La journée avait été longue. Et je terminais ma journée avec le pire public qui soit : des premières années. Mise à part quelques exceptions, l’ensemble était relativement mauvais. J’avais dans le lot beaucoup d’élèves ayant choisi mon cours en se disant qu’il rapporterait facilement des crédits à la validation de leur diplôme, sans se douter qu’il tomberait sur moi. L’ancien enseignant, qui était, par un certain « miracle », parti en mutation à Kumamoto était du genre laxiste. L’image même que l’un peut se faire d’un professeur d’Art – avec un accoutrement bien singulier, des dérives à chaque pensée et une attirance non-fondée pour le cubisme. Autant dire que beaucoup avait déchanté en me voyant entrer dans l’amphithéâtre. Mais, jouer le prof détestable et ennuyant était un plaisir pour moi. J’aimais faire peur à ces petits enfants à peine sortis du lycée et qui se pensaient déjà tout permis parce qu’ils n’avaient plus à porter d’uniforme scolaire.

Mon cours était donc calme. Je parlais de la Grèce Antique et de son art si voluptueux. Je trouvais cette période splendide. Mais avait un bien maigre retour de mon public. Quelques questions osaient parvenir jusqu’à mes oreilles, et je prenais soin d’y répondre du mieux possible. Mon but n’était pas non plus de présenter quelque chose d’exécrable ; je tenais à ce poste. Il m’était utile. Debout à mon pupitre de bois, je pointai d’un laser une image présentée sur le tableau blanc derrière moi. Mon regard parcourut la salle, une énième fois et je retins un rire en voyant Katreeya, tranquillement assise tout au fond. J’aurais aimé lui dire de sortir, que le cours n’était réservé qu’aux inscrits. J’en aurais eu parfaitement le droit. Et, je voyais bien dans le regard interrogateur de certains qu’ils se demandaient pourquoi je ne le faisais pas d’ailleurs. Je n’en avais pas envie. Là était la plus simple des raisons. Si elle était là, c’est qu’elle avait ses raisons. A moi de patienter encore quelques minutes afin d’en savoir un peu plus à ce sujet.

La sonnerie retentit. J’eus tout juste le temps d’énoncer la rédaction que chacun devrait me rendre pour dans quinze jours. Je n’avais pas donné de limite de caractère, mais demandais une bibliographie bien fournie d’au moins trente ouvrages. Cela les occuperait un peu, ces dormeurs feignants. Alors que je rangeai le peu d’affaires que j’avais apportées, je laissai Katreeya venir jusqu’à moi sans dire un mot. J’éteignis le rétroprojecteur, refermé l’écran de mon ordinateur portable et esquissai un sourire à sa remarque.

« Surveillant ?! Oh que non. J’aurais eu beaucoup moins de possibilités de main d’œuvre avec un statut pareil. »

Je terminai mon rangement rapide, et refermai mon attaché-case d’un mouvement lent. Le verrou se fit entendre dans la large salle silencieuse. Je reportai mon attention sur la jeune femme.

« Que me vaut ta visite, chère demoiselle ? »

Autant aller droit au but. S’ennuyait-elle encore ? En tout cas, elle y allait au culot à venir me voir durant un de mes cours. J’avais la chance de ne pas enseigner au lycée, sinon j’aurais eu droit à une remontée du personnel assez rapidement pour passer autant de temps avec une élève. Déjà que mes futures rencontres avec Eden sur le campus allaient être délicates… Il me faudrait me méfier pour elle aussi ; je me protégeai autant qu’eux en pensant ainsi.

Un sourire en coin dessiné sur les lèvres, j’écoutai sa remarque avec amusement. Au moins, cela ne paraitrait pas étrange aux yeux des autres élèves, ni même à une personne du corps enseignant qui pourrait venir à entrer dans l’amphithéâtre par mégarde. J’avais terminé mon rangement. Je voulais quitter la pièce, rejoindre ma voiture. Mais, je craignais le sujet qu’elle allait amener. Nous étions sur un lieu où les indiscrétions se comptaient par centaine.

« Quand cette élève n’est pas inscrite à mes cours, cela peut paraître surprenant effectivement. »

Répondis-je simplement. « … Il faut bien que je m’occupe. » Je me retins de lever les yeux au ciel. Il allait réellement falloir que je lui trouve une occupation tant elle avait tendance à venir à ma rencontre lors de ses longues journées d’ennuis. Cela avait un côté amusant, certes. Toutefois, elle avait cette fâcheuse manie à me prendre de court et cela finirait forcément par me déplaire, à la longue.

« C’est vrai. Tu as raison. J’espère que ton cours m’aura plus alors ! »

Ajoutai-je sur le ton de la plaisanterie. Je n’y croyais pas trop. L’art grec n’était pas ce qu’il y avait de plus clinquant, tout du moins dans ma présentation d’aujourd’hui… Il valait mieux que je lui expose ma présentation sur les arts décoratifs chinois. J’avais souvenir que la jade et les feuilles d’or étaient un mélange qui attirait plutôt bien son regard.

« Entre nous soit dit, si j’avais voulu me débarrasser de toi, tu ne m’aurais même pas trouvé ici aujourd’hui. »

Echapper aux gens était une de mes spécialités. Elle aurait beau se faire croire, voire même me soutenir qu’elle pourrait me retrouver coûte que coûte, j’étais malgré tout bien doué dans le domaine. Quitter mon appartement. Quitter mon emploi. Changer de ville. Changer de pays. Je l’avais fait bien assez souvent. Mais, j’avais affaire. Katreeya avait beau être un peu agaçante, elle ne l’était pas encore au point où je voudrais la fuir. Elle n’était pas une présence que je pouvais qualifier de dangereuse à mon égard.

« Alors dis-moi, as-tu des questions en particuliers ? Ou bien, tu mélanges tes excuses en sachant pertinemment que la raison principale de ta venue ici est parce que tu t’ennuies à mourir. »

Il n’y avait rien d’agressif à ma remarque. J’étais curieux, tout simplement. Les mains croisées sur mon attaché-case, je la regardai dans l’attente d’un retour de sa part. Si elle voulait ajouter quelque chose, c’était le moment de le faire. Je n’avais pas toute la soirée pour elle. J’avais un rendez-vous important qui m’attendait dans trois heures ; détail qu’elle n’était pas censé savoir. Je n’étais pas encore certain de vouloir lui dire.

Il était réellement facile de l’agacer. Cela avait quelque chose de très satisfaisant. Je ne savais pas si cela venait de notre jeu du chat et de la souris, dont, par ailleurs, les origines demeuraient encore inexpliquées, en tout cas, je me faisais un plaisir d’appuyer sur des termes qui la rendait frustrée. Non pas que j’y faisais parfaitement exprès, mais, cela me permettait également de la comprendre un peu plus. Je prenais note de chacune de ses réactions, qu’importe le mot que je prononce, afin d’étudier un peu plus son comportement. Le but ultime n’étant bien évidemment pas de le rendre folle de rage.

« J’ai beau te connaître mal, je sais maintenant quel mot prononcer pour avoir une jolie réaction comme celle que tu viens d’avoir ! »

Il fallait vraiment que j’arrête. Elle allait finir par lever la main sur moi, c’était certain. Elle ne serait pas la première femme à me mettre une bonne claque au visage, mais, je préférais éviter. Pas aujourd’hui. Alors, j’espérais qu’elle se contenterait de bouder et qu’elle comprendrait que tout ce que je venais de dire était avec humour et que j’étais loin de la prendre pour une idiote.
Elle était impatiente. D’un côté, je pouvais parfaitement le comprendre, d’un autre, cela me gâchait mon plaisir de pouvoir la surprendre. Je laissai échapper un soupire de mes lèvres, saisissant mon attaché-case de la main. Je glissai ma main libre dans la poche de ma veste, vérifiant rapidement la présence dans celle-ci de ma clé de voiture.

« Je vois que ta patience est mise à rude épreuve. »

Dis-je alors, sur un ton totalement indifférent. Puis, me redressant, je m’éloignai du pupitre pour me diriger d’un pas lent vers la porte d’entrée de l’amphithéâtre.

« J’avais justement besoin d’un plus un pour ce soir. Mais, bien que ce short mette très bien tes jambes en valeur, ce ne sera pas accepté où nous allons aller. »

Je ne m’étalais pas trop sur le sujet. Je lui en dirais plus lorsque nous serons dans ma voiture. J’espérais malgré tout que ce serait suffisant pour la faire taire un court instant ; le temps au moins de rejoindre le véhicule. J’ouvris la porte, la regardai avec un sourire en coin.

« Suis-moi, tu ne seras pas déçue. »

J’attendis qu’elle passe pour refermer la porte derrière nous et marcher tranquillement dans les couloirs. Une autre période venait de commencer, ce qui nous permettait de nous déplacer sans crainte de croiser trop de personnes. J’espérais que ce serait le cas jusqu’à l’arrivée au parking, car justifier qu’une élève monte dans la voiture d’un enseignant n’allait pas être simple. Je songeai à lui proposer de me retrouver un peu plus loin, mais, elle doutait tant de moi qu’elle serait capable de croire que j’allais partir sans elle. Je ne parlais pas trop, durant notre marche. Je lui expliquerai la soirée de charité où nous irions, les personnages que nous allions être, et un topo rapide de la situation plus tard. Là, c’était trop risqué.

« Quel est ton niveau en anglais ? »

Dis-je alors que nous tournâmes dans un nouveau couloir, atteignant bientôt un escalier. J’étais curieux car cela pourrait s'avérer utile, et d’un autre côté, cela permettait également à toute oreille indiscrète de ne pas trouver notre conversation trop louche.

Être capable de tenir une conversation était déjà très bien. J’étais rassuré de sa réponse, non pas que je puisse douter de ses compétences. Je n’avais pas pris la peine de regarder dans son dossier universitaire, et de suivre ses résultats. Cela aurait certes pu me donner réponse à ma question, mais, je n’avais pas pris la peine de le faire. Après tout, Katreeya était largement accessible ; lui demander directement était bien plus logique. Je gardais mes fouilles de dossiers pour des cas bien plus particuliers vers qui un enseignant en art ne pouvait pas avancer pour parler.

« Simple curiosité. Cela peut toujours servir. »

Elle n’aurait pas à en avoir besoin pour ce soir. Nous allions dans un endroit où le japonais serait de mise et son niveau était parfait en la matière. Je n’avais donc aucun souci à me faire. Elle saurait se tenir. L’escalier emprunté nous mena directement au parking réservé au personnel de l’établissement. J’avançai d’un pas décontracté, glissant rapidement la main dans la poche de ma veste pour en retirer la clé de ma voiture. J’appuyai sur le petit bouton présent sur celle-ci, un sifflement rapide se fit entendre, les warnings d’une jolie berline sombre se firent voir non loin de nous. C’était la voiture la plus discrète que j’avais en ma possession, et il n’était pas rare que je me dise que c’était pourquoi loin d’être une voiture passe-partout… Je savais être discret sur certaines choses, mais, il fallait croire que j’avais beaucoup d’effort à fournir en matière d’automobile.

« Parce que ce n’est pas déjà le cas ? »

Répliquai-je à sa remarque. Entre nous, je pensais qu’elle était déjà du genre bien habituée au luxe. En tout cas, sa réaction me fit plaisir. Je me souvins rapidement d’Eden et de sa première aventure sur une de mes motos. Leurs excitations étaient similaires. C’était amusant. J’ouvris la portière côté conducteur, et m’installai à l’intérieur, laissant la jeune femme faire de même à mes côtés. Je démarrai le moteur, attachai ma ceinture et sortit en marche avant de la place de parking. J’écoutai ses paroles, esquissant un sourire. Elle n’en manquait pas une.

« Tu lis dans mes pensées dis-moi. »

Me contentai-je de répondre alors que nous sortîmes du sous-terrain pour arriver sur la rue principale du campus. Je savais qu’elle serait contente. J’étais d’humeur bonne ces derniers temps. Ou alors était-ce parce qu’elle était facile à combler ? Je n’en savais guère trop.

« Je t’ai déjà réservé une tenue, dans une boutique où j’ai mes habitudes sur Ginza. »

Ajoutai-je, ralentissant sur un carrefour, puis finissant par m’engager sur une large avenue. La voiture était silencieuse. Ses sièges en cuir épais confortables. Je laissai le silence s’installer un instant. Puis, m’arrêtant à un feu tricolore, je repris parole afin de commencer à lui expliquer ce qui allait suivre.

« A 20h nous allons nous rendre à une soirée de charité. Je dois y aller en tant que secrétaire général pour le compte du Directeur Watanabe, de Wananabe&Co., une firme spécialisée dans le paramédical. Le Directeur est plutôt un adepte du détournement de fond, et cette soirée est là pour soigner son image. Mon but principal est de noter les noms des personnes présentes sur place. Certaines nagent surement dans le même milieu, et connaître leur identité me sera utile pour une future affaire. »

Je redémarrai le véhicule, passant les vitesses avec douceur. Je détestai les voitures automatiques. J’en possédais, car un de mes fervents collègues ne pouvait conduire que cela, mais, selon moi, rien ne valait le plaisir de passer les vitesses.

« Personne à cette soirée n’a jamais rencontré le SG de Watanabe. Et, je me suis arrangé pour que celui-ci ait un empêchement de dernière minute pour ne pas être présent ce soir. »

Après avoir tourné et viré pendant plusieurs minutes dans les rues bondées de la capitale nippone, je finis par ralentir au dernier feu avant l’avenue où je devais me garer pour notre achat. Je garai le véhicule, et avant de sortir ajoutai à son attention.

« Je compte bien évidemment sur ta présence pour prendre note de ce que mes yeux ne saurait voir, de ce que mes oreilles pourraient manquer. »

J’esquissai un sourire rapide à sa réponse face aux explications concises que j’avais pu lui donner. Je savais qu’elle saurait faire de son mieux. Pour cela, j’avais confiance. Par contre, je devrais faire attention. Qu’elle le veuille ou non, elle était sous ma responsabilité. Il suffirait d’un mot mal placé, d’un regard ou d’une attitude pour que tout tombe à l’eau. C’était risqué. Elle n’était pas naïve, elle devait s’en douter. Je ne savais cependant pas si je devais formuler tout cela, ou bien si elle saurait deviner l’importance des heures à venir.

« Hommes comme femmes d’ailleurs. Ou même des noms glissés dans des conversations. »

Dans ce genre de soirée, les rumeurs allaient de bon train. Les gens parlaient sur les absents, les langues se déliaient. Les puissants de ce pauvre monde pouvaient paraître bien naïfs à agir avec tant de confiance. La soirée serait privée. Aucun média ne serait présent. Cela faciliterait la tâche. Je retirai la clé du neiman, et sortis à mon tour de la voiture. « Mais bon, si tu es le SG, je serais qui alors pour toi ? Ta copine ? » Je retins un léger rire, tout en verrouillant la porte. Nous arrivâmes rapidement à l’enseigne où j’avais quelques-unes de mes habitudes. Je lui ouvris la porte.

« Je t’en dirais d’avantages plus tard. »

Un clin d’œil, signe que nous étions à présent dans un lieu public. Une des vendeuses vint rapidement à notre rencontre. Déjà Katreeya commençait à vagabonder parmi les étalages, peu remplis comme se voulait l’habitude d’une boutique de luxe.

« Monsieur Yamada. Quel plaisir de vous revoir. Nous vous attendions. »
« Avez-vous préparé ce que je vous ai demandé ? »
« Oui, par ici Monsieur. »

J’esquissai un sourire. La jeune demoiselle devait bien avoir compris que j’étais ici une toute autre personne que Jae Hyun. Je n’étais pas un enseignant qui venait faire ses courses, mais un tout autre personnage. Un bon client, qui plus est. La vendeuse indiqua d’un signe de la main une cabine plus en recul.

« J’ai sélectionné plusieurs robes. Tu devrais t’y retrouver. »

Je lui saisis doucement la main, pour la mener avec moi en direction du coin privé de la boutique. Une large cabine l’attendait. Plusieurs robes étaient présentées. Pas de strass. Pas de paillettes. De beaux tissus. Du voile. De la dentelle. Du noir. Du blanc. Des couleurs sombres ou pastel. Chaque pièce dégageait quelque chose de sophistiqué, mais simple, jeune. Rien de trop lourd. Arrivés dans la cabine, j’allais pour refermer la porte quand je répondis enfin à sa remarque sur ses mensurations.

« Quant à tes mesures, il suffisait d’un bon coup d’œil pour deviner. »

J’esquissai un sourire malin, puis refermai la porte derrière moi. Je la laissai tranquillement faire ses essayages. Katreeya pouvait simplement se dire que j’avais l’œil. Il en était de même pour les hommes d’ailleurs. J’avais peu de difficulté à prendre note de la physionomie de chacun. La vendeuse restait à notre disposition, pas très loin de nous.

« Vous pouvez nous laisser Miko, je vous appellerai si besoin. »

Elle me salua légèrement et quitta son poste pour filer à un autre. Je m’assis sur un fauteuil mis là pour ceux qui, comme moi, attende patiemment que leurs jolies dames se décident sur leurs choix. Je fixai la porte sans rien ajouter, elle ne tarderait pas à en sortir.

Tranquillement installé dans le fauteuil, non loin de l’entrée de la cabine d’essayage dans laquelle se trouvait Katreeya, je commençai à réfléchir au déroulement de la soirée. Il y avait plusieurs personnes avec lesquelles je me devrais de converser, et je relatais dans mon esprit leurs visages, leurs noms, ainsi que quelques détails concernant leurs statuts et passe-temps respectifs. Je me remerciai intérieurement d’avoir une si bonne mémoire, sans quoi, je serai réellement fichu. Je me demandai de quelle façon la jeune femme se comporterait ce soir. Elle jouait tout. Je me disais qu’elle était sans doute au courant de l’importance de cela, mais, il me faudrait malgré tout lui rappeler. Le jeu serait bientôt terminé. Il lui suffirait d’une erreur, et c’en était fini pour elle. Je l’appréciais bien, cela serait dommage… Alors, je préférai rester confiant et lui donner une chance. Elle pourrait m’étonner.

Ce qui m’étonna plus encore, ce fût de voir sa silhouette dans ces robes. J’étais satisfait de mes choix, et j’étais d’autant plus ravi qu’elle me fasse partager ses essayages. J’étais plutôt passif, mais, gardais malgré tout un œil vif sur la façon dont chaque matière et couleur pouvait s’assortir avec son teint. J’esquissai quelques sourires discrets face à son défilé. Elle semblait s’amuser ; c’était le principal. « Alors laquelle tu préfères monsieur Yamada ? » Son insistance sur ce nom passe-partout me fit lever les yeux au ciel. Toutefois, je ne pris pas la peine de faire de commentaire à ce sujet. A quoi bon. Au lieu de cela, je me levai enfin de mon siège, pour aller la rejoindre. Le choix était cornélien, je devais bien l’avouer. Je me plaçai derrière elle, regardant nos reflets respectifs dans le large miroir de la cabine.

« Effectivement, c’est bien difficile… »

Soufflai-je, passant un doigt délicat sur la tulle qui formait la jupe de la robe noire et blanche qu’elle portait actuellement. Le bustier épousait joliment son corps, sans trop en faire. La dentelle était délicate, et pas vulgaire. J’avais choisi des robes sans col vertigineux, sans dos nu décontenançant. Nous allions à une soirée de charité, pas à un tapis rouge après tout.

« Il te faudra malgré tout en choisir qu’une seule. Décide vite, je dois accorder mon costume selon ton choix. »

Ajoutai-je en retirant ma main du tissu délicat. Je passai un rapide coup d’œil sur les robes qu’elle avait de placées non loin d’elle. Puis, je pointai la seconde du doigt en ajoutant :

« Celle-là et celle que tu portes actuellement te mettent le plus en valeur, selon moi. A toi de voir. »

Elle pouvait prendre n’importe laquelle, au final, elle resterait tout aussi charmante. Je m’éloignai, la laissant terminer son choix. D’un signe de la main je rappelai la vendeuse, qui ne tarda pas à venir en trottinant vers moi.

« Miko, elle repartira directement vêtue de la robe. Je compte sur vous pour terminer son ensemble le plus joliment du monde. »

J’esquissai un sourire, la jeune femme me salua, un sourire gêné aux lèvres et partit à rejoindre Katreeya. Une robe serait offerte, accompagné de chaussures assorties selon son choix ainsi qu’un sac, le plus microscopique du monde sans doute, mais qui aiderait à finaliser le tout. Je laissais champ libre à la vendeuse, en qui j’avais bonne confiance. En attendant, je filais du côté des hommes, où un costume m’attendait. Il me suffirait d’assortir le mouchoir et le nœud en fonction de la tenue finale de ma jolie compagne de soirée.

Jae Ҩ Kat

Ҩ Let's get started  

tenue du jour + coiffure

Étonnement, tu trouvais ça sympa de partager ces petits essais à quelqu'un d'autre. Habituellement, tu le faisais pour toi même. Lorsque tu étais avec tes amis, tu prenais et tu payais. Ça changeait. Tu espérais quand même quelques réaction de la part du coréen, mais nada. Toujours aussi impassible, ce mec. Tu ne savais pas comment prendre ses pseudo réactions, mais bon, pourquoi pas demander son avis masculin qui saurait peut-être te guider sur un choix qui te semblait impossible. Mais aux premiers abords, sa réaction était bien celle d’un homme. Impatient, pour qui accompagner une fille faire les magasins était un calvaire. Il devrait se sentir privilégié que tu lui demandes son avis, tu ne fais jamais ça.

« Ça va, ne me met pas la pression. »

Dis-tu en roulant des yeux. Il voulait que tu sois jolie et t’obliger à choisir une robe, tu peux te permettre de prendre ton temps non ? Finalement, il finissait par donner son avis, qui te laisser perplexe. Tu attrapais le cintre sur lequel reposait la deuxième robe, qui semblait avoir était une de ses préférences avec celle que tu portais. Pendant que Jae Hyun s’en allait vaquer à ses propres affaires, tu te retrouvais avec la vendeuse. Après mûre réflexion, tu demandais à la vendeuse de te sortir toutes les paires d’escarpins qui pourraient aller avec la robe de couleur argentée que tu as décidé finalement de porter. En attendant la jeune fille, tu changeais ta tenue, définitivement cette fois. Tu en profitais pour te balader dans la boutique un peu pour aller chercher quelques accessoires qui pourront être la touche finale de ta tenue. Rien de bien trop lourd ou clinquant non plus. Un simple bracelet bien discret, accompagné de boucles d’oreilles tout aussi invisible. Tu détaillais chaque parure que tu pouvais trouver. A la fin, tu optais pour un ensemble argenté qui habillait parfait ton poignet avec son assortiment de boucles d’oreilles que tu trouvais parfait pour ta tenue. Tu revenais très vite vers ladite Miko qui t’avait préparé un assortiment de chaussures tout aussi magnifique, sans oublier le meilleur accessoire d’une femme, son sac. Tu commençais à essayer chaque paire, admirant chacun de tes reflets. Tu essayais une dernière paire assez sophistiquée, d’une couleur différente de ta robe que tu trouvais parfaite. Pour ajouter la touche finale à ta tenue, une jolie pochette blanche qui t’avais de suite tapé dans l’oeil. Tu jetais un dernier regard sur la glace réfléchissante, te trouvais définitivement parfaite. Tu remerciais brièvement la jeune fille, laissant cette dernière ranger tout ce bazar. Tu te faufilais dans le rayon homme, trouvant Jae Hyun sans trop d’encombres. Tu tournais sur toi-même telle une petite fille, faisant virevolter la robe

« Bon maintenant que ta cavalière canon est prête, satisfait ? »

Tu attendais quand même un avis de sa part. Même s’il te faisait une remarque désobligeante, tu ne changeras rien. Tu prenais le temps de détailler le jeune homme de haut en bas

« Et ben, ça te va bien ce genre de costume. »

Dis-tu, un tantinet amusé. C’est vrai qu’il était très élégant dedans, il devrait peut-être en mettre plus souvent. Tu te rapprochais de lui, caressant doucement le col de sa veste avant de le regarder dans les yeux.

« Je pourrais presque dire que tu n’avais pas besoin de moi pour compléter ta tenue »

Presque, tu as dit...

fiche de © century sex

hrp:

Les relations humaines n’ont jamais été mon fort. J’étais doué pour berner les gens. J’étais doué pour les perdre dans une illusion totale. J’étais doué pour mentir, pour détourner l’attention, pour changer de sujet rapidement. Cependant, agir avec une franche sincérité et baisser ma garde n’étaient pas des traits qui m’étaient donnés. Ainsi, j’imaginais parfaitement que mon sérieux devait sembler bien rabat-joie à la jeune demoiselle. En soi, cela ne me faisait ni chaud ni froid. Elle pouvait soupirer, faire un caprice, lever les yeux au ciel ou ne rien dire, cela ne changeait rien pour moi. Et puis, si elle détestait tant cette partie de ma facette, elle n’aurait sans doute pas pris la peine de me coller comme elle le faisait depuis le premier jour. Au fond, notre relation était bien étrange. Je n’avais aucune idée jusqu’où cela nous mènerait-il… Entre sa franchise et son obstination tête brulée, et ma froideur légendaire… Oui, cela était bien étrange ; d’autant plus que sa présence à mes côtés m’était presque agréable. Chose que je me cacherai bien de m’avouer à voix haute.

Je replaçai le col de la jolie chemise blanche que je venais de mettre, et regardai mon reflet dans le long miroir de la boutique en méditant à tout cela. Je replaçai le nœud papillon d’un mouvement délicat des doigts, puis enfilai la veste assortie à mon costume. Je pliai avec minutie de mouchoir que m’avait apporté une vendeuse quelques minutes auparavant, lequel devrait être en accord avec la robe de Katreeya. Je remarquai les reflets argentés de celui-ci, devinant sans peine le choix de la jolie brune. Alors que je me perdais un peu plus dans mes pensées, retouchant mes boutons de manchettes, la voix de ma compagne de soirée me sortit de là. La robe virevolta sous sa danse, et j’esquissai un sourire. Elle était très belle. Il aurait fallu être aveugle pour admettre le contraire. Elle s’approcha, cet air malicieux accroché au visage qui lui allait si bien.

« Ne sois pas si modeste. Tu es bien trop splendide dans cette robe. »

Ajoutai-je d’une voix basse en passant quelques doigts le long d’une mèche de ses cheveux. Je lui saisis doucement la main, et partit en direction de la caisse. Nos vêtements avaient été parfaitement pliés et rangés dans des sacs qui me firent tendu avec une révérence. Je sortis rapidement ma carte, et payai sans regarder le montant. Je saluai rapidement les vendeuses, fis un clin d’œil à ladite Miko qui rougit en réponse et accompagnai ma belle jusqu’à la voiture. Le coffre s’ouvrit, j’y glissai les larges sacs de papier épais et retournai au volant de mon véhicule en silence. Lorsque Katreeya fut installée à mes côtés, je m’attelai à lui préciser ce qui allait se dérouler ce soir.

« Comme je te l’ai déjà indiqué, ce soir serait principalement fait d’observation. Je dois rencontrer quelques personnes afin de les cerner plus facilement. Si tout se passe bien, nous pourrons partir aussi discrètement que nous serons entrés. »

Je priais pour ce soit réellement le cas. Je n’osais imaginer comment cela se passerait si quelque chose venait à mal tourner. Nous n’allions pas rencontrer une troupe de malfrats armés jusqu’aux dents, mais, au final, certains puissants pouvaient être tout aussi effrayants.

« Ton rôle sera celui d’une bénévole venue auditer Watanabe&Co dans le cadre d’une association humanitaire. Tu peux garder ton milieu social, ton statut d’étudiante, cela n’a pas d’importance. Si jamais des questions te sont posées sur la société, avec ce statut, tu pourras te permettre une marge d’erreur car les auditeurs sont censés en savoir très peu sur l’entreprise avec laquelle ils passent une journée, en plus de pouvoir jouer la carte du secret professionnel. »

Joignant geste et parole, j’ouvris rapidement la boîte à gants. J’en sortis une chemise au format assez petit de laquelle je sortis un jeu de carte sur lequel nous pouvions lire « Koda Hanae », une adresse mail fictive, un numéro de téléphone et l’enseigne d’une association tout aussi fausse mais qui avait malgré tout son site internet. Je la lui tendis, avant de démarrer le moteur de la berline.

« Si tu m’accompagnes ce soir, c’est simplement parce que le PDG voulait te brosser dans le sens du poil. Finir ton audite par une soirée de bienfaisance, c’est toujours synonyme de bons points. »

Je sortis de ma place de stationnement, et filai aux travers des larges avenues de la capitale. Le soleil était à présent couché, nous serions bientôt arrivés.

« Ce soir je serai Tanaka Junichiro et en aucun cas tu ne devras quitter mon champ de vision. »

Terminai-je alors que la voiture ralentissait à un feu tricolore. Je voulais qu’elle comprenne que c’était sérieux. Elle était belle dans sa robe. Son sourire pouvait faire tomber plus d’un homme. Elle était maligne avec ses cheveux brillants. Elle était surtout sous ma responsabilité, et je ne pourrais me pardonner un faux-pas.

HRP:

J’écoutais ses remarques avec un léger sourire en coin, amusé. S’attendait-elle vraiment à ce que je puisse partir faire mes magouilles sans aucune préparation au préalable ? Cela me rappelait à quel point nous vivions dans un monde bien différent elle et moi. Toutefois, j’avais bon espoir que la soirée à laquelle nous allions nous rendre lui ferait comprendre dans quoi elle s’embringuait. Il suffisait d’un faux pas pour finir derrière les barreaux, et avec la liste de méfaits que j’avais à mon compte, je ne doutais pas un seul instant que c’était la peine de mort qui m’attendrait. Mon seul espoir étant qu’il faudrait peut-être quelque jour pour me ramener en Corée du Sud – bien que l’administration japonaise est talentueuse pour sa rapidité d’action.

« Tu comprendras bien assez vite pourquoi. »

Répondis-je donc simplement à sa remarque sur mon perfectionnisme maladif. Je lui avais fait part de l’idée que je voulais garder un œil sur elle. Je ne fus pas étonné de sa réponse, bien qu’elle éveilla un léger agacement que je ne savais trop comprendre au fond de moi. Par chance, ma concentration était principalement sur mes manœuvres automobiles alors que nous arrivions sur un boulevard bouchonné, ce qui fit que je me retins de faire une remarque trop cinglante. Elle avait confiance en elle, c’était bien. Mais, il faudrait qu’elle apprenne à être moins prétentieuse sinon elle avait finir par se prendre un mur.

« Je sais que tu sauras l’être mais, sois prudente. »

Cela valait plus du conseil que de l’ordre, même si mon ton pouvait porter à confusion. Lorsque l’un est pris dans une conversation, il est facile de se perdre dans ses propos. Cela m’était arrivé au début. C’était naturel. Et puis, nous allions être dans un environnement avec beaucoup d’informations alentours… Le test allait être de taille pour la jolie brune.
Alors que je tapotai du bout des doigts le volant dans l’attente que le feu auquel nous étions arrêtés depuis de longues minutes, Katreeya parla d’un sujet qui lui tenait particulièrement à cœur. L’argent. Je ne pus retenir un léger rire. J’avais pris soin de ne pas en parler, car je savais qu’elle prendrait plaisir à amener le sujet sur la table. Je portai mon regard sur elle, esquissant un sourire. Puis je la quittai du regard pour reporter mon attention sur la route, nous pouvions enfin faire quelques mètres.

« Une enveloppe est déjà prête. Son contenu sera satisfaisant si tout se passe bien ce soir. »

Il était hors de question que je lui donne un montant. L’enveloppe n’était pas non plus avec moi. J’aurais pu opter pour la méthode du moitié-moitié ; lui donnant une partie maintenant, et une partie à la fin de la soirée. Toutefois, avoir une liasse de billet dans son petit sac à main n’avait rien d’élégant et laisser cela dans la voiture était guère plus prudent. Alors, l’enveloppe attendait patiemment dans mon appartement, sur la table basse de mon salon.
De longues minutes passèrent et nous arrivâmes enfin à destination. J’avançai le véhicule dans une allée éclairée de hauts lampadaires, arrivant sur ce qui semblait être un hôtel privatisé pour l’occasion. Je ralentis, coupa le moteur et quittai ma jolie berline. Je passais de l’autre côté, ouvris la porte à Katreeya et lui proposa ma main pour l’aider à sortir. Un chauffeur de remplacement attendait non loin. Je lui donnais ma clé, il me donna un jeton doré avec un numéro dessus et prit le volant.

« Si Mademoiselle veut bien se donner la peine. »

Dis-je alors, lui proposant mon bras. Bientôt nous allions arriver à une large entrée, lumineuse et fleurie avec goût. Bientôt j’allais présenter nos invitations à une large porte gardée. Bientôt nous allions entrer dans une large salle élégamment décoré où tout un tas de mondanité allait se passer.

Il nous était impossible de reculer à présent. Je voyais dans le regard de Katreeya que toute cette situation lui plaisait. Cette soirée serait un test pour elle, certes, mais si elle en venait à s’amuser un peu c’était tout aussi bien. Tant qu’elle gardait son contrôle pour ne rien foirer, alors, nous serions bons. Elle devait être à mille lieues de se douter qu’un dérapage causerait une expulsion du pays, voire même la prison. Il m’était inutile de lui faire la morale là-dessus. Je n’aimais pas ce rôle, celui du moralisateur, du donneur de leçon. Ce n’était pas mon genre. Après tout, j’avais appris par moi-même, avec mes propres erreurs, alors il en serait de même pour elle. Je ne serai qu’une présence, légèrement reculée.

Je sortis de mes pensées alors que je présentai les invitations à l’entrée. Un homme vérifia le nom de mon personnage sur une liste, acquiesça d’un signe de tête et nous ouvrit une large porte. Un brouhaha plutôt discret surplombait la salle décoré avec goût. Plusieurs tables étaient décorés d’hors d’œuvres et de fleurs. Des serveurs allaient et venaient le plus discrètement du monde entre les invités pour proposer des boissons. Au fond, une estrade était installée avec en arrière un écran blanc sur lequel serait sans aucun doute projeté une présentation au cours de la soirée.

« D’ici un petit quart d’heure il devrait y avoir un discours d’ouverture. Une fois celui-ci terminé, tu seras libre d’aller te promener. »

Murmurai-je alors qu’un couple d’une cinquantaine d’années s’approchait de nous. L’homme légèrement corpulent avait un large de sourire de dessiné sur ses lèvres, et sa femme, bien que très discrète, semblait dégager d’une superficialité sans fin.

« Monsieur Tanaka ! Quel plaisir de vous voir ici ! Nous étions terriblement frustrés de savoir que Monsieur Watanabe ne pourrait être présent ce soir. »
« Monsieur Yamaguchi, Madame, dis-je en serrant la main aux deux personnes. Il était terriblement désolé de ne pas pouvoir vous saluer en personne, mais m’a tenu de vous dire qu’il attend votre prochain weekend au golf avec impatience. »
« Cela ne m’étonne pas de lui ! Mais dites-moi, qui est donc cette jolie jeune femme à votre bras ? »
« Oh, permettez-moi de vous présenter Koda Hanae. Elle est restée quelques jours avec nous, et pour la remercier de sa charmante intervention nous avons décidé de l’inviter ce soir. »

Ces mondanités étaient d’un ennui terrible. Je serai le premier à l’avouer. D’ailleurs, chaque personne ici présente avait tendance à penser la même chose. Toutefois, ne pas le faire serait mal vu et inutile. Il nous faudrait donc prendre mon mal en patience. J’avais fini par présenter Katreeya, et la laissai échanger quelques mots rapides. Je prenais note de sa posture, de ses phrases, de son regard. Elle se débrouillait bien. C’était un bon point.
La conversation continua, d’autres personnes vinrent puis repartirent. Un serveur s’était présenté à nous avec un plateau rempli de plusieurs coupes de champagne. J’en offris une à la jolie brune, et en gardai une à la main.

« Cette année, Monsieur Abe prononcera le discours d’ouverture. Regardez, il arrive. »

Je suivis le regard dudit Yamaguchi, alors qu’un homme de taille moyenne arrivait d’un pas lent jusqu’au micro de l’estrade. J’écoutai le discours d’une oreille, et parcourus la salle du regard de l’autre. Plusieurs visages m’étaient familiers. Alors que chacun était subjugué par les dires de notre hôte, je me penchai légèrement à l’oreille de Katreeya.

« Vois-tu la femme à la robe rouge, non loin de l’estrade. C’était Madame Sakuma. Je te fais confiance pour aller lui parler durant la soirée. Elle a tendance à être très bavarde après quelques verres. »

Je me redressai, comme si de rien était, attendant patiemment que ce discours sans fin s’arrête.

Bien. Il était temps de la mettre un peu à l’épreuve. Il y avait tellement de monde à cette soirée, que de toute façon je n’aurais pu prendre note de tout. Il était prévu que je vienne accompagné, et finalement Katreeya était tombée à pic. Mon verre toujours à la main, j’étais tranquillement resté à ses côtés alors que le discours allait de bon train. La salle était si vaste, que j’avais pu murmurer à son oreille sans risquer que mes mots n’attirent l’attention d’une tierce personne. Ainsi, je lui avais rapidement fait l’état d’une petite mission à effectuer. J’étais également curieux de savoir quel genre d’information elle pourrait me donner.

J’esquissai un sourire à sa réponse, puis la regardai s’éloigner du coin de l’œil alors que le discours prit enfin fin. J’allais rencontrer quelques personnes. J’échangeai quelques poignées de mains, quelques phrases typiques, fis rire quelques femmes. J’étais à l’aise dans ce genre de situation. Je guidai les conversations, sans trop en faire, pour que les interlocuteurs aient l’impression de garder le contrôle de chaque sujet proposé. Bien assez vite, la conversation fila sur l’argent, le placement et des détails encore plus croustillants.

« Dites-moi, Monsieur Tanaka, Monsieur Watanabe vous a-t-il m’y dans la confidence ? »
« Voulez-vous parler de cette affaire en Asie du sud-est ? »

Le sujet commençait à être intéressant. J’espérais bien pouvoir récolter plusieurs informations là-dessus. Malgré tout, poser avec franchise des questions aurait été mal vu. Alors, j’amenai le sujet doucement.

« Le mois prochain sera très productif pour Monsieur Watanabe, j’ai entendu dire ! »
« Effectivement. Il est très occupé avec les préparatifs, et se sentait bien déçu de ne pouvoir vous en parler de vive voix ce soir. »

Un mensonge. Une découverte. Ne pas paraître décontenancé alors que l’un apprend une nouvelle de taille avait été un travail délicat. Je savais enfin quand aurait lieu la grosse transaction sur laquelle je devais mettre la main, et je me félicitai intérieurement de l’avoir découverte. Reposant mon verre vide sur le plateau d’un serveur qui passait par-là, je lançai un regard en direction de Katreeya. Cette dernière semblait s’adonner à une charmante conversation avec sa cible. Bien que plus tendue dans sa posture que d’habitude, elle ne laissait se dégager aucun signe alarmant. J’étais décidé à aller la rejoindre quand une fois grave et entrainante me tira de mon objectif.

« Allons au fumoir, nous pourrons parler tranquillement ! »

Le dos face à mon interlocuteur, je me retins de lever les yeux au ciel. Puis, je me retournai, un léger sourire aux lèvres avant d’acquiescer à la proposition. Quitter la salle ainsi m’inquiétait principalement pour la brunette. Ainsi, alors que j’emboitais le pas à mes nouveaux compagnons de soirée, je sortis rapidement mon téléphone de la poche intérieure de ma veste. D’un mouvement rapide des doigts, j’écrivis un message indiquant « fumoir » à la demoiselle. Une simple précaution, au cas où que mon échange avec ces hommes s’éternisent de trop.
Le temps passait, entre commentaires désobligeants, parfois misogynes, rires gras sur la naïveté du gouvernement, l’inutilité du premier ministre, rumeurs et j’en passais. Je prenais du plaisir à les écouter ainsi. Cela me permettait d’un peu mieux comprendre le commentaire de chacun si j’en venais à en avoir besoin plus tard. Je ne savais réellement combien de temps j’étais restée à l’intérieur de ce box enfumé. Finalement, j’avais réussi à m’éclipser, prétextant un besoin naturel. Je finis par rejoindre ma belle.

« Alors, comment se passe cette soirée ? »

Cette dernière n’allait pas s’éterniser encore bien longtemps. Il était déjà dix heures, certains invités ne tarderaient pas à rejoindre leurs domiciles ou leurs chambres d’hôtel pour la nuit.

Tout suivait son cours convenablement. Il n’y avait eu aucune suspicion, où alors ces dernières s’étaient faites si discrètement que je ne les avais pas remarquées – bien que j’en doutais fort. Il n’y avait eu aucun rebondissement, aucune crise à cette soirée qui s’était déroulé le plus calmement du monde. Cela me convenait parfaitement. Je pourrais m’éclipser aussi discrètement que j’étais entré, Katreeya à mon bras, et je ne pouvais demander mieux. La montée d’adrénaline viendrait sous quelques jours, lorsque je mettrai à exécution un plan bien bâti à l’aide des informations récoltées ce soir.

Par ailleurs, tout en repensant à ces informations, je rejoignis ma belle. Je n’eus pas de grandes difficultés à la retrouver. La salle se vidait peu à peu de son monde, et elle n’avait que guère bougé du lieu duquel mes yeux l’avaient quittée. « Comme tu le vois, je profite de la soirée en buvant. » Sa coupe à la main, j’esquissai un sourire à sa réponse. Elle semblait profiter de la soirée dignement, et c’était tout à son honneur. Elle n’avait pas créé de scandale, elle s’était tenue à carreaux, je n’avais aucune remarque à lui faire. Je saisis un petit four laissé là, sur un plateau à moitié vide. Au final, à avoir tant parlé je n’avais que très peu mangé. La faim ne tarderait pas à se faire sentir. Je m’assis, sentant bien que nous étions assez tranquilles dans ce coin de la salle. Nous ne pourrions parler trop longtemps sans élever des doutes, mais suffisamment longtemps pour que son envie de me faire part de ses petites découvertes soit assouvie.

« Monsieur Ikeda… Ce n’est pas étonnant. Ils sont rivaux sur le marché… »

Dis-je alors, sans doute plus pour moi que pour elle. Si cela me permettait de mettre sur pied non pas un détournement, mais deux… Alors, ce serait encore mieux ! Mais, je ne doutais pas que les deux hommes aient deux méthodes différentes. Il me faudrait farfouiller un peu plus. Un deuxième petit four englouti, je repris parole.

« Mieux vaut que tu évites. Je doute qu’elle en sache tant que ça. Elle aime colporter des rumeurs, mais à trop l’approcher tu attirerais l’attention. »

Après tout, Katreeya jouait ce soir une étudiante volontaire. Cela ne collerait pas à son rôle, elle risquerait de se faire prendre. Auquel cas, je risquai aussi d’y perdre quelques plumes.

« En tout cas, tu as bien travaillé ! Tu peux être fière de toi. »

Je ne pouvais que la féliciter. Elle n’était pas revenue bredouille, et elle avait su user de subtilités. Cela pouvait ne pas paraître grandiose, mais c’était un bon début. Je finis par me relever de mon siège, et de lui tendre la main pour qu’elle en fasse de même.

« Rentrons. Nous n’avons plus rien à faire ici. »

Dis-je simplement. En sortant de la salle, je saluai très rapidement certaines personnes ; promettant au passage d’évoquer cette soirée fabuleuse à mon employeur imaginaire. Nous ne tarderions pas à retrouver l’espace confiné de la voiture, dans laquelle nous pourrions parler à cœur ouvert, sans craindre d’être écoutés ou surpris.

Un rire faillit s’échapper de mes lèvres alors qu’elle parlait de dur labeur. Je la félicitais pour son comportement durant la soirée, pour son aptitude à se tenir à carreaux et à rester concentrée mais, la voir se complimenter ainsi m’amusait beaucoup. Avoir un peu d’égo était toujours bon, j’étais loin de pouvoir la critiquer sur ce point… Mais à en avoir trop, elle allait finir par se planter, ce serait certain. Mais, je préférai ne pas relever et me contentai de saluer les quelques invités restants tout en quittant la grande salle.

J’avais à présent récupéré mes clés, et mon joli bijou m’attendait sagement face à l’entrée. Je m’assis à ma place habituelle, remarquant que le chauffeur de remplacement avait bien fait son travail ; le siège n’avait pas bougé. Un rapide coup d’œil dans l’habitacle me rassura dans l’idée que rien n’avait bougé, ainsi, il m’était inutile de vérifier le contenu de mon attaché-case qui semblait être lui aussi resté au même endroit.

« Tu as été bien sage. Il n’est pas impossible que cela se réitère. »

Rétorquai-je doucement à sa remarque sur son envie de revenir à ce genre de soirée alors que je démarrais le moteur de la sombre berline. « Bon maintenant, on peut parler de ma compensation ? » Cette fois-ci un rire s’échappa bel et bien de mes lèvres, alors que nous quittions tranquillement l’espace réservé de l’hôtel pour s’engagé sur une large avenue. Elle ne perdait pas de temps.

« Ne t’ai-je pas dit qu’une enveloppe t’attendait ? Ou alors, tu doutes tant de moi que tu crains que je vais te berner ? »

Demandai-je, un léger sourire narquois aux lèvres, alors que je jetai un rapide coup d’œil dans sa direction. J’avais beau être un arnaqueur, je restais malgré tout un homme loyal et avec des principes. Les promesses étaient toujours tenues, et un travail bien fait toujours récompensé. Après, je n’avais strictement aucune idée de ce qu’une récompense digne était pour elle. Nous n’avions pas non plus fait le casse du siècle, j’espérais bien qu’elle s’en rendait compte. Cette petite soirée était une ébauche de ce que nous pourrions faire, et, de ce fait, la récompense – bien que loin d’être minable, ne serait pas non plus luxueuse.

« J’ai faim. Arrêtons-nous là. »

Je ne savais pas si je faisais simplement pour la faire patienter encore un peu, et donc, pour l’agacer d’avantage dans son impatience, ou bien parce que j’avais réellement faim et que mon frigo ne me disait rien qui vaille. Je n’attendais pas sa réponse, et me garais sur le bas-côté. Nous avions quitté les larges boulevards, mais le lieu n’en restait pas relativement animé pour l’heure tardive. Je quittai la voiture, et fis quelques pas jusqu’à un petit restaurant encore ouvert. Spécialisé dans les ramens et udon, je passais une commande à emporter qui, je le savais en tant qu’habitué, serait prête en quelques minutes. Défaisant mon nœud papillon, je me tournai vers la demoiselle.

« Veux-tu quelque chose ? »

C’était à mille lieues de l’endroit où nous étions quelques minutes auparavant, mais, c’était ce dont j’avais besoin actuellement : quelque chose de simple, de rapide, pour calmer mes nerfs qui en avaient fait bien assez depuis plusieurs jours.