruit d’un arrangement entre les parents. Dans l’absolu, elle n’avait pas envie de choisir, mais elle entendait tellement d’histoires sur ces mères forcées de quitter leur travail, se faisant harceler comme jamais, qu’elle paniquait déjà à l’idée d’entrer dans le monde du travail, déjà pas très commode pour les femmes. A se demander si elle ne devait pas penser à donner son CV de suite à Setsuna, de lui demander de lui réserver un poste dès la fin de ses études, parce qu’avec lui, elle savait que ça se passerait bien. Car soyons réaliste, si elle avait la rage de vaincre, Hye Ni ne savait que peu de choses sur la réalité du monde qui l’entourait, quand elle ne pouvait pas jouer de ses relations pour changer la donne. Jusque-là, la vie l’avait bien préservée, sur ce point, et ça expliquait pourquoi elle complimentait autant son ancien tuteur de stage. « Ah ça, tu peux le dire, répondit-elle d’un ton espiègle, mais ça ne me dérange pas, ça change des gens qui n'osent pas trop me parler. De peur de me froisser vois-tu. ». Ils redoutaient toujours les conséquences d’irriter une fille si bien née. S’ils savaient.

Non, elle n’avait pas choisi une voie facile, il n’y en avait pas vraiment, mais celle-là était considérée comme particulièrement complexe. Plus elle y pensait, plus elle angoissait, et en vérité, ça ne servait pas à grand-chose. Une chose à la fois, il lui fallait d’abord exceller dans ses cours, comme jamais et après, avec son diplôme, elle pourrait se ronger les ongles pour trouver un travail. En espérant que le bébé de l’autre ne l’ait pas achevée entre temps. En attendant, elle ne pouvait qu’imaginer comme ça se passerait et bavarder avec Setsuna pour se changer les idées. Même si c’était pour le menacer de le dénoncer devant ses collègues. « Oh. Tant mieux alors. Je suis sûre qu’ils ne seront pas dérangés de savoir que tu menaces ta stagiaire pour qu’elle dise du bien de toi alors », renchérit-elle, parfaitement consciente de l’absurdité qu’elle énonçait. Comme s’il pouvait faire du mal à qui que ce soit, non, elle n’arrivait pas à visualiser la scène, personne n’y croirait. Ce serait plus simple de faire croire qu’il s’était jeté sur l’autoroute tel un super-héros pour sauver un lapin qui passait par là. S’il pouvait être le sien en signant ses papiers, ce serait déjà bien. Elle roula des yeux en l’entendant dire de compter sur les trois quarts restants pour sauver son année. « Ah, sale Judas. Je ne pensais pas que tu me trahirais ainsi. Shame on you. », souffla-t-elle, faisant mine d’être piquée à vif. Elle retrouva rapidement un sourire tout étiré, montrant ses dents blanches éclatantes. « Tu me fais une déclaration ? C’est pas très convenable tu sais, plaisanta-t-elle, plus sérieusement, merci. Ça compte beaucoup pour moi tu sais. ». Personne n’avait jamais complimenté son travail, ça n’intéressait pas grand monde. Mais des félicitations d’un professionnel, c’était exceptionnel, elle en aurait presque des étoiles dans les yeux. Quand bien même son jugement pouvait être affreusement biaisé. Jusqu’à vouloir accueillir d’autres stagiaires. Wouah. Heureusement qu’elle était assise, elle en serait tombée. « A ce point ? Je… Je ne sais pas quoi dire, tu me prends de court, rit la Coréenne avec nervosité, je n’y manquerai pas. Tu as été fantastique, tu m’as épaulée et tu m’as fait confiance. C’est le plus important. Et je ne saurais jamais comment t’en remercier. Merci d’avoir cru en moi. ». Elle en aurait presque les larmes aux yeux. S’ils n’étaient pas dans les locaux de l’entreprise, elle l’aurait probablement enlacé. A la place, elle ne pouvait qu’afficher une expression franchement reconnaissante. Et se lever pour s’incliner humblement devant lui, parce que oui, elle avait besoin de lui faire comprendre à quel point c’était important pour elle. Même si ça pouvait paraître exagéré.