Bae Yun Hua. Il y avait quelque chose avec cette fille. Rina ne savait pas quoi. Elle l’avait vu avec Yuto. Et non, si elle s’y intéressait, ce n’était pas une question de jalousie. Quelle idée ! Yuto était gay. Ou il l’utilisait pour cacher sa relation avec cette fille à son père ? Elle ne savait pas trop. Mais il y avait quelque chose, sinon il aurait déjà tenté quelque chose. La demoiselle avait besoin de savoir, ça l’intriguait. Et si ça avait un rapport avec Seito ? une enfant caché ? Parce que elle, elle avait déjà un enfant. OH. Et s’il était de Yuto ? Non, elle en doutait. Parce que le bébé s’appelait Roxas, et que c’était pas mal moche comme prénom, Yuto n’aurait pas laissé faire ça. Et s’il lui avait donné un prénom moche pour justement noyer le poisson ? Personne ne se douterait qu’il en était le père, puisque le prénom était moche. Ingénieux.

Cependant, pour répondre à ses questions, il fallait qu’elle lui parle. Comme ça. C’était pour son enquête avec Seito ! rien de bizarre, vraiment. Ça n’avait rien à voir avec Yuto, elle s’en persuadait. Alors elle avait un peu près suivi l’emploi du temps de la jeune Maman, à peine plus âgé qu’elle. Elle amenait son fils au parc Yoyogi à l’occasion. Chanceuse qu’elle était, de son appartement, elle voyant sur le parc. Elle n’avait qu’à l’attendre. Et espérer qu’elle passe dans son champ de vision du parc. Au moment où elle regardait. Elle devait lui parler. Devenir son amie. Pour de faux. Les jumelles en main, elle observa le parc avec attention. Allez. Avec un peu de chance, c’était aujourd’hui sa chance ! Et quand elle l’aperçut, Rina sut qu’elle avait ses dieux avec elle. Jetant ses jumelles sur son lit, elle fila dans l’entrée pour enfiler ses chaussures et sa veste. Elle ne devait pas la manquer ! Courant jusqu’au parc, elle tenta de la retrouver. Rina la voyait ! Assise là-bas, sur ce banc. Parfait.

Avançant rapidement, elle se permit de s’installer directement à côté d’elle sur le banc, encore essouflé par sa course. Elle devrait se remettre au sport. « Ah, excuse-moi, je peux m’asseoir ? Je me faisais… Courser par un détraqueur sexuel. » Oui, bien. Bonne idée. Stupide. Bon, au moins, la conversation était engagée. Souriant légèrement à la demoiselle qu’elle n’aimait pas sans savoir pourquoi, elle tenta de trouver un autre sujet et son regard se posa sur le bébé. « Oh ! Il est trop mignon ! » Mensonge. Il était moche, comme tous les bébés. « Il s’appelle comment ? » Ne pas hurler quand elle dira Roxas, confirmer la chose rendait ça encore plus abominable. Elle ne savait même pas si elle allait survivre. « Il est à toi ? Enfin, t’as l’air jeune. » Yuto l’était aussi. Et il était définitivement trop immature pour avoir un bébé. Elle espérait qu’il n’était pas de lui. De tout son cœur.

Tenue ♔ Un an. Cela faisait déjà un an que Roxas avait vu le jour, que j’avais passé des heures à hurler de douleur pour pouvoir lui donner la vie. Un premier janvier, si ça c’était pas le comble, encore plus quand on savait où j’avais passé le réveillon, avant que le destin n’ait subitement décidé de me jouer un autre tour grandiose. Je n’en revenais pas, les mois étaient passés si vite, le bambin avait tellement grandi, il marchait aussi à présent. Autant dire que son père – brièvement de passage pour son anniversaire – et moi avions été surpris face à cet élan soudain, première étape de l’émancipation de notre enfant. C’était exagéré, assurément, mais cela faisait drôle de voir le petit bout de chou se dresser sur ses pieds, fièrement, pour partir explorer le monde, enfin, l’autre bout du salon. Si on ajoutait à cela le fait qu’il connaissait désormais une quinzaine de mots, qu’il savait notamment dire « maman » et « papa » en identifiant exactement les personnes auxquelles il adressait ces mots, on pouvait affirmer qu’il grandissait bien et qu’il s’épanouissait aussi. La pédiatre avait été plus que ravie lors de la dernière visite et se réjouissait de voir que l’enfant se portait bien, et je n’étais pas peu fière quand il avait su ajouter à son lexique deux-trois mots coréens pour peaufiner le tout. J’étais fière, cela allait sans dire, et c’était sans doute ce qui expliquait pourquoi je le regardais à présent avec tendresse, le cœur déchiré. Car si Roxas se portait à merveille, ce n’était pas mon cas, et je n’avais pas eu besoin de dire quoi que ce soit pour que le père de ce dernier s’en rende compte. Quelques explications sur mes craintes qui planaient sur le bébé et sur mes propres problèmes, la décision était finalement tombée comme une sentence : Roxas partait le lendemain à Osaka pour une durée indéterminée, le temps qu’il faudrait pour que je me reprenne en mains. Rien que ça.

Comme à mon habitude, je m’étais rendue au parc, où j’aimais me promener avec Roxas pour me changer les idées, sans manquer de surveiller les environs avec ma paranoïa familière. C’était peut-être l’un des derniers instants que je savourais seule avec lui, et j’avais déjà vu le regard de son père peu rassuré à cette idée. Mais il avait des affaires à régler en ville, je n’avais pas les détails et avait consenti à ce que je ne reste pas enfermée durant ce temps, car j’avais soulevé le fait que ça pourrait me rendre folle. Ouais, on en était réduits à ça, c’était triste. Le bambin lui, n’avait aucune idée de toute l’agitation qui l’entourait, il était juste content de pouvoir se faire promener en poussette par ce froid et appréciait la balade. Je m’étais posée sur un banc sans trop me poser de questions, profitant du fait qu’il s’était décidé à faire la sieste, emmitouflé dans ses vêtements chauds. Ça me donnait du temps pour réfléchir, ce qui pouvait être à la fois une bonne et une mauvaise chose. Cependant, ma réflexion fut rapidement coupée par l’apparition soudaine d’une jeune femme à mes côtés, essoufflée, comme si elle venait de faire la course de sa vie. Il y avait peut-être des gens encore plus bizarres que moi. Un détraqueur sexuel ? J’arquai un sourcil, sceptique, scrutant les environs et m’interrogeant même sur l’existence du mot « détraqueur » en dehors de l’univers d’Harry Potter. Mouais. Tout ce que j’espérais c’était qu’il ne s’agissait pas d’une espionne envoyée par Monsieur Hashimoto pour me faire des menaces plus explicites. Chose qui prit davantage forme dans mon esprit à l’entente de ses questions. Et en plus, elle venait de le réveiller. Nice. « Merci. Et maintenant il est énervé, haha, plaisantai-je, dents serrées, en prenant le bambin dans mes bras pour essayer de le calmer, il s’appelle Roxas. ». Un nom peu commun, elle pouvait grimacer, j’avais l’habitude. Je me moquais de ce que les gens pensaient de son prénom – en espérant que ça ne le poursuive pas plus tard – moi je l’aimais bien, son père aussi, point. Heureusement, Roxas était de plus en plus accommodant et il suffit de dix secondes pour qu’il redevienne calme. En dévisageant l’inconnue, un nouveau visage qu’il n’avait pas encore vu et qui suscitait la curiosité. Evidemment. « Oui, oui c’est le mien. Je sais, c’est pas très répandu d’avoir un enfant à mon âge, mais bon, les circonstances de la vie, hein. ». J’avais raconté cette histoire trop de fois, je n’avais pas envie de m’étendre sur le sujet, les gens de l’université me rappelaient déjà comment on voyait la chose avec leurs regards emplis de jugement. Si elle venait répéter ce schéma, elle pouvait passer son chemin, je n’avais pas besoin de ça, encore moins maintenant. « On dirait que tu as réussi à le semer. Le « détraqueur ». Si besoin, je connais deux-trois reprises s’il revient. », proposai-je en haussant les épaules. Si elle était sincère – ce dont je doutais à cent pour cent – je ne pouvais pas laisser ma psychose m’empêcher d’aider une demoiselle en détresse si besoin.