tenue ••• D’un air las, je souffle sur la mèche de cheveux qui importune impétueusement ma vue. Suivre un cours n’est pas aisé, encore moins quand la salle est parcourue de chuchotements intempestifs, encore moins quand cette foutue mèche ne veut pas se placer comme je l’entends. Non contente de m’avoir fait redoubler, parce que je suis incapable de gérer une grossesse imprévue et ma scolarité en même temps, cette école a décidé de pourrir mon quotidien, à base de « on dit » qui s’accumulent toujours un peu plus. Merci Royal Shit, vraiment, super, je ne saurais pas quoi faire de mes journées sans ces rumeurs empoisonnées. En fait si. Je pourrais me consacrer sur des choses plus importantes, comme apprendre à mieux m’occuper de Roxas, aider son père à gérer ses problèmes d’alcool et chercher un peu plus ce qu’on pourrait trouver comme appartement. Parce que là, on commence à être serrés avec le bout de chou qui grandit un peu plus chaque jour. Mais non, au lieu de me focaliser sur ces trucs d’importance non négligeable, ou de me concentrer sur les cours pour ne pas me foirer à nouveau, mon esprit est pollué par des ragots idiots et faux.
Chaque fois, c’est une nouvelle histoire, absurde et sans fondement, qu’on s’amuse à m’envoyer à la tronche, comme le scoop du siècle. Sauf que révéler un truc faux, eh bien, ça n’a aucun mérite et ma face dépitée et consternée, et non pas affolée, doit bien les décevoir. Au point que certains font parfois moins dans la dentelle et plus dans l’agression verbale. Ou l’agression tout court. Je peste quand je me fais bousculer pour la énième fois de la journée, manquant de faire tomber mon précieux carnet à dessins. Aucun respect, vraiment. Tout ça parce que j’ai eu le malheur de faire une connerie notable dans ma vie et que la machine à potins de l’université s’est amusée à l’exposer sur la place publique. Quelle plaie ces gens.
Trêve de plaisanterie, heureusement, il reste encore quelques activités pour me changer les idées, à part les heures en classe. Et les couches à changer. En ce jour, j’ai tout de même la chance de déjeuner avec Noah pour parler musique et chanson, au lieu de mes nombreuses conquêtes imaginaires. Le pied quoi. J’ouvre mon casier pour y déposer mes affaires de cours, et y découvre d’un air sombre certains de mes crayons à dessin fétiches en piteux état. Genre tout ce qu’il en reste, c’est le bout, avec la petite gomme. Génial. Et un joyeux « salope », « sale pute », « crève poufiasse » écrit sur chacun d’eux, pour ce qu’il en reste. Je referme mon casier d’un air agacé, à bout de nerfs devant autant de gaminerie et de méchanceté gratuite, des ricanements ne manquant pas de se faire entendre. Alors que je m’apprête à rejoindre Noah, j’aperçois celui-ci en pleine conversation profonde avec un petit groupe. Et quelle n’est pas ma surprise quand je l’entends prononcer mon nom. Plaît-il ? Pendant un instant, mon cœur se serre, prêt à s’effondrer à la pensée qu’il me lâche aussi.
Et non. Je resserre ma prise sur mon sac, d’un air satisfait, en l’écoutant remettre doucement, mais sûrement, les individus à leur place. Et leur annoncer que je suis sa copine par la même occasion. J’arque un sourcil, dubitative et incompréhensive à la fois, mais passons. Ce n’est pas comme s’il comptait leur faire une démonstration d’affection, hein ? Ah. Bah si. Je manque de trébucher quand il passe sa main autour de ma taille, mais me rattrape bien vite. J’esquisse un petit sourire quand il embrasse mon front, ahlàlà ce Noah, toujours prêt à se sacrifier pour l’honneur de ces dames. Enfin pour le mien, ça c’est sûr. Je ne suis pas du genre à mener les gens en bateau, mais vraiment là, je pourrais utiliser une ruse pour calmer les langues de vipère sans problème. Et puis c’est son idée. «
Hey oppa ! », je lance d’un air joyeux, terriblement niaiseux, frôlant l’aegyo. Son étreinte ne manque pas de me surprendre, mais je m’y fais rapidement, j’en ai besoin, j’ai besoin de savoir qu’il est là et qu’il me soutient. «
Oui, que veux-tu, certains aiment dire des choses à tout va, même si elles sont fausses et qu’elles font mal. », je réponds avec un air sombre, foudroyant du regard les filles derrière lui. Contentes de leur nouveau scoop – également faux mais chut – elles affichent un air béat de groupie qui me donne envie de vomir. Et pourtant, ce n’est plus la période des nausées matinales. «
Exactement ! Tu n’as pas oublié qu’on déjeunait ensemble hein ?, j’interroge en mimant la petite-amie vexée à la perfection,
je t’aurais bien fait un bento, mais les affaires dans mon casier ont tendance à être saccagées sans explication en ce moment. ». Sans rire, ils n’ont aucune décence, je me moque qu’ils m’insultent parce qu’ils en ont envie, ils pourraient au moins respecter mes objets. Surtout ceux que je chéris, comme mon matériel à dessin. Une chance que je ne me sépare jamais de mon précieux carnet. «
Enfin, c’est pas grave. Il paraît que le coffee shop qui vient d’ouvrir à côté de la fac fait d’excellents sandwichs. Ça te tente ?, je demande en le prenant par le bras, d’un air affectueux. Il manquerait simplement qu’on soit en uniforme de lycéens et on ferait un duo de dramas parfait. Peut-être devrais-je revoir mes plans de carrière et me lancer dans le cinéma. Mais il serait trop triste si je ne me consacrais plus à la musique avec lui, je le sais.