I have some piece of memories in my mind and I want to share it with you. ~
**I just want to play like a normal child**
Le nez collé au carreau, Arthit observe les autres enfants de son âge en train de jouer à la balle. À 7 ans, il rêverait de pouvoir courir et sauter avec ses camarades, rire et s’amuser sans se préoccuper de rien. Pourtant, il ne peut pas. Il a la lourde charge de garder ses deux petites sœurs pendant que leurs parents travaillent. Et c’est ainsi tous les jours depuis qu’il a 3 ans. Jamais ils n’arrêtent, le soir, ils sont tellement épuisés que c’est lui qui cuisine pour la famille avec l’aide de sa tante. Le commerce de parfums qu’ils tiennent ne marche pas si bien que ça. La clientèle se fait rare et l’anxiété prend Mr et Mme Chaowarat à la gorge. Arthit prie pour qu’un jour, tout se passe mieux. Pour qu’un jour ses parents puissent souffler et s’occuper de leur famille. Il aimerait pouvoir profiter d’eux aussi. En soupirant, le petit garçon s’éloigne de la fenêtre et va rejoindre la plus âgée de ses petites sœurs qui s’amuse avec des animaux en bois. Quand il la voit, si fragile et innocente, il veut la protéger. Lui permettre de s’épanouir et de jouer comme elle le veut. Il fera tout pour que ses sœurs puissent être les plus heureuses du monde.
**Work can be successful after a long time of pain**
C’est l’été à Bangkok et encore une fois, le magasin est bondé. Voilà trois ans que le commerce des Chaowarat a gagné en popularité grâce au talent des parfumeurs et à la pub de leur premier fils. Celui-ci a maintenant 11 ans et entre enfin au collège. Entre ses résultats plutôt corrects et son sérieux vis à vis de ses frères et sœurs dont il s’occupe chaque fois qu’il a fini les cours, tout le quartier le considère comme le fils parfait. Mais Arthit pense différemment. Comment pourrait-il être un fils parfait alors qu’il n’a aucune envie de reprendre la boutique de ses parents ? Lui son rêve, c’est de partir au Japon pour dessiner des histoires et faire rêver les enfants. Le soir, dans sa chambre, quand tout le monde dort, il allume une lampe torche et s’amuse à dessiner de petites histoires. Il les crée pour ses frères et sœurs. Il veut les amuser, les faire rêver un peu. Maintenant ils ont la vie plus facile, ils peuvent sortir, se faire des amis. Ça le rassure lui car tant qu’eux sont heureux, lui aussi le sera. Mais est-ce que tout se passera bien si il réussit son rêve et part publier des mangas au pays du soleil levant ? Il a peur, il hésite.
**Don’t worry, I will take care of them**
La gorge serrée, il enlace avec affection ses parents puis chacune de ses sœurs pour finir par son frère. Quand il les regarde ainsi, il s’inquiète pour eux. Est-ce que cela ira ? La plus jeune n’a que 8 ans, fait-il bien de partir si tôt ? Mais Emma, la plus âgée, le rassure du regard. Elle prendra soin d’eux comme lui l’a fait. Ils savent tous que leur grand-frère a tout sacrifié pour eux alors ils veulent lui permettre de réaliser au moins un de ses rêves. Parce qu’il mérite lui aussi de vivre un peu pour lui. Mr et Mme Chaowarat lui adresse un sourire rempli de fierté. Eux aussi savent par quoi leur aîné est passé et ils veulent aussi le voir grandir. Arthit a les larmes aux yeux et sa mère vient le serrer une nouvelle fois dans ses bras. À l’oreille, elle se permet de lui chuchoter quelque chose.
« Mon fils, je sais que tu n’as pas toujours eu la vie facile à cause de nous et nous nous en excusons. Maintenant il est tant que tu voles de tes propres ailes. » Pour le jeune homme de 18 ans, il n’y a pas plus déchirants comme « au revoir ». Une dernière fois, il les serre contre lui puis il les quitte pour aller rejoindre son avion. C’est une nouvelle vie qui s’offre à lui et il n’a pas l’intention de la gâcher.
**I will become an artist**
« Alors comme ça tu dessines des mangas toi ? » Penché au dessus de son épaule, Sora adresse un sourire éclatant à son collègue qui sursaute. Dire qu’il avait pensé utiliser la petite pause entre deux vagues de clients pour continuer les esquisses de son prochain chapitre. Le voilà coupé dans son élan. Se passant la main dans les cheveux, Arthit affiche un petit sourire gêné dans de refermer son carnet pour le ranger dans son tablier.
« Oui mais chut, c’est un secret. » Cela ne fait qu’un an qu’il est au Japon et ce serait un peu présomptueux de dire qu’il dessine déjà des mangas. Il essaie plutôt.
C’est quoi du coup la pochette que tu as dans les vestiaires ? Des dessins aussi ? » Le thaïlandais secoue doucement la tête avant de l’inviter à se pencher pour lui souffler la réponse dans l’oreille.
« C’est des planches pour une histoire. Je vais les montrer à un responsable éditorial à la fin de mon service. » Dire qu’il attend ce moment depuis des années, il est tout excité à l’idée qu’il va enfin pouvoir gravir la première marche pour accéder à son rêve. Surtout qu’il n’est pas tout seul vu que Sora l’encourage de tout son cœur. Ils n’ont beau être amis que depuis 6 mois, il sent déjà qu’ils se lieront au point de devenir inséparables.
**You worked hard, don’t give up**
Arthit attrape une canette de bière en soupirant et se laisse tomber dans le canapé sans dire un mot. Ça l’agace tout ce travail pour rien. Voilà deux ans qu’il s’échine à écrire et dessiner pour rien. Deux ans qu’on lui répète que c’est bien mais qu’il manque un petit quelque chose. Mais quoi au juste ? C’est son dessin qui fait trop simpliste ? Ses histoires qui semblent trop réalistes ? Ou alors ses personnages qui sont sans saveur ? Il l’ignore et cela le met en rogne.
« ça va le faire Arthit. Tu sais bien que c’est pas facile dans ce monde là, faut persévérer. » Persévérer ? Il ne fait que ça. Lâchant un vague grognement, il prend une gorgée d’alcool avant de se passer une main sur le visage. Qu’est-ce qu’il faudrait qu’il fasse pour se changer les idées ?
« Dis Sora ? Ça te dit qu’on se fasse une partie de Mario Kart ? » Le claquement de doigts de son meilleur ami lui signale son accord. La partie peut commencer.
**the reward finally comes**
Il est 20h et devant l’enseigne de Chicken Chicken, Sora attend son ami adossé contre un scooter de livraison. Arthit est parti acheter un exemplaire d’un magazine de manga et va bientôt revenir puisque sa pause touche à sa fin. Soupirant, le jeune japonais sort une cigarette de sa poche et l’allume quand soudain, son ami arrive en courant, brandissant bien haut son magazine.
« Sora ! Sora ça y est ! Ils l’ont publié ! Ils l’ont fait ! » Jamais il ne l’a vu si heureux qu’aujourd’hui. Les deux compères se serrent dans leurs bras bien fort en sautant de joie. Le rêve d’Arthit prend petit à petit forme. Enfin une de ses histoires est publiée. Et il n’a que 22 ans.
**Don’t worry, i’m here**
« Chut, ça va aller, tout va bien, je suis là. » La main sur ses cheveux, Arthit caresse doucement la tête de Sora pour tenter de l’apaiser. Ce corps secoué de sanglots, il le sert contre lui, le berçant comme il le faisait avec ses frères et sœurs. Son ami est épuisé, il le sait mais qu’est ce qu’il peut faire ? Ça il n’en sait rien. Même son psychologue ne sait pas ce qu’il faut faire pour arranger définitivement tout ça.
« J’en peux plus Arthit. Je te jure, j’en peux plus. À chaque fois, ça me submerge, je contrôle plus rien. » « Je le sais ça, t’inquiète pas. Mais t’y es pour rien, d’accord. Je resterais toujours là. Toujours. » Son psy lui a expliqué il y a des années comment ça se passait les crises. En vérité, dès qu’il a su que Sora était atteint de TPB, il s’est renseigné. Il a lu des tonnes de livres qui lui ont permis de deviner avant même qu’on lui dise qu’il est le soleil de son meilleur ami. Celui pour lequel il vit. Et c’est pour cela qu’il ne l’abandonnera pas. Parce que lui aussi vit pour lui. Alors il sert le tissu qu’il a appliqué sur le poignet de Sora et attend que les pompiers viennent l’aider.
**Please don’t go**
« Bébé je t’en prie... » Arthit a les larmes aux yeux. Il ne veut pas la laisser partir. C’est la femme de sa vie, il le sait. 3 ans qu’ils sont ensembles. Trois ans qu’il ne regarde qu’elle et se réveille tous les matins en se disant qu’il a de la chance d’avoir une femme si parfaite à ses côtés. Ce soir il lui a apporté des fleurs. Il l’a invité au restaurant pour qu’ils puissent passer une bonne soirée. Il a même songé à prendre une chambre d’hôtel pour que cela sonne un peu plus classe que son petit appartement miteux.
« Arrête Arthit. Ça ne sert à rien et tu le sais. » Non, au contraire, il ne comprend pas. Pourquoi, alors que leur relation va pour le mieux, elle le quitte. Pourquoi l’abandonne-t-elle comme ça ?
« Arthit, ça suffit. Je viens de te dire que je t’ai trompé. Plusieurs fois même. Alors laisse moi partir. » Cette fois, il pleure vraiment. Il n’arrive pas a y croire. Elle, l’avoir trompé ? Pourquoi ? Pourquoi lui ? Il finit par laisser tomber le bouquet au sol tandis qu’elle s’en va, sans un mot de plus. Arthit a 25 ans et il vient de laisser partir la femme de sa vie, il en est certain.
**Maybe I need to change my dream**
« Je te jure, je désespère. Ça marche jamais plus de deux semaines. J’arrive pas à choper la clé qui PAF, fait tout marcher. » Tout en continuant de passer le balai, Arthit soupire. Voilà 3 ans qu’il n’a plus rien publié du tout. 3 ans qu’il continue de présenter ses planches sans succès. Du coup il se retrouve à être homme de ménage dans une entreprise. Génial. Heureusement, Sora est là, comme toujours.
« ça va le faire mon pote. Ton rêve c’est de l’or et tu vas réussir coûte que coûte. T’es doué et si toi tu le sais pas, moi si. » Le sourire qu’il lui adresse réchauffe le coeur du thaïlandais qui vient lui ébouriffer les cheveux. Qu’importe ce que les autres peuvent dire de lui, pour Arthit, Sora est la meilleure personne au monde et il compte bien vivre ses vieux jours en sa compagnie. Meilleurs amis jusqu’au bout.
**Why did you do that ?**
« Sora, putain ! Sora, où t’es ? Putain Sora ! » En entrant en trombe dans l’appartement de son ami, Arthit ne peut s’empêcher de crier. Par tous les dieux existant sur cette planète, que ce message ne soit qu’un appel au secours. Dans sa main, il tient fermement serré son téléphone où le message de Sora s’affiche encore. Il s’agit clairement d’un message d’adieu comme il lui en a souvent envoyé. Pourtant, Arthit a peur. Pour une raison qu’il ignore, il sent que celui-ci sonne encore plus sincère que les autres. Alors il fouille de fond en comble le domicile et finit par arriver dans la salle de bain. Là, les bras lui en tombent. En face de lui, habillé, le presque trentenaire repose dans son bain, les yeux fermés, l’air serein. Ses bras sortent de la baignoire et l’on peut clairement distinguer l’un de ses poignets tranché et ensanglanté. L’objet qui a servi à le couper repose au sol, un bout de verre appartenant auparavant à une tasse.
Tout tremblant, Arthit s’approche et s’agenouille pour être à sa hauteur. Doucement, tendrement, il sert le corps sans vie de son ami et les larmes se mettent à couler toutes seules. Pourquoi a-t-il fait ça ? Qu’a-t-il bien pu faire, lui, pour que Sora en vienne à ce point ? Il ne comprend pas et éclate en sanglots sans pouvoir s’arrêter. Il n’entend même pas l’un des voisins, intrigué par le bruit, entrer dans la salle de bain et crier au secours en découvrant la scène. Pour lui, c’est une part de son cœur et de sa joie de vivre qui est partie avec son ami. Rien ne sera plus comme avant, c’est certain.
**I promise you that I will be happy for the rest of my life**
Adossé au portail de la Royal, Arthit regarde les élèves se dépêcher de se rendre en cours pour ne pas arriver en retard. Voilà un an qu’il travaille dans l’école de son frère et de sa sœur. Un an qu’il réussit à tenir son premier travail sans Sora. Un an aussi que son ami s’est suicidé. Il lui rend visite régulièrement, lui parlant de ce qu’il lui arrive dans sa vie, qui il rencontre. Il lui parle de sa famille, de ses amis, très gentils mais qui ne réussiront jamais à le remplacer. Parfois, lorsqu’il est seul le soir, il ressent ce vide, ce manque que lui laisse sa disparition. Il n’a plus personne à qui parler de toutes ses idées d’histoires, plus personne avec qui passer une petite soirée bière-télé pour un oui ou pour un non. Selon les psy, c’était lui le soleil de Sora, pourtant, plus les jours sans lui passent, plus il songe au fait qu’il s’agissait de l’inverse. C’était son ami qui illuminait sa vie mieux que quiconque.