Je crois que cette soirée rime à rien. J’ai fini les cours mais j’ai tellement de copies à corriger que je suis obligé de rester à l’université pour le faire et puis, j’ai des rapports à lire et des cours à finir de préparer. Moi qui avait prévu un rendez-vous galant avec Naya, une petite -date- entre mariés tranquille où on serait allé manger dans un grand resto’ puis après ça aurait été cinéma… On l’a bien dans les fesses si je puis me permettre ! Je suis trop raisonnable et responsable, j’aurai dû tout plaquer pour partir glander. Après ce serait pas arrivé si je m'étais mieux organisé, c'est vrai, toutefois franchement, vous connaissez beaucoup de gens qui organise leur journée correctement ? Et surtout, vous avez vu mon emploi du temps ? Je jongle avec Angel Entertainment, la Matsumoto Fondation et! L'université de Royal. Le seul point positif est que contrairement à ma femme, je ne m'occupe pas des lycéens...

Heureusement ou malheureusement, c’est à lui de décider, je ne suis pas seul ! Noooon, j’ai la chance d’avoir pu choper mon assistant avant qu’il quitte l’établissement et j’ai pu le soudoyer (contre une semaine de repas offert, si si) pour qu’il puisse m’aider, après tout… Son père me l’a demandé, faut bien qu'on joue un minimum le jeu même si j'aime pas spécialement le forcer. Décidément à RPS, on en croise des enfants qui voient leurs rêves brisés à cause de leurs parents. Ça me rend un peu triste de voir encore et encore ce même schéma étant donné que ça m’est arrivé à moi aussi…

Je soupire et compte les agrafes étalées sur le bureau, d’un air ennuyé et blasé. Comment ça j’ai du boulot ? Moui… Je me mettrai à jour, promis. Mais là, je suis vraiment fasciné quoi… « Elles font comme une constellation… » Je cligne des yeux puis soupire encore et laisse mon front retomber sur le bureau, grognant. « Emon… Je crois que je deviens taré !! » Je veux dire plus que d’habitude ? Pfff. En parlant de lui… Dans un mouvement lent et presque douloureux, je zieute l’étudiant et gonfle les joues, fronçant les sourcils :

« Tu bosses au moins ? »
Pour ce soir, je lui ai donné la tâche de mettre dans l’ordre chronologique les devoirs qu’on m’a rendu (sans les lire et critiquer ce que tes camarades ont fait, aussi nul que ça peut être parfois haha) mais je connais le garçon, il a souvent un poil dans la main ce gars, c’est pire que moi ! Mais vous savez ce qu’on dit des glandeurs ? Une fois qu’il bosse ils font du très bon boulot !

Du moins c’est ce qu’il paraît, faut jamais s’arrêter sur les citations ou les trucs un peu trop poussé comme ça…

« J’ai un autre truc pour toi après, tu verras c’est super drôle ! » Un grand sourire masque mes réelles intentions et je frétille des sourcils, rangeant les agrafes avant de reprendre mes corrections.

Cependant, il est clair que j’ai du mal à rester concentrer et tandis que je lis en diagonal les examens des étudiants en finance, je ricane connement tout seul avant de m’exclamer dans le plus grand des sérieux : « Est-ce que tu crois qu’on peut mourir d’une overdose de vitamines ? »

Avec Emon, c’est toujours ultra sérieux moi je vous dis è_é

Si je sais qu’Emon n’a aucune envie d’être ici ? Oui. Et il le sait que moi non plus. Mais contrairement à lui, je sais que j’ai des responsabilités. Je dois juste me motiver à les réaliser… C’est peut-être trop difficile à comprendre encore pour lui étant donné qu’il n’est pas entré dans la vie active comme moi, ni dans la vie « d’adultes ». Toutefois, je dois un minimum montrer l’exemple et prouver que même si tu fais les choses à contrecœur, même si tu avances à deux à l’heure, tu dois les faire. Encore plus si d’autres personnes comptent sur toi. Alors oui, je pourrais le laisser partir mais il retiendrait aucune leçon comme ça ! (Pas sûr qu’il comprenne ma subtilité en soit, il va juste penser que je le torture le pauvre…) Je secoue la tête négativement à sa plainte, l’ignorant presque en vérifiant les lignes sous mes yeux. Il a sûrement mieux à faire d’ailleurs. Je fais la moue et corrige une copie entre deux exaspération et tape sur mon front pour me réveiller. Taré oui, oui, oui.

« Ouais c’est ça, rigole espèce de… Uhm. Trou du’c » Je lui tire la langue mais ris connement avec lui parce qu’un prof qui vous insulte de trou du cul c’est pas souvent et Emon il est cool et pas chiant alors je m’en fou un peu. Peut-être pas trop parce que c’est un élève et moi un enseignant mais je pense qu’à son âge on a pas envie qu’on le voie comme un enfant.

Je continue de marquer de rouge une feuille blanche tout en discutant, ignorant sa remarque sur la raison de sa présence puis je lève la tête de façon dramatique et arque un sourcil, un sourire sadique dessinait sur mes joues.

« Oh. La meilleure chose qui aurait pu t’arriver dans ce monde. »

Un ricanement diabolique m’échappe et j’étire mes mains et fais craquer mes doigts avant de sortir une pile de 50 enveloppes et 50 timbres, accompagnés de 50 formulaires imprimés.

« Ce serait cool que tu mettes tous ces papiers là, dans ces enveloppes et que tu les timbres puis ce sera bon. »

Suffit de coller bien droit ! Moi en attendant, je vais continuer à noter et me dire que j’ai que des teubés dans ma classe… Je devrais mettre les notes au hasard. Genre une courte-paille ou une connerie dans ce genre. Ou peut-être que je peux lancer des cailloux sur les feuilles et choisir un nombre… Et je me perds… Je reste placide avant de sortir le TRUC de base, la question qui tue, celle qui vaut sûrement 3000 euros.

Je hoche la tête à sa réponse et réfléchis un instant, sérieux. Je ferai attention la prochaine fois que j’achète des compléments alimentaires…   « Ca me paraît logique. » J’attrape ma tasse de café et reste quelques minutes sans rien dire, concentré sur la tâche avant de lâcher de but en blanc. « Et tu veux faire quoi au lieu de l’économie ? Parce que tu sais, y a moyen de te rebeller quand même… Non ?  »

Généreux, je lui sers aussi une tasse et la lui tends, un chaleureux sourire sur les lèvres. Parfois, ça peut faire du bien de dire ce qu’on a sur le cœur.