Avec le temps que Mère Nature nous a offert aujourd’hui, le café était bondé aujourd’hui, je n’avais pas une minute a moi. Prendre les commandes, slalomer entre les tables avec des boissons chaudes et pâtisserie. Je ne savais plus où donner de la tête. Voilà un petit moment que je bossais au Camélia et je commençais doucement a m’y plaire. Je me demandais sans cesse comment maman réagira lorsqu’elle découvrira que je m’adonne a des tâches subalternes alors que son mari peut prendre soin de nous comme elle aimait tant dire. Mais bon, je ne voulais plus rien de cet homme… Déjà qu’ils m’ont jeté dans cette école… Enfin bref, je me rendais à une nouvelle table donc le client venait de s'installer. Un homme que devait avoir au moins avoir la vingtaine. En soit rien de bien alarmant. Instinctivement, je guidais mes pas vers cette table pour prendre sa commande. Par courtoisie, je lui souriais, par contre le sien me mettait un peu mal à l’aise. A son regard, je pouvais voir que ses yeux me déshabillait presque ou même les sous-entendus sur ma potentielle vie de couple. Un vrai lourd. Ce n’était le premier à faire ça depuis que je bosse ici et sûrement pas le dernier. Mais c’était toujours déstabilisant et gênant pour moi. Je ne savais pas vraiment comment réagir dans ce genre de situation. Peut-être que si j’avais plus confiance en moi, je serais une grande gueule et j’aurais pu mieux me défendre, mais je n’aimais pas m’énerver ou même créer des scandales. Ce n’était pas mon genre alors je laisse couler et les gens se lasser. Mon but n’est pas de faire fuir les clients.

Je m’empressais de préparer cette commande pour m’en débarrasser plus rapidement, moins je leur parlais, mieux je me porterais. Je prépare le café ainsi que le gâteau choisi pour les placer rapidement sur mon plateau et ainsi le servir. J’essayais de me dépêcher de tout déposer devant lui, tout en essayant d’éviter la moindre gaffe. Mais ce client devenait de plus en plus insistant, attendant de moi que je réponde à ses demandes d’avoir mon numéro ou même a ces légers contacts physiques. J’aurais pu me sentir flatté, mais c’était plus un sentiment de malaise qui émanait dans ma gestuelle, voire même de la crainte. J’avais cette mauvaise impression quoique je fasse, ceci pourrait me porter préjudice.  

Avec  les cours et mon planning plutôt chargé, j'avais moins de temps pour le Camélia, mais nous nous étions arrangés avec la patronne pour modifier mes heures et être disponible en dehors de mes stages à l'hôpital. En cette saison le temps est plutôt favorable et les gens se décident à sortir plus souvent, donc les cafés se remplissent tout aussi rapidement que les rues, ne laissant aucun répit au personnel. étant libre pour la journée, je suis venu en renfort au salon où la patronne m'a accueilli avec joie. Des fois, j'ai vraiment l'impression d'être comme un fils pour elle, et un fils plutôt jeune. Elle me traite comme un enfant, surtout dans sa façon de me parler parce qu'une fois dans le rythme, elle évite de me taquiner et de perturber ma cadence. Depuis mon arrivée, je n'ai pas arrêté non plus de faire des allés et retours dans la pièce, d'une table à l'autre, en passant par la cuisine où nous préparons nos commandes. Les filles trouvent toujours le moyen de discuter entre deux tasses, parlant de tout et de rien le temps que coule le liquide. Pour ma part, je me contente de répondre quand elles m'interrogent, même si leurs plaisanteries ne me réjouissent pas toujours. Savoir que je suis petit et adorable n'est pas très valorisant, ça été pire durant ma période « cheveux roses » mais désormais que je suis blond, j'ai droit de me faire surnommer à nouveau Vanilla. Elles sont aussi lourdes que certains clients, mine de rien, mais jamais elles n'oseraient se comporter avec eux comme elles le font avec moi. Je suis leur collègue, leur ami et je pourrais être comme un frère pour elles. Mon caractère protecteur me pousse toujours à les surveiller, même si certaines ont un tempérament bien trempé, ce n'est pas le cas de tous.

En parlant de comportement, mes yeux tombent sur une table où se tient un jeune homme. Jusque là, rien d'embêtant, mais c'est de voir sa manière de « parler » avec l'une de mes camarades qui me dérange. Son sourire n'a rien d'innocent, j'ai la sensation de voir ce genre d'abruti qui traînait dans la bande et qui profitait de nos rondes pour draguer les prostituées au coin des rues. Ce n'est franchement pas glorieux, encore moins amusant, surtout pas pour Alessia. Au départ, je ne comptais pas m'emmêler sans raison parce que son sourire et son regard n'est pas une agression en soi, ni ses paroles tant qu'elles ne sont pas vulgaire. Ce type a l'air idiot, mais il semble contrôler ses dires pour ne pas être suspecté par les employés. Or, je ne suis pas naïf. Du moment où il pose une main sur elle, je me détourne de mon trajet pour me rapprocher d'eux. L'importun tente d'attraper la main de la serveuse au moment où elle pense s'éloigner de lui, l'interceptant avant le moindre mouvement de retrait. à quelques pas d'eux, je débloque mon plateau de sous mon bras et l'assène brusquement sur la main du client, lui arrachant une plainte surprise et douloureuse. « Interdiction de toucher les serveuses. »

L’ambiance devenait de plus en plus lourde et malsaine entre ce client et moi. Je n'ose même pas m’imaginer ce qu’il se serait passé si j’avais été seule. L’air qui planait au dessus de nousétait assez lourde. Heureusement que le café était bon bondé. Je pensais que ce genre de chose ne se passait que dans les deux trois drama que j’ai pu voir, mais non. Non c’était définitivement déplaisant. Peut-être que je devais confier ce client a une autre fille du café qui pouvait bien plus se débrouiller. Mais ce mec devenait bien trop insistant. Soudainement, un bruit sourd se fit entendre ainsi que les râles de l’inconnu. Il m’a fallu quelques secondes avant de réaliser ce qu’il venait de se passer. Mon senpai n’avait pas du tout froid aux yeux. Dire que la première fois que je l’ai rencontré, je pensais qu’il était plus de ma trempe, mais pas du tout. Je me sentais un peu honteuse qu’il se soit senti obligé d’intervenir. Je me sentais tellement mal, mais concernant Berry désormais. J’avais un peu peur que les choses dégénèrent. Le client feignait l’ignorance, disant qu’il ne me voulait pas de mal et juste discuter avec moi. J’aurais pu le croire ses yeux ne me regardait pas ainsi. Mais bon, j’ai tendance à oublier qu’au Japon qu’a partir de 13 ans, on était bonne à foutre dans un lit. Mon regard ne quittant plus le sol du regard, je suivais mon aîné jusqu’au comptoir. Je posais rapidement mon plateau, ne sachant pas vraiment comment je pouvais engager la conversation avec le jeune homme dans une telle situation. Passant une main rapide dans mes mèches, je m’inclinais finalement face

« Berry, merci »

Autant commencer par le commencement. Je posais a nouveau mon regard sur lui, fuyant presque son regard

« Excuse-moi, je sais que ma réaction n’était pas la meilleure »

C’était peu de le dire. J’étais limite comparable a une enfant qui acceptait des bonbons d’un inconnu. Je me mordais la lèvre, serrant la jupe de mon uniforme avant de me mordre la lèvre.

« Et s’il se plaignait a la directrice ? Je ne veux pas que tu aies des problèmes a cause de moi. »

Non je refusais. Surtout qu’il a tenté de m’aider. C’était ma connerie, j’étais prête en assumer les conséquences

Des lourdingues, j'en croise tous les jours et pas seulement ici, dans ce café. Chaque endroit possède son cancre, ce boulet que personne ne veut se farcir et qui dérange généralement autant qu'il déplaît. Aujourd'hui, ce boulet est venu embêté l'une de mes collègues dans le salon de thé où je travaille et je n'aime vraiment pas quand on insiste au point d'être chiant. Ce type a mal choisi l'endroit pour se trouver une conquête à conquérir, il va rapidement s'en mordre les doigts. Ce n'est pas ce type d'homme qui me fait peur, après tout j'ai vu bien pire que ça à la nuit tombée ou dans les quartiers malfamés de la ville. ça, c'est du menu fretin. Il tente de se défendre, de plaider sa cause mais mon regard lui coupe aussitôt le sifflet. S'il continue, il va recevoir mon plateau sur la tête. Il a dû avoir peur, parce qu'il n'a pas cherché à parlementer davantage, nous laissant partir vers le comptoir. J'ignore ce qu'il pense ou ce qu'il compte faire plus tard, mais tant que Alessia est dans cette pièce avec moi, elle ne craint rien. « Tu n'as pas à me remercier, c'est normal. » Pour moi, ça l'est en tout cas. Là non plus, je ne sais pas ce qu'elle pense, mais je l'ai fait par moi-même sans me sentir obligé. « Ta réaction ? Je dirais plutôt que tu ne réagissais pas. » Face à l'homme, surtout. Je plaisante évidement, ce n'est pas un reproche ou quoi. Je peux comprendre que les filles ne veulent pas s'attirer des ennuies, mais il y a certaines choses que les clients n'ont pas le droit de faire. Mater, ça peut passer tant que c'est discret. Toucher et forcer la main à la personne, c'est beaucoup moins appréciable. Sa dernière réplique me fait doucement rire, comme si notre patronne allait m'en tenir pour responsable. « Tu devrais souffler un peu, Alessia. » Tapotant doucement son épaule pour qu'elle relève son regard vers moi et remarque que je souris. « La directrice n'accusera personne sans connaître l'histoire et je pense que tu as plusieurs témoins de ton côté pour dire que ce client t'importunait. » J'ai confiance en mes paroles, je sais que si le problème doit éclater, notre supérieure sera démêler le vrai du faux. « Prenons cinq minutes de pause, je vais te faire un thé. » Un thé à la fraise, comme j'aime les faire.

Je me sentais chanceuse d’avoir Berry en guise de protection dans ce café. Je n’ose même pas imaginer ce qu’il se serait passé si ce n'était pas le cas. Je me sentais tellement coupable et ridicule de m’être laissée faire si-je puis dire.
Je m'empresserais de remercier mon ainé de m’avoir sauvé la mise « Ta réaction ? Je dirais plutôt que tu ne réagissais pas. ». Je me pinçais les lèvres à ces mots. Je sais qu’il ne disait pas ça pour être méchant, ce n’était pas son genre. Mais je ne pouvais pas m’empêcher de le prendre personnellement, parce que c’était la stricte vérité. Je n’avais aucune réaction, j’étais une simple poupée. Je me sentais terriblement ridicule et coupable. J’aimerais tellement être un peu plus comme lui ou les autres filles. Je réfléchissais trop. Mais bon, il a eu la bonne idée de prendre une pause thé.

« C’est une bonne idée, merci »

Il n’y a rien de mieux c’est vrai. Je m’installais à l’arrière-boutique, cherchant des petits biscuits parce que du thé sans gâteaux n’a pas la même saveur. J’ouvrais un paquet de gâteaux que je posais sur une assiette.

« Je ne savais pas du tout comment réagir, tu sais. Ce n’est pas vraiment dans mon comportement »

Je devrais passer à autre chose, mais c’était plus fort que moi. J’étais plus la force tranquille que le buffle moi. Ça me saoulait de ne pas avoir réagit et forcée mon Senpai à le faire. Certes, notre patronne n’est pas un tyran, mais je doute qu’elle veuille vraiment une enfant parmi ses employés.

« J’aimerais avoir plus de caractère que vous tous »

Dis-je avec une moue au visage. Je me dis que ce métier n’était peut-être pas fait pour moi. Je soupirais doucement avant de m’asseoir et attendre patiemment le fameux thé de Berry qui me titillait les narines

« Il faut que tu m’apprennes Berry ! »

Il m'arrive souvent de ne pas faire attention à mes paroles, d'être franc malgré le fait que je veuille faire passer cela pour de la plaisanterie. Le comportement de Alessia ne devrait pas me concerner, pourtant je ne peux pas m'empêche de faire attention ou de la réprimander gentiment. Elle n'a rien dit contre ce gars, alors qu'elle aurait pu être plus ferme et couper court à son manège. Quand ils sentent que la personne est plus forte moralement, ils abandonnent. Or, il n'a pas dû voir cela chez la jeune serveuse pour insister et lui pourrir son service. Je n'ai aucune envie de faire la morale à ma camarade, mais en même temps, je n'ai pas non plus envie qu'elle se fasse bouffer par les clients. C'est le début, tout le monde est timide et réservé au départ. J'espère qu'avec l'expérience et le temps, Alessia sera se montrer plus imposante face à ce genre de type insupportable. L'idée du thé semble la ravir, lui décochant un sourire sincère tandis que je récupère de quoi faire ma boisson. Une théière, des tasses, des pinces à infusion où loger la composition d'herbe et de fruits, et bien sûr de l'eau chaude. De son côté, Alessia nous prépare une assiette de gâteaux qui colle parfaitement à l'ambiance et à notre petite pause. « Je ne peux pas vraiment te dire comment tu dois réagir, mais juste de ne pas te laisser faire. » ça paraît compliqué avec des mots, comme reproduire un schéma invisible sans pouvoir le mettre en pratique. J'aurai beau donner des conseils à la serveuse, je ne sais si cela serait pratique ou facile pour elle. Je ne suis pas une brute non plus, j'ai appris à me défendre sans sortir les griffes à chaque fois qu'on me cherchait. Comme Alessia, je suis une force tranquille, mais défensive à la fois. Refermant le clapet de la pince, je l'enfonce dans la tasse remplit d'eau et la laisse infuser, faisant la même chose pour la seconde. « Tu en as sûrement autant que nous tous, mais tu ne sais peut-être pas comment t'en servir. » Comme un coffre scellé qui ne demande qu'à s'ouvrir. Déposant les deux tasses  et un pot de sucre sur un petit plateau en bois, je le ramène sur la table et donne la sienne à mon amie, avant de m'asseoir à mon tour. « T'apprendre à répondre ? » Riais-je doucement. « Comment pourrais-je t'aider... » Songeais-je à voix haute, réfléchissant plus pour moi-même. Je n'ai presque jamais conseillé qui que ce soit pour apprendre à se défendre, verbalement ou physiquement. « Tu t'es déjà retrouvé dans une situation délicate où tes choix étaient restreint ? » ça résume un peu mon adolescence avec ma situation familiale et financière. Des choix peu nombreux, des solutions extrêmes, mais des personnes précieuses à protéger. Que ce soit eux ou soi-même, faut savoir quoi faire.

« Je ne peux pas vraiment te dire comment tu dois réagir, mais juste de ne pas te laisser faire. » Je soupirais doucement a ces propos. Pas que j’étais lassée, mais simplement que je ne savais pas comment me montrer plus ferme. J’étais de celles qui fuyaient les problèmes au lieu de les affronter, de peur de m’attirer des foudres ou alors même de pas avoir les bonnes réactions. Oui, je vivais dans une certaine crainte et au fur et mesure que je grandissais, cela devenait handicapant. Je sais qu’il risquait de m’arriver des conneries a force. Mais bon, entendre mon Senpai dire qu’il est possible que j’aie plus de caractère que je ne le pensais me rassurait un peu. Papa pensait un peu la même chose. Je commençais à me dire que je me sous-estimais un peu trop. Ah… J’aimerais tellement avoir un peu plus confiance en moi.

Mais en attendant, je voulais qu’il m’aide a m’affirmer un peu plus dans ce métier pour ne plus qu’il ne se sente ainsi responsable de moi et que je puisse remettre des clients de son genre à leurs places. Je mettais quelque carrés de sucres dans ma tasse remplie de cette délicieuse infusion. J’en profitais pour prendre un petit gâteau qui caressait mes papilles. A l’entente de sa dernière question, je levais les yeux au ciel afin de réfléchir…

« Hmm… Je n’ai pas vraiment le souvenir d’avoir déjà fait face à un tel cas de figure. »

Je me délectais de cette tisane délicatement fruitée, avant d'adopter une petite moue

« Il faut dire j’ai vecu dans un monde où ce sont plutôt les gens qui géraient ma vie. J’étais dans un petit cocon »

J’étais l’unique fille de mes parents. Je n’ai jamais eu grand intérêt de la part de ma mère, mais j’ai toujours étais la petite princesse de mon paternel. Il faisait toujours tout pour me préserver, qu'il ne m'arrive rien et que je ne manque de rien. Je n’étais qu’une enfant a leurs yeux donc je ne savais pas ce qui était bon pour moi et mes choix ont toujours été limité. Il n'y qu'a voir, je ne serais jamais a Royal si ma mère ne m'y avait pas inscrite de force.

« En fait, depuis que je suis au Japon, disons que je fais vraiment face au monde réel si-je puis dire. Je n’ai pas l’habitude d’être autant livrée à moi-même… »

Nous ne sommes pas tous pareil. Alessia est différente de moi, pas parce que c'est une fille et que je suis un garçon. Nous n'avons pas vécu les mêmes choses, nous n'avons pas le même caractère, ni les mêmes objectifs. Si petit j'étais déjà débrouillard, ce côté-là de ma personnalité s'est rapidement développé avec mes problèmes dû à l'argent, aux dettes, au gang, à toute ces choses qui m'ont vu grandir et évoluer. Prendre des coups, apprendre à se défendre, vouloir aider ses amis avant soi-même. à un moment, faut savoir dire stop et repousser ce qui nous fait peur, bien que je n'ai jamais eu peur de grand chose, si ce n'est perdre mes proches. Alessia est jeune, elle a le temps de découvrir ce pour quoi elle voudra se battre et progresser. Si ce n'est pas pour elle, ça sera pour quelqu'un d'autre. Rien qu'avec cela, elle saura de quoi elle est capable en réalité et se défendre par soi-même deviendra moins compliqué.

Tout en préparant le thé, je l'interroge et farfouille dans ma tête pour lui trouver une solution. ça ne sera jamais une solution miracle, je ne peux pas faire des tours de magie ou réaliser des voeux comme un génie. Je cherche simplement à l'aider du mieux que je peux, en discutant pour commencer. J'avais vu juste, Alessia n'a jamais vécu de chose traumatisante dans sa vie ou qui demande des sacrifices. Un petit cocon ? Je souris à cette idée, même si ce n'est pas mieux que vivre dans un taudis au sein d'un vieux quartier. Nous sommes similaires en étant totalement différents. J'ignore ce qu'elle a vécu dans son enfance ou ce qu'elle vit maintenant. Je ne connais pas sa famille, en fait, je ne sais pas grand chose d'elle. « Tu grandis. Un jour tu n'auras plus tes parents derrière toi pour t'aider et c'est là que les choses se compliquent. » Elle doit s'en douter, tôt ou tard elle devra voler de ses propres ailes. Buvant une gorgée de mon thé après l'avoir sucré, je me racle la gorge pour reprendre. « J'ai toujours vécu avec ma mère, mais y a une époque où faire des choix étaient difficile pour elle. Elle ne pouvait pas s'occuper de moi et gagner de l'argent, sauf qu'il fallait payer, toujours payer. » Un soupir m'échappe, replongeant à cette époque où j'ai dû voir la vie comme elle était, cruelle. « Je devais être comme toi en étant gosse, loin de me douter que le monde qui m'entour soit aussi effrayant et peu accueillant. » J'ai grandi trop vite, mais j'ai surtout fait des choses regrettables pour avancer et faire avancer ma famille. « Il y a un moment où tu n'auras plus le choix. Soit tu fermeras les yeux et les choses resteront telles qu'elles sont, soit tu te bougeras et feras n'importe quoi pour t'en sortir. » Elle est jeune, elle n'a sûrement pas d'énorme problème à régler dans l'immédiat, mais son comportement pourrait l'amener à des situations inconfortables.

« Que ferais-tu si ce client décide de te suivre après le boulot ? » C'est une question comme une autre, une question à laquelle elle ne doit pas songer. Pourtant certaines personnes sont assez folles pour le faire, et je crains que cela arrive un jour. Être gentille est une chose, l'être beaucoup trop est une autre. « Avoir du répondant n'est pas toujours la solution non plus. » Parce que si l'autre décide que ce n'est pas fini, ça ne le sera pas. Je ne veux pas la décourager ou l'embrouiller, mais juste qu'elle sache qu'il y aura toujours une part de danger.

« T’inquiète pas c’est déjà chose faite »

Je n’avais plus personne pour assurer vraiment mes arrières. Maman a pu enfin me délaisser, papa n’est plus là et je n’ai pas envie d'avoir à faire au mari de ma mère. J’étais déjà dans les complications. Mais tout était venu d’un coup sur moi. J’avais l’impression de ne pas être capable tout affronter toute seule. C’était frustrant et triste d’être aussi dépendante à mon âge alors que lui semblait avoir eu son indépendance bien vite Tout en sirotant mon thé, j’écoutais attentivement les propos de mon ami, qui évoquait brièvement son enfance. Je ne pouvais pas m'empêcher d’avoir un petit pincement au coeur.

« Tu n’as pas dû avoir une enfance facile. Désolée. »

A l’entendre, lui et sa mère semblait revenir de loin. Je me sentais d’autant plus honteuse d’avoir parlé partiellement de ma vie de famille. Moi qui n’ai jamais manqué d’argent ou quoi que ce soit d’autre. J’étais définitivement idiote. « Que ferais-tu si ce client décide de te suivre après le boulot ? » Mon coeur ratait un battement. C’était une situation totalement possible. Je supposais que prendrait mes jambes a mon cou. C’est ce que je dis en théorie, après est-ce que je le ferais vraiment ? Enfin bon, l’instinct de survie est souvent plus fort que tout n'est-ce pas ? Mon Dieu, j’espérais que cet homme n’ira pas jusque là. Anxieuse, je commençais à jouer avec mes doigts.

« Mais c’est toujours mieux que de ne pas en avoir du tout.»

Avoir du répondant était toujours utile. J’étais malgré moi ce stéréotype de fille qui se laissait marcher sur les pieds. Et c’était devenu pire quand je suis arrivée au Japon. Le peu de confiance en moi que j’avais était ébranlée.

« Ton expérience t’a permis d’en avoir, de savoir gérer les situations. »

Il avait 7 ans de plus que moi, alors il devait en avoir des bagages, surtout d’après ce qu’il a laissé sous-entendre avec son enfance.

« Je n’ai pas de vécu, on m’a toujours surprotégé et j’ai l’impression de ne pas avoir un caractère propre à moi »

C’est vrai, la vie m’avait arraché d’un coup l’homme de ma vie et je la maudissais pour ça, mais j’ai l’impression que la personne que j’étais était morte en même temps que mon paternel. Je soupirais lourdement avant de laisser mon front taper sur la table

« Pardon, je me plains tout le temps »

Chose faite ? J'ignore si je dois m'excuser ou dire que c'est une bonne chose. Sans connaître sa vie, ni sa famille, je ne peux pas vraiment répondre sans paraître bête. Du coup, je me tais et hoche doucement la tête. Le meilleur moyen pour moi de l'aider, c'est de savoir où est la faille chez mon amie. Parler de moi peut sembler égoïste, mais je tente de la mettre en confiance et aussi de lui faire comprendre qu'elle peut se confier. Ma vie n'a jamais été simple, pourtant je m'en suis toujours sortie. C'est là où je veux en venir en racontant mon histoire. Qu'importe les choix que nous faisons, ils mènent tous à des chemins différents. Nous ne sommes que très rarement au bord d'un précipice, il y aura un échappatoire d'un côté ou d'un autre, même si nous mettons du temps à le voir et à essayer de l'emprunter. « Il y a sûrement pire que moi. » Je ne me trouve pas mal chanceux ou quoi, au contraire, j'ai une mère en or, un meilleur ami digne de ce nom et à présent, un copain pour qui je donnerai le bon dieu sans confession.

Ma question est simple, mais elle n'est pas là pour faire plaisir. Je me doute que ça met Alessia mal à l'aise de réfléchir à ce genre de chose, mais mieux vaut y songer maintenant plutôt que se retrouver devant le fait accompli. « C'est vrai, tu marques un point. » Souriais-je, lui accordant qu'elle a totalement raison. Malheureusement, ça n'apporte pas beaucoup de défense face à une attaque frontale. Mon expérience ? Je dois aussi tenir ça de ma mère, parce qu'elle n'hésite jamais à dire ce qu'elle pense ou ce qu'elle a sur le coeur. « Sûrement. » En fait, je ne me suis jamais demandé comment je serais si je n'avais pas eu ces problèmes. Est-ce que je serais ce garçon à l'esprit mal tourné et aux étranges ambitions si je n'avais pas rejoins un clan ? Serais-je imbu de ma petite personne ou trop timide si ma mère n'avait pas eu des problèmes d'argent ou si j'avais un père ? Je ne peux pas savoir, et de toute façon, ça ne changerait rien.

« Il n'est pas trop tard pour te trouver. » Elle est jeune, son vécu n'est pas seulement derrière elle, mais devant. J'en apprends toujours sur moi, même à mon âge. Aimer, donner, prendre, pardonner, ce sont des choses qui viennent parfois plus tard. « ça ne me dérange pas. » Un petit rire filtre mes lèvres, portant la tasse à ma bouche pour boire une nouvelle gorgée. « Si tu veux un conseil, vise entre les jambes si jamais un sale type t'embête. » Et après, elle fuit le plus vite possible. Prenant un gâteau sur l'assiette, je croque un morceau et grignote en silence. « Tu peux toujours dire que les hommes ne t'intéressent pas, si tu te fais encore embêter. » Enfin, ça c'est dans le cas où le gars est suffisamment intelligent pour comprendre.

Il était vrai qu'on trouvait toujours pire que soit niveau malheur. Mais à cet instant, c’était la vie de Berry qui semblait bien plus difficile que la mienne. J’avais toutes les raisons de me sentir mal de lui faire part de mes caprices enfantins alors que lui semblait avoir eu a faire face à bien plus difficile.
« Il n'est pas trop tard pour te trouver. » Je soupirais doucement avant de marmonner

« Très franchement, j’espère que tu as raison »

C’est vrai j’allais tout juste fêter mes 16 ans cette année, mon chemin était en train de se tracer doucement, il fallait que je me montre patiente. Mais lorsque je voyais comment se comporter mes amies aux États-Unis ou les quelques amies que j’avais ici, j’avais l’impression qu’elles se débrouillaient mieux que moi. Ah Alessia Bellini, tu commences à penser que tu étais irrécupérable. Je collais ma joue contre la table pour regarder le jeune homme, avant de ricaner

« Haha, c’est pas faux. Un coup de vélo entre les jambes, ils pourront s’en souvenir »

J’osais à peine imaginer la douleur que cela pouvait infliger à n’importe quel homme. Mais je prenais note. Qui sait, ça pourrait bien m’aider. Je me redressais doucement avant de prendre un autre gâteau que j’accompagnais de mon thé parfumé. Aux derniers mots de Berry, j'hochais doucement la tête, gardant toujours cette moue au visage. Il avait raison, je devais apprendre à utiliser un peu mieux ma langue. Mais je ne sais pas, pourquoi s'intéresser à une gamine comme moi ? Je n’avais rien d’attrayant. De la tête au pied, je ressemblais un peu trop à une petite alors je me demandais parfois ce que les hommes pouvaient voir en moi ce que je ne voyais.

« Je sais ! La prochaine qu’on m’embête, je dirais que tu es mon petit ami. Avec nos couleurs de cheveux, on a l’air presque assorti »

Dis-je dans le ton de la plaisanterie alors que je tendais mèches de ma chevelure blonde près de sa petite tignasse colorée, avant de rire un peu plus.

« Nan j’avoue, je suis la première à reconnaître que ce serait ridicule. »

Quoi qu’un brin mignon, non ?

« Je ne veux pas m’attirer les foudres de ta copine… Si tu en as une... »

Demandais-je tout en m’abreuvant de mon thé, mon regard plein de malice.

J'aurai bien voulu la serrer dans mes bras ou lui tapoter le dos pour l'encourager, mais je me contente de sourire sincèrement. Je ne sais pas si j'ai raison, mais je sais qu'elle est jeune et qu'elle a le temps pour trouver sa voie, pour être ce qu'elle veut être. à son âge, j'arpentais encore les rues de Tokyo à la recherche d'un potentiel client, les poches pleines de poudre toxique. à son âge, je faisais n'importe quoi pour m'en sortir, avant que ça ne devienne un passe-temps fort peu déplaisant. Comme quoi, on peut se tromper de chemin mais découvrir d'autres ouvertures, d'autres routes différente de celle que l'on désirait prendre à la base.

Le secret pour mettre un homme K.O, c'est bien de viser les parties sensibles. Il y a plusieurs points de faiblesse dans le corps humain, mais ce serait trop compliqué d'expliquer à Alessia où taper, surtout si elle ne sait pas se battre. L'entrejambe, ça ne loupe jamais. Sa réplique me fit rire et grimacer à la fois, imaginant malgré moi la douleur que pourrait procurer un coup de vélo à cet endroit. Je n'incite pas mon amie à utiliser la violence, mais juste à savoir se défendre au cas où. Quant à la parole, ce n'est pas toujours évident de trouver les mots justes pour se débarrasser de quelqu'un. Prenez exemple sur Phoenix, je n'ai jamais réussi à le faire partir, ni à lui faire peur. Sauf qu'il a une répartie insolente et insouciante sous ses airs de gamin paume de la vie. Alessia est son contraire.

Son petit ami ? Je ne m'attendais pas à ça, mais je souris quand même. « Je suis ton ami et je suis petit, ça se tient. » Plaisantais-je, comprenant là où elle voulait en venir. Quant à mes cheveux, c'est vrai que nous sommes presque assorti avec nos tignasses décolorées. « Ridicule ? Je dois le prendre comment ? » Je fis la moue, faussement vexé. Copine. Ah. Oui, ma copine. Un rire m'échappe, devenant progressivement un fou-rire incontrôlable. L'espace d'un instant, j'ai visualisé ma « copine » et j'avoue que c'était très drôle. Reprenant mon calme, je secoue doucement ma tête, venant essuyer le coin de mon oeil larmoyant. « Je ne suis pas intéressé par les filles. » C'était mon astuce de tout à l'heure, sauf qu'elle est vraie. « J'ai un copain. » Pourquoi s'en cacher ? Je n'ai pas peur d'avouer mes préférences ou ma situation amoureuse.

« ça va mieux, toi ? » On dirait qu'elle a retrouver son sourire et des couleurs normales. Je suis bien content s'il parvient toujours à rire malgré certains clients qui mériteraient d'être expulsé de la boutique.

Je mentirais si je disais que parfois ma cage dorée ne manquait pas. Tout me paraissait si parfait lorsque papa était encore parmi nous. Mais bon, tout ceux a quoi je dois faire face ne sont que des épreuves. J’ai déjà commencé à faire face au plus gros traumatisme de ma vie en affrontant le décés de mon paternel. Ce qui pouvait suivre n’était rien désormais. Enfin malgré ça, j’ai encore beaucoup à travailler

Mais je voulais quand même changer cette ambiance morose que j’avais installée, évoquant alors une potentielle mise en couple avec lui grâce a nos couleurs de cheveux peu commune pour des asiatiques. Je ne manquais de rire à ses propos et l'auto dérision concernant sa taille. Cependant je n’ai pas pu m’empêcher de lui donner une tape sur la main quand il jouait les garçons vexés ; tout pour me faire culpabiliser

« Mais arrête tu sais où je veux en venir quand je parle de ridicule »

Bien sûr que non ce ne serait jamais ridicule d’être sa petite amie. Berry était un garçon sympa en plus d’être mignon dans tous les sens du terme. Je pense que n’importe quelle fille aurait la chance d’être avec lui. Et je ne pouvais me retenir de le questionner sur le sujet d’ailleurs. Cependant l’entendre mourir de rire ainsi me mis mal à l’aise. Avais-je dis une connerie pour déclencher son euphorie ? Je compris rapidement que oui. Je manquais de peu de m’étouffer avec mon thé lorsqu'il m’avouait la vérité. Ok, je comprenais mieux son fou rire. Je me sentais un peu idiote, mais bon je ne l’aurais jamais deviné qu'il était d'un bord différent. Bon après ce n’est pas écrit sur sa figure, mais cela restait quand même surprenant

« Tu ne fais que confirmer les stéréotypes. Les meilleurs mecs sont toujours gays »

Dis-je en faisant une moue. J’espère quand même qu’il est heureux avec son copain. Tiens, il faudrait que je lui demande de le rencontrer un de ses jours. J’aimerais tellement voir a quoi il ressemble. Un sourire aux lèvres, je hochais vivement la tête.

« Oui ca m’a fait du bien. Merci beaucoup Berry. »

Ca me rassurer de le savoir dans les parages si j’ai besoin d’une épaule sur laquelle me reposer et Dieu seul sait combien ceci m’était utile surtout dans ces périodes de l’année. Je poussais un léger soupir avant de ricaner et jouer avec les plis de la jupe de mon uniforme

« Bon maintenant, je ne sais pas si je suis capable de retourner en salle. J’espère vraiment que cet homme a quitté le café. »

Quoique c’est un bon moyen d’affronter mes craintes si-je puis dire

Être en couple avec une fille ne m'aurait pas dérangé, si je n'étais pas déjà avec quelqu'un. à une époque, je m'intéressais à la gente féminine, mais n'avait pas le succès attendu. Finalement, je suis tombé dans les filets d'un garçon et je ne m'en plains pas. De toute évidence, Alessia est un peu trop jeune pour être ma petite copine, ce serait vu comme du détournement de mineur ou un truc dans le genre qui ne passe pas. Je n'ai pas très envie d'être catégorisé de pédophile avec nos sept ans d'écart et le fait qu'elle ne soit pas majeur. Par contre l'idée peut toujours la sauver de ces idiots qui la draguent, par exemple. Le mot ridicule ne m'a pas tellement plu sur le coup, mais je me doute qu'elle ne disait pas ça pour me vexer. Allez savoir, peut-être que c'est ridicule d'être en couple avec un garçon plus petit que soi, ou quasiment à la même hauteur. J'ai souvent cette impression d'être minable à côté de ces grandes personnes, avant de me souvenir que je n'ai rien à redevoir à ces gens-là.

Alessia me questionne sur ma vie sentimentale, ce qui me fait sincèrement rire. Une copine. Mon copain n'a rien d'une fille, sans vouloir offenser Phoenix. Le temps de reprendre mon calme et de lui expliquer la situation, comme quoi je suis « gay » ou tout simplement attiré par un garçon. Je ne me sens pas vraiment homosexuel, il n'y a que Phoenix qui me fait un tel effet, pas les autres hommes. C'est compliqué à expliquer, autant garder le terme généralisé. « Ne dis pas ça, je vais vraiment finir par croire que je suis un type bien. » Bien meilleur que n'importe qui, surtout. « Ils ne sont pas tous gay, si cela peut te rassurer. » Je dis ça, mais même mon meilleur ami est en couple avec un garçon, et ils ne sont pas moche du tout.

En tout cas, ça fait plaisir de la voir avec ce sourire. Alessia peut compter sur moi, que ce soit pour l'aider ou la protéger, je ferais toujours en sorte qu'elle soit à l'aise dans cet endroit. ça détend l'ambiance ce genre de moment, c'est agréable et à la fois tranquille. « Si j'étais patron, je t'aurai bien dispensé pour la journée. » Mais je ne suis qu'un employé comme elle, et nous ne pouvons pas abuser des bonnes choses. « Si il est encore là, je le fous à la porte. » Si jamais ça peut la motiver à retourner bosser, à moins qu'elle cherche à se prouver qu'elle peut s'en sortir sans mon aide, bien que je garderai toujours un oeil dessus.

Terminant mon thé à la fraise, je pique un dernier gâteau avant de taper mes mains ensemble. « Je m'occupe de la vaisselle. » Dis-je en débarassant nos tasses vides et la théière dans l'évier.

« Mais tu es quelqu’un de bien… »

Répondais-je innocemment une moue collée au visage. Pourquoi pensait-il le contraire ? Lui qui prenait sans cesse de moi depuis que j’ai mis les pieds dans ce café, mieux que n’importe quelle fille travaillant ici. De plus, je n’étais pas du genre à dire ce que je ne pense pas. C’était quelqu’un de gentil en soit le Berry, alors tu avais du mal à comprendre. Mais bon après tout, nous avions tous un masque, qui sait ce qu’il se cache derrière celui de Berry. Je ne le connaissais pas en dehors du boulot. Peu importe, je pense que c’est mieux ainsi, je veux garder cette image que j’ai déjà de lui.
Je ne me cachais pas non plus pour lui parler de ma légère crainte de retourner en salle pour affronter à nouveau ce client. Je n’ai pas pu m’empêcher de ricaner doucement quant à sa solution de se débarrasser de ce dernier.

« C’est gentil, mais disons que je vais essayer de prendre sur moi… Il serait temps que je mette un peu en pratique tout ceci, tu ne penses pas ? »

Berry en avait déjà assez fait pour moi. C’était le moment ou jamais à commencer à m’affirmer. Même si je ne sais pas pourquoi, imaginant la scène je trouvais ça limite ridicule. Mais qui sait, peut-être que ceci me permettra de prendre un peu plus confiance en moi. Néanmoins, une partie de moi ne pouvait pas s’empêcher de prier que ce mec ne soit plus là. Je le laissais débarrasser tranquillement avant de m’étirer longuement.

« D’ailleurs, il faudrait que tu me dises ou tu achètes ce thé à la fraise, que je puisse l’ajouter à ma collection »

Je m’étonnais moi-même de pas avoir ce parfum dans ma droguerie personnelle

Quand j'entends les paroles de ma collègue, j'en oublie presque ce que je faisais auparavant. Le nom du gang auquel j'appartenais était connu de la police, même s'ils ignoraient le nombre de membre et leurs noms. La plus part de mes « partenaires » ne savaient rien de moi. Ni comment je me nomme, ni où je vis, ni mes amis, rien. J'étais seulement Bishamon, le petit dealer de drogue passionné par le trafique d'organe. J'ai tout lâché, évidement. Bien que ce soit récent et difficile à oublier, parfois je crains de m'attirer encore les foudres de mes adversaires, ou de mettre mes proches en danger. Si j'étais vraiment quelqu'un de bien, je n'aurai pas systématiquement peur de coûter la vie aux autres. ça ne fait pas de moi une pourriture pour autant, mais la différence est mince.

La pause touchait à sa fin, et bientôt il va falloir retourner au boulot. Alessia ne doit avoir aucune envie de revenir dans la grande salle où se trouve son client relou, mais je propose de le virer si jamais il recommence, ou s'il est toujours là. Or, elle refuse gentiment et je ne lui savais pas autant de courage. Lâchant un petit sourire, j'hoche doucement ma tête et l'encourage d'un regard. « Je suis sûr que tu es aussi forte que les autres, à toi d'y croire. » Quand on y croit, les choses arrivent plus facilement. « Courage. » Dis-je simplement, en levant mon poing fermé dans un signe encourageant.

La table débarrassée, je m'occupe de laver nos tasses et le service à thé, avec autant de mousse que d'eau. « Il y a une boutique pas très loin du salon de thé où ils vendent toutes sortes d'herbes séchées. J'ai trouvé cet arôme là-bas. » De la fraise séchée, ce n'est pas commun. Ils vendent d'autres sortes de fruits ou de feuilles qui donnent ce goût particulier à l'eau bouillante. J'aime tester de nouvelle chose, quitte à prendre un échantillon d'un peu tout. « Tu devrais aller faire un tour. » Ajoutais-je en terminant ma vaisselle.

« Ah… Heureusement que tu es là. Tu es devenu mon fortifiant a force. »

Ça me faisait du bien d’avoir autant de soutien de sa part. C’était peut-être minime pour lui, mais il n’imaginait pas à quel point cela était important pour moi. Je serais presque tentée de dire que c’était vital. J’étais de celle qu’on avait sans cesse besoin de rassurer, sur qui il fallait veiller sans ménagement. Berry répondait aisément à tous ces critères. Il fallait quand même que j’apprenne à me débrouiller, il ne fallait pas que je fasse tout ça d’un coup, je devais me préparer mentalement. Une fois notre petite collation terminée, je ne manquais pas de l’interroger sur la provenance de ce parfum qui était si délicat. Bien que ça fasse un moment que je vis ici, j’étais quand même triste de découvrir l'existence d’une telle boutique que maintenant. Enfin, c’était mieux maintenant que jamais.

« Tu n’as pas à dire ça deux fois a une théinomane »

Je tirais légèrement la langue, amusée. Il ne savait pas à quoi ressemblait ma réelle addition avec cette boisson. Je sentais très bien que je risquais de dévaliser la boutique pour compléter les places vides de ma boite

« D’ailleurs, un jour, il faut que je t’invite dans ma chambre pour te faire goûter des thés de ma collection »

Autant que ma cuisine, j’adorais partager mon thé, et même user de mon service à thé avec quelqu’un, c’était toujours plaisant. Je passais ma tête a travers l’encadrement de la pièce pour ainsi balayer la salle du regard.

« Bon, il semblerait qu’il ait mis les voiles »

Tu poussais un soupir de soulagement, posant ma main sur ma poitrine, comme un poids qui se libérait de mon coeur.

« J’espère qu’il ne m'attendra pas à fin de mon service »

Merci à Berry pour son scénario qui est rentrée dans ma tête. Il faut dire qu’il y a des tarés dans tous les coins de rue, ce serait a moi d’être prudente, quitte à friser la paranoïa. Je m’approchais de mon ainé avant de le prendre dans mes bras. Oui j’étais du genre très démonstrative. Surtout qu’il ressemblait à une peluche.

« En tout cas, merci pour tout Berry. »

Je le libérais de mon emprise avant de lui adresser un dernier sourire

« Bon, on devrait retourner aider les filles. »

Quand on vit à Tokyo depuis la naissance, la ville n'a plus tellement de secret. à force de la connaître, de savoir où se situe les boutiques et les restaurants, dès qu'il y a du nouveau, forcément qu'on le remarque. Avec ma mémoire, je pourrais faire un plan de chaque quartier au détail près, tout en sachant où se situe telle ou telle chose. C'est pratique et lourd à la fois, mais quand il s'agit de donner des informations à quelqu'un, je trouve cela utile. Alessia se décrit comme « théinomane », sûrement une accro au thé et à ce qui s'en rapproche de près ou de loin, je suppose. ça me fait rire, n'ayant jamais mis un nom sur cette « passion » avant aujourd'hui. « C'est légèrement ambiguë comme invitation. » Plaisantais-je, surtout qu'elle sait pour moi et mon couple. « Mais ça me ferait plaisir de goûter à ta collection. » Même si j'ai une image bon enfant dans la tête, avec la petite fille qui offre du thé imaginaire à ses poupées et peluches, autour d'une petite table.

D'après mon amie, l'homme n'est plus là. Tant mieux, ça m'évitera de lui taper dessus ou de le sortir du salon par la peau du cou. « J'espère aussi. » Qu'il ne l'attendra pas dehors à la fin de sa journée, mais je doute que ce gars ait autant de temps à perdre. à moins qu'il soit désespéré à ce point, mais encore une fois, j'en doute. Le câlin d'Alessia me surprit quelque peu, ne m'attendant pas à ce qu'elle me prenne dans ses bras, mais je prends ça pour un merci. En plus, elle n'est presque pas plus grande que moi... « Y a pas d'quoi. ça m'a fait plaisir de parler avec toi, Alessia. » Je lui rends son sourire, puis l'invite à passer en première. Les dames d'abord, comme qui dirait. Il y a du monde d'ailleurs, ce ne serait pas très gentil et poli d'abandonner les filles au beau milieu de notre service.