Je soupirais longuement à l’entente de mon réveil. Cette sonnerie avait le don de me hérisser les poils et de me mettre de mauvaise humeur du matin. J’ouvrais un oeil, puis l’autre, regardant l’heure affichée au cadran. 9H, finalement ça va, j’étais habitué à plus tôt quand j’étudiais dans mon ancien établissement. Relativiser faisais partie de mes résolutions et je tâcherais de la respecter. Au moins durant le mois de janvier.
Je n’avais pas cours aujourd’hui mais rester enfermé dans mon appartement ne me disait pas aujourd’hui. Surtout que j’avais décidé de changer d’air et de me sociabiliser. Et rester chez moi à lire, écrire ou jouer aux jeux vidéos n’allait pas pas aider.
J’avais donc décidé de m'entraîner un peu à la guitare. Oui ça non plus n’allait pas m’aider à la sociabilisation pour autant, mais je fais ce que je veux. Et ce n’est pas très original, mais trimballer un piano partout c’est bien moin facile, même si ça aurait plus plut à mes parents. Oui ils avaient toujours espéré qu’un de leurs deux fils fasse concurrence à Mozart. Dommage. J’avais commencé à m’intéresser à la musique au collège, juste par curiosité, et en espérant secrètement devenir populaire, comme les dernières années qui faisait partie du club de musique ultra sélectif. En clair il fallait être populaire pour y entrer. Et oui, le Jinwoo de 13 ans voulait leur ressembler. Quelle honte. Néanmoins, apprendre à jouer d’un instrument m’avait beaucoup plut et au final c’était devenu un échapatoir de plus lorsque je me sentais seul. Et je me sentais souvent seul. Le collégien harcelé que j’étais pouvait se détendre dans la salle de musique des première année, toujours déserte, au lieu de se faire frapper dans la cours et ça, ça n’avait pas de prix. C’est la raison pour laquelle j’avais d’ailleurs rejoins le club de musique.

Après avoir pris une bonne douche bien bouillante, je m’étais habillé le plus simplement possible mais tout de même assez chaudement pour faire face au froid. Et je suis très frileux.
J'attrapais la housse de ma guitare, rangeant dedans mon portefeuille et quelques médiators. Et oui, j’utilisais des médiators au lieu de laisser mes ongles pousser. J’avais osé une fois, et je me suis fait tué par mes parents. Pourquoi ? Parce qu’un “homme ne doit pas avoir les ongles long”. Donc oui, médiators. Et puis, étant donnée que j’avais l’habitude de beaucoup écrire à l’aide de mon ordinateur, l’aspect pratique des ongles court n’était plus à démontrer. Je sortais de mon appartement, vérifiant que je n’avais rien oublié.
Pour une fois, je décidais de ne pas prendre ma voiture pour aller à l’université. En effet je voulais tester les transports en commun. En Corée, et même si j’avais le permis, j’avais un chauffeur pour tout déplacement, donc cette question ne se posait pas. Je voulais pour une fois découvrir le quotidien des gens normaux.
Ma guitare sur le dos, je me dirigeais vers l’arrêt de bus près de chez moi afin de consulter les horaires. Au bout de 5 minutes à ne rien y comprendre et à me faire bousculer par les passants, très certainement à cause de la masse imposante sur mon dos, je décidais de faire demi tour afin de finalement prendre ma voiture. Je voulais bien faire des efforts mais il ne faut pas pousser mémé dans les orties.

En moins de 10 minutes j’étais arrivé à l’université. Après m’être garé, je partais à la recherche d’une salle de classe vide. Et la sociabilisation dans tout ça ? On verra.
Je parcourais les couloirs, et il ne fallut pas longtemps pour que je trouve une salle vide au rez-de-chaussée. Mon âme de flemmard ne pouvait pas être plus ravi. La salle était grande, bien chauffée et lumineuse : parfaite. Je posais mon manteau, mon écharpe et mes gants sur une table avant de retirer ma guitare de sa housse. Une fois bien à l’aise, les fesses sur une table, les pieds sur une chaise, tout ça près d’un radiateur, je commençais à gratter les corde. J’adorais le son que faisait l’instrument, j’adorais le contact de la pulpe de mes doigts sur les cordes. Mes doigts ne suivaient aucune mélodie en particulier et se laissaient conduire par les notes. Il m’arrivait aussi de chantonner sur des airs comme ceux d’aujourd’hui. Sans vouloir me jeter des fleurs, ma voix n’était pas si mal, ou du moins pas horrible à écouter.
J’étais donc complètement dans ma bulle, il n’y avait que moi, ma guitare et le radiateur qui me réchauffait agréablement le postérieur.

Cela avait encore été l’enfer dans les transports en commun. Heureusement qu’au Japon, les personnes étaient polies, respectueuses des politesses et pour les plus anciens possédaient le coeur sur la main. Certains l’ont aidé à sortir du métro et même à monter pour le bus. Il a été regardé de travers aussi, bien qu’il sache que cela soit monnaie courante, il était un peu le numéro de cirque de la populace nippone avec son lui sur son fauteuil manuel où il se déplace avec la seule force musculaires de ses bras. Raison pour laquelle, il passait la majorité de son temps à se réveiller très tôt, pour éviter les heures de pointe où tout était bondé. Cela lui faisait faire du sport, mais parfois il regrettait de ne plus être dans la capacité de se tenir sur ses deux jambes. Les médecins, sa propre mère lui a dit qu’avec de la volonté il pourrait être à nouveau comme avant, mais le problème était surtout psychologique. Il baisse toujours la tête, ayant peur du regard des autres sur sa personne, mais plus que ça, il est terrifié de connaître leur jugement. C’était sa punition pour avoir survécu à l’accident. Il est en vie alors que « lui », a perdu la vie à cause d’un homme ivre. Raison supplémentaire qui lui fait détester l’alcool. Même si, il ne l’aimait déjà pas beaucoup pour d’autres raisons qui n’ont rien de lié avec cet accident qui a tout changé. Il a beau se mêler à cette fourmilière nippone au lever du soleil, il est différent. Parfois, des personnes s’écartent de son chemin comme s’il avait la peste. La majorité des jeunes sont ainsi. Il ne peut pas les juger, à l’adolescence ou autre on préfère se concentrer sur soi même. La vie est difficile pour tout le monde et chacun essaie de faire son « trou », son « bout de chemin » dans cette société de plus en plus élitique.

Il arrive aux coups de 7h30 du matin à Royal Private School. C’est l’heure parfaite pour se rendre avec ses affaires tranquillement jusqu’à son bureau et installer ses affaires. Il a toujours été ponctuel, il n’a pas envie d’être retard parce qu’il est bloqué sur une chaise. Ses mains, protégées par des gants commencent à lui faire mal comme sa motricité au niveau de ses biceps. Il en faisait du sport et, ce chaque matin et soirs. Parfois, Haru venait le chercher pour le ramener à son appartement, mais c’était chaque jour un combat contre lui-même qu’il menait pour se déplacer, se coucher, se mettre sur sa chaise etc.. Il était heureux de rencontrer personne ce matin, au moins il pouvait garder encore un peu la tête haute et rester « droit ». C’est toujours le coeur battant qu’il déambule dans la couleur, puis dans les couloirs de l’université jusqu’à son bureau. Quand il voit la pile de dossiers, il sait qu’il va avoir une longue journée, mais il n’est pas du genre à rechigner à la tâche. Bien au contraire, il est déjà heureux que le directeur lui ait donné une chance, une place de choix dans l’un de ses établissements. Peut-être qu’il était un ancien académicien du lycée ? Il ne saurait le dire. Aislan vivait une double vie, celle du secrétaire et timide qui manque cruellement de confiance en lui : Yaworsky Aislan, et de l’autre, celle du talentueux compositeur et écrivain Okami. Cette identité devait rester secrète. Personne ne devait découvrir qui il était. Peut-être qu’il perdrait son emploi et ça..  C’était impossible. Il était venu ici, pour essayer de sortir de sa coquille, tenter d’agrandir son cercle social qui ne compte qu’une seule personne.. Rien de bien glorieux. Sur ce, après avoir pris une canette de thé chaud au distributeur, il décide de commencer à se mettre à trier les différents documents et taper des lettres même même si, l’heure de travailler n’a pas encore sonné.

* * * * *

C’était vers les 10 heures, un peu avant, qu’il abdique pour prendre une pause. Le directeur était venu en personne pour le faire arrêter. Le nez plongé dans ses tâches, qu’il n’avait pas vu l’heure passée. Finalement, il s’était vraiment bien avancé. Il s’étire et décide de faire un tour, pendant que la douce mélodie retentit dans chaque couloirs. Tout ne fut plus que brouhaha et, il dût forcer un peu le chemin. Il se perdit vers les salles de classes qui s’étaient vidées pour la pause.. Il aurait aimé continuer ses études dans cette université.. Il s’en rendait compte à chaque occasion qu’il avait de passer devant ces salles de clases.. Puis, il entendit un son mélodieux flottait dans l’air. Curieux il s’approche, c’est le tintement des cordes de guitare. Ai poussa ses roues jusqu’à cette porte entre-ouverte et puis, sans faire exprès, en s’appuyant un peu trop fort, un grincement teinta la salle et lui se retrouva embarrassé sur sa chaise, faisant face à un étudiant. Il se mordit la lèvre et inférieure et osa un petit salut de la main pour prendre la parole :

«Bo… Bonjour… Désolé… Je ne voulais pas te déranger… Tu peux reprendre… Je passais.. Juste par-là.. Vraiment.. Je .. Je suis confus… Je me demandais qui jouait.. Bref, je parle trop alors, je pense que je vais me taire et te laisser.. Tu joues bien de la guitare même si, tu t'es trompé dans un accord à un moment oh ? Oups, désolé.. Cela ne me regarde pas..   »

Il parlait vraiment trop, mais c'était à cause de la nervosité. Il venait de plaquer directement la paume de ses mains sur la pulpe de sa bouche espérant, que le plus jeune ne s'emporte pas contre lui pour lui avoir fait noter ce que tes oreilles n'ont pas supporté.. Ah l'ouïe absolue, cela pouvait parfois se révéler être une plaie.

Il n’y a pas à dire… Ai chan a manqué une occasion de se taire. Il aurait mieux fait de ne pas s’arrêter dans cette salle et de déranger l’étudiant en question et plus encore, de lui faire remarquer qu’il s’était trompé dans un accord, malgré que la musique qu’il ait joué, était simplement quelques extraits de différents morceaux accouplés à la suite de l’autre. Il serait peut-être préférable qu’il fasse marche arrière. Autant ne pas se mentir, il se sentait vraiment embarrassé et le mot est faible. La vérité quand il y pensait, c’est qu’il craignait une réaction réellement excessive le concernant. Le jeune homme pourrait s’énerver, car il était de mauvaise foi. Il est vrai que normalement, même pour des passionnés de musique, l’accord, serait sûrement passé toutefois, il ne va pas se mentir.. Une fausse note et cela lui provoque non pas de l’urticaire, mais un grincement de dents et un grésillement au niveau des tympans. Une sensation qu’il ne supporte pas vraiment.. Du coup, vous pouvez imaginer sa souffrance quand il est obligé ou non, d’entendre jouer un débutant. Il est parfois obligé de sortir de la salle tant c’est insupportable pour sa pauvre ouïe qui n’a strictement rien demandé.

Il se mordille la lèvre inférieure, ses mains sur les pneus, près à s’en aller, espérant que celui-ci ne tente pas de le rattraper, mais il se fige dès que celui-ci ouvre la bouche. Il arque même un sourcil et penche légèrement la tête sur le côté pour s’assurer qu’il ne le faisait pas marcher. Il semblait réellement sincère.. Dire qu’il aurait aimé qu’on ne découvre pas qu’il possédait un certain talent dans la musique… C’était loupé. Ryoma des CD venait de découvrir il y a peu qu’il était un joueur de piano, et là, il venait de montrer à un total inconnu qu’il s’y connaissait aussi en guitare. De mieux en mieux, il collectionnait réellement les bourdes. En attendant, il essaie de remettre dans l’ordre ses phrases. Est-ce qu’il avait bien compris ? Apparemment, il semblerait qu’il se méprenne sur la situation. Aislan n’était pas un enseignant de musique, il était secrétaire qui était un métier beaucoup plus simple pour lui. Ses doigts viennent à se gratter doucement la tempe avant qu’il ne reprenne la parole le plus simplement possible toujours légèrement embarrassé par la demande du jeune homme.

«Ah ? Non.. Je ne suis pas enseignant… Je suis juste un simple secrétaire de l’université.. Je n’ai pas assez de compétences pour… prétendre être au même titre que les enseignants d’ici.. »

Un demi – mensonge. Il avait les capacités d’enseigner, seulement, il manque cruellement de confiance en lui et son attitude n’est aussi que le résultat de ces longues années à s’être tenu dans l’ombre de ses amis. Haru n’a découvert son talent que pour l’écriture et la composition que lorsqu’ils se sont retrouvés.. Raï quant à lui, ne l’a jamais su et ne le saura jamais. De toute façon, il devait être bien loin de ses préoccupations du moment. Il avait sûrement oublié jusqu’à même son existence.. Se triturant les doigts, il finit par s’avancer doucement vers le jeune homme en poussant de ses mains, protégées par des mitaines les pneus de son fauteuil.

«Tu… C’est comme ça que tu tiens ton médiator ? Ta main semble un peu crispée et ce, ne dernier ne dépasse pas assez ton pouce.. En effet, cele se joue à 1 millimètre près.. Mais, c’est aussi très important.. »

Il lui prit doucement, la main pour qu’il le glisse légèrement.. Un mouvement subtil pour qu’il ne dépasse pas trop. C’était important. Ai jouait aussi parfaitement avec ses doigts et pas seulement le médiator, mais c’était à force de s’exercer.

«Le changement est très minime.. Il n’en faut pas plus et.. Oh.. Désolé… Je ne voulais pas te gêner.. »

Le jeune secrétaire de RPS lâcha rapidement cette main et courbe légèrement la tête pour s’excuser de son action du moment.