Les étudiants se passaient le mot. Il ne voyait pas d'autre explication. Depuis son arrivé, Tae Hoon assistait à un défilé hors du commun. Entre les demoiselles qui souhaitaient éviter un cours de gym. Les blessures de jeunes hommes avec le sang un peu trop chaud. Les véritables malades. Les faux malades. Les angoissés. Ou les filles hystériques. Le coréen n'en revenait pas. Il trouvait son infirmerie déjà très -peut être même trop- fréquentée en temps normale mais là ça dépassait tous les records. Quand enfin la sonnerie qui annonçait la pause résonna, il expédia bien vite l'étudiante qui se trouvait encore allongée sur un lit. Il avait remarqué qu'elle jouait la comédie et maintenant que le cours qu'elle détestait temps prenait fin, elle pouvait tout aussi bien retrouver ses camarades. Il lui signa un mot et elle déserta soudainement en forme. Ouf ! Il soupira et se massa les tempes. Ils avaient réussi à lui donner mal à la tête. Il fouilla un bon moment son petit placard à pharmacie avant de se souvenir qu'il avait filé le dernier dafalgan à un lycéen. Difficile d'être l'unique infirmier du campus, il ne refuserait pas un peu d'aide. Puis cela l'empêchait également de se renseigner pour reprendre ses études. Et même s'il le voulait, il n'y parviendrait pas avec autant de boulot. Il lui fallait prendre son mal en patience.

Il pensait pouvoir se rendre en salle des professeurs pour manger son déjeuner mais à la place il se retrouva nez à nez avec deux jeunes filles lorsqu'il ouvrit la porte. L'une soutenant l'autre qui était si blanche qu'elle ressemblait à un fantôme. Tae Hoon les laissa donc rentrer et l'installa sur un des lits. Il demanda à son amie à quel cours elles devaient sans rendre ensuite tout en posant sa main sur le front de la malade pour vérifier sa température. « Un cours d'informatique avec monsieur Katsura. On a un examen. » Tae Hoon tilta en entendant ce nom familier. En voilà un qu'il ne portait pas vraiment dans son cœur. Pourtant, il s'entendait bien avec la majorité des enseignants mais il ne supportait pas celui-ci depuis les fameuses rumeurs qui couraient à son propos à cause de Royal Shit. Il se pinça les lèvres pour garder son calme et paraître le plus neutre possible. « Bien, allez en cours. Je raccompagnerai votre camarade si elle se sent mieux ou apporterai un mot d'excuse. » D'un signe de la main, il l'invita à retourner en classe et continua d'examiner sa nouvelle patiente. Une chute de tension, rien de bien grave mais elle avait besoin de repos. Il décida d'appeler les parents et la mère débarqua un peu plus tard pour récupérer sa fille.

À nouveau au calme, il s'installa devant son bureau pour rédiger le mot d'excuse qu'il signa. Il laissa la mère apposer sa signature au bas de la feuille puis les accompagna jusqu'au parking. Il les salua poliment et lissa sa blouse blanche avant de rejoindre le bâtiment où se trouvait la salle de classe de Ryû. On pouvait clairement lire sur son visage que cela ne l'enchantait pas d'aller à la rencontre de son aîné mais il n'était pas du genre à négliger son travail. Impossible de lui reprocher un manque de professionnalisme.

Il échangea quelques sourires avec les étudiants qu'il croisa dans les couloirs. Le cours venait sûrement de se terminer. La salle se vidait et c'est pourquoi il attendit avec patience qu'ils quittent tous les yeux. Quand plus personne ne sortit, il frappa deux coups sur la porte ouverte avant de rentrer. Ses échanges avec Ryû étaient toujours très froid. Il ne plaisantait jamais avec ce dernier. Il perdait le sourire à chaque fois qu'ils se retrouvaient dans la même pièce et levait les yeux au ciel quand il l'entendait parler. « Monsieur Katsura. » Il ne s'inclina pas pour le saluer. Pas pour un type comme ça, voilà ce qu'il pensait. Il s'avança jusqu'à son bureau et déposa la feuille dessus. « Une de vos étudiantes était absente à votre examen. Elle se trouvait à l'infirmerie à cause d'un malaise. En attendant un certificat médicale, voici le mot qui l'excuse. » Il le regardait droit dans les yeux du haut de son mètre quatre-vingt-deux. « Il me semble que vous n'en avez pas encore marre de traumatiser vos étudiants. » En tant qu'infirmier, Tae Hoon avait le privilège d'entendre mais surtout d'écouter les étudiants se plaindre. Certains stressaient tellement pour les examens de cet enseignant d'informatique qu'ils s'en rendaient malades. En l’occurrence, la demoiselle qu'il avait vu plus tôt avait réussi toute la nuit pour espérer réussir l'examen de ce Ryû mais la fatigue avait eu raison d'elle. « Vous devriez mieux prendre soin d'eux. » Mais moins de Mi Ran, songea-t-il.

Gamin, on l'envoyait au coin une fois par jour, minimum. Il se souvenait aussi des fessées, des punitions des professeurs ou des cris de son père. Une fois, il l'avait même laissé enfermé dans sa chambre toute une journée. Cela ne venait pas d'un manque d'éducation mais juste d'un mauvais caractère. Un caractère de cochon, comme disaient ses parents. Il ne collectionnait pas les caprices mais se bagarrait à chaque récréation, criait à l'injustice et ne supportait pas qu'on se moque de lui. Contrairement à ce que les amis de ses parents pensaient, le temps n'avait rien arrangé. Il s'énervait toujours pour un rien, boudait pour pas grand chose et en venait encore trop rapidement aux mains. Alors cet enseignant à la con là, il l'encastrerait bien dans un mur et ça juste à cause des rumeurs qu'il entendait dans les couloirs. Peut être qu'il ne s'agissait que de grotesques fabulations, mais Tae Hoon ne pouvait pas s'empêcher de penser qu'une part de vérité se dissimulait nécessairement derrière tout ça.

En tout cas, la réputation de Ryû envers ses élèves était bien fondée. Il comprenait que les quelques étudiantes qui suivaient son cours se retrouvent traumatisées. Il les écoutait chouiner si souvent dans son bureau. Qu'espéraient-elles ? Tae Hoon ne disposait d'aucun droit ou pouvoir de changer les habitudes de l'enseignant. La réplique de Ryû l'agaça. Les images de ses années en médecine lui revinrent en mémoire. Ces examens où il révisait dès qu'il le pouvait, sur les toilettes, en mangeant et même pendant ses heures de travail. Il en avait connu des professeurs traumatisants. Il ne voyait en revanche pas pourquoi on pouvait trouver l'homme en face de lui intimidant. « C'est un problème d’ego alors ? » Se sentait-il plus puissant en les rabaissant ? Il savait combien les étudiants pouvaient se sentir pitoyables en récoltant d'aussi mauvaises notes. Même si Tae Hoon n'avait fréquenté que la tête de classe pendant ses études, il les entendait se plaindre suffisamment.

« Les bons n'ont pas besoin qu'on prenne soin d'eux. » Il plissa les yeux. Parlait-il encore des étudiants de Ryû ? Ou le sujet dérivait-il déjà ? Tae Hoon connaissait les talents de sa petite amie. Il était bien au courant qu'elle appartenait à cette catégorie d'étudiants. Et il ne pensait pas qu'elle avait besoin qu'un professeur comme lui se soucie d'elle.

Son poing se serra. Il le cacha dans son dos pour cacher ce signe de faiblesse. Il mourrait déjà d'envie de lui écraser le nez juste en le voyant mais voilà que ça venait d'empirer. Des messages ? La nuit ? Triste ? L'infirmier ravala difficilement sa salive. Il n'allait pas réussir à garder son calme bien longtemps s'il commençait comme ça. Y avait-il quelque chose entre sa petite amie et ce mec ? Tae Hoon avait confiance en elle. Mais il était aussi terriblement jaloux. Mi Ran lui appartenait. Il ne tolérait pas qu'on se permette de la draguer sous son nez. Pour quoi le prendrait-on sinon ? Oui, il s'agissait bien là d'une question de fierté. Tae Hoon ne supporterait pas qu'on le prenne pour un pauvre type Il s'éclaircit la gorge et garda la tête haute, bien droite.

« Vous envoyez des messages à vos étudiantes la nuit vous ? » Il se raidit encore plus alors qu'il essayait d'avoir l'air détaché. Rien qu'imaginer ce qu'il avait bien pu écrire à Mi Ran le rendait fou. Il allait devoir vérifier ça. « Je crois que c'est mieux qu'elle ne réponde pas. » Il n'en croyait pas ses oreilles. S'il ne se trouvait pas lui-même dans une situation délicate, il le menacerait de tout dévoiler. Mais si l'administration n'apprécierait pas de découvrir qu'un enseignant se permettait d'envoyer des textos purement personnels à une étudiante, il doutait que découvrir une relation entre l'infirmier et une étudiante leur fasse plus plaisir. Il ne se trouvait donc pas dans une position des plus confortables pour faire du chantage. Ce n'était pas l'envie qui lui manquait pourtant. Et malgré ça, il s'agissait tout de même de sa petite amie alors il comptait bien protéger son territoire.

Pas vraiment. L'enseignant pouvait bien envoyer des messages à n'importe laquelle de ses étudiantes mais pas Mi Ran. Pas son premier amour. Pas sa petite amie. Pas son âme-sœur. Parce qu'il connaissait bien la vie sur un campus. Y a pas si longtemps que ça, il en fréquentait un lui aussi. Moins grand, moins prestigieux et pourtant avec les mêmes lois. Impossible de garder un secret. La moindre rumeur déclenchait un incendie.Tout finissait toujours par se savoir. Alors à la Royal avec son espèce d'espion qui s'éclate à balancer des ragots sur les réseaux sociaux, y a pas besoin de vous faire un dessin pour vous expliquer l'ampleur du massacre quoi. Tae Hoon croisait parfois des demoiselles en larmes à cause de ces âneries. Pour la plupart, il n'en croyait pas un mot. Et normalement, c'était toujours comme ça. Jusqu'à ce que des noms de connaissances s'y soient glissés. Depuis, il ruminait un peu. Bon d'accord. Beaucoup. Plutôt normal pour un mec aussi jaloux. Il n'allait pas sauter de joie en lisant ça. Surtout que d'autres bruits couraient à propos de ce Ryû.

Puis il manquait franchement pas d'air. Son attitude lui tapait sur les nerfs. S'il sentait qu'il devait déjà se montrer prudent en tant qu'infirmier fréquentant une étudiante, un enseignant ferait mieux de se tenir à carreau et d'éviter les scandales. Il entendait tellement de choses en ce moment sur lui. Il était obligé de se méfier de lui.

« Non, j'crois pas. » Répliqua-t-il sèchement. « Tu ne devrais même pas avoir son numéro. » Il abandonnait la politesse de rigueur. Sa mère l'avait bien élevé mais il ne fallait tout de même pas abuser. Ce mec là ne semblait pas prêt à le respecter plus que ça. Il ne comprenait pas non plus pourquoi cette affaire agaçait l'infirmier. Est-ce que Ryü apprécierait que sa petite amie, fiancée ou même femme -qu'est-ce qu'il en savait- collectionne les messages nocturnes de son enseignant ivre ? Il en doutait. Ou peut être qu'il allait trop loin. Peut être qu'il en faisait trop et qu'il s'emportait pour rien. Mais la demi-mesure n'existait pas chez le coréen.

Voilà qu'il l'envoyait sur les roses. Pour qui se prenait-il ? Sa langue claqua contre son palais, signe que sa remarque l'avait dérangé. Il se sentait supérieur parce qu'il n'était qu'un infirmier ou bien ? Il rêvait. Impossible que ce type puisse être aussi con. Comment faisait Mi Ran pour l'apprécier ?

« Je vais être plus clair. » Il s'éclaircit la gorge pour apporter de l'ironie à cette dernière déclaration. « Je ne veux pas, et plus d'ailleurs, voir ne serait-ce qu'un message et ça même s'il est très cordial sur son téléphone de ta part. » Il ne manqua pas d'insister sur les mots. Au cas où son accent coréen puisse compromettre la bonne compréhension de sa mise en garde. Oui, il marquait son territoire. D'accord, il passait pour le petit copain méga lourd car hyper possessif. Mais pour être honnête, il se fichait de ce qu'il pouvait bien penser de lui. Ce qui l'importait c'était de protéger ce qui lui appartenait, Mi Ran en l’occurrence.

»  La fierté (mal placée) d'un homme. —Ryû&Tae Hoon— "Ou: Le jour où Top Dresseur Ryû avait prévu son stock de Vodka + pour aller affronter la ligue pokemon... Sauf qu'au centre pokemon, c'était pas forcément l'infirmière Joelle..."

Oh, c'est quoi son problème à la fin ? Il a mal au bide ? Il a trop froid ? Il a passé une mauvaise nuit ? Ah, c'est ça ! C'est pour ça que Mi Ran n'a pas répondu à mes messages, en fait ils étaient en train de... de... Je devrais pas penser ainsi. Ah, l'alcool, ah, les joies de l'ivresse et du manque de sommeil. Je crois que je devrais sérieusement penser à préparer des CV, au cas où je me ferais virer pour altercation violente avec un autre membre du personnel de l'école. Oh, et puis, qu'est-ce qu'ils peuvent faire, hein ? C'est lui qui m'a cherché en premier, avec ses trois mètres de haut et son air supérieur. Quoi ? Il fait pas trois mètres ? Bah on dirait, vu d'en bas, et j'ai toujours raison, déjà. Sauf pour Yun Hua, sauf pour tout le reste d'ailleurs, mais on ne le dira pas. « Putain mec, t'as pas envie de lui mettre une laisse, aussi ? » Oui, une laisse et un joli collier, comme ça il pourrait la promener partout en étant certain qu'elle n'irait pas voir ailleurs. Je suis peut-être un connard, parfois - bon d'accord, souvent – mais je ne vais pas jusqu'à piquer la meuf d'un autre mec, ou du moins pas sciemment. J'veux dire, j'serais quand même vachement mal placé pour faire ce genre de chose, pas vrai ? On reparle de mon ex ou c'est bon ? Tant mieux, parce que j'ai pas trop envie d'en parler, là, tout de suite. D'ailleurs, qu'on ne m'en parle plus jamais, car c'est à cause d'elle que je suis dans un tel merdier. Putain. Je garde le numéro de Mi Ran si j'en ai envie et c'est pas un infirmier de merde de cette école tout aussi à chier qui va me dire le contraire. Et je m'en fous qu'il soit son mec ou pas ! D'ailleurs, un sourire en coin apparaît lorsque je l'entends reprendre la parole avec une autorité qui, sans doute à cause de l'alcool, me semble moindre. Je laisse même échapper un ricanement moqueur. Franchement, il est sérieux ? « Oui, monsieur. Non, monsieur. » Réponds-je à cette menace pourtant évidente, tout en papillonnant un peu des yeux. Oh mais attendez ! « Ça doit être un sacrément bon coup pour que tu sois possessif à ce point, monsieur l'infirmier. » Je vous arrête tout de suite ; Mi Ran est jolie, très belle, même, mais je n'ai jamais eu dans mes intentions de m'aventurer sur ce genre de terrains avec elle. Seulement, comme je suis une ordure comparable à un veracrasse de la saga de madame Rowling, j'adore piquer les gens et essayer d'obtenir leur réaction. Malheureusement, cette propension est décuplée par l'alcool et, comme je suis assez malin pour aller donner cours un jour où je n'ai pas totalement dessaoulé de la veille, ce côté ressort d'office. « J'espère que t'as pas oublié de lui mettre une puce lors de son dernier vaccin, ça serait dommage qu'elle se perde. » Reprends-je finalement, sur le ton de la suggestion, bien que ça soit clairement ironique et compréhensible au regard moqueur que j'adresse à mon vis-à-vis.

hrp:

Une laisse ? Pas une si mauvaise idée. Bon, il n'en était pas rendu là quand même. La possessivité de Tae Hoon demeurait impressionnante mais pas au point de s'abaisser à des pratiques ridicules ou à se lancer dans un délire de grand maître. Néanmoins, si Ryû cherchait à l'énerver, il se débrouillait à merveille. Sa remarque piqua le jeune infirmier qui sentit son sang ne faire qu'un tour. S'ils ne se trouvaient dans cette salle de classe, il lui aurait déjà refait le portrait. Pour qui se prenait ce pauvre mec au juste ? Est-ce qu'il se sentait supérieur parce qu'il gagnait mieux sa vie ? Ou parce qu'il était supposément un génie de l'informatique ? Tae Hoon le dominait et le toisait de sa hauteur. Nullement intimidé, il se disait qu'il pouvait le mettre à terre en un claquement de doigt. Il semblait manquer d'entraînement. Au contraire, Tae Hoon était en parfaite condition physique. Son activité de pompier volontaire l'y contraignait. Alors plutôt que de débiter de pareilles âneries, il était dans l'intérêt de ce pauvre professeur de redescendre tout de suite.

« Non, mais j'en connais un qui aurait vraiment besoin d'une laisse par contre. » Il renvoya la balle de cette manière en laissant sous-entendre tout ce qu'il pensait de cet homme. Il entendait tous les jours son nom chuchoté dans les couloirs. Tae Hoon était assez mature pour ne pas s'intéresser à ce genre d'histoires normalement mais ça devenait trop récurrent pour qu'il n'y prête pas attention. Et ce Ryû ferait mieux de se changer en souris pour que tout ça se tasse. Mais il ne semblait pas plus inquiet que ça. Tae Hoon le serait si une rumeur courait qu'il avait mis enceinte une étudiante, et pourtant il n'était qu'un infirmier qui avait le même âge que beaucoup d'entre elles.

Dans le fond, tout ce qu'il faisait, c'était le mettre en garde. Et d'un certain point de vue, il marquait son territoire. Il ne remettait pas en cause Mi Ran. Il avait confiance en elle. Mais un peu moins en la gente masculine. Il se méfiait de ses semblables dont il comprenait parfaitement le fonctionnement.

Mais de quel droit rabaissait-il Mi Ran à un bon coup ? Si les traits de son visage étaient déjà bien tendus, cela ne s'améliora pas. Il perdait peu à peu son sang froid. Il sentait un fourmillement dans son bras. Frapper ce mec le démangeait de plus en plus et il sentait qu'il n'allait pas pouvoir se retenir encore longtemps. « T'es crade. Parle pas d'elle comme ça. » Depuis quand un enseignant se permettait ce genre de remarque ? C'était totalement déplacé. Mais surtout parfaitement destiné à le faire sortir de ses gonds. D'ailleurs, il finit par réussir en recommençant sa métaphore ridicule.

La seconde suivante, il l'empoignait par le col avec violence en serrant ses doigts autour du tissus au point où ses phalanges blanchirent. C'est là qu'il détecta l'odeur d'alcool. Il pouffa de rire. Un rire nerveux. Quand il réalisa combien Ryû était pitoyable. « Je perds mon temps. T'es qu'un pauvre type. » Il le relâcha avec autant de brutalité et lissa sa blouse blanche comme si le simple fait de le toucher venait de le salir. Peut être que Ryû se sentait seul ? Vraiment seul. Un homme blessé. Bien fait, songea-t-il.

L'enseignant ignorait probablement à quel point il venait de tirer en plein dans le mille. Touché, coulé. Tae Hoon craignait de ne pas être à la hauteur. Comme beaucoup de monde, il désirait tout donner à l'élu de son cœur. Qu'elle ne manque de rien, qu'elle soit comblée et heureuse. Ayant abandonné ses études pour partir à la recherche de son grand frère caché, il ne se sentait plus entier. Désormais incapable de réaliser son rêve de gosse, celui pour lequel il s'était investi corps et âme pendant des années, il avait la terrible impression de ne pas valoir grand chose. Une part de confiance lui avait été arraché et, plus totalement lui-même, il s'imaginait qu'il ne méritait pas quelqu'un comme Mi Ran. Dans sa tête, il ne possédait pas grand chose du gendre parfait. Après tout, il n'était qu'un pauvre infirmier scolaire. Il ne sauvait pas des vies, ne travaillait pas sur un nouveau vaccin. Bref, il ne valait rien. Et depuis que l'ex de cette dernière s'adonnait à lui rappeler régulièrement son statut mais surtout à le rabaisser, il commençait presque à le croire. Il se disait que peut être, il n'avait pas si tort. Comme sa confiance en prenait un coup, sa jalousie et sa possessivité, elles, se renforçaient.

Les piques de Ryû le bousculaient et le rendaient fous. En particulier, cette allusion qui visait à le faire se sentir inférieur. Même s'il le surplombait et l'observait de haut, Tae Hoon avait conscience que cet homme gagnait bien mieux sa vie que lui et qu'il avait beaucoup plus d'années d'études derrière lui.

« Je crois que j'ai raté un épisode. Tu attends vraiment que ça en fait. » Clairement, il le provoquait depuis le début. Ils n'en seraient pas là si Ryû n'avait pas mentionné les messages qu'il avait envoyé à sa petite amie. S'il ne l'avait pas comparé à un chien. Mais surtout s'il n'avait pas osé lui dire qu'elle devait être un sacré 'bon coup'. Tout ça accumulé, y avait de quoi rendre n'importe quel homme dingue non ? D'accord, Tae Hoon ne l'avait pas volé en voulant très clairement marquer son territoire et rappeler à ce pauvre type de garder ses distances. D'ailleurs, ce qui devait arriver arriva.

Il le plaqua contre le tableau noir en l'empoignant par le col. Il crevait d'envie de lui écraser ses phalanges contre la joue, de lui éclater la mâchoire en somme. Mais il savait aussi qu'il risquait gros. Si cet enfoiré décidait de le balancer, adieu le boulot d'infirmier et bonjour la galère. Il était donc prêt à lui rendre sa liberté -surtout après avoir senti son haleine fortement alcoolisé-. Il le relâcha bien sagement et lissa sa blouse blanche. Il progressa de quelques pas vers la porte mais s'arrêta d'un coup lorsque la voix de l'autre résonna à nouveau entre les murs de sa salle de classe. Il n'avait tout de même pas osé ? Il n'attendait donc que ça ? Tae Hoon commençait à croire qu'il cherchait juste à se faire tabasser. En tout cas, toute trace de raison s'envola à cet instant, il se retourna brusquement et bam.

Après l'avoir attrapé par sa chemise, il lui offrit ainsi une belle droite qu'il ne risquait pas d'oublier. Un petit cadeau. Un souvenir quoi. Il serra les dents par la suite. Il n'y était pas allé de main morte et sans mentir, ça lui avait fait mal de le cogner aussi fort. Mais il n'était pas le plus à plaindre. « Peut être que le message est plus clair maintenant ? » Grinça-t-il. Il replaça correctement sa blouse blanche sur ses épaules. Prêt à décamper. Mais pas sans se foutre de lui une dernière fois. « Passez une bonne soirée monsieur Katsura, au plaisir. » Un peu d'ironie pour terminer cette entrevue mouvementée ne pouvait pas lui faire du mal. Il repéra un peu de sang à la commissure de ses lèvres ce qui l'enchanta au plus haut point. Tant pis pour le risque qu'il venait de prendre. Ça valait le coup rien que pour le voir comme ça. Il tourna sur ses talons et cette fois le laissa seul pour réfléchir à tout ça, claquant la porte derrière lui. Au pire, il avait de quoi le faire tomber lui aussi. Ils se retrouveront peut être au chômage à deux.