« you’re the smart one.
why didn’t you tell me
life was a dream ? »
leurs mains s’alignaient parfaitement, l’une dans l’autre. depuis qu’ils étaient petits, ils se tenaient la main sans cesse. leurs mains avaient été sculptés pour tenir celles de l’autre. le même sang coulait dans leurs veines et les même pensées affluaient dans leur tête. parfois, un seul regard permet à deux personnes de se comprendre. eux, n’avaient même pas besoin de se regarder. ils se comprenaient intérieurement, leur corps réagissait à chaque frémissement de l’autre.
ils avaient l’habitude de tout partager, que ce soit leur dessert favori que leur attraction pour les femmes. jusqu’au jour où luna avait trouvé quelque chose qu’elle seule aimait. le patinage. elle en faisait depuis ses 5 ans, comme son jumeau. mais ce n’est qu’à ses 10 ans qu’elle est réellement tombée amoureuse de la discipline. c’était l’un des seuls sports qu’ils pouvaient pratiquer dans leur petite ville et leur parents les avaient inscrit afin d’éviter de les laisser seuls à la maison pendant ces heures-là. hiro avait continué jusqu’à ses 14 ans, voulant rester aux côtés de sa sœur, mais il était clair qu’il n’avait pas le même entrain que luna pour le patinage.
quatorze ans. l’année 2011. probablement l’une des pires années que luna et hiro ont vécu. une année qui a testé leur amour et leur complicité. leurs parents ont remarqué un changement de comportement de la part de leur fils cadet. luna l’avait repéré depuis bien longtemps, mais elle n’avait jamais rien dit, elle l’avait supporté et l’avait aidé dans certains moments difficiles, bien qu’elle ne comprenait pas pourquoi il avait ces difficultés tout d’un coup, ou pourquoi il avait soudainement du mal à s’exprimer, pourquoi il prenait peur au moindre bruissement du vent dans les feuilles, pourquoi il lui disait de faire attention au monsieur au chapeau qui les surveillait du coin de leur chambre ou encore pourquoi il se mettait soudainement à trembler et à parler dans le vide. il était déjà clair que hiro souffrait d’OCD, mais cela n’avait jamais pris d’ampleur.
en famille, ils avaient pris la route jusqu’à obihiro, espérant pouvoir consulter un spécialiste. luna commençait à s’en vouloir. peut-être que si elle l’avait dit à ses parents dès les premiers instants où elle s’était aperçu des changements dans le comportement de son frère, ils auraient pu l’aider depuis bien longtemps et cela n’aurait jamais atteint ce niveau-là. mais les voici, tous assis sur des chaises, regardant avec inquiétude l’air sérieux de l’homme en blouse blanche. « kageyama est atteint de schizophrénie. » son père avait tout de suite compris ce que cela signifiait. sa mère devait surement avoir une petite idée à la vue de son visage qui se figea. atsushi resta neutre, les yeux rivés sur son frère. quant à luna, elle s’agitait sur sa chaise, sa main dans celle de son jumeau.
« de quoi est-ce qu’il parle luna ? » il était tout aussi agité qu’elle ; l’homme lui avait fait passé toute une sorte de test, et maintenant il employait des mots qu’aucun d’eux deux ne connaissaient.
« la schizophrénie est une maladie mentale, bien souvent génétique et héréditaire. les symptômes principaux de hiro semblent être des hallucinations, c’est-à-dire qu’il entend, voit ou perçoit des choses qui n’existent que dans sa tête. vous remarquez surement l’incohérence dans ses propos. bien sûr, ce n’est pas tout le temps le cas, mais sans traitement, les symptômes vont s’aggraver jusqu’à ce qu’il ne reste presque plus rien du hiro que vous connaissiez avant. » la mère de luna se mit à pleurer et son père la prit dans ses bras. dans sa tête, il était déjà en train de calculer le coût du traitement de son fils.
« il est assez difficile de définir clairement les symptômes de chaque personne atteint de schizophrénie, même s’ils se ressemblent pour tous les malades, ils différent un peu. je dois aussi vous avertir… » luna n’écoutait plus, elle tenait fermement la main de son jumeau. ils s’étaient retournés l’un vers l’autre, comme ils avaient l’habitude de faire lorsqu’ils avaient peur ou qu’ils se faisaient gronder. ils s’enfermaient dans leur bulle, et rien ne pouvait les déranger. le monde extérieur n’était plus que poussière et seul l’autre comptait.
après ce rendez-vous, les parents avaient fait d’énormes efforts pour veiller sur leur fils cadet, négligeant complétement l’ainé. c’est en partie pour cette raison qu’il partit à tokyo l’année suivante. il s’en voulait également de n’avoir rien remarqué. lorsqu’ils étaient plus jeunes, il était celui qui veillait le plus sur les deux jumeaux, il était fier de sa position dans la famille, il s’était toujours senti responsable. mais de voir qu’une telle chose lui avait échappé et qu’il avait manqué à ses responsabilités de protéger son frère et sa sœur, il s’en alla à tokyo sans se retourner. luna, quant à elle, voulu mettre en suspens le patinage pour être plus présent pour hiro, mais il fut celui qui lui en dissuada.
« ça me rend heureux de te voir patiner avec tant d’élégance, et ton sourire est le plus beau au monde quand tu es sur la glace. » lui avait-il dit un jour de clarté. alors elle avait continué, elle avait continué de patiner pour son frère. étrangement, et pourtant sans aucun réellement étonnement, hiro était le plus lui-même lorsqu’il parlait avec luna. sa méfiance et l’incohérence de ses propos se faisait à peine ressentir lorsqu’ils étaient ensemble.
jusqu’au jour où luna partit à tokyo poursuivre son rêve. hiro avait commencé à aller mieux durant les deux dernières années, et il l’avait même poussé à poursuivre son rêve et à monter au niveau national. grâce à des concours, elle avait réussi à décrocher une bourse à la royal private school. mais qui dit université, dit tokyo, et qui dit tokyo, dit argent et lointain. le traitement de hiro pesait déjà lourd sur les parents, et ils avaient vidé le reste de leur économie pour envoyer luna dans la capitale. elle s’en voulait et avait promis d’envoyer de l’argent à ses parents et à son frère chaque mois, mais ce n’était qu’une broutille par rapport au fait de devoir quitter hiro. imaginez séparer deux aimants l’un de l’autre. hiro était dévasté de perdre son autre moitié, la personne qui le comprenait le mieux au monde. et bien que luna ressentait ce vide la rongeait à l’intérieur, elle redressa la tête et partit sans regret ni tristesse. elle avait une capitale à affronter et une passion à assurer, ce n’était pas le temps des larmes.