TENUE ★  « Raylai ? Raylai ! » La voix de mon patron me tire subitement de ma songerie, relevant aussitôt mes yeux sur lui et son visage étonné, presque insistant. Il me demande à quoi je pensais pour ne pas répondre, alors que j'étais en train de rincer du matériel de colocation, pots et pinceaux. à quoi est-ce que je pouvais bien penser pour me perdre ainsi et aussi loin ? Caleb. C'est la première chose qui me vient à l'esprit, son prénom s'affiche plus vite que son visage dans mon esprit, mais pas seulement... Il n'y a pas que Caleb. Je peux voir un autre visage, avec une expression différente. Du mépris, de la haine, de la douleur. Une douleur dissimulé derrière un regard noir et des injures. Je frissonne après avoir retenu mon souffle quelques secondes. « Ce n'est rien... Je pensais. » Répondis-je simplement avec un sourire, pour le rassurer. Cet homme connaissait Dakota, c'est d'ailleurs lui qui m'a présenté à ce coiffeur pour qu'il m'embauche comme stagiaire, mais aujourd'hui je suis un employé. Certes, un apprentis. Je fais des petites tâches pour le moment, mais parfois il me montre et m'apprend des trucs superbes. Cet homme est vraiment gentil, je l'apprécie bien plus que je ne le montre en réalité. Sauf que aujourd'hui, je ne suis pas dans mon état normal. La nuit a été courte, ponctué de cauchemars tous plus étranges les uns que les autres. Dakota, Caleb, ma vie d'avant ou celle d'aujourd'hui. Ils se mélangent, elles aussi. Je ne sais plus où j'en suis, je suis perdu et à des kilomètres de savoir ce que je souhaite réellement. Et plus je songe à Caleb, plus je pense à Dakota. ça me rend malade, j'en deviens dingue. à la fin, je voudrais juste oublier et ne plus souffrir pour lui. J'ai commis une erreur, je l'assume pleinement, mais je ne tiens pas à ce qu'elle me bouffe davantage. J'aimerai juste vivre normalement, comme tout le monde. Être comme tout le monde. Voilà que je me perds à nouveau, rappelé à l'ordre par mon maître d'apprentissage. Il m'accorde mon après-midi, remarquant ma petite mine. Demain, ça ira mieux. Je lui promets de revenir en forme, avec le sourire et la bonne humeur, mais en attendant je rentre chez moi. Je retourne à cet hôtel, parce que je n'ai pas réellement de chez moi. Parfois j'ai la sensation d'être de passage dans cette vie, de ne pas appartenir à ce monde, d'être là mais de n'avoir aucun impact, aucun lien à quoi me rattacher. Et c'est devant cette porte close, la clé dans la serrure, que je me perds à nouveau dans mes pensées obscures. Sans faire attention à qui pourrait me voir ou m'interpeller.

TENUE ★ Je n’ai aucune idée de ce qui se passe dans la tête de Raylai, de mon côté je vis plutôt bien ce qui se passe, même si nous n’avons pas parlé de relation ou autres, nous n’avons fait que coucher ensemble à l’heure d’aujourd’hui. Pourtant, c’est un bon début, j’aimerais vraiment que Dakota disparaisse de son esprit pour ne laisser place qu’à celui que je suis désormais, évidemment les choses ne peuvent pas être aussi simples. Je suis sortie faire les magasins et j’ai rencontré une nouvelle personne liée à mon passé. Elle m’a fait comprendre que son fils était le mien, celui de Dakota, mais je n’ai aucune certitude que ce n’était pas un piège de sa part, je suis intelligent donc j’ai réussi à gérer la situation sans montrer de faiblesse qu’elle pourrait appuyer. À l'époque j’aurais trouvé le moyen de faire un test ADN pour en être sûre, mais je ne suis plus dans ces magouilles-là, j’ai changé et je compte bien le montrer à travers mes actes et cette justice que j’ai reniée toute ma vie en préférer l’illégalité et les ténèbres. J’ai acheté des bonbons au magasin, Raylai me fait parfois penser à un gamin, je l’ai connu quand il n’était encore qu’un lycéen, bien que ça il l’ignore. Je ne sais pas pourquoi j’ai ces sucettes dans ce sac, mais je trouver leurs formes amusantes, puis des couleurs agréables, pour le gout je ne saurais dire. De retour à l’hôtel j’ai la clef de ma chambre à la main, mais arrivé dans le couloir je remarque Raylai devant sa porte, m’avançant naturellement de lui. « Raylai ? » Il ne réagit pas et je comprends qu’il est perdu dans ses pensées, venant poser ma main sur son épaule pour le ramener à la réalité. « Hey. » Il me remarque enfin et je souris. « Ça va ? »

TENUE ★  Ce cauchemar me hante, c'est comme voir la tête de Dakota partout autour de moi. Pourquoi a-t-il fallu que je rêve de lui cette nuit ? Je pensais être guéri, avoir passé le cap du traumatisme ou de la colère, mais faut croire que mon cerveau n'est pas d'accord. Ou est-ce mon coeur qui garde rancune ? Je ne saurais dire, mais ça ne va pas. Mon maître d'apprentissage l'a remarqué et m'a laissé filer, sachant parfaitement que je fais du bon boulot en temps normal mais que ce n'est pas le jour pour moi. Le bon jour surtout. Ma nuit a été courte, mes cernes tombent bientôt jusqu'à mes pieds et j'ai surtout envie de mourir dans un coin pour ne plus penser ou réfléchir. Le retour à la chambre d'hôtel se fait en silence, en traînant les pieds et en me demandant si je pourrais assumer quelques heures de travail pour le père Serizawa. Devrais-je prétexter des symptomes ? Je n'aime pas mentir à des gens qui m'apportent autant, mais je ne me sens pas assez bien pour faire des efforts. C'est devant ma porte que je réalise la compléxité de ma situation et le désire de disparaître brusquement de la surface de la terre comme ce traitre. Je suis un lâche, un putain de lâche qui n'assume rien du tout. J'ai rien à assumer surtout, rien à donner, rien à prendre. Mes pensées s'embrouilles, elles s'effilochent, quand une main se pose sur mon épaule. Je sursaute, tournant soudainement ma tête vers la personne qui m'interpelle et ... Je le vois encore. Mon coeur explose de l'intérieur, je le sens s'arrêter pour repartir aussi vite. C'est désagréable, ça fait carrément mal. « Je ... Ce n'est que toi. » Soufflais-je, à peine soulagé de cette déduction. Ce n'est que Caleb, et pourtant c'est pire encore. « Je suis fatigué, ce n'est rien. » Il y a une part de vérité dans mes paroles, je suis vraiment éreinté par cette journée, par cette nuit cauchemardesque et par les illusions qui me sautent aux yeux au moindre battement de cil.

TENUE ★ Il m’est impossible de savoir ce que vit Raylai dans son coin, est-ce qu’il pense à moi en tant que Dakota ? Est-ce qu’il veut m’avoir à ses côtés en tant que Caleb, j’ignore lequel il souhaite, bien que je sache pourtant la douleur qu’il a subie avec le démon, je ne peux mesurer ses souffrances ou le manque ou peu importe quoi d’autre encore. En le voyant ainsi devant sa porte je n’ai pas besoin de dessin, je l’observe en silence, remarquant qu’il n’est pas bien, je ne pense pas de suite au fait que cela soit ma faute, d’où l’initiative que j’ai prise en m’approchant de lui et posant ma main sur son épaule pour qu’il se rende compte de ma présence. Sa réaction prouve qu’il était dans ses pensées, mais pire encore ce sont ses mots qui en disent long. « Que moi ? » C’est ce que je soulève en abordant un sourire, étant ce genre de mec cool et sans prise de bec. « Tu attendais quelqu’un d’autre ? » Ou un fantôme ? En tout cas je continue de l’observer, il a réellement l’air fatigué donc je ne pense pas que ce soit un mensonge, je n’ai aucune raison de douter. « Je t’ai acheté des sucreries, je ne sais pas si tu aimes ça, mais… » Lui tendant pour qu’il les prenne, maintenant que je les ai acheté, autant qu’elle serve à quelqu’un. J’en profite malgré tout pour venir poser ma main sur son front, voulant être sûr qu’il ne couve rien, mais il ne semble pas avoir de fièvre. « Si tu es fatigué tu devrais te reposer, tu as besoin de quelque chose ? » Je peux aller lui chercher, ça ne me dérange pas. Peut-être que mon visage est le même que dans ses cauchemars, mais je suis différent, est-ce cela qui le trouble finalement ?

TENUE ★  Comment Caleb pourrait-il savoir quoi que ce soit sur ce que je pourrais vouloir, quand moi-même je l'ignore ? Je ne veux pas Dakota, la souffrance est toujours là comme marqué au fer blanc et c'est justement ces marques qui me rappellent inlassablement à l'ordre. Quoi que je fasse, Dakota est toujours quelque part dans ma tête, dans mon esprit, dans mes pensées. Il n'est jamais véritablement mort pour moi, même si je dis le contraire, même si je veux croire le contraire. Dakota me hante. ça me rend fou. Je vais craquer un jour ou l'autre, d'une minute à l'autre. Ce moment de pure folie avec Caleb était magique, il n'y a rien à redire là-dessus, mais justement ... C'est parce que c'était trop bien que je me sens si mal. Je ne mérite pas un gars comme lui, pas avec autant de démon à mes trousses. Ma réaction est démesurée, sursauter et remarquer que ce n'est que lui. Que lui, comme il le souligne si bien. Je pourrais me sentir désolé pour mon voisin, mais la culpabilité est le premier pas vers l'enfer. J'ai trop longtemps vécu là-bas, à brûler à petit feu. « Qui veux-tu que j'attendes ? » C'est idiot, je n'attends personne, parce que personne ne sait que je vis ici en dehors de lui ou de London et son copain. Des sucreries ? « Je ressemble vraiment à un gosse ? » Je n'ai plus huit ans, ça fait une éternité que j'ai abandonné toute innocence. Pour autant, je ne rejette pas le cadeau et récupère le sachet d'un geste lent. Quand sa main se pose sur mon front, je manque de le lâcher et de répandre les bonbons partout par terre. « Non. » Ma voix est sèche, presque trop tranchante pour un simple refus. « Caleb ... Je ne pense pas que ce soit une bonne idée que tu t'inquiète pour moi ou que tu m'achètes des bonbons. » Non, ce n'est vraiment pas une bonne idée pour ma santé mentale.

TENUE ★ Je n’ai aucune envie qu’il se sente désolé, je n’ai pas dit cela pour qu’il culpabilise ou autres, juste pour souligner ses paroles, ma question suivante semble justement être une suite logique, si ce n’est « que moi » peut-être attendait-il une autre personne ? Mais apparemment non, ce n’est pas le cas. « Je l’ignore. » Je garde mon esquisse en haussant les épaules, je ne le connais pas aussi bien après tout, en tant que Caleb du moins, donc comme pourrait être sûr qu’il n’y a pas grand monde qui voudrait lui rendre visite, une connaissance ancienne ou nouvelle, je n’ai aucune certitude. Il pouvait attendre son meilleur ami aussi ou quelqu’un de plus « quelconque ». Un gosse ? Je regarde les bonbons et le laisse les prendre. « Je ne voulais pas te vexer, je trouvais juste qu’elles étaient jolies avec leurs couleurs, je ne suis pas très sucrerie, donc j’ai pensé à toi en les achetant. » C’est tout con je sais. Je ne suis pas compliqué, je pense simplement et je veux juste faire plaisir, il n’y a pas d’arrière pensées derrière mes actes. Il semble me repousser à travers ses mots, son attitude, mais je ne suis pas facilement découragé. Prenant tout de même la peine de toucher sa température, lui demandant s’il souhaite quelque chose. « Ok, pas de souci. » Dis-je à son « non » ne m’offusquant pas pour autant. Il finit par me parler comme s’il souhaitait mettre un terme à cette relation alors qu’il n’y a rien d’officiel. « Pourquoi ? » Je le regarde simplement et reprends. « Si tu regrettes d’avoir couché avec moi on peut simplement être ami, à moins que ce soit mon visage qui te pose problème ? » Là je ne pourrais rien faire malheureusement.

TENUE ★  Je suis un imbécile. Caleb ne peut pas savoir par quoi je passe, sauf pour un idiot. Mon comportement est digne d'un petit enfoiré sans coeur qui se fiche de jeter l'homme avec lequel il a couché peu de temps auparavant. Ce n'est pas contre lui, il n'a rien fait de mal... C'est juste moi le soucis. Moi qui dramatise, moi qui ne sais pas où j'en suis, moi qui vois le mal partout. Moi, toujours moi. Tout est de ma faute. Si je devais attendre quelqu'un, ça ne serait sûrement pas devant cette porte, perdu dans mes pensées. Je serais à l'intérieur, calé au chaud à faire quelque chose de plus productive. Là, j'ai juste l'air d'un paumé de la vie qui s'interroge sur le sens de celle-ci. Ses friandises me donnent la sensation d'être un enfant à ses yeux... C'est presque malsain, en sachant ce que nous avons fait. Jolies ? C'est vrai que les couleurs sont jolies et qu'elles ont l'air appétissante. Voilà, je foire encore. « Merci. » Repris-je plus calmement, plus chaleureusement. Il n'a pas acheté cela parce qu'il me prend pour un gosse, mais parce qu'il aime bien la couleur, leur forme et qu'il a pensé à moi. Il pense à moi ? Voyons, c'est bête. Pourquoi Caleb penserait à ce point à moi ? Je ne suis que son voisin avec qui il s'est envoyé en l'air. Caleb prend ma température et je manque de tout lâcher sous l'effet de surprise. Je vais bien, à part ma grosse fatigue, je vais très bien. Autant être franc avec lui puisqu'il est là. Mettre un terme à notre relation est un grand mot, je ne veux pas non plus l'éloigner de moi ou le considérer comme un inconnu alors qu'il vit dans la chambre voisine. Pourquoi ? Bonne question. Être ami, un problème de visage. « J'en sais rien. » à quel moment je dois mettre de l'ordre dans ma tête ? « On a juste couché ensemble parce qu'on avait envie, y a rien derrière tout ça. » Je dis ça pour me persuader moi-même que ce n'était rien de plus qu'un dérapage, un coup d'un soir. « Tu ne penses pas vraiment à moi, hein ? Je veux dire... Les sucreries... » Voilà, je me sens démuni d'un coup, sans arme et sans défense.

TENUE ★ Après lui avoir expliqué pourquoi j’ai acheté ses sucettes il me remercie finalement, j’imagine que c’était maladroit de ma part, je n'aurais peut-être pas dû lui acheter ça, mais je ne vois pas Raylai comme un gosse, certes il peut l’être dans certaines situations comme tout adulte à ses moments, mais ce n’était pas ma vision de lui actuelle, j’avais juste envie de lui faire plaisir et rien de plus. Si j’avais su que cela le mettrait mal à l’aise ou qu’il le prendrait ainsi j’aurais surement évité cet achat, mais maintenant que c’est fait j’espère juste qu’il va les apprécier. À sa façon de me rejeter je l’interroge pour savoir pourquoi, mais il l’ignore. « Ce n’est pas moi qu’il faut convaincre. » Je souris en le regardant, sa façon de me dire qu’il n’y a rien et qu’on a juste couché ensemble par envie me donne l’effet d’une mauvaise excuse de sa part. « Si je disais que je pense à toi, est-ce que tu t’enfuirais en courant ? » Je garde mon esquisse en le regardant sans détourner le regard. « Je ne veux pas te forcer à me regarder si tu n’en est pas capable, je peux comprendre que tu ais besoin de temps. » Dis-je calmement, je voudrais qu’il soit capable de me voir pour ce que je suis et non me rejeter pour x raison subitement, sexuellement nous sommes compatibles, on l’était déjà à l’époque et on l’est encore aujourd’hui, la seule chose qui a changé c’est que je fais attention à lui. « J’ai rencontré une ex de Dakota aujourd’hui, elle a un fils qui apparemment est de lui, tu le savais ? » Pourquoi est-ce que je dis ça ? Peut-être pour qu’il arrête de penser à ce démon que j’étais, je voudrais briser ce qui reste de « moi » en lui, pour qu’il puisse voir celui que je suis aujourd’hui et me laisser une chance.

TENUE ★  Caleb peut avoir toutes les raison du monde pour m'acheter des sucreries, puis c'est l'intention qui compte finalement. Il a été super sympa de penser à moi pour ces trucs-là et je ne lui en veux pas. Vraiment, il est cool et attachant... Il est tout ce que je voulais dans ma relation avec Dakota, tendre et attentionné, gentil et présent. Bon sang. Il est tout ce que je désire depuis que je sais éprouver ce genre de sentiment, mais Dakota a planté une graine qui me ronge et qui pourri à l'intérieur de mon être. Dans l'immédiat je me sens comme dans une chute libre, avec un parachute défectueux, qui refuse de s'ouvrir pour ne pas me tuer une fois arrivé au sol. C'est compliqué à expliquer ou à saisir, si moi je ne parviens pas, aucune chance que Caleb le puisse à ma place. « Qui ça ? » Moi ? Je devrais me convaincre moi-même du contraire ou de cette version ? Je ne sais pas où j'en suis et il ne m'aide pas à le savoir. « Et si je fuis en courant ? » ça annonce plus ou moins la couleur. Je risque de prendre mes jambes à mon cou si il m'annonce l'inévitable. Caleb n'a pas cessé de sourire depuis tout à l'heure, en tout cas. Du temps ? C'est une autre vie dont j'aurai besoin, pas seulement de temps. C'est bien plus difficile et complexe qu'il ne le pense. Je ne suis pas qu'un gamin qui se prend la tête pour des bêtises. Dakota. Le seul prénom que je n'avais pas envie d'entendre de vive voix, surtout pour savoir qu'il avait une ex. « Tu étais obligé de m'annoncer ça ? » Grinçais-je légèrement, le regard rivé sur le sachet de friandise. Dakota père ? Depuis quand ? Avec qui ? Wouah, la belle claque. Subitement je me sens fiévreux, mais c'est sûrement cette bulle de rage qui vient d'exploser en moi. « Comment pourrais-je le savoir ? à part me faire sauter par ce type, qu'est-ce que je savais de lui ?! » J'implose... C'est plus fort que moi, entendre ce prénom, cette vérité et cette nouvelle dans la même phrase me fait voir rouge. Le problème n'est pas uniquement moi, mais ce fichu connard qui m'a pourri la vie.

TENUE ★ Je ne compte pas lui parler de sentiment, je ne compte pas dire des mots que je suis encore incapable de ressentir, l’amour n’est pas une chose aisée, s'il savait qui j’étais le monde s’écroulerait surement pour lui et cette nouvelle vie que j’ai créée perdrait de son sens. Oui, je suis revenu pour lui et oui je compte rester à ses côtés, mais si je le force à m’accepter ou que je lui mentais pour le garder, cela n’aurait plus du tout le même intérêt. Je souhaite être honnête, je veux être Caleb, la personne sur qui il souhaitera se reposer, celui vers qui il viendra s’appuyer et se confier, je veux qu’il me regarde et me laisse l’enlacer en toute pudeur, juste pour savoir ce que ça fait de partager cette chaleur en tenant une personne sans ses bras sans rien attendre d’elle. Il y a tant de chose que je dois expérimenter et comprendre avant de pouvoir être capable d’aimer. Le fait que je pense à lui n’est pas un mensonge, mais je ne le dirais pas de cette façon car mon but n’est pas qu’il s’enfuit et il m’a bien fait comprendre que c’est ce qu’il ferait si j’allais trop loin, au moins je suis fixé. Lorsque je parle de Dakota c’est surement pour le faire réagir, au fond je sais que c’est à cause de « moi » qu’il est ainsi, mon démon le hante et tant qu’il ne s’en débarrassera pas il sera incapable de me voir entièrement. « Tu aurais préféré que je te le cache ? » Je lui prouve ainsi que je ne ferais pas une telle chose, à travers cet aveu je veux l’aider. « Tu en savais assez pour en être tombé amoureux apparemment. » Suis-je trop direct et sincère ? Je suis comme ça maintenant, il faudra faire avec. « Je vois bien que tu me repousses intentionnellement et j’ai beau ne pas savoir grand-chose sur toi, je sais que ce mec te hante. J’ai découvert pas mal de chose sur lui aujourd’hui et je ne veux pas que tu te renfermes à cause de cet homme. » Je parle calmement comme d’habitude, mais je dis ce qui me semble évident. « On a couché ensemble alors que tu ne sais pas grand-chose sur moi non plus, mais le jour où tu auras envie d’en apprendre davantage je serais là. » C’est ma façon de lui dire que je serais patient et que j’attendrais après lui, même si ce n’est qu’en tant qu’amis je voudrais qu’il me laisse une place et ne pas être juste « le mec avec qui il a couché une fois ».

TENUE ★  Si j'étais au courant des manigances de Dakota, je me demanderais bien pourquoi s'acharnerait-il à vouloir changer les choses et les rendre meilleur, alors qu'il n'a rien fait durant notre relation. Pourquoi Caleb ? Pourquoi une nouvelle identité ? Pourquoi me mentir et me piéger ? Finalement, vaudrait mieux pour lui que je ne sois jamais au courant, sinon il perdrait tout. C'est déjà suffisamment compliqué à l'heure actuelle. Si Caleb pensait vraiment à moi de façon sincère et amoureuse, ça me poserait forcément problème. J'ai peur de ça. J'ai peur de l'amour. J'ai peur de tomber à nouveau amoureux et d'être encore déçu. Caleb est peut-être parfait, mais pas moi. Je me sens comme une cruche fêlée, il n'y a rien à retenir avec des brèches qui laissent s'écouler l'eau. Caleb devrait se trouver quelqu'un de normal, qui n'a rien vécu de traumatisant et qui n'a pas peur de l'amour lui-même. J'en fais tout un drame, mais est-ce que quelqu'un peut se mettre deux secondes à ma place ? Et me dire que je ne suis pas puéril, stupide ou dramatique. Quand il parle de mon ex, j'ai la sensation qu'il prend une aiguille pour éclater la bulle et que ma haine s'en échappe, elle se déverse comme un flot retenu par un barrage. « Oui ! N'est-ce pas évident ? » Pourquoi remue-t-il le couteau dans la plaie ? Que veut-il au juste ? « J'étais stupide ... » Lâchais-je avec toute la peine et le désespoir que je peux transmettre dans ma voix. Il a découvert beaucoup de chose ? Comme quoi ? Je le regarde comme si il savait pour lui et moi, pour les viols, pour les coups, pour toutes ces choses qui m'ont rendu doucement accroc à ce démon. Je ne savais rien de plus sur lui que sa violence et son dégoût de l'espèce humaine. « Pourquoi moi ? Tu as des tonnes de gars normal dans cette ville qui cherche sûrement un type parfait dans ton genre et tu t'accroches à un gosse perturbé comme moi ? Pourquoi ? » Je ne comprends pas, est-il cinglé ou fétichiste ? Je ne pourrais rien lui apporter... « Coucher ensemble ne veut rien dire. ça n'empêche rien. » Rétorquais-je, en le regardant dans les yeux. Un jour, il pourrait être déçu comme je l'ai été et ne pas savoir  se ressaisir comme je ne parviens à me ressaisir moi-même.

TENUE ★ Je ne suis pas idiot, je ne compte pas me laisser démasquer, surtout qu’au fond moi-même je me suis convaincu que je n’étais plus cet homme. C’est étrange, mais c’est le meilleur moyen d’entièrement tourner la page et ne pas se focaliser sur une chose du passé, désormais je suis Caleb et c’est tout ce qui compte. Mes paroles le choc surement, évidemment qu’il n’aurait pas voulu l’apprendre ainsi ou l’apprendre tout court, mais j’ai besoin de lui faire ouvrir les yeux et de le pousser à tourner la page. Dakota n’est plus, il doit arrêter de vivre dans son souvenir et d’attendre je ne sais quoi, à force de se refermer et de ne pas accepter de nouvelles choses dans sa vie il sera doublement détruit par cette histoire avec ce démon. Le blessé n’est pas le but, mais malheureusement je suis obligé de passer par là, lui qui disait avoir « oublié » cet homme ou ne plus le voir, c’était un mensonge. Je le regarde en silence, puis l’écoute me parler comme si je venais de me déclarer à lui en me poussant à voir d’autre type que lui. Je souris et hausse les épaules. « Tu es le premier gars que j’ai rencontré en arrivant, c’est un signe non ? » Je plaisante, mais c’est plus pour détendre l’atmosphère. « Je ne t’ai pas demandé une relation sérieuse ni quoi que ce soit d’autre, juste d’être amis. Même ça c’est impossible pour toi ? » Je préfère être clair, je le suis toujours en fait. « Ça ne veut rien dire en effet, alors pourquoi tu es autant perturbé ? » Je ne le comprends pas, mais ce n’est pas faute d’essayer malgré tout. « Ce n’est pas comme si j’habitais à l’autre bout de la planète. » Dis-je en montrant la porte de ma chambre d’un signe de la main. « Quand tu sauras ce que tu veux tu n’as qu’à venir me voir, je ne te force à rien tu le sais. » Je ne suis pas ce genre de mec, il devrait l’avoir compris. J’aborde une nouvelle esquisse et lui fait signe de rentrer, il devrait se reposer et vider son esprit pour de bon, quant à moi je vais simplement retourner dans ma chambre et attendre.

TENUE ★  Croit-il que c'est aussi facile de se débarrasser d'un souvenir enraciné au plus profond de soi-même ? Pense-t-il que je suis un idiot pour m'accrocher à un cauchemars et à ne pas parvenir à remonter la pente ? Je ne peux pas juste oublier et passer à autre chose après des années à souffrir à côté d'un mec qui s'en fichait totalement. La blessure est toujours là, elle me fait mal malgré mes tentatives de guérison. Seul, je ne peux pas réussir, mais j'ai du mal à accepter quelqu'un d'autre dans ma vie. Je suis piégé, au pied du mur. si ça continue je ne ferais que me bouffer davantage et perdre la seule occasion de m'en sortir réellement. Caled est ma chance, il est cette porte ouverte vers laquelle je devrais me diriger et m'engouffrer... Mais je trouve encore le moyen de trébucher et de chuter bêtement. Apprendre que Dakota a enfanté une fille ne me réjouit pas le moins du monde, je me rends compte qu'il avait bien trop de secret pour moi. Il était trop mystérieux et il le restera finalement. Ma seule solution est d'avancer, pas de reculer... Alors pourquoi est-ce si douloureux ? « Je ne suis que le premier. » Rien à voir avec un signe. Ami ? Les amis couchent ensemble maintenant ? Nous n'avons pas la même définition du mot ami. « Tu ne comprends pas... » Moi non plus d'ailleurs, parce qu'il n'y a sûrement rien à comprendre. Nous nous sommes envoyés en l'air comme des bêtes, j'ai aimé ça, lui aussi, voilà. Point. Nous pouvons parfaitement nous arrêter là, être ami ou rien du tout. C'est à moi de décider désormais, si je souhaite reprendre là où je me suis arrêté et continuer sur cette voie. Caleb me laisse le temps de réfléchir, il n'insiste pas plus après avoir désigné sa chambre comme une seconde chance. Les mots ne veulent plus venir, je me contente d'hocher la tête et de chercher la clé de ma chambre pour ouvrir la porte et amorcer un pas à l'intérieur. « Je vais réfléchir. » Ajoutais-je avant de mettre un terme à cette conversation et refermer la porte sur moi, m'enfermant dans ma solitude et mes réflexions.