Tenue ✽ La demoiselle ne fut laissée qu’aux mains de sa coiffeuse qui réarrangeait ses cheveux détachés. Parce que son maquillage était resté impeccable, hormis quelques petites retouches insignifiantes qui ne transformait pas son reflet, elle eut loisir d’observer son nouveau partenaire de tournage. Non pas sans avoir une mine dépitée qu’elle tentait de cacher tant bien que mal. Les yeux plissés, les lèvres pincées, elle le regardait fondre sous les doigts féériques de la maquilleuse. Les hommes, toujours les mêmes, ne peut-elle s’empêcher de penser, elle qui ne s’y connaissait pas grand-chose au final, sa seule expérience ? Douloureuse.  La faute à qui, la faute à quoi, ses pensées accusaient la seule et même personne, cet abruti qui s’extasiait à l’idée de recevoir un petit coup de baguette pour se retrouver transformé. Elle ne dirait rien, elle se le jurait. Motus et bouche cousus, jusqu’au bout, sa fierté, et puis, sa jalousie surtout. Si elle reconnaissait cette dernière, c’était la défaite assurée. « J'ai toujours raison, tu devrais commencer à le savoir », elle ne dit rien. Elle a juste cette expression légèrement pincée, boudeuse, elle ne voulait pas le reconnaitre, davantage. Il avait le point. Un pour lui, zéro pour elle. « Tu diras à ton producteur qu'il ne sait pas reconnaître un être parfait lorsqu'il en voit un, j'ai pas besoin de maquillage. Regarde moi cette peau » Elle roule des yeux, croise les bras sur sa poitrine et aborde cette expression dépitée qu’elle avait eu tantôt. Elle ne savait pas quoi faire de lui, de ses idioties, de ses mots. « Décidément, tu n’as vraiment pas changé » murmure-t-elle pour elle-même avant de s’approcher pour observer cette peau dont il se vantait. « Hmm. C’est une peau de petit vieux, vingt-trois ans… ce qui est énorme ! » rétorqua-t-elle, en tatant doucement son propre visage. Sa force ? Sa jeunesse. Una tout comme un désavantage dont elle avait pu voir par le passé l’étendu. C’est à cet instant qu’elle recule, pour l’observer de haut en bas. Perplexe, avant de dire ce qui la dérangeait. « Ils ne t’ont pas changé ? Tu gardes la même tenue ? » Si c’était vraiment le cas, on croirait presqu’avant de la voir, il était déjà dans une optique de rendez-vous. Mais avec qui ? Elle se le demandait. La question, la titillait, l’ennuyait. Le tournage n’allait pas tarder, s’il devait se changer ce serait avec justesse et elle se doutait qu’il ne pouvait y avoir d’erreur. L’équipe s’activait de bon train, pour preuve, une scénariste était arrivée pour leur expliquer le contexte du MV.

Tenue ✽ Si son souhait premier n'avait pas été de vanter la beauté de sa peau, il afficha une moue légèrement offusquée face à l'expression de sa partenaire. Pas bien longtemps ceci dit, car un sourire amusé prit place sur lèvres alors qu'il fut qualifié de "petit vieux de vingt-trois ans". Il avait déjà entendu pire venant d'elle, et il était prêt à mettre sa main à coupé qu'elle n'en pensait pas un mot. Ou alors, elle avait un petit penchant pour les vieux, mais des deux, il préférait la première option. Qu'elle ait un penchant pour lui, et lui seul.

Malgré sa précédente désapprobation, Aiichirô avait décidé de se laisser au main des maquilleuses, leur offrant beau sourire et feignant un intérêt que rare personne suscitait réellement chez lui. Celle qui savait le faire était quelques mètres plus loin, à manifester son mécontentement de le savoir désormais sur le tournage de ce MV. Il ne pouvait pas lui en vouloir, lui qui avait pris goût à bousculer son quotidien, ces petites habitudes. Malheureusement pour elle, il ne pouvait pas s'en vouloir lui non plus, appréciant plus que tout cette opportunité qui lui était offerte, et qui lui revenait en quelque sorte de droit, selon lui. Il aurait été hors de question de la voir partager un baiser -aussi faux soit-il- avec un autre garçon, tant qu'il était dans les parages. Or, il comptait le rester encore bien longtemps, à présent qu'il avait fait l'erreur de s'éloigner et d'en ressentir les répercussions au plus profond de son être.

Après ses petites retouches maquillages, le jeune homme se présenta sourire aux lèvres, à sa partenaire, qui n'hésita pas à le jauger de haut en bas. De même, il fit pareil en constatant une fois de plus qu'elle était vraiment jolie ainsi. « Tu ne me trouves pas bien, comme ça ? ». Il y avait-il quelque chose d'étonnant au fait qu'il garde cette même tenue ? Elle semblait convenir au staff présent qui n'avait émis aucune remarque à son sujet. « On dirait presque deux amoureux qui vont en date ». En effet, elle ne pouvait le nier, leur tenue respective s'accordait à la perfection. Comme pour le lui prouver, il se permit de réduire la distance entre eux et de se tenir tout naturellement à ses côtés, en passant délicatement son bras autour de sa taille, sans pour autant la toucher totalement, avec cette hésitation propre au premier rendez-vous. Avant qu'elle ne manifeste un quelconque geste de recul, ce qu'il supposa être le scénariste les rejoignit pour leur faire un petit débriefing de ce qu'on attendait d'eux.

Tenue ✽ D’humeur toujours aussi bougonne, Sumire avait fini par admettre qu’elle ne pourrait plus le chasser, que désormais elle devait subir la présence de celui-ci. Des mots mesquins, des attitudes déplacées, elle en avait toute une palette à lui offrir, lui qui semblait masochiste sur les bords, mais plus elle le faisait et plus elle regrettait. Elle entrait dans un jeu, un cercle vicieux, où plus elle jouait, et moins elle se reconnaissait, plus elle se sentait amère. « On pourrait presque croire que tu es sorti voir ta petite amie » rétorqua-t-elle à la question posée par le jeune homme. Elle refusait d’admettre qu’il ne la laissait pas indifférente, maquillé ou non, ce visage, ce regard, suffisait. Sarcasme, mais aussi interrogation. Était-ce en fait le cas ? Elle désirait la réponse tout comme elle la redoutait. Dans les deux cas, elle ne savait comment elle allait réagir. Elle espérait juste qu’il lui sorte le même jeu, la taquiner, l’ennuyer, sans répondre ou alors le faire en disant que non, c’était du pur hasard. « Tu trainais dans les parages parce qu’elle t’a posé un lapin ? » continua-t-elle sur sa lancée, refusant de répondre à sa remarque. La elle passée se seraient réjouie de cette remarque, aurait même rougie, mais elle refusait de céder place au passé tout comme elle ne pouvait l’ignorer. Puis il eut ce mouvement inattendu. Elle reste interdite, le dévisageant ouvertement. Avant de le repousser, en voyant la scénariste arriver et leur expliquer le déroulement du tournage. « En soi, il n’y a pas de consigne si ce n’est s’amuser comme n’importe quel couple. Simple mais difficile quand la personne en face de soi, est juste un grand frère du voisinage. » Une pique, celle qui lui a lancé un nombre incalculable par le passé. Blessée à chaque fois, elle préférait à chaque fois jouer la carte de l’ignorance, s’accrocher, jusqu’à ce qu’il lui ait infligé le coup fatal. Pour autant, elle était curieuse de voir, l’effet que cela faisait de se voir blesser par une remarque qu’on soulevait auparavant. Elle l’observait, scrutant sa réaction, les yeux pétillants de malice.

Tenue ✽ Alors, c'était ça le problème ? Se demandait-elle ce qu'il pouvait bien faire dans les parages, habillé de cette façon bien simple mais non pas moins charmante ? Était-elle jalouse ? Cette possibilité lui décocha un petit sourire de sa part, difficile à décrire, alors qu'il penchait pour l'option de ne pas répondre. Que pouvait-il bien lui dire ? Il ne l'avait pas approché aujourd'hui pour avoir ce genre de discussion. A vrai dire, il n'aurait jamais envie de parler d'autres filles en sa présence, même si effectivement, il n'avait jamais nier le fait qu'il en fréquentait. Il aurait donc préféré que le sujet soit clos après la première remarque de Sumire, mais celle ci en décida autrement. « "elle" n'existe pas » répondit-il simplement, en espérant lui faire comprendre qu'aucune fille n'était la source de sa venue ici. De plus, Aiichirô n'était pas ce genre d'homme à errer dans un parc après une rupture, mais il se retint de le préciser, étant à peu près sûr que ce n'était pas le meilleur moyen d'arranger les choses. Or, malgré sa maladresse, présente et passée, il souhaitait retrouver sa Sumire.

Il ne s'offusqua pas lorsqu'elle le repoussa ; il en fut d'ailleurs à peine surpris. Il se contenta d'être attentif, car après tout, ce n'était pas lui le professionnel des tournages. Il avait accepté cette offre par impulsion, mais maintenant qu'il se trouvait face à celle ci, il souhaitait faire les choses biens, en particulier en apprenant qu'il suffisait de rentrer dans la peau d'un petit couple. Il en avait souri lorsque Sumire l'avait évoqué, mais son sourire s'était quelque peu terni, évanoui à la fin de sa phrase. Elle lui fit sentir une fois de plus cette rancœur qu'elle avait à son égard, et encore une fois, il ne s'en excusa pas. « Mais on fera de notre mieux » conclut-il face au scénariste, avec un sourire poli. Lorsqu'il s'éloigna, il se tourna néanmoins vers la jeune fille dont les dires l'avait replongé dans un passé qu'il souhaitait oublier. Même s'il tentait de se convaincre qu'il avait fait le bon choix, il regrettait sincèrement le mal qui lui avait fait au passage. « On discutera après » lâcha-t-il avec un sérieux imparable, et sans véritablement lui donner le choix, avant de se diriger sur la scène du tournage.

Tenue ✽ Plus elle le repoussait et plus elle le blessait, plus elle se blessait par ses réactions tout comme par son silence. Déboussolée, perdue, elle ignorait encore comment le désarçonner et comment tirer un trait définitivement à ses sentiments qui l’étouffaient de nouveau, sentiments qu’elle pensait s’être débarrassée. Comme ce soulagement qui la prenait lorsqu’il lui disait, que elle n’existait pas. Elle se détestait de ressentir cela, tout comme elle se surprenait. « C’est ce que tu dis » rétorqua-t-elle, réprimant un sourire, essayant de se convaincre qu’il mentait comme toujours. Aiichirô avait toujours été pleins de secrets, de mystères. Jamais, elle n’avait pu réellement lire le fond de ses pensées, aujourd’hui, hier. Rien n’avait changé sur ce point.

Un sourire poli, un peu crispée, qu’elle offrit à la scénariste à l’entente des mots de son nouveau partenaire de tournage. notre mieux, le nous provoquait un léger pincement de cœur. « Discuter ? De quoi ? Et pourquoi je devrais t’écouter » souffla-t-elle sans le regarder, le guidant vers le devant de la scène, là où le tournage allait commencer. Là où leur semblait histoire d’amour allait naître sous la lumière superficielle des projecteurs, sous le regard attentif de toute une équipe prête à réagir. « C’est maintenant où jamais, je doute avoir le temps de t’écouter plus tard » lâcha-t-elle, estimant qu’ils étaient suffisamment éloignés pour que quiconque puisse entendre leur conversation. Après tout, c’était un tournage pour un clip vidéo, leur discussion n’était pas enregistrée, seule leur image était captée.

Une nouvelle fois elle le repousse pour qu’il avance, pour qu’il se décide. Elle quitte le cadrage de la vidéo. Le tournage commence.

Elle apparait en courant alors qu’il est dos à elle. Elle arrange ses cheveux, son expression montre la nervosité, mais aussi la timidité. Elle tire la manche de sa chemise pour voir l’heure. Elle est en avance. Elle sourit, réjouit de voir qu’il était là, avant l’heure. Doucement, à pas de velour, elle le rejoint, tapotant sur son épaule droite pour qu’il tourne la tête et se fasse piquer par son index. Elle rit aux éclats.