Je fais partie des idoles qui sont toujours en train de danser sur scène. Enfin, pas toujours, car à certains moments il faut aussi assurer plus que bien niveau voix sur les morceaux plus calmes, alors j’ai des moments où je peux me reposer… En général, je fais des chorégraphies plus ou moins travaillées sur lesquelles je dois chanter… Cela s’entend un peu, mais j’arrive à rester juste malgré tout, sauf peut-être lorsque je viens tout juste d’apprendre une chorégraphie. Bien évidemment, cela demande beaucoup d’entraînement, et qui dit entraînement di forcément réservation de salle d’entraînement ! C’est pour cette raison que, malgré mon planning chargé, je me trouve devant une salle de l’agence, en train d’attendre que mon manager arrive afin d’y entrer. Je porte un jogging noir avec quelques bandes blanches, le truc bien moche qui me donne l’impression d’être un rebelle, mais je sais que je porte ce genre de choses pour ne pas abîmer mes bons vêtements qui, eux, se trouvent à l’endroit où je dépose habituellement mes affaires avant un entraînement.


J’attends devant la porte au moment où une voix attire mon attention, une voix que je n’aie entendue que lors d’interview à la télévision ou à la radio, mais dont je me souviens facilement puisqu’elle est celle d’une des personnes qui m’énervent le plus sans même que je l’ai rencontré jusqu’ici. Kim Sehen. Quand je me retourne, je lui adresse un petit sourire, j’avais raison, c’est bien lui. En plus, il prétend que la salle est réservée à son nom mais… Il se trompe, mon manager a vérifié et il se trouve que cette salle est réservée à mon nom à cette heure… Enfin, j’imagine qu’elle l’est réellement, puisque je lui ai confié la tâche de le faire et qu’il l’a normalement vérifié avant de me rejoindre. Il indique d’ailleurs à ce très cher Sehen que la salle est réservée à mon nom.


Quelques instants plus tard, je souris un peu à l’autre idole et, en entendant ses paroles. Il connait mon nom, c’est bien, non ? Bref, ce n’est pas le problème du moment, le vrai problème est de savoir qui a réservé la salle et pour quelle raison nous nous retrouvons ici au même moment. Je regarde mon manager en souriant quand Sehen soulève que quelque chose cloche dans la situation. Et il est perspicace en plus ! Voilà une chose que je n’avais jamais entendue à son sujet. Car oui, j’ai entendu de nombreuses choses au sujet de cet homme, même si je ne l’ai jamais rencontré en chair et en os jusqu’à aujourd’hui, et mon jugement a donc été influencé bien malgré moi.


Une fois de plus, mon manager affirme qu’il a réservé la salle et je jette un nouveau regard en direction de Sehen qui vient à peine de m’accuser. Mon manager dit qu’il a réservé, c’est qu’il a réservé, pas vrai ?


« Et qui dis que le problème vient de mon côté ?» Demandé-je en souriant un peu, bien que ma susceptibilité soit mise à rude épreuve en cet instant.

J’ai toujours eu un peu de mal à accepter les accusations injustifiées, qu’elles viennent de mes parents, de mes proches ou de mes supérieurs. Par contre, lorsqu’il s’agit d’en faire moi-même, je suis très doué. Après tout, n’ai-je pas, très récemment, accusé Sayuri d’avoir causé mes problèmes actuels ? Bon, je dois avouer que les choses se sont quelque peu rétablies depuis que j’ai discuté avec elle, mais cela ne change rien : faire des accusations sans preuve n’est pas forcément une chose à laquelle je pense… En général, il faut vraiment m’avoir agacé ou…quelque chose dans ce genre là, quoi. D’ailleurs, je ris un peu, on me dépeint souvent comme quelqu’un de mauvaise foi, quelqu’un qui refuse d’admettre ses torts, mais c’est totalement faux. Je sais admettre mes erreurs, et celles-ci m’handicapent encore plus par la suite, d’ailleurs…

Dans le cas présent, malheureusement pour ce très cher môsieur Kim Sehen, je ne pense pas avoir tort puisque mon manager a lui-même réservé la salle de répétition pour moi et que, comme je m’en sers assez régulièrement, il connait plutôt bien la marche à suivre pour une réservation en bonne et due forme… Du coup, j’ai un peu de mal à croire que mon propre manager ait pu faire une erreur aussi énorme qu’une erreur de réservation… En plus, cela voudrait dire que je me suis déplacé pour strictement rien et que je vais perdre mon temps ici à ne rien faire pendant je ne sais pas combien de temps.

« Il n’y a pas de problème. C’est le même pour moi de tout façon. » Dis-je quand il me demande d’excuser sa méfiance.

Oh, je ne vais pas faire un scandale, là, tout de suite. Je pense qu’il va comprendre son erreur et accepter de me laisser la salle pour cette répétition, non ? Je jette un regard vers mon manager… J’espère réellement qu’il ne s’est pas trompé car j’aurais vraiment un problème si c’est le cas. Je souris un peu quand Sehen émet l’idée que le manager aille vérifier la réservation et je hoche un peu la tête avant de reprendre la parole, histoire de répondre de vive voix à la proposition qui vient de m’être faite par mon collègue indirect.

« C’est une bonne idée, je pense que ça vaut mieux que débattre des heures afin de savoir qui a raison. »

Une fois mon manager disparu au fin fond d’un couloir, sans doute afin d’aller vérifier la réservation dont il est actuellement question, je repose mon regard sur Sehen. C’est donc lui, l’idole dont j’ai tellement entendu parler, pas qu’en bien malheureusement ? Je pense qu’en apprendre un peu plus sur lui, de mes propres moyens cette fois, serait assez intéressant. Après tout, je pourrais me faire une idée personnelle sur le personnage ? Je souris un peu à Sehen avant de m’adresser à lui.

« J’ignorais que tu dansais également… » Dis-je en croisant les bras.

Sur la défensive ? C’est bien possible, mais je ne sais pas à quoi m’attendre de la part de ce garçon. Après tout, il est peut-être aussi mauvais que je peux le croire avec tous ces ragots ? Je ne les ai pas écoutés pourtant, mais c’est bien malgré moi que j’ai fini par y croire… Il faut dire qu’il est assez difficile de ne jamais prêter attention aux bruits de couloirs.

Le problème avec les on-dit, c’est que l’on ne sait pas réellement comment se comporter par rapport à eux. Les croire ? Les oublier ? Le choix est difficile et, généralement, on fait le choix de la simplicité, peut-être même sans s’en rendre compte : on décide de croire ce que l’on a appris, sans plus de recherches, et on finit par se convaincre de choses totalement fausses à propos de personnes que l’on n’a même pas rencontré une seule fois. C’est précisément ce qu’il m’est arrivé à propos de Sehen. Une idole comme les autres mais, à ce qu’on m’en a dit, pas très recommandable… Il paraît même que je n’arriverais pas à m’entendre avec : une occasion pour vérifier cette hypothèse qui m’a toujours fait sourire, bien que je la croie un peu, dans le fond.

Quand ce très cher Sehen répond à mon commentaire sur la danse, je hoche vaguement la tête en esquissant un sourire. C’est bien tout ça… M’enfin, moi je passe mon temps à danser alors disons que je suis habitué. Cela me fait penser qu’il faudrait sérieusement que je discute avec Akihiro… Après tout, notre album en collaboration compte aussi des chorégraphies et il faut que je m’entraîne encore avec lui… Si seulement la situation n’était pas aussi compliquée en cette période ! Je reprends la parole après quelques instants, répondant à son interrogation qui m’arrache même un petit sourire.

« C’est exact… »

Je pense même pouvoir dire cela sans me tromper… d’ailleurs, j’en obtiens la confirmation quelques secondes plus tard et, quand il a terminé de parler, je souris un peu avant de poser une question que je trouve plutôt légitime vu le tournant actuel de notre conversation.

« Ta bête noire ? Je ne sais pas si je dois bien le prendre. »

Nous sommes idiots, à croire les médisances de certains sans réellement essayer de nous connaître. Après tout, le monde est critique et nous sommes toujours tentés par la voie de la facilité, la voie qui nous fait croire tout ce qui se dit sans nous questionner sur le bien fondé des propos… Seulement voilà, c’est trop tard maintenant… Je crois les bras et observe Sehen avec méfiance… Je ne sais pas vraiment ce que je dois penser de ce gars…Après tout, il vient de me dire que j’étais sa bête noire et, de mon côté, je n’ai pas entendu grand bien à son sujet.

Pourquoi en sommes-nous là, à discuter comme des idiots devant une porte close, à chercher à savoir qui des deux est le pire, si les rumeurs sont vraies ? C’est peut-être stupide, mais j’ai l’impression que nous avons tous les deux cru les choses que l’on voulait nous faire avaler… C’est vraiment débile, et je pense que je ferais mieux d’arrêter mes bêtises. Je souris un peu quand il explique que je serais exactement le genre de gars qu’il ne supporterait pas… Ah bon ? C’est marrant, beaucoup de monde le pense et, pourtant, je ne me pense pas aussi insupportable que cela ! Cela m’arrache un petit sourire et je hoche la tête car je peux comprendre sa volonté de me rencontrer pour en parler. Après tout, je pense que nous avons tous à apprendre des autres, pas vrai ? Puis c’est tellement dommage qu’une personne ait une aussi mauvaise opinion de moi.

« J’ai aussi l’impression que quelqu’un tente de nous dresser l’un contre l’autre, mais qui ? »

Les gars de l’agence ne seraient pas assez mauvais et stupides que pour essayer de créer des rivalités au sein de leur propre agence, si ? Je ferme les yeux en riant un peu.

«  On se croirait dans un film pour adolescent avec cette histoire… » Dis-je en un soupir, ce qui n’est pas totalement faux, si l’on regarde bien la tournure que prennent les choses.

Elle est loin, la cour de récréation, alors pourquoi continue-t-on à croire des ragots les uns sur les autres ? Cela n’a rien à voir, mais je commence à me demander où est passé mon manager… Je regarde en direction du bout du couloir, là où je l’ai vu disparaître, mais il ne semble pas être revenu. Je souris un peu et je repose mon regard sur Sehen. Il n’a pas l’air contraire, du moins pas autant que j’ai pu l’entendre d’autres bouches, mais j’avoue rester légèrement sur mes gardes, car c’est toujours lorsque l’on a le dos tourné que les mauvaises personnes frappent. Je préfère encore attendre et voir s’il a des choses intéressantes à raconter, que cela soit au sujet de nos carrières ou des choses que l’on a pu dire sûr moi.

«  Sinon, selon les dires, qu’ai-je fais d’aussi horrible ? » Demandé-je, poussé par une curiosité qui m’est assez caractéristique.

Je me demande bien ce qui a pu être dit sur moi, je dois l’avouer, mais je ne demande pas cela méchamment, je suis juste réellement curieux d’en savoir plus.

J’ai beaucoup de mal à croire que l’on ait pu dire de mauvaises choses à mon sujet. Enfin, je veux dire, mises à part celles qui ont été racontées au moment où j’ai eu quelques problèmes, après cette histoire avec Sayuri, histoire dont j’aimerais d’ailleurs qu’on ne me parle plus jamais car, après de longues réflexions, il me semble que cela n’en vaille pas réellement la peine. De manière générale, je m’estime assez sage et plutôt calme, du moins assez sympathique pour éviter les ragots péjoratifs, mais visiblement je me suis fourvoyé et quelques personnes pourraient vouloir nuire à mon image…

« Ouais… C’est clair que c’est louche. » Dis-je, pensivement, lorsqu’il me fait remarquer que c’est bien trop organisé.

Il faut dire que je n’apprécie pas réellement la situation dans laquelle nous nous trouvons actuellement. L’idée que quelqu’un puisse, sans que je sache de qui il s’agit, sans même que j’en ai la moindre idée, chercher à nous causer du tort ou à nous mettre en mauvais termes ne m’enchante pas du tout… Mais qui pourrait souhaiter une chose pareille et, surtout, pourquoi ? Je ne pense plus, après avoir un peu discuté avec lui, que Sehen soit le genre de personne que l’on m’a souvent dépeint... Ce n’est pas évident, pas du tout même.

Sehen répond à ma question concernant ce que l’on a pu dire de moi et je suis tout simplement choqué par ce qu’il me dit. Je prends donc la parole sur un ton légèrement agacé.

« Je pense que la personne qui a dit ça a tout intérêt à ce que je ne découvre pas qui elle est… »

Il faut avouer que je suis quelqu’un d’assez impulsif quand je m’y mets… J’ai un peu de mal à gérer mon stress et c’est pour cette raison que je porte toujours cet anneau, une bague anti-stress qui me permet de ne pas me triturer les doigts lorsque je me sens tendu ou mal à l’aise… En cet instant, j’ai d’ailleurs commencé à m’en servir puisque j’avoue que l’idée que l’on me fasse passer pour un sale opportuniste aux yeux d’une autre idole ne me plait pas du tout… Je ferme les yeux pendant quelques secondes et je pousse un petit soupir… Si j’étais réellement comme cela, je n’aiderais pas Akihiro et je n’aurais jamais accepté de travailler avec lui…

Je ne suis pas étonné lorsque Sehen me retourne la question à laquelle il vient de répondre. C’est vrai que la curiosité ne va pas dans un seul sens… Je tente donc de me rappeler de ce que l’on a pu me dire de lui, du moins aussi précisément que possible, et je lui donne la réponse qu’il attend, bien que toujours choquée de celle qu’il m’a donnée un peu plus tôt.

« De mémoire, à peu près la même chose… Je veux dire, j’ai entendu dire que tu écrasais sans trop de gêne les idoles moins expérimentées, que tu étais prêt à tout pour avoir des projets intéressants à leurs place et que tu étais une vraie diva vis-à-vis du staff… » Je pousse ensuite un petit soupir avant de reprendre la parole, presque agacé par ma propre naïveté. « Tu m’expliques comment on a pu croire des conneries pareilles ? C’est gros comme une maison. »

Enfin, diva, je pense qu’on l’est tous un peu, surtout moi, mais ce n’est pas comme si je le faisais exprès… En général, j’apprécie les gens de l’équipe, en grande partie parce qu’ils en font partie et qu’ils ne doivent normalement pas mettre ma carrière en danger, mais je ne pense pas non plus être un odieux personnage qui exige que soient réalisées ses moindres exigences.

Des pas dans le couloir, je tourne la tête pour voir de qui il s’agit. Un léger sourire se dessine sur mon visage quand je vois mon manager revenir à pas pressés.

« On va avoir le fin mot de cette histoire. » Dis-je en riant un peu.

Je laisse l’homme arriver à notre hauteur et je lui demande de quoi il retourne, c’est alors que je le vois s’incliner devant Sehen, puis devant moi, en nous présentant ses plus plates excuses. J’écoute ce qu’il a à dire et je comprends qu’il s’est visiblement fourvoyé lorsqu’il a effectué la réservation et que celle-ci était en fait posée pour le lendemain à la même heure. Je pose alors mon regard vers Sehen avant de prendre la parole.

« Bon eh bien voilà, on est fixés, c’était bien à ton nom qu’elle était. Par contre, il ne faut pas lui en vouloir, il débute. » Dis-je après quelques secondes.

Il faut dire que j’ai du changer de manager récemment, sans doute parce que l’ancien devenait un peu trop vieux jeu pour l’agence et que mon nouveau projet avec Akihiro était trop difficile à gérer pour lui… Je ne sais pas, ce n’est pas à moi qu’il faut poser ce genre de questions. Je souris un peu à Sehen avant de m’incliner face à lui à mon tour, histoire de le saluer, puis je reprends la parole.

« En espérant te croiser dans un contexte un peu plus sympathique, la prochaine fois ? » Dis-je en riant un peu.