Je suis là, accroupie au sol, toute tremblotante, les mains contre les oreilles, comme si je n’avais aucune envie d’entendre le moindre son extérieur, ressemblant presque à une autiste. Je suis terrifiée, terriblement effrayée. Je suis tellement angoissée que mon corps réagit tout seul, je ne peux plus le contrôler. Chaque partie de mon corps se crispe, tremble et mon cœur ne cesse de palpiter à une allure affolante. J’en ai presque des sueurs. Je ne sais pas vraiment ce qu’il se passe, je suis noyée dans un sentiment effroyable, de crainte, de peur, d’anxiété aussi. Je perds totalement pied. Mon esprit n’est plus là, j’ai l’impression de ne plus appartenir à mon corps, d’être ailleurs, dans un autre monde, un monde tout aussi menaçant que la réalité. Des images s’élèvent en moi, me traversant l’esprit à l’allure d’un train lancé à pleine vitesse, me brutalisant l’esprit, et l’âme, ouvrant d’anciennes cicatrices si douloureusement enfermées pendant tout ce temps. Je me revois à l’école, au collège et même au lycée. Je me revois seule avec mes crayons, dans un coin sombre de la cour de récréation, fuyant la population, les autres ou encore enfermée dans les toilettes, regardant au-dessus de ma tête, avec une grande crainte qu’on me surprenne en train de me cacher ici. Je revois ces filles s’approchant de moi, avec leurs sourires mesquins, provocateurs, intimidants, et moi, tremblante comme une feuille, sachant ce qu’il va se passer par la suite, connaissant le scénario par cœur.  Je revois ses mains s’abattre sur moi, toutes ces choses jetées sur mo, et moi, subissant simplement et ne pipant mot. Je me revois penser que je le mérite sûrement, que c’est certainement de ma faute, que je dois accepter cela, que je ne dois rien dire à personne, que personne ne peut m’aider, que je suis seule avec ce secret. Mon passé resurgit en moi, me giflant, me rendant si vulnérable. Moi qui ne voulais plus jamais y repenser, moi qui ne voulais plus ressentir cette horrible douleur que d’avoir été pendant si longtemps malmené, et bien j’ai échoué. Il est revenu me hanter, me faire du mal sans même que je ne sois immunisée, sans même que je ne puisse contrer cette attaque surprise. Alors, forcément, je suis angoissée, énormément angoissée, une énorme boule d’angoisse s formant en moi, comme une maladie incurable. Et tout ça, ça a commencé à cause de ces hommes . . .

Quelques minutes avant. Les écouteurs dans les oreilles, je marche tranquillement dans la rue, vide d’une quelconque présence humaine, pour le moment. Je sors d’une journée plutôt épuisante et pour me détendre, j’ai décidé de prendre un peu l’air, à l’extérieur, profitant de la fraicheur de la tombée de la nuit, inspirant l’air pollué qui traverse mes narines. Certes, je connais mieux comme endroit pour se détendre, mais en même temps, je ne suis pas dans une ville où l’air est pur et non pollué, avec énormément de verdures, au contraire, je pense être dans la pire ville du pays. Mais bon, lorsque l’on souhaite réussir dans sa vie, être dans une bonne école, avoir la chance de connaître ce qu’est que la vie étudiante, une vie dynamique, cette ville est certainement la meilleure, alors autant mettre de côté pendant quelques temps ces moments de bien être, à respirer l’air de la montagne. Bref, en tout cas, je continue ma marche, paisiblement, sans même me rendre compte que l’on me suit depuis quelques secondes déjà. C’est uniquement lorsque je sens des mains qui m’attrapent brutalement et me pousse dans un coin que je comprends que je n’étais pas si seule que ça dans la rue. Je n’ai pas le temps d’ouvrir la bouche, de me questionner ou même de penser, qu’une gifle s’abat sur moi, repartant aussi vite qu’elle n’était venue. Je reste ébahie, choquée, n’osant même pas regarder les personnes en face de moi. Très vite, mon cerveau s’alarme, me commande de fuir rapidement et le plus vite possible. Je tente de me relever, pour fuir, mais mes jambes sont trop faibles et tremblotantes pour que je puisse tenir plus de 5 secondes debout. J’entends alors deux voix qui me crient dessus, qui me menacent et je comprends par le son de la voix que ce sont des hommes et que je suis clairement en danger. Je ne sais pas pourquoi est-ce qu’ils m’ont pris comme cible, sûrement ont-ils besoin de se défouler un peu et qu’étant seule, ils en ont juste profité. Je ne vois pas pour quelles autres raisons ils en seraient venus à me prendre de la sorte et à être si violent avec moi. Je ne semble pas les connaître et puis, de toute façon, je n’ai pas d’ennemis, en tout cas, je ne pense pas en avoir ici. Très vite, je sens un taux de violence assez haut qui émane de ces deux hommes et je finis par avoir peur, par avoir très peur même. J’ai l’impression de vivre soudainement des scènes de mon passé et c’est avec une certaine angoisse que je m’accroupie, comme pour me protéger, et que les images du passé refont surface, un à un, m’enfermant dans une bulle, telle une autiste perdue dans ses pensées.

Voilà donc comment j’en suis arrivée là, presque assise au sol, les mains sur les oreilles, le corps tremblant comme une feuille. Les mêmes pensées que celles du passé reviennent en moi, je suis seule . . . personne ne viendra m’aider, personne ne sera là. Je suis complètement seule.

   
   Hyo Jin & Keisuke
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Je suis tellement tétanisée sur le coup que je ne me rends pas immédiatement compte qu’un autre individu est arrivé, pour certainement venir à mon secours. Je ne comprends rien, je ne vois rien, je suis dans une sorte de bulle, enfermée là-dedans pour me protéger, pour essayer d’éviter cette réalité qui m’angoisse au plus haut point. Après quelques secondes, je finis par ne plus rien entendre, plus de bruit, plus de cris, je ne reçois plus non plus de coups, plus rien, le silence complet. C’est étrange ce silence. Je lève légèrement les yeux, toujours aussi apeurée, et constate qu’un autre homme est là et que les deux autres ont déguerpi. Est-ce que lui aussi compte me faire du mal ou est-il là pour m’aider ? J’ai difficilement du mal à croire qu’une personne puisse m’aider, dans le passé, personne ne le faisait et au contraire, quand certains partaient, d’autres revenaient à la charge, c’était à n’en plus finir. Mais étrangement il émane quelque chose de cet individu, quelque chose de sécurisant. Mes tremblements diminuent progressivement, ma peur restant tout de même présente. Je fais quand même un pas en arrière et fronce des sourcils lorsque cet homme, cet inconnu prononce mon prénom. Est-ce que je le connais ? Comment connait-il mon prénom ? Pourquoi a-t-il l’air si surpris de me voir comme s’il ne s’attendait pas à me voir ici ? Levant un peu plus les yeux, je finis par scruter le visage de cet homme, analysant chaque parcelle de sa peau, pour tenter de plonger dans ma mémoire et retrouver ce visage qui me paraît inconnu, mais pas tant que ça. Je doute l’avoir déjà croisé à l’école, tout comme je doute lui avoir adressé la parole, il ne peut pas non plus être un ancien élève de mon école ou encore de mon collège ou lycée. Alors qui est-il ? Je n’ai besoin que d’une fraction de seconde pour soudainement avoir une image floue, très floue, d’un petit garçon, à mes côtés, dans le bac à sable, quand tout était rose pour moi. Ce petit garçon fut mon tout premier ami et le seul pendant des années. Jamais, ô grand jamais, je n’ai oublié ce garçon. Bien sûr, mes souvenirs de cette époque sont biaisées, floues, voir inaccessibles, mais il y a une chose que je n’ai pas pu oublier, c’est qu’à une période, je l’ai eu comme ami. « Keisuke ? » dis-je dans un petit murmure, relevant complétement les yeux, tombant à la renverse, sous le choc. « C’est bien toi ? ». J’ai du mal à réaliser que c’est lui, et si je me trompe ? C’est tout de même étrange qu’après tant d’années je le retrouve, lui, au Japon, dans une telle situation, dans un lieu si improbable.

Oubliant presque la scène précédente et oubliant ma peur, je finis par lui sauter au cou, automatiquement, ne pouvant m’empêcher d’agir de la sorte. En plus d’avoir été sauvée, je retrouve un ami de longue date. « C’est vraiment toi ? » dis-je en pointant mon doigt sur sa peau pour vérifier qu’il est bien en chair et en os. « C’est tellement . . .  wouah . . . je veux dire, je ne m’y attendais pas . . . ça fait tellement longtemps . . . et puis dans un tel moment c’est . . . » vraiment bizarre, mais incontestablement bizarre. Les mots se perdent dans ma bouche, dans mon esprit. J’ai vraiment du mal à réaliser que c’est lui. « Comment tu as su ? Je veux dire on était si jeune . . . alors comment tu as su que c’était moi ? ». Je le regarde, les grands yeux ouverts, la main serrée contre mon porte bonheur, porte bonheur signifiant beaucoup et évoquant l’amitié de cette époque si lointaine.

   
   Yeo Jin & Keisuke
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J’ai vraiment du mal à réaliser la situation actuelle. C’est tellement quelque chose d’improbable, comment se fait-il qu’après tant d’années j’ai la chance, la possibilité, de revoir cet homme à des kilomètres de là où nous nous sommes rencontrés la première fois. Quel pourcentage y at-il de revoir un ami après tant d’années et en plus sur un tout autre territoire ? Il y a des choses parfois qui sont quelque peu inexplicables, qui arrivent sans que l’on ne puisse avoir le moindre pouvoir là-dessus. C’est totalement impressionnant, bouleversant et c’est peu dire. Je ne sais même pas ce que je dois penser de tout ça, ou même ressentir, je suis totalement bouleversée, mais très heureuse aussi de retrouver cet ami de longue date. Je m’éloigne donc un peu de lui, après avoir été un peu trop impulsive en lui sautant au coup, et lui fais un grand sourire, rassurée que cela soit bel et bien lui. Je n’ai pas sauté au cou d’un inconnu, loin de là.  Je rougis un peu face à cette question totalement justifiée. Il est vrai que cet objet, si précieux à mes yeux, date et que pour un porte-bonheur, il ne ressemble pas à grand-chose, il y a franchement mieux comme porte bonheur. Beaucoup de personnes ont remarqué cet objet quelque peu étrange et beaucoup m’ont demandé de changer, mais je n’ai jamais voulu changer de porte bonheur et je ne pense pas changer de sitôt. Je ne sais pour quelle raison mais il a toujours eu une connotation très forte pour moi, il a toujours véhiculé quelque chose de fort, ne pouvant ainsi me résigner à le jeter. J’ai pris l’habitude, au fil des années, de le conserver toujours à mes côtés, ne pouvant le lâcher une seule journée. Je ne sais donc comment lui dire que c’est mon porte-bonheur depuis que je l’ai rencontré et que je ne peux encore me résoudre à le laisser tomber, que j’ai besoin en permanence de cet objet et que cela m’a de nombreuses fois donné du courage pour survivre dans cette jungle, me battant contre la solitude. « Oh et bien . . . », je me gratte un peu les cheveux, gênée par ce que je risque de répondre. « Disons qu’il signifie beaucoup de choses pour moi et qu’il est mon porte bonheur depuis le début, j’ai du mal à m’en séparer, c’est con hein ? » dis-je en baissant les yeux. Je ne voulais pas le dire, mais je ne peux pas donner d’autres explications, je ne peux dire que je l’ai comme par hasard. « C’est marrant que tu t’en souviennes, ça fait tellement d’années que je pensais être la seule à m’en souvenir ! Tu l’as toujours toi ?». Non je ne veux pas du tout me rassurer en sachant qu’il l’a toujours, après tout, s’il ne l’a plus, je comprendrai totalement, après tout ce n’est qu’un bout de canette, qui le conserverait pendant des années, à part moi.

Je suis tellement surprise de le voir que j’en avais oublié la scène précédente, j’hoche négativement de la tête quand il me demande si je connaissais les deux hommes qui m’avaient agressé. J’aurai peut-être préféré répondre positivement puisque je n’ai aucune idée de la raison de cette agression. Et puis, de toute manière, je ne connais pas grand monde, en tout cas pas de personnes ayant des raisons d’être aussi violentes avec moi. « Non je ne les connaissais pas du tout, en tout cas je ne pense pas les connaître » dis-je en frissonnant un peu, juste à l’idée d’y repenser. « Je ne sais même pas pourquoi ils m’ont agressé, je ne comprends pas . . . heureusement que tu es venu à temps, je ne sais pas comment j’aurai pu m’en sortir . . . » et encore, c’est peu dire, j’aurai sûrement fait une crise d’angoisse avant même d’être réellement blessée. « Je suis désolée . . . tu as certainement perdu ton temps à venir à mon aide, et puis . . . tu as sûrement autre chose à faire ». Certes j’aimerai bien rester un peu en sa présence, savoir ce qu’il est devenu, mais il n’a sûrement pas le temps pour ça.

   
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Je suis agréablement surprise de savoir que lui aussi, il a encore cette petite chose, pourtant si démodée. En général les personnes préfèrent jeter ce qui est totalement inutile, ce qui date, préférant le renouveau au passé. Ce qui est compréhensible car après tout le passé peut être parfois désagréable à s’en souvenir, faisant raviver des blessures internes. Mais fort heureusement, le passé n’est pas que douleur et désillusion, il peut être aussi fortifiant, donnant de l’espoir parfois. Il est vrai que mon passé est à oublier, mais ma rencontre avec Keisuke est quant à elle inoubliable, marquée dans ma mémoire, à vie. C’est pathétique et enfantin, je le conçois mais qu’importe, son souvenir m’a permis de survivre dans ce monde, et il me le permet encore alors quand quelque chose me tient à cœur et me permet de m’élever je ne peux pas l’oublier. « Oh je suis rassurée de voir que je ne suis pas la seule à tenir autant à cette petite chose, j’avoue que je craignais que tu ne l’ais jeté, mais je suis rassurée. Je me sens moins seule à conserver des trucs du passé inutiles à première vue . . . m’enfin je peux t’assurer que ce cadeau m’a de nombreuses fois porté chance ! » dis-je avec un petit clin d’œil, comme là par exemple. Je l’avais sur moi, le serrant contre moi, et il est arrivé. Bien sûr je ne dis pas que je crois en ce genre de chose, qu’un petit objet puisse réellement apporter de la chance, mais c’est bien d’y croire de temps en temps.

Je me sens plus soulagée quand il me dit qu’il n’avait rien de prévu, enfin qu’à la base il se dirigeait juste vers un lieu pour acheter des bières. Je sourcille un moment tout en me demandant quel type d’homme il est devenu. Non pas que le mot bière évoque en moi des connotations négatives, mais c’est juste que je me pose soudainement la question. C’est vrai après tout, tant d’années se sont écoulées, lui comme moi, nous avons changé. Nous ne sommes plus ces êtres innocents à qui la vie semblait sourire, maintenant nous sommes différents, mais jusqu’à quel point ? Je suis curieuse d’en apprendre plus sur lui. J’ai bien envie de conserver un certain contact avec lui, discuter avec lui, bref faire ce que des amis feraient. Je sais que nous venons tout juste de ‘’nous retrouver’’ et que nous sommes peut être très différents, que tous les deux au final nous ne pouvons être qu’amis du passé, mais cela ne m’empêche pas de vouloir en savoir plus sur lui. Je sursaute quand lui-même il en vient à me proposer de venir avec lui, histoire qu’on se découvre, l’un et l’autre. Un grand sourire se dessine sur mes lèvres, heureuse d’entendre une telle proposition. « Je crois que tu lis dans mes pensées car j’allais justement te suggérer ça, donc je suis partante, allons donc prendre quelque chose, posons-nous et discutons ! Je t’avoue que je suis bien curieuse de savoir qui est devenu mon ami d’enfance ! ». Je me redresse convenablement et lui fais un grand signe. « Allez je te suis parce que je t’avoue que je ne m’y connais pas trop, enfin je suppose que tu dois mieux connaître les endroits que moi . . . ou pas ». C’est vrai que je ne sais pas du tout s’il est au Japon depuis longtemps ou pas, s’il est comme moi encore étranger à cette ville ou pas. « Ça fait combien de temps que tu es ici ? Je veux dire au Japon et à Tokyo aussi ? » Dis-je en emboîtant ses pas.

   
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J’acquiesce doucement quand il me dit qu’il connait bien le quartier. Il ne doit sûrement pas être nouveau dans cette ville, il doit même y être depuis qu’il est parti de Corée et mes doutes se confirment lorsqu’il me dit qu’il est venu ici vivre avec sa mère. Contrairement à moi, lui il n’est pas nouveau dans cette ville, en même temps, il est de nationalité japonaise alors ça se comprend. Sa mère a sûrement voulu retrouver ses racines, tout comme lui, et qui est normal. On finit tous par revenir à nos racines un jour ou l’autre, ou du moins on est curieux de connaître nos racines, que l’on ait été adopté ou non, il y a toujours de la curiosité quand cela concerne nos véritables origines. Enfin bref, en tout cas maintenant je sais pourquoi il est parti du Japon. Certainement que je l’ai toujours su, mais je ne m’en souviens malheureusement pas, j’étais trop jeune à cette époque pour me souvenir de tout, c’est déjà un miracle que je me souvienne de son prénom, il ne faut donc pas trop m’en demander. Ma mémoire n’est pas si parfaite que ça. « Et tu te plais ici ? ». Je ne sais pas pourquoi j’ai posé cette question qui me semble au final totalement stupide. Il ne peut sûrement pas comparer sa vie en Corée et celle qu’il a désormais ici, il n’avait que deux ans, en deux ans on ne peut pas réellement voir les bons comme les mauvais côtés d’un pays. « Enfin je veux dire . . . est-ce que la ville te plaît ? Tu n’aimerais pas vivre autre part parfois ? ». Je tente de rattraper le coup. En même temps cela m’intéresse de savoir si sa vie lui plaît. Je ne lui demande pas s’il est heureux, mais en tout cas s’il aime bien vivre ici. Il faut dire que Tokyo est une ville intéressante, proposant de nombreuses distractions, mais il y a peut-être mieux que cette ville, au Japon en tout cas. Peut-être qu’il a envie de quitter cette ville pour voir autre chose, je ne sais pas.

Je ne réponds pas immédiatement à la question qu’il me pose lorsque nous arrivons à destination et me contente de le suivre au rayon bière, scrutant avec une certaine attention les diverses marques. J’avoue que je ne suis pas une grande buveuse d’alcool, et à vrai dire, je n’y connais pas grand-chose dans les boissons alcoolisées, en tout cas pas encore, donc je ne sais pas vraiment si j’aime ou si je n’aime pas la bière. Réfléchissant un moment, je fais une petite grimace et lui fais un petit sourire intimidé, « je peux t’avouer quelque chose, je ne m’y connais pas réellement en bière, alors je ne sais pas si j’aime ou si je n’aime pas, j’ai déjà testé une ou deux fois  . . . donc je ne peux pas réellement juger, mais prenons de la bière, je te suis ! ». Après tout, les coréens sont connus pour aimer la bière non, alors autant que je fasse honneur à mon pays. Après avoir pris ce que l’on devait prendre, prenant par la même occasion quelques petits encas pour accompagner les boissons, je finis par revenir sur sa question précédente. « Oh et pour te répondre, je viens tout juste d’arriver ! Enfin disons que je suis là depuis quelques années mais Tokyo m’est encore inconnu ! C’est une grande ville, assez impressionnante.  J’ai l’impression d’être une petite fourmi perdue dans sa fourmilière. J’espère que je vais rapidement m’y faire, avec mon sens de l’orientation je risque de me perdre facilement » dis-je en riant, tout en m’imaginant perdue au fin fond d’un quartier malfamé. Que d’aventure !

   
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Je hoche bêtement de la tête lorsqu’il me précise qu’il n’a pas les moyens d’aller ailleurs. J’aimerai lui demander pour quelle raison il n’a pas les moyens mais je sais pertinemment que c’est une question délicate et personnelle. Je viens à peine de le retrouver je ne peux pas lui poser de telles questions si indiscrètes, même si la curiosité me donne envie de le questionner là-dessus. Et puis, étrangement je me sens un peu bête à avoir de l’argent, à pouvoir voyager quand bon me semble sans me soucier des dépenses. Bien sûr, je ne suis pas du tout ce genre de femme qui va claquer son argent comme si de rien n’était, et cela ne se voit même pas. Il faut dire que dans ma tête c’est ma mère et mon beau-père qui sont riches et non moi, donc je ne me considère pas comme une fille riche. Enfin bref, je ne préfère rien dire là-dessus et me contente de lui donner un sourire compréhensif. J’ai peur que si je lui dis que moi, c’est tout le contraire, il risque de le prendre mal et puis je n’aime pas quand mes amis savent que je suis riche car j’ai toujours l’impression que si eux ne le sont pas, ils risquent de se sentir inférieurs à moi ou même d’en abuser, donc je ne préfère rien dire là-dessus et le suis simplement.

Il semble si connaître en bière mais n’étant pas une experte en la matière je ne suis pas bien placée pour être certaine de ce que j’avance. J’espère qu’il n’est pas devenu alcoolique. Non pas que cela changerait quelque chose à notre, peut-être, future relation amicale, mais je me connais, je vais vouloir l’aider si tel est le cas. Je ne peux néanmoins pas faire de préjugés. Ce n’est pas parce qu’il a choisi immédiatement que je me dois de penser qu’il est accro à la bière, c’est infondé. La conversation dévie finalement sur moi et sur mon étrange réponse. J’avoue que ma réponse n’était pas très claire et portait même à confusion. Je ne sais pas comment lui expliquer, sans tout avouer, que j’étais juste enfermée dans la maison de ma mère, ne sortant jamais le bout de mon nez, jusqu’à ce que je puisse m’endurcir et enfin affronter le monde, et que ce n’est donc que très récemment que je suis sortie de mon antre. « Hum . . . oui je ne suis arrivée que récemment à Tokyo, mais je suis au Japon depuis 3 ans je crois, je ne sais plus vraiment, le temps passe trop vite. Donc c’est pour ça que je me sens un peu perdue dans cette grande ville ! ». Pourtant j’en connais des grandes villes, comme Séoul par exemple, mais ce n’est pas la même langue, la même culture, même si c’est très proche donc c’est légèrement plus angoissant pour moi. Lorsque nous arrivons à la caisse, Keisuke est plus rapide que moi et paie la nourriture. Je sais que l’homme doit souvent payer pour la femme, mais bon en vue de ce qu’il m’a dit tout à l’heure, je doute qu’il ait énormément d’argent, mais bon, ce qui est fait, est fait. Je souris lorsqu’il écrit son numéro de téléphone derrière le ticket de caisse pour me le donner. Je trouve ça terriblement mignon et puis, cela veut bien dire qu’il souhaite me revoir, que l’on renoue notre amitié, ce qui est aussi mon cas. « Oh merci ! Je vais immédiatement le noter et t’envoyer un sms pour être certaine de ne pas le perdre et pour que tu l’ais aussi ». Je prends immédiatement mon téléphone et note sur numéro. Au moins je suis certaine de l’avoir. « Tu risques de regretter de me l’avoir donné car maintenant, je pourrai t’appeler pour qu’on se voit de temps en temps, histoire de rattraper le temps perdu » dis-je en faisant un clin d’œil.

Après avoir payé je sors donc et lui propose de s’asseoir dans un coin tranquille, en hauteur pour boire et manger tranquillement. Je finis par trouver le lieu idéal et m’installe sur un perron. C’est la première fois que je m’installe de la sorte pour manger et boire avec un ami. Je ne sais pas pourquoi mais je trouve ça agréable. « Tu fais souvent ça ? Te poser quelque part pour manger et boire ? ».

   
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C’est étrange de me dire que j’ai peut-être, sans avoir encore confirmation et sans vouloir me précipiter, un ami sur qui je peux compter. Le fait d’avoir son numéro et de pouvoir le contacter quand je le souhaite, sans restriction, est une idée qui ne me déplait pas du tout, au contraire, j’ai l’impression de découvrir un tout nouveau monde. Penser ainsi peut paraître étrange mais ça ne l’est pas pour moi, je n’ai jamais eu le moindre numéro, en tout cas pas d’amis, je n’ai jamais pu appeler des individus juste pour discuter et je n’ai jamais demandé de l’aide à qui que ce soit, ne comptant que sur moi-même alors forcément j’ai l’impression qu’un tout nouveau monde s’est ouvert à moi. Je me sens donc toute excitée à l’idée d’ajouter un numéro, d’ami qui plus est, dans mon répertoire mais je n’ose pas lui confier cette joie intense qui me traverse, il risque de me prendre pour une fille bizarre ou quelque chose dans le genre et je n’ai pas envie de le voir fuir à toute allure. Ça serait bête de le perdre de nouveau alors que je viens tout juste de le retrouver. Je me contente donc d’hocher de la tête, avec un grand sourire, heureuse d’avoir le numéro de mon ami. « Oh je vois, mais c’est peut-être plus marrant de profiter de l’air extérieur, enfin tout dépend des conditions météos ». A vrai dire si je dis cela c’est parce que j’ai eu l’habitude de rester perpétuellement dans ma chambre, ne sortant que très rarement donc forcément il n’y a rien de mieux à mes yeux qu’une sortie extérieure, accompagnée d’une personne. J’ai tellement vécu dans une petite pièce confinée que j’ai besoin désormais de prendre l’air assez régulièrement. On ne se rend pas toujours compte mais le fait de rester dans une chambre pendant un certain nombre de jours et d’heures, ça finit par rendre dingue et par rendre la personne à la limite de la déprime. Heureusement qu’il n’a pas proposé d’aller chez lui, certes cela ne m’aurait pas dérangé mais je préfère, pour le moment, être dehors.

Prenant une canette de bière, assez timidement, j’écarquille les yeux face à la rapidité qu’il a de boire sa bière. « Daebak ! » dis-je instinctivement. Ça se voit qu’il est habitué à en boire ou alors c’est juste moi qui suis totalement inexpérimentée dans le domaine. « C’est que tu sais boire ! ». Ce n’est pas un reproche, pas du tout, ça peut même être considéré comme un compliment de ma part. Je souris quand il me dit que mon visage n’a pas changé, pourtant j’ai bien changé. Enfin je veux dire que je suis devenue plus femme, je l’espère en tout cas, mais quelque part je me dis qu’heureusement que mon visage n’a pas changé car il ne m’aurait sûrement pas reconnu, pas de suite en tout cas. « Je ne sais pas si je dois bien le prendre ou pas, mais ça me fait plaisir car ça veut dire que tu as bonne mémoire et que j’ai marqué ton esprit ». Bien sûr je dis ça pour le taquiner car moi-même je me souviens parfaitement bien de lui comme si c’était hier, ce qui est assez étrange car je me souviens rarement des visages, surtout dans mon enfance. Ce sont des souvenirs assez flous et je n’étais qu’une enfant à l’époque néanmoins le concernant, les images le concernant, elles sont restées dans ma mémoire. « Hum . . . oui j’étudie le stylisme et un peu le mannequinat, je suis en 3ème année à Royal Private School, tu connais ? Et toi qu’est-ce que tu fais ? Tu étudies ? Tu travailles ? ».

   
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Je fronce des sourcils, prenant un faux air de contrarié. Comment ça ma petite ? Je vais bientôt avoir 21 ans, je ne suis pas si petite qu’il ne semble le dire, mais j’avoue que dans certains domaines je suis encore bien immature. Quoique à bien y réfléchir, ce n’est pas de la maturité que de savoir boire, c’est plutôt avoir déjà goûté à l’alcool, il y a des personnes qui ne touchent pas à un seul verre dans toute leur existence, à croire qu’ils n’ont jamais été en groupe, influencé par celui-ci pour boire au moins quelques gouttes. Ceci dit je ne peux pas encore lui dire que je n’ai jamais eu d’amis, me faisant battre par mes camarades de classe et je peux encore moins lui dire que je suis restée enfermer au Japon dans la maison de ma mère et de mon beau-père, essayant d’apprendre à être plus forte face à l’adversité. Je ne veux pas encore gâcher un tel moment de retrouvaille, je ne veux donc pas parler de choses fâcheuses, mais je sais que je risque de lui en parler. Je ne sais pas pourquoi mais je me sens à l’aise à ses côtés alors qu’on vient tout juste de se retrouver. « Yah ! Ce n’est pas parce que je n’ai jamais bu que je suis petite, Monsieur le connaisseur ! Et ne t’en fais pas, il faut bien un début à tout. Je vais forcément goûter un jour ou l’autre de la bière alors autant que ça se fasse aujourd’hui alors que je retrouve un ami de longue date » dis-je en faisant un grand sourire. Étrangement je préfère que ce début se fasse avec lui qu’avec une autre personne. Les autres personnes risquent de profondément se moquer de moi alors que là, je suis seule avec lui, et même s’il me taquine ce n’est pas bien méchant. De toute manière si j’avais été avec d’autres personnes j’aurai fait la fille qui s’y connait pour ne pas paraître ridicule aux yeux des autres, je pense avoir été assez ridicule comme ça dans ma vie. J’ouvre délicatement ma bière et goûte rapidement. Je souris face à la saveur si inattendue de la bière. Je ne m’attendais pas à un tel sentiment, c’est assez marrant et ce n’est pas si mauvais que ça au final, moi qui avais des appréhensions, ça va. « Hum . . . j’aime bien tu as fait un bon choix ». Je montre mon pouce pour affirmer ma déclaration.

Je ne savais pas qu’il avait des frères et sœurs ou alors je n’en ai pas souvenir. Peut-être que je les connais, ça serait assez marrant de me retrouver avec l’un d’eux, mais je doute, l’école est tellement grande et il y a tellement d’élèves qu’il est difficile de connaître tout le monde, surtout que je viens tout juste d’arriver, je ne connais pas grand monde même si mon champ de relation s’élargit au fur et à mesure. « Oh vraiment ? Ils s’appellent comment, au cas où ? ». Je souris en hochant de la tête quand il me dit que ce que je fais est sympathique, je ne peux que confirmer. J’aime beaucoup le stylisme et j’espère gravir rapidement les échelons. Ce ne sont pas des études faciles et la compétition est particulièrement rude. De plus en plus de jeunes souhaitent faire de telles études d’où le fait que cela commence de plus en plus complexe. « Tu t’y connais en mode ? Je t’avoue que même si j’adore ça, je ne m’habille pas toujours au grès de la mode, enfin ça dépend, mais je suis très régulièrement », en même temps ça serait compliqué de vouloir être stylisme sans suivre l’actualité mode. Quand il me dit qu’il est mécanicien, je ne sais pas pour quelle raison mais je souris comme une idiote. Je secoue la tête, chassant cette image néfaste de mon esprit. Oui j’avoue avoir imaginé un homme musclé, le torse nu, réparant des voitures. Pourtant un mécanicien n’a rien de très sexy, mais Keisuke n’est pas déplaisant alors forcément cette image m’est rapidement venue en tête. « Ahah, désolée. Je viens de t’imaginer torse nue, dégoulinant de sueurs, désolée » dis-je en baissant la tête, toute rouge. Je ne sais même pas pourquoi je lui dis ça, c’est sorti spontanément comme si je n’avais rien à cacher. « Enfin ça ne doit pas être un métier facile et très valorisant ! Et tu faisais quoi avant d’être mécanicien ? Tu as toujours voulu en devenir un ou c’est par dépit ? ». Je ne demande pas ça parce que je pense que le métier de mécanicien est souvent pris par manque de choix mais c’est qu’il est assez rare de trouver des personnes comme lui être déjà mécaniciens, à part si c’est dans la famille.

   
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Je hoche positivement de la tête en savourant cette saveur nouvelle que m’apporte la canette de bière. Je suppose que s’il me dit ça, ça veut dire qu’il y aura sûrement une prochaine fois n’est-ce pas ? Cela me rend heureuse de savoir que je vais peut-être pouvoir le revoir. De toute manière maintenant j’ai son numéro de téléphone alors je ne vois pas pour quelle raison je ne le reverrai plus, ça serait quand même stupide de perdre déjà contact après s’être tout juste retrouvés, « D’accord, je compte sur toi pour m’en donner une meilleure la prochaine fois ». Future alcoolique moi ? Pas du tout. Ceci dit si cela me permet de le revoir alors pourquoi pas recommencer et puis je me sens bien, c’est tout. Est-ce l’alcool qui me monte déjà au cerveau ? Non je ne pense pas, certes je n’en ai jamais goûté mais je pense que je suis immunisée un peu comme le fait d’être rapidement saoule même sans avoir jamais bu, c’est dans le sang coréen. Il me parle ensuite de son frère et de sa sœur, mais les prénoms ne me disent rien du tout, en même temps je ne connais pas grand monde. J’ai juste voulu faire comme s’il y avait une chance mais au fond je sais pertinemment que la chance est presque nulle. « Hum non . . . je ne connais pas. Mais je dois t’avouer que je ne connais pas grand monde », voire pas du tout mais autant ne pas le dire tout de suite.  Je souris en l’imaginant passer quelques minutes à trouver une tenue adéquate. Au moins il a le sens de la mode c’est bien. « Je suis sûre que même avec un sac de poubelle on peut faire quelque chose de bien » dis-je en faisant un clin d’œil. Bientôt la mode sac poubelle va sortir, sauf si c’est déjà le cas. En même temps quand je regarde parfois à quoi ressemble certains gros manteaux appelés des doudounes je me dis que c’est un peu la mode des sacs poubelles. Je ne dégrade pas ce concept, j’en ai moi-même une et puis ça tient chaud, c’est l’essentiel, mais il faut avouer que la texture, enfin la vision de ce type de vêtement donne à désirer à première vue. J’ai eu du mal à adhérer au concept avant de finalement me lancer et de ne pas regretter même si je la porte assez rarement.

Je rougis face à son rire me sentant un peu stupide d’avoir imaginé une telle scène et surtout de l’avoir explicité. C’est sorti tout seul. En même temps un homme mécanicien, sincèrement, ça donne des idées. Certes des idées un peu étranges, mais ça laisse libre court à l’imagination au moins. Je sens que je lui ai posé une question très indiscrète et je m’en veux d’avoir posé une telle question. Ça ne me regarde pas. Je ne sais pas pourquoi j’ai osé demander une telle chose alors que je n’aurai jamais dû. Pour moi, c’était une question simple, sans ambiguïté, en tout cas qui ne pouvait pas le gêner, mais il faut croire que je ne suis pas encore très douée dans l’art de converser avec quelqu’un. « Pardon . . . je ne voulais pas poser une telle question ! Tu n’es pas obligé de répondre, on peut passer à un autre sujet de conversation. Je ne sais pas pourquoi je t’ai demandé ça. Oublie ! Oublie ! » dis-je en chassant la question et le sujet d’un coup de main et essayant de réfléchir à un autre sujet. Je me sens soudainement très gênée et tente de regarder le ciel. « Il fait beau ! », aïe ! Mais pourquoi je suis si débile. C’est la chose la plus débile que j’ai pu dire depuis le début. En plus je peux même pas dire s’il fait beau ou pas parce qu’il fait nuit. Je rigole toute seule. « Je suis nulle désolée ! Je suis nulle pour les relances».

   
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Je ne sais vraiment pas où me mettre ni quoi dire face à ma question qui semble engendrer tout un problème. Je ne parviens même pas à rebondir, mon cerveau étant arrêté soudainement. Pourtant, il y a de nombreux sujets auxquels je peux faire appel pour me sortir d’un tel problème mais je n’arrive pas à formuler une phrase, même si les idées fusent dans ma petite tête je ne parviens pas à les formuler, pour une raison inconnue. En même temps c’est la première fois que je me retrouve face à une telle situation, devant changer de sujet assez rapidement sans savoir quoi aborder, craignant de faire la même erreur que précédemment. Je pense que c’est surtout ça j’ai peur de rebondir sur un sujet tout aussi gênant. Je baisse les yeux quand il me propose de marcher comme alternatif. Je me sens réellement mal et j’ai envie  de retourner quelques secondes en arrière, histoire de supprimer ma question de la conversation. Il va sûrement me dire qu’il doit partir, qu’il doit rentrer ou me donner une excuse pour échapper à ma question, mais il n’est pas obligé d’y répondre, enfin de toute manière, je n’ai plus envie d’avoir une réponse. Il faut que je trouve un sujet et vite. Quand il pointe du doigt le chemin qu’il désire emprunter, vers la tour de Tokyo qui s’impose au sein de la ville, j’hoche positivement de la tête. Est-ce que le fait de marcher jusqu’à là-bas indique qu’il ne va pas partir ? Je dois avouer que je me sens bien, pour le moment, en sa présence et que j’ai envie d’en profiter encore un peu. Je ne demande pas des heures entières, mais juste quelques minutes en plus, si possible. Cela fait tellement longtemps et puis je n’avais pas eu encore de tel moment avec un individu, donc autant en profiter n’est-ce pas ? « Je te suis » dis-je d’une toute petite voix. « Elle est magnifique cette tour tu ne trouves pas ?». Finalement je peux trouver un quelconque sujet.

Je me mets donc à le suivre, un peu en retrait, et hausse des sourcils lorsqu’il m’annonce que ce qu’il va me dire, il ne l’a dit à personne. Hein ? Pardon ? Comment ça ? Non mais il n’est pas obligé de me dire quoique ce soit, je peux comprendre s’il n’a pas envie d’en parler ou même que c’est délicat ou alors que je ne suis pas la bonne personne, c’est totalement normal. « Tu sais, tu n’es pas obligé . . . enfin je veux dire, je ne suis pas très douée pour les conversations avec les individus donc . . . si tu ne l’as dit à personne . . . Je ne veux pas que ça te gêne », ceci dit à ma grande surprise, Keisuke finit par parler, m’annonçant une chose assez surprenante. Je m’arrête quelques secondes mais continue rapidement de marcher, ne voulant pas perdre le rythme. Vraiment ? Il a voulu être une idole ? Jamais je n’aurai imaginé une telle chose. Certes cela date mais quand même, cela signifie qu’il est doué en danse ou en chant ou quelque chose dans le genre n’est-ce pas ? Je ne connais pas énormément le monde des idoles, ne m’étant jamais trop intéressée mais j’écoute de la musique, regarde des émissions de danse, bref ce genre de choses que tout le monde, à peu près, fait. « Woah ! » dis-je réellement impressionnée par cette nouvelle, « Tu voulais devenir chanteur c’est ça ? ». A vrai dire j’ai envie de lui demander pourquoi il n’y est plus mais c’est trop direct et je ne suis pas capable de formuler une telle question, craignant de poser encore quelque chose de délicat.

   
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Je suis impressionnée de savoir qu’il a été chanteur, même si cela ne semble pas avoir duré je n’aurai jamais imaginé un tel passé. Il est vrai que le domaine artistique tend à plaire de plus en plus aux personnes, que de plus en plus d’étudiants se lancent dans ce challenge risqué, mais c’est toujours surprenant de savoir qu’une personne a réussi à être trainee, même si ce n’est resté qu’à ce stade-là, semble-il en tout cas. Je ne connais personne autour de moi qui ai tenté, même une seule fois, des auditions pour être une idole alors autant dire que ça m’impression de savoir que lui, mon ami d’enfance, l’a fait. En plus de cela il m’annonce qu’il a été le chanteur principal. Je reste quelque peu surprise et cela se voit bien puisque ma bouche reste ouverte quelques secondes de trop. Je cache assez rapidement mon enthousiasme quand je constate que son visage est fermé et qu’une certaine tristesse s’y reflète. Je ne sais pas ce qui s’est passé pour qu’il arrête tout, pour qu’il cesse d’être dans de telles activités mais cela ne semble pas raviver de très bons souvenirs. Je fronce des sourcils, le laissant continuer, malgré la difficulté qui semble l’animer. Je hoche vigoureusement de la tête et me doute bien, avant même qu’il ne le dise, que la promesse n’a jamais pu aboutir. C’est souvent le cas dans les grandes ou même petites agences. Elles font des promesses, vendent du rêve aux jeunes, aux amateurs qui se voient déjà sur scène avec tout un tas de fans autour d’eux, à signer des autographes, à être conviés à de grands évènements et puis finalement le rêve devient un cauchemar, une illusion et le retour à la réalité devient difficile, presque insurmontable. Je pousse un long soupir de désespoir imaginant à quel point cela a dû être difficile pour lui. Je m’arrête quelques secondes, me mets face à lui et dépose mes mains sur ses épaules en lui faisant un sourire et en tapotant un peu son épaule, l’air de vouloir le consoler. Je ne sais pas vraiment comment agir, je ne suis franchement pas très douée avec les relations humaines. Je ne sais donc pas réellement ce que je dois faire ou même dire, alors je me contente, pour l’instant de lui faire un grand sourire rassurant. « Je ne sais pas ce que ça peut faire réellement car je n’ai jamais été dans une telle situation mais je ne peux qu’imaginer à quel point ça n’a pas dû être simple pour toi de retourner dans cette réalité alors que l’on t’avait bercé de tant d’espoirs, de tant d’illusions . . . ça n’a pas dû être facile et je peux comprendre que ça soit encore difficile pour toi d’en parler ». Je pense qu’il m’en a déjà dit beaucoup, même si je n’ai pas tous les détails, de comment ça s’est passé pour lui par la suite, comment les autres membres ont réagi et toutes ces petites informations qui doivent être encore compliquées à dévoiler pour lui, mais ce n’est pas grave, c’est déjà beaucoup. « Je pense que tu as sûrement pris la bonne décision en partant, surtout que l’agence allait vous laisser tomber à un moment donné. Tu as déjà été très courageux de partir de toi-même, n’attendant pas encore et encore sous l’emprise de l’espoir. Ça fait longtemps, très longtemps qu’on ne s’était pas vu mais je suis heureuse de te rencontrer de nouveau avec une telle mentalité. Même si ça semble encore difficile pour toi . . . mais . . . tu n’as jamais retenté d’auditions par la suite ? » Dis-je intimidée de poser une telle question, ne sachant pas vraiment si elle est déplacée ou non.

   
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Je suis heureuse de constater que Keisuke semble quelque peu rassuré par mes paroles surtout que je ne suis pas très douée pour ce type de situation et qu’en vérité je n’ai jamais eu affaire à ce genre de malaise. Je suis tout de même heureuse que Keisuke ait pu se confier à moi, me montrant quelque part à quel point notre amitié, même si elle date, est toujours intacte et présente. Je me sens alors soudainement moins seule dans cette ville si grande et inconnue et je sais que désormais j’ai un ami sur qui je peux compter. Je laisse m’étreindre pendant un moment et trouve cette situation peu commune, pour moi, tout simplement parce que je n’ai pas l’habitude que l’on agisse de la sorte avec moi, surtout pas lorsque c’est un homme. Je me sens apaisée et utile pour une fois dans ma vie. Je lui souris timidement quand il finit par me lâcher ne sachant pas vraiment quoi ajouter d’autre, me sentant quand même un peu mal à l’aise. « De rien, c’est normal » dis-je dans un petit souffle, baissant les yeux. C’est la première fois que l’on me remercie de la sorte et j’en suis fière. Décidément aujourd’hui je découvre les joies d’avoir un ami et d’être dans une telle situation, et ce n’est pas pour me déplaire. Je fronce légèrement des sourcils quand il me dit qu’il n’a jamais tenté d’autres auditions, après un tel désastre et qu’il ne désire plus chanter. Bien sûr que je ne doute pas de ses paroles, il a très certainement perdu l’envie de chanter à cause de tout ça mais quelque part je me dis qu’il a été quand même passionné et une passion ça ne se supprime pas comme ça, et puis ça ne date pas de longtemps, ça fait plus de 4 ans mais ce n’est pas long. Par exemple je sais que pour ma part j’aurai toujours envie de créer des modèles de vêtement même si je ne peux plus le faire, l’envie sera persistante car c’est toute ma vie. Peut-être qu’au fond ce n’est pas qu’il ne veut plus mais qu’il ne peut pas, pas encore en tout cas. « Oh mince, moi qui espérais t’entendre chanter au moins une fois, je doute que tu en ais le désir maintenant » dis-je en essayant de le taquiner et en faisant un grand et large sourire. « Donc si un jour l’envie te revient, tu sais que je serai la première à vouloir t’écouter chanter ! ». On ne sait jamais ce que l’avenir peut nous réserver. « En tout cas, merci de m’en avoir parlé, j’ai l’impression d’avoir retrouvé et trouvé aussi un véritable ami ». Devrais-je lui parler de quelque chose de personnelle moi aussi que je n'ai jamais dit à personne ?

   
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