OUTFIT ••• Qui dit fin de vacances, dit début de la reprise des cours. Et des activités. Malgré l'ambiance, les Bahamas furent un bon programme pour se détendre et s'amuser. J'ai pu rencontrer de nouvelles personnes, ainsi qu'une fille de notre école. Franchement, j'ai passé de bon moment là-bas, même si j'ai eu affaire à un soucis de taille avec mon meilleur ami. D'ailleurs, je n'ai pas encore donné de réponse à ce dernier, ni si c'était un non catégorique, un non hésitant ou un peut-être bien que oui. En vérité, je ne sais que lui répondre et j'ai l'impression que ça s'éternise, durant trop sur la longueur. Cette histoire ne perturbe pas mon programme, ni celui de l'agence ou des autres membres. S'ils ont prévu un solo pour moi, ils ont aussi réfléchi pour les autres. Chacun a le droit à son moment de gloire, comme qui dirait. D'après notre manager, Miyu doit faire une séance photo pour un magazine, et vu que je n'ai rien de prévu dans l'immédiat, je me suis dit que ce serait bien d'aller le voir bosser. Mon portable en poche, quelques sous dans le porte-feuille, j'ai rejoins mon meilleur ami à l'agence où se déroule le photoshoot, croisant déjà beaucoup de monde au rez-de-chaussée. Quémandant mon chemin à une personne, celle-ci m'indique où se trouve l'étage que je souhaite. C'est plutôt grand dans ce bâtiment, mais une chance qu'il ne possède qu'un ascenseur et une cage d'escalier. Une fois au bon étage, je cherche la porte avec le bon numéro et me permet d'ouvrir discrètement cette dernière. J'entends des voix, du mouvement, mais personne ne prête attention à moi. Tant mieux, je voulais justement passer inaperçu. Longeant le mur, je m'arrête en voyant le décore où doit travailler Miyu. D'ailleurs, il n'est pas loin ... Avec une fille. Tenma ne m'a pas précisé avec qui ou quoi il ferait son shooting, et j'aurai dû me douter qu'il ne serait pas forcément seul. Normalement, ça ne me dérange pas, mais quand je vois cette personne discuter joyeusement avec le jeune homme et que je repense à ses paroles sur la plage... Bah, y un truc qui se serre à l'intérieur de ma poitrine. Que m'avait dit Ryoma ? Qu'il ne pourrait pas cesser de m'aimer comme ça, du jour au lendemain, ou une chose dans le genre. Est-ce vraiment possible ? Est-ce que ça m'arrangerait ? Serais-je soulagé à l'idée qu'il passe à autre chose et soit capable de trouver la bonne personne ? Ou alors, serais-je agacé de savoir que son intérêt à mon sujet n'a été que de courte durée ? C'est idiot, si je commence à raisonner de la sorte, je ne pourrais pas m'en sortir. Et à force d'être plongé dans mes pensées, j'en oublie ce pour quoi je suis venu. J'en oublie même que je suis là, dans la pièce avec tout ce monde.

OUTFIT ••• Même si je lui ai dit que je lui donnerai du temps pour me répondre, j’ai l’impression que chaque minute passée équivaut à un jour complet dans le noir. Etre dans cette situation est plus insupportable que je ne l’avais pensé. Je n’aurai pas du faire le mec cool et lui dire de lui laisser le temps. C’est encore pire que l’attente de l’annonce du vainqueur d’un grand prix. Sur le moment, je pensais réellement ce que j’ai dit mais c’est parce que je ne connaissais pas les conséquences de mes mots. Et je me retrouve dans cette situation de débile où je ne peux qu’attendre que Shun se décide à donner une réponse. Bien entendu, je ne compte pas montrer mon réel état d’esprit aux autres. Je fais en sorte d’agir le plus « normalement » possible. Enfin, j’essaye car il m’est déjà arrivé de confondre le sel et le sucre pendant que je cuisinais juste parce que Shun venait de passer dans le coin et pour ne pas laisser le moindre doute, j’ai du finir mon plat comme si de rien n’était pour ne pas éveiller de soupçons à Shojiro. Je me doute bien que le reste du groupe a cramé quelque chose mais ce n’est pas comme si je suis dans une situation où je peux en parler à tout le monde. « Oui, vous avez raison, il s’est passé un truc entre Shun et moi. Je me suis confessé à lui et j’attends sa réponse. Donc s’il y a cette ambiance entre nous, c’est normal. » Je ne peux définitivement pas dire ça. Heureusement, je peux m’occuper les esprits avec le travail. C’est pourquoi j’ai accepté tous les photoshoot que Tenma m’a trouvé. Il arrive que je fasse un phoot avec un autre modèle et je trouve cette idée plutôt plaisante. C’est agréable de pouvoir rire, parler des choses qui n’ont aucun rapport avec Shun ou le groupe. D’ailleurs, il se trouve que j’ai une très bonne affinité avec la mannequin d’aujourd’hui et cela se ressent lors de notre séance de photo. Nous sommes tous les deux à l’aise. Elle pose sa main sur mon épaule. Clic. Je la regarde avec intensité. Clic. Sa tête est sur mon épaule. Clic. Bref, la séance s’est déroule sans problème. Je suis même surpris que je peux redevenir le Miyuki « d’avant ». Enfin, ça c’était avant que je n’aperçoive Shun dans un coin. Il est littéralement une part d’ombre dans la pièce mais j’ai réussi à le voir comme si mes yeux savaient qu’il était là et que je devais le trouver parmi tout ce monde. Par contre, il semble complètement ailleurs. Mon professionnaliste reste au point et je continue la séance, même si je ne peux m’empêcher de jeter des petits coups d’œil en sa direction. Heureusement, la pause arrive et je m’excuse auprès de mon nouvelle amie pour me diriger vers Shun. Je l’appelle plusieurs fois mais il ne répond pas. Il ne voit même pas un des assistants du photographe venir vers lui avec un carton dans les bras. J’accélère le pas pour pouvoir secouer son épaule, et par la même occasion le pousser pour éviter la collision. «  Mais qu’est ce qu’il t’arrive ? Ça fait plusieurs fois que je t’appelle.  » Je ne sais même pas d’où me vient cet « élan de courage » pour pouvoir lui parler comme si de rien n’était. Pourtant, c’est loin d’être aussi serein pour moi aussi.

OUTFIT ••• Si c'est difficile pour Miyu d'attendre une réponse, c'est encore plus dure pour moi de lui fournir ce qu'il attend tellement. Ce n'est pas un sujet à prendre à la légère, et pourtant je ne peux pas me permettre d'être trop lent. Soit Miyu va s'en lasser, soit c'est moi qui vais m'en lasser. ça serait une réponse aussi, mais pas celle que nous attendons. N'ayant toujours rien de positif à lui dire, ni de négatif d'ailleurs, je me décide à le rejoindre à sa séance photo. Que je sois son crush ou son meilleur ami, ça ne change rien à mes yeux. Si j'ai envie de le voir, je vais le voir. Il est sûrement occupé, mais peut-être trouvera-t-il quelques minutes à m'accorder lors d'une pause. En attendant, je l'observe dans mon coin, aussi discret qu'un fantôme. Les gens s'occupent, ils déambulent autour de moi, l'écho de leur voix me passe par dessus la tête et mon esprit s'évade dans une autre pièce. Une pièce que je nommerai mon subconscient. C'est dire si je suis parti loin, au point de ne plus voir personne, ni le staff, ni les mannequins... Ni Miyuki. Lui, il est justement dans ma tête. Je m'interroge, m'impose du doute et cherche à voir au-delà de ce sentiment écrasant. Finalement, j'en oublie où je suis, pourquoi j'y suis. C'est uniquement quand il vient me secouer l'épaule et me pousser que j'atterri, hébété. Qu'est-ce que je fais là ? Le temps que mon cerveau se remette en marche et que je sache parfaitement la raison de ma venue, quelques secondes se sont écoulées. Quoi ? Miyu me parle, comprenant qu'il me sermonne. Qu'est-ce que j'ai fait ? Regardant autour de moi, je ne réalise pas de suite que je gênais ou que j'étais perdu dans mes songes. « Je suis venu te voir. » Répondis-je simplement, l'air toujours aussi stupide et paumé. Posant mes yeux sur lui, je le détaille rapidement et ose enfin un sourire. « J'ai du temps libre. » Si ça peut lui donner plus d'information. Ai-je besoin de plus pour satisfaire sa curiosité ou va-t-il se contenter de mes paroles ? Je n'ai même pas remarqué que son amie mannequin venait de s'approcher, posant une de ses mains sur le bras de Miyuki. « Bonjour. Une amie à toi ? » Demandais-je, naturellement. Elle est belle, c'est la seule chose que je note de cette demoiselle... Puis je me souviens que Miyu aime les hommes et j'aborde un sourire encore plus débile que tout à l'heure. Suis-je bête, bien sûr que c'est une simple amie, une collègue comme une autre.

OUTFIT ••• Si Shun pense que pas de nouvelle égale bonne nouvelle, il se trompe. Etre dans le doute est anxiogène. J’ignore ce qu’il se passe dans sa tête pour me laisser dans l’attente totale. Pourtant, je le connais, je sais qu’il doit être en train de réfléchir pour me donner une réponse juste mais plus le temps passe, moins j’ai confiance en ma supposition. C’est juste plus fort que moi. En même temps, cet idiot ne me donne pas d’argument pour sa cause ! Heureusement, le travail m’aide à oublier cette situation. Dans mon cas à moi, je ne bois pas pour oublier mais je m’acharne dans mon travail. C’est une méthode qui marche plus ou moins bien en fonction des gens avec qui je suis. Pour aujourd’hui, j’ai eu de la chance d’être tombé sur Irene. C’est une chouette fille et c’est agréable de faire la séance photo avec elle. Sauf que c’était comme si le ciel ne voulait pas que j’oublie mon histoire avec Shun puisque mon amoureux apparait de nulle part. Je ne pourrai pas dire que sa présence ne me plait pas car ce n’est pas le cas, mais elle ne tombe pas à pique. Je profite de la pause pour aller le voir, mais il me semble complètement dans la lune. Mon cœur réagit bizarrement à sa phrase. Cet idiot ! Il va me faire rougir juste avec une simple phrase. Le pire, c’est que je suis sûr qu’il n’en a même pas eu conscience. Je passe ma main dans mes cheveux pour cacher mon embarras. Il a eu du temps libre et il est venu me voir ? «  C’est gentil.  » J’affiche un sourire sincère. Dire qu’il y avait encore quelques minutes je le « maudissais ». Je deviens complètement lunatique et ça en devient grave. Heureusement, ma nouvelle amie arrive pour me faire redescendre sur Terre. Je lui tapote la main avec la mienne. «  Shun, voici Irene. Irene, Shun. Il est membre de mon groupe. » Shun sourit en sa présence, voire même un peu trop. Ça a malheureusement tendance à m’agacer. «  Tu as un truc dans tes cheveux.  » Je me tourne vers mon amie qui m’aide rapidement à m’en débarrasser en passant ses doigts dans mes cheveux. «  Merci. » Elle me montre une mini plume qui s’était, surement, posée au moment où j’ai dégagé Shun du carton rempli de coussins et d’objet pour le décor du shoot.  

OUTFIT ••• Ce n'était pas prévu que je débarque subitement sur le lieu de sa séance photo, je n'ai même pas songé à quoi lui dire une fois en face à face. Je voulais juste le voir durant mon temps libre. Comme me l'a conseillé Ryoma, je ne devrais pas l'éviter, ni l'ignorer. Le mieux, c'est de me comporter comme je l'ai toujours fait avec mon meilleur ami. Du coup, je suis venu jusqu'ici. Miyuki bosse dure, très dure. Je le vois rarement se prélasser dans un coin en attendant que le temps passe, à moins que je ne fasse pas toujours attention à ses passes-temps. En tout cas, à le voir avec cette fille, il est concentré et attentif à la fois. Ce qui n'est pas mon cas... Mon esprit se détache de la scène, se perdant peu à peu dans mes réflexions. C'est étrange, normalement je ne divague pas à ce point. Là, c'est comme si je venais de prendre un train pour le black-out total, oubliant à peu près tout. Pourquoi je suis venu. Où je suis. Comment j'ai pu m'égarer. Heureusement que Miyu m'intercepte avant que je ne sois dans le passage d'un employé ou que je cause des dégâts. Je voulais le voir, c'est mon meilleur ami, même si parfois j'en doute. Meilleur ami ? Petit ami ? Il ne semble y avoir qu'un pas entre les deux, un grand pas. Pourtant je suis sincère, je voulais vraiment le voir. Depuis cette histoire, c'est difficile d'avoir une seconde pour nous. Et quand je dis « nous », ça n’inclue pas sa collègue qui débarque de nulle part. Irene ? Miyu me présente comme il présenterait un ami, ou un membre de son groupe. Je souris à la jeune fille, plus par habitude et politesse. La Irene semble plus préoccupé par les cheveux de Miyu que par ma présence... Et bizarrement, j'en perd mon sourire. « Irene, je peux t'emprunter ton collègue pour la pause ? » Demandais-je avec respect et en essayant de reprendre mon sourire. Je ne sais pas pourquoi j'ai ressenti ce pique dans ma poitrine à la vue de ses doigts dans les cheveux de mon meilleur ami. Récupérant Miyu par le bras, j'incline ma tête pour saluer Irene et emporte l'autre garçon à ma suite. Je préfère chercher un coin tranquille, de préférence avec un distributeur de boisson ou un truc dans le genre. « ça existe des gens qui ne nous connaissent pas ? » ça sort de nulle part, alors que nous venons à peine de quitter la pièce où ils étaient pour la séance. Je fais référence à sa façon de me présenter à la jeune fille, comme si cette dernière ne savait pas qui était Shun. Ma tête devrait lui être familière, sauf si je suis trop imbu de ma personne et trop confiant de ma célébrité. Ou agacé d'être présenté comme « un membre du groupe » et non « son meilleur ami ».

OUTFIT ••• Non, je ne m’attendais pas à voir Shun débarquer de ma séance de photo. Mais puisqu’il était là, il fallait que je le présente à Irene. Sauf que quelque chose semble faire perdre le sourire à Shun. Il a l’air même en rogne. Est-ce que je suis responsable ? Sans que je ne puisse dire un mot, il me tire déjà par le bras pour m’éloigner du mannequin. J’aperçois son étonnement dans la foulée, mais entre Shun et elle, le choix est vite fait. C’est pourquoi, je le laisse faire. « Quoi ?  » Je ne comprends pas trop sa remarque. « Même quand les gens nous connaissent, lorsqu’on voit une personne pour la première fois, on se présente. C’est ce qu’on appelle la politesse. » Dis-je l’air de rien. Shun réagit bizarrement. Et ça m’a paru tout à fait logique de le présenter comme étant un membre du groupe. Je me suis bien entendu avec Irene mais ça ne veut pas dire que je lui raconterais tout sur moi. Honnêtement, nous sommes plus des collègues que des amis, du moins, pour le moment. Je pose une main sur ma hanche. « T’es bizarre.  » Je fronce les sourcils. C’est louche. Mais au bout de quelques secondes, je finis par esquisser un sourire. « Mais tu sais, tu me rappelle drôlement quelqu’un. » Mon sourire s’agrandit de plus en plus, essayant de ne pas rire. Je fais mine de réfléchir, en tapotant plusieurs fois du pied et me grattant le front. « Tu as exactement le même comportement que j’ai eu de lorsque tu étais en train de filmer ton émission. » Je lui donne des petits coups de coudes sur le sien. « Dis, tu es jaloux ?  » Cette pensée me rend heureux et mon sourire est sincère. Il vient de me redonner espoir à toute cette histoire.

OUTFIT ••• Cette fille n'a rien fait, mais faut pas chercher bien loin. Je sais aussi que Miyuki préfère les hommes aux femmes, mais comme je l'ai dit, faut pas chercher loin. Ce n'est pas tant leur complicité qui m'agace le plus dans cette affaire, mais ce que je ressens moi-même par rapport à tout. Attrapant mon meilleur ami, je l'éloigne du mannequin après m'être excusé. Même en marchant je rumine toujours, interrogeant Miyuki comme si il avait réponse à tout. La politesse, bien évidement. Suis-je bête. « Oui, bien sûr. Où avais-je la tête. » Je fais genre, mais je roule des yeux comme si ça m'importait peu d'être poli, courtois, etc. Qu'il me présente est une chose, qu'il informe ma présence dans le groupe en est une autre. à mes yeux seulement. Cette irene est dans le monde de la mode, du showbiz ou peu importe, elle doit savoir reconnaître les idoles... Non ? Bizarre ? Moi ? Je lui lance un regard comme s'il venait de dire que j'étais un alien. « Qui encore ? » à m'entendre, on pourrait croire que je suis sur la défensive, en plus d'être légèrement irrité. ça doit être le cas, en partie. Miyuki fait son cinéma, alors qu'il n'a qu'un nom ou un truc à dire. « Quoi ? » Mon émission ? Laquelle ? Je fronce les sourcils, comme lui deux secondes plus tôt. Jaloux ? Moi ? Miyu me donne des coups de coude, avec son sourire aux lèvres. « De qui veux-tu que je sois jaloux ? Irene ? Tu aimes les hommes, non ? J'vois pas pourquoi je serais jaloux d'une femme. » Et pourtant, je grommelle en répondant. Par contre, je ne dis pas que je ne serais pas jaloux d'un homme... En même temps je ne tiens pas à ce que Miyu s'amuse à me tester, ni à le voir traîner avec un autre gars que moi.

OUTFIT ••• J’acquiesce plusieurs fois de la tête à sa remarque. Je ne comprends pas pourquoi Shun fait tout un plat sur ça. Je l’ai présenté comme étant un membre du groupe et apparemment ça lui a posé problème. Quoi que, en y réfléchissant, je ne vois qu’une raison à ça. Croyant avoir compris, je commence à le taquiner en le titillant avec mes propos puis avec plusieurs mouvements du coude. Shun commence à s’impatienter et ça me fait rire. Lui aussi est donc capable de « piquer une crise » pour « rien ». Oui, je ris de bon cœur de cette situation. Mais sa réponse me fige sur place. Non pas parce qu’elle ne me plait pas, au contraire, je suis agréablement surpris par ses mots, ne m’attendant pas du tout à ça comme réponse. J’ignore ce qu’il veut dire par là, mais moi je l’interprète à ma façon, c’est-à-dire de la bonne. Pour moi, en tout cas. «Oh ? Donc si c’était un homme, tu en serais jaloux ? Pourquoi ? Tu commences à ressentir des trucs pour moi ? » Dis-je avec un grand sourire. J’attends sa réponse avec impatience. Est-ce qu’il va nier la chose ou l’avouer ? De toute façon, s’il le nie, je trouverai bien un moyen pour le vérifier. « Mais alors, si ce n’est pas de la jalousie, pourquoi tu es comme ça ? Ce n’est pas de la faute à Irene... Donc c’est de ma faute ? » J’essaye de deviner la raison. « J’ai dit quelque chose de mal ?  » Pour que Shun puisse se mettre dans cet état, ça ne doit pas être rien. Mais je n’ai pas dit plus de dix phrases en sa présence, donc je ne vois absolument pas ce qui l’a mis en « rogne ». Mais je ne lâcherai pas l'affaire, je tiens à savoir.

OUTFIT ••• Depuis qu'il m'a avoué ses sentiments, c'est comme si je voyais le monde à travers du verre. Tout semble différent, parfois flou. Rien ne se ressemble ou alors, très peu. Miyuki est Miyuki, pourtant j'ai des fois la sensation qu'il n'est plus le Miyuki que je connaissais, ou sinon, je ne suis pas le Shun de d'habitude. Quand je le vois avec cette fille, même en sachant qu'il est homosexuel, je ne peux pas m'empêcher de râler et de criser pour rien. C'est une fille, même pas elle doit intéresser Miyu. Je suppose que c'est incontrôlable ? J'ai beau savoir que c'est n'importe quoi, ça reste quand même là. Miyuki s'en amuse, il trouve à en rire, mais je ne suis pas sûr que cela me plaise à ce point-là. Qui a-t-il de drôle ? Mon point de vue ne le laisse pas de marbre, et sa question non plus. Jaloux d'un homme ? Si je commence à ressentir quelque chose ? Je fronce les sourcils, ayant trop d'information à la fois. Par quoi je dois commencer ? Peut-être par me défendre. « Tu poses trop de question. » Voilà, c'est la meilleure chose à dire pour éviter de donner des réponses hâtives. Il creuse, je le vois qu'il cherche à me désorienter et m'arracher la vérité, mais je ne sais même pas quoi dire ! Parce que je ne sais pas du tout où j'en suis moi-même. « écoute... » Commençais-je, la bouche ouverte. écoute quoi ? Je ne sais pas ce qu'il se passe. Mes lèvres se scellent à nouveau et j'aborde une mine contrariée. Ce n'est pas sa faute, il n'a rien fait pour me mettre en rogne. Je suis le seul coupable de mon état, parce que la scène qui s'est joué sous mes yeux tout à l'heure était clairement une scène banale d'un quotidien de célébrité. Lâchant un gros soupir, je glisse ma main dans mes cheveux et tente de trouver une réponse valable. « Pourquoi tu veux tant savoir si je suis jaloux ? Cela voudrait-il dire que je ressens quelque chose de différent pour toi ? » Je l'interroge, peut-être que son point de vue m'ouvrira les yeux.

OUTFIT ••• Est-ce moi qui ai changé ? Je ne pense pas. Je suis toujours le même, ma façon de me comporter avec Shun est resté la même que celle avant de ma « petite » crise. C’est comme si j’avais transmis le ballon à Shun et il devait se débrouiller tout seul avec ça. Mais pour Shun, je lui ai plus donné une bombe qu’un ballon. Il a l’air complètement perdu. Peut être que je n’aurai pas du le lui dire ? Pour moi, ça a été une source de délivrance, mais pour mon meilleur ami, je doute que ce soit le cas. D’un autre côté, le voir à ce point perturbé peut être aussi interprété positivement. En tout cas, je préfère le prendre ainsi, à m’amuser de sa situation. De toute façon, je ne peux faire que ça. Il n’est pas le seul qui cherche des réponses. J’ai besoin de la sienne alors je me dois de le lui faire comprendre ce qu’il veut réellement. J’ai toujours été une personne directe, donc poser toutes ces questions ne me dérangent pas. Est-ce que je devrais le rendre jaloux avec un gars ? Est-ce qu’il sera jaloux ? Ecoute ? Je le regarde pour attendre la suite mais rien n’arrive. Mes mains font des mouvements de cercle pour l’inciter à parler, que je l’écoute. « Peut être ? Ça signifie que tu tiens à moi. » Mais il n’y a pas que des amoureux qui ressentent de la jalousie. On peut être jaloux pour ses frères et sœurs, ses amis… « Tu sais, c’est pas à moi que tu devrais te poser les questions, mais à toi.  » Il est le seul qui peut savoir ce qu’il veut et souhaite. « Tu as déjà sorti avec des filles non ? Tu sais ce que ça fait d’être amoureux non ? Est-ce que tu ressens ce genre de sentiments pour moi ? » Mince. Je me suis emporté. Je soupire. « Non laisse tomber, j’ai dit que je te laisserai le temps. » Je m’arrête un instant. « Si tu ne m’aimes pas de la même façon que je t’aime, ce n’est pas grave. Ne te force pas à me donner une réponse positive, c’est tout ce que je te demande.  » Je me pince légèrement la lèvre avant de regarder l’heure sur ma montre. « Olala, ma pause est terminée ! J’imagine que tu vas rester jusqu’à la fin non ?  » Ce n’était pas vraiment une question mais une proposition non refusable. « Je terminerai dans environ 1h30. On ira manger après. Réfléchis à l’endroit et réserve à l’avance.  » Dis-je en marchant en direction du studio sans regarder où je vais mais Shun.

OUTFIT ••• Miyuki a dû se délivrer d'un poids en m'avouant ses sentiments, mais dans mon cas, je me sens lourd de reproche. J'ai souvent la sensation de ne pas apporter les bonnes choses à mon meilleur ami, d'être un boulet et de ne jamais rien piger à rien. Mon esprit est préoccupé, tout le temps ailleurs. Je ne sais comment réfléchir à cette situation, prenant parfois du temps pour songer et perdant des heures de sommeil. J'en viens à me demander si je réfléchis vraiment de la bonne manière ou si je fais les choses à l'envers. Miyuki a réussi à me perturber, à chambouler mon quotidien et à rendre la moindre petite chose plus compliqué qu'elle ne l'était auparavant. Parler avec Miyu n'arrange pas toujours tout, ça m'apporte plus de question que deux secondes plus tôt. Une galère sans nom. Ouvrant ma bouche, je débute une phrase par un simple mot. écoute. Dans l'immédiat, c'est mon silence qu'il écoute, parce que je ne trouve pas les mots pour discuter avec lui. Que dois-je dire en vérité ? Comment aborder le problème ? Comment le résoudre ? J'ai autant de question que lui, finalement. « Je tiens à toi. » évidement, il le sait déjà ça. Je tiens à lui, mais j'ai toujours tenu à lui ... Comme un meilleur ami. Est-ce différent à présent ? « Je le fais déjà. Depuis des semaines. » Avouais-je. Je n'ai pas attendu qu'il me le dise pour le faire. Je m'interroge depuis trop longtemps sans obtenir de réponse. Être amoureux, je connais ça pour l'avoir expérimenté durant mes années de lycée, avant d'être une idole. Miyuki me lâche une nouvelle bombe, d'abord il semble insister, puis se résigner. Je le regarde, arquant un sourcil à ses paroles. Il veut des réponses, oui ou non ? Sa montre coupe court à cette conversation, et même si j'ai envie de le retenir, je ne peux pas. « J'imagine aussi. » Me reprenais-je, souriant doucement. 1h30, ça me laisse le temps de choisir un endroit où se poser. Réserver ? « Oui, princesse. » Soufflais-je, à moitié ironique. Il s'en va déjà et encore une fois, je me retiens de le suivre. 1h30, je peux chercher un endroit où se poser pour manger et réserver, comme il vient de me le dire. Pendant qu'il termine son boulot, je me charge de ma tâche à l'extérieur, regardant les différentes enseignes et éliminant celles qui ne me plaisent pas. Au bout d'une heure, j'ai trouvé un truc à dix minutes de l'agence, à force de marcher, je me suis un peu éloigné... Mais c'est sympa, avec un mobilier en bois épais et foncé, des tasses en exposition sur un pan de mur. Bref, le genre d'endroit que j'affection particulièrement. Installé à une table, j'envoie un message à Miyuki pour le prévenir que j'attends sur place, donnant l'adresse et le nom du café. Il ne pourra pas dire que je n'ai pas réservé à l'avance.

OUTFIT ••• Il tient à moi. Même si je m’attendais à entendre cette réponse, elle ne m’enchante pas non plus. Il tient à moi en tant que meilleur ami et pas forcément de la même manière que j’ose espérer. Mais bon, n’est ce pas déjà ça de gagner ? « Wow. Shun. Tu prends ça très au sérieux. Merci. » Je le dis en rigolant mais c’était ce que je voulais aussi. Mais si je donne l’impression de le prendre à la légère, c’est aussi pour limiter les pots cassés. Moins j’ai d’attente, moins la chute fera mal. Je suis content qu’il prenne le temps de réfléchir mais si au final, il n’a pas la réponse qu’il cherche, n’est ce pas un signe qu’il connait déjà la réponse mais qu’il ne veut pas l’accepter ? Je me suis impatienté en voulant connaitre la réponse mais je me rétracte immédiatement. Au final, n’est ce pas moi qui n’ose pas entendre de réponse ? Après tout, pour moi la réponse est claire. Il ne m’aime pas. En tout cas pas de la même manière que moi je l’aime. Donc à la place de me prendre un phénoménal râteau, je laisse les choses trainer, je le taquine avec ça, j’en rigole. Heureusement, le timing est avec moi puisque je dois reprendre mon shoot. « Pas princesse. I’m a Queen.  » Dis-je en faisant un clin d’œil confiant avant de tourner dos à lui. Mon sourire confiant disparait aussitôt et marche en direction du studio. Je retrouve Irene. Notre séance reprend son cours. On se change, on nous remaquille, on pose. Une heure trente plus tard, on remercie le staff. Je m’apprêtai à rentrer dans ma loge mais Irene m’intercepte. « Ça te dit d’aller boire un verre ? On l’a bien mérité.  » « Ah, je suis désolé, j’ai déjà quelque chose de prévu après.  » « Pas grave, on s’organise ça une autre fois. » Elle me tend sa carte de visite avec son numéro dessus. Je la récupère avec un sourire puis m’éclipse dans ma loge après lui avoir dit au revoir. Je me change et pendant qu’on me démaquille, je lis mes messages. Apparemment Shun aurait trouvé un endroit et m’attend déjà. Je profite d’avoir le portable à la main pour entrer le numéro d’Irene. Dix minutes plus tard, je sors de l’agence pour aller à l’endroit que m’a indiqué Shun. A la bonne rue, je lève la tête à chaque café que je croise pour voir s’il s’agit du bon. Je finis par trouver le dit café au bout de la troisième tentative. Je le repère rapidement et m’installe face à lui. « Sympa comme endroit. » Je lève la tête et regarde dans tous les sens. « Tu as déjà commandé ?  »

OUTFIT ••• J'ai l'impression qu'il m'en demande trop parfois. Réfléchir, c'est bien beau, mais ça fait un moment que je suis plongé dans mes songes à remuer toute sorte de question jusqu'à m'en filer la migraine. Hélas, je n'ai pas les réponses souhaitées et ça m'agace. Se moquerait-il de moi ? Je lui lance un regard inquisiteur, justement je le prends au sérieux. Miyuki ne peut pas répondre à ma place, je le sais bien. Je suis le seul capable de choisir pour moi-même, mais c'est ça qui m'énerve le plus. Certes, c'est ma vie, c'est à moi de la guider... Mais y a des jours où je ne voudrais pas être maître de mon corps, ni de mes pensées. Puis qui sait, je pourrais dire non aujourd'hui et croire au oui demain. Ou l'inverse. Rien n'est prédit, je ne veux pas sauter sur les conclusions, gagner du temps, mais perdre quelque chose de plus précieux encore. Miyuki repousse le moment fatidique autant que moi, mais c'est mieux ainsi. Bon, il doit quand même terminer son boulot et je ne suis pas venu ici pour l'interrompre trop longtemps. « Queen. » Repris-je, me corrigeant. Princesse ou queen, c'est du pareil au même pour un bourrin dans mon genre. Je le laisse filer à ses occupations, me décidant à accomplir ma mission du jour, trouver un coin où se caler quand il aura fini sa journée. ça ne dure pas trois ans, même si je m'éloigne légèrement de l'agence où il bosse. Les rues sont nombreuses, autant que les enseignes. Cette ville m'étonnera toujours, même si elle ressemble à peu de chose près à New York, la grande cité de mon enfance. Des fois ça me manque, puis je me souviens que ma vie est ici, à Tokyo, avec mes amis, ma bande, mon groupe... Mes fans. Peut-être qu'un jour je retournerai là où j'ai vécu les premières années de ma vie, seulement pour me souvenir de cette époque avant de repartir là où mes jours doivent continuer. Trouvant un café qui me plaise, j'entre et m'installe à une place, envoyant l'adresse à mon meilleur ami. Il trouvera, j'en suis sûr. Le temps qu'il me rejoigne, je ne commande que de l'eau, histoire de consommer un truc. Quand il arrive enfin, mes lèvres s'étirent délicatement tandis que mes yeux l'examinent en silence. « Y avait pas grand monde. » C'est mieux pour nous, avec les fans, tout ça. Prenant mon verre d'eau à la main, je lui montre avant de répondre. « Juste ça, mais je t'attendais. » D'ailleurs, la personne en charge du service est déjà au courant, puisque j'ai précisé que je commanderais autre chose une fois Miyuki à la table. « Qu'est-ce que tu veux commander ? » Demandais-je, regardant leurs spécialités du jour affiché sur l'un des murs, sur une sorte de tableau en ardoise de la taille d'un homme moyen.

OUTFIT ••• Je ne sais pas ce qui est le mieux, d’avoir une réponse claire et nette ou laisser trainer les choses. J’hésite et mon comportement le montre. Je lui ai demandé à plusieurs reprises de me donner une réponse mais c’est toujours dans le ton de la rigolade et quand je sens que Shun va me répondre sérieusement, je me rétracte. Je le savais que ce ne serait pas aussi évident mais je ne vois pas ce que je pourrai faire. Quand j’aurai marre de ça, alors je mettrai les choses au clair. Pour le moment, je supporte mon comportement et la semi-hésitation de Shun. Je lâche un sourire satisfait à son appellation avant de disparaitre. Je suis content d’avoir vu mon meilleur ami, il est venu me voir et ça m’a fait plaisir. La séance photo se termine sans encombre. Je regarde discrètement l’heure sur le cadran du studio. J’avais eu raison sur sa durée. Après avoir refusé l’offre d’Irene d’aller boire un verre avec elle, je vérifie sur mon portable si Shun a cherché à me joindre. Il m’a envoyé l’adresse du café où il m’attend. Je vois un peu près où c’est mais je n’étais encore jamais allé. Avant de partir le retrouver, je lui envoie un message pour lui dire que j’allais arriver. Je repère le café après quelques minutes de marche. Vu de dehors, ça semble être un chouette endroit. Cette impression se renforce quand je rentre à l’intérieur. Je rejoins Shun à sa table avec un sourire. On se croirait comme au bon vieux temps, quand je ne lui avais pas encore dit sur mes sentiments pour lui. Je tourne la tête vers le menu. « Humm… La salade au poulet me tente. Les pâtes carbonara aussi… » Je tapote les doigts sur mon menton tout en réfléchissant. « Je vais prendre la salade avec un verre de vin.   » Je tourne la tête vers Shun. «  Et toi ?  »

OUTFIT ••• Peut-être que Miyu devrait me poser sérieusement la question et ne pas fuir dès que je suis prêt à répondre ou réfléchir sincèrement. Certes, ça ne veut pas dire que j'apporterai une réponse claire, mais... Je ne sais pas, ça pourrait m'aider un peu plus. En attendant, je le laisse terminer son travail et me décide à chercher un coin où se poser après sa séance photo achevée. ça ne devrait pas prendre cent ans, d'après lui. ça me laisse du temps pour fouiner dans les environs et trouver une enseigne qui me plait, puis ça me permet de marcher surtout, de me dégourdir les jambes avant de me poser à une table pour x temps. Une fois l'adresse dégotée, je l'envie à mon meilleur ami et me place à une table, réservant ainsi deux places. J'en ai bu de l'eau avant qu'il ne se pointe dans ce café restaurant, mais je savais déjà à quoi m'attendre quand il m'a annoncé la durée restante. Mine de rien, je suis content de le voir débarquer, abordant un sourire amical. Il s'installe face à moi, comme si rien ne s'était passé depuis cet été et je trouve cela agréable. Non pas que la situation me dérange à ce point-là, mais j'avoue qu'être confus les trois quart du temps n'est pas toujours plaisant. Il est temps de commander, observant le menu des spécialités, je ne sais que choisir moi non plus. Il hésite entre deux plats, c'est typique... Moi ? Je fais une moue sérieuse, les yeux toujours rivés sur le tableau. « Je vais prendre les pâtes carbonara, et du coca. » Comme ça, s'il hésite toujours, il pourra piocher dans mon plat et juger de son choix. C'est bizarre de réfléchir de la sorte, pensant autant à lui qu'à moi. « ça s'est bien terminé ta séance ? » Demandais-je, le temps qu'un serveur se décide à venir prendre notre commande, ce qui ne devrait pas tarder. Ce n'est pas bondé pour le moment, sûrement sommes-nous en dehors des heures de pointe. Tant mieux, un peu de calme ne fait de mal à personne. Et puis, je peux discuter avec Miyu sans être observé de tout les côtés... Je n'ai pas songé à ce détail-là, pour la confidentialité.

OUTFIT ••• Manger tranquillement comme au bon vieux temps. Je me demande si c’est ce que veut réellement Shun. Finalement, même si je me suis confessé à lui, je n’ai pas l’impression d’avoir fait avancer les choses. Est-ce parce que je ne veux justement pas que les choses avancent ? Je n’en sais rien. Je n’arrive pas à avoir d’avis fixe. Pour moi, son hésitation me rend de moins en moins sur. J’ignore comment il réfléchit par rapport à ma confession mais plus le temps passe, plus je m’approche du gouffre. Arrivant devant l’adresse, je le trouve rapidement à l’intérieur. Il n’y a pas grand monde. De toute façon, même si on nous voit, il ne s’agit que pour eux d’un simple dîner entre meilleur amis. Enfin, c’est réellement le cas. J’aborde un sourire en m’installant à la place face à lui. Comme toujours, je ne sais pas quel plat prendre. Je souris à son choix, sachant pertinemment que je pourrai gouter à son plat. J’acquiesce de la tête. «  Tu parles à qui ? Bien sur que ça s’est bien passé.   » Un sourire fier se dessine sur mon visage. Mais c’était plus pour plaisanter que je l’ai dit ainsi. «  Irene m’avait proposé d’aller boire un verre avec elle.  » J’observe la réaction de Shun, bien qu’il m’a dit qu’il ne serait pas jaloux d’une femme. Le serveur arrive. Il a l’air d’avoir un jeune âge. Je dirai un an ou deux de moins que moi. Par ailleurs, c’est un assez bel homme. C’est toujours rassurant d’avoir un serveur homme car il y a moins de chance qu’il nous reconnaisse. Je commande nos plats. Il prend note avant de repartir. «  Mais le choix a vite été fait.   » Dis-je après avoir arrêté de fixer le serveur pour revenir vers Shun.


Le repas s’est bien passé. Comme prévu, j’ai piqué dans l’assiette de mon meilleur ami. Nous avons parlé, ri. Un diner comme on avait l’habitude d’avoir mais qu’on n’avait pas eu depuis longtemps. Je termine mon verre de vin. C’était mon troisième ou quatrième. J’en avais recommandé parce que j’étais heureux de pouvoir manger avec lui. «  Tu sais pourquoi je t’ai demandé de nous trouver un endroit après ma séance ?   » Je n’attends pas de réponse positive de sa part. « Parce que je ne voulais pas faire la cuisine.  » Avouai-je avec un rire enjoué. «  Mais aussi… Parce que je voulais te montrer que même après tout ce que je t’ai dit, tout pouvait être comme avant. Tu n’as pas à te sentir mal pour moi. » Je mets ma main sur le torse, au niveau du cœur. Non, je n’ai pas l’alcool qui me monte à la tête. Je respire bruyamment. «  Je me suis mentalement préparé pour entendre ta réponse.  »

OUTFIT ••• Un repas entre meilleurs amis, c'est sûrement l'image que nous renvoyons, ainsi installé à cette table, l'un en face de l'autre. Dans ma tête, ce n'est pas totalement un simple repas entre meilleurs amis, parce j'ignore si ce terme est toujours valable dans notre cas ? Miyuki sait parfaitement ce qu'il ressent pour moi, quant à moi, je me cherche encore. Je préfère ne pas y songer pendant que l'on mange, parlant plutôt boulot. évidement qu'il gère, je le connais mieux que quiconque. Miyu à ce quelque chose qui attire l'oeil, mais aussi qui le rend si... Professionnel ? Pour les photos, c'est le meilleur de la bande. Autant que je suis bon pour être hautain et vaniteux. Bref. Il mentionne Irène, mais je ne tilt pas. Une fille ne peut pas me rendre jaloux en sachant que mon meilleur ami est homo, je l'ai déjà précisé plus tôt. Par contre, j'aurai pu être vexé qu'il repousse notre repas pour aller boire un verre avec elle. Heureusement, il n'a pas osé le faire. Le serveur se pointe et note nos commandes, mais encore une fois, je ne prête pas tellement attention aux gens autours de nous. « C'est un bon choix. » Approuvais-je, souriant sincèrement. Son regard pour le serveur ne m'a finalement pas échappé. Est-ce son genre ? Il ne me ressemble pourtant pas.

Le repas s'est déroulé tranquillement, comme prévu. Je n'ai pu m'enfiler qu'une canette de coca durant le repas, favorisant mon plat à la boisson qui me cale tout autant. Miyuki n'a pas hésité à piocher dans mon assiette, enchaînant les verres de vin. Il m'impressionne toujours avec ce petit côté raffiné. à sa question, je relève un sourcil et l'interroge du regard. Pourquoi donc ? Je m'attendais à un truc plus... Romantique. Mais non. Enfin, à moitié. La seconde raison me concerne et me fait réfléchir davantage. Ai-je été si différent ces derniers temps ? Détournant mon regard, je lorgne mon verre vide, la bouche close. Mentalement préparé ? Sa façon de le dire m'arrache un petit rire amusé. On dirait qu'il est prêt à se faire rejeté. Devrais-je donner une réponse définitive et arrêter de tourner autour du pot ? Je soupire, triturant ma lèvre durant deux bonnes secondes. « Je ne suis pas encore décidé. » Avouais-je, faisant une grimace d'hésitation, d'incertitude. « Tu sais, ces derniers temps j'imagine ma vie dans quelques années et... Je n'arrive pas à me voir avec une femme et des enfants. » Je ne dis pas que je me vois avec lui, ni changeant de bord, mais une chose est sûr, je ne me sens pas l'âme d'un père ou d'un mari. « Et si... Tu me faisais changé d'avis ? » Pas pour les gosses, hein. Pour l'avenir. Pour comment je me vois dans dix ans, de préférence avec lui. « Dis moi, où te vois-tu dans dix ans ? Je serais toujours à tes côtés ? Et toi, seras-tu toujours là ? » Imaginer une vie sans Miyuki est pire encore que tout le reste de mes songes. J'ai besoin de lui, même inconsciemment.

OUTFIT ••• L’heure défile sans que je ne m’en rende compte. Les sujets de discussions étaient divers et variés mais jamais rien de bien sérieux. Ce n’était que vers la fin du repas que ça devenait moins insolite. Pour amorcer ce que je comptais dire, je commence par une petite plaisanterie. Certes pas très drôle mais ça introduisait bien le sujet. Après avoir plaisanté, je peux entrer dans le vif du sujet. Est-ce que j’aurai ma réponse ce soir ? Roulement de tambour… Et non. Shun ne s’est pas encore décidé. Je ne cache pas ma mine déçue. Déçu de devoir attendre, déçu de ne pas avoir eu de réponse négative comme je m’y étais préparé, déçu de ne pas avoir eu de réponse positive comme je l’espérais. Si je devais me comparer à une voiture, je suis actuellement au point mort. Je ne peux ni avancer, ni reculer. Je suis juste en train de stagner. Cependant la suite de ces mots me redonne de l’espoir. Il faut avouer qu’il est difficile dans notre métier de nous imaginer marié et père de famille. On briserait pas mal de « cœurs ». Changé d’avis ? Mes yeux s’écarquillèrent pendant un bref instant. Je réfléchis sérieusement à sa question. Mais contrairement à lui, j’ai pratiquement toujours voulu quoi faire de mon avenir. « Dans dix ans, j’aurai certainement ma marque de vêtement. J’aurai surement deux chiens. J’aurai surement déménagé de notre appart pour en avoir un plus grand pour moi et mes deux chiens.   » Je prends une petite pause avant de reprendre. « Mais si tu veux savoir si je serai toujours là pour toi. Oui ce sera le cas. Vous, les Colorful, resteront toujours près de moi, mais surtout toi, en particulier.  » Je fixe Shun du regard. Je m’amuse avec le pied de mon verre à vin. « Ça te dit de partir en rendez vous avec moi pour une journée ?  » Bien entendu, le terme de « rendez vous » n’est pas choisi aléatoirement. Il pouvait vouloir dire plusieurs choses mais je suis sur que Shun a compris la nuance. Je ne parle pas d’un rendez vous entre meilleurs amis mais d’un rendez vous amoureux. Entre deux personnes qui pourraient potentiellement se mettre ensemble à la fin de la journée. Hors de Tokyo. Juste lui et moi.

OUTFIT ••• Si je donne une réponse rapide et négatif, je ne risque pas seulement de décevoir Miyuki, mais de le regretter moi-même plus tard. Je veux être sûr à 100% avant de dire quoi que ce soit. ça prouve que ce n'est pas perdu d'avance et qu'il a encore ses chances, malheureusement ce ne sera pas pour aujourd'hui. Voir l'avenir n'est jamais une bonne chose, personne ne voudrait savoir à l'avance ce qu'il adviendra d'ici quelques années. Pourtant je m'interroge, demandant des réponses à mon meilleur ami. Où serons-nous dans dix ans ? Que ferons-nous ? Serons-nous toujours ensemble ? C'est impossible de le savoir et quand les années auront défilés, nous pourrons dire « ah, finalement c'est comme ça. » Pour le moment, je ne peux rien dire, rien imaginer. Peut-être que je serais toujours une idole ou dans le monde du show-biz, peut-être reprendrais-je le flambeau que mon père tient tant à me léguer. Ou alors, je ne serais plus là. Miyuki a des réponses, certes elles m'amusent et me font rire, mais au moins il sait ce qu'il veut faire plus tard. Une ligne de vêtement, des chiens, son propre appartement. Tout ce que je n'envisage pas, même en me portant plus loin. à la rigueur, je vivrais sûrement tout seul avec des bestiaux, mais voilà. Que ce soit dans dix ans ou trente, il sera toujours là. Les colorful aussi, nos amis, ils seront présent à chaque instant de notre existence. Ce n'est pas d'eux que je parle, mais particulière de lui. Je ne peux m'empêcher de penser à ce que serait ma vie avec Miyuki. C'est étrange, mais je me pose toujours autant de question, ainsi qu'autant de doute et de crainte. Et si c'était bien ? Et si c'était une erreur ? Qu'est-ce que je perds à essayer ? Sa requête me surprend et en même temps, elle ne m'étonne pas. J'ai l'impression qu'il lit dans mes songes les plus profond, l'observant quelques instants en silence. Mordillant ma lèvre, je pèse le pour et le contre. Je ne vais pas mourir si j'accepte. « D'accord. » Acceptais-je, hochant mon menton pour accentuer ma réponse. Je veux bien tester pour savoir si c'est faisable ou si, au contraire, ce n'est pas envisageable. Ainsi, j'aurai ma réponse finale, ma certitude de ne pas foutre les deux pieds dans le plat. « Je te laisse décider pour le lieu, l'heure et le jour. » Puisqu'il propose, je lui donne le droit de mettre toute ses chances de son côté. Qui sait, ça pourrait être bénéfique pour tout le monde.