| « C’est ma Maman, pas la tienne ! » Ses sourcils étaient froncés comme jamais alors qu’elle fixait ce garçon plus vieux qu’elle de deux ans à peine. Comme toujours, sa mère lui prenait la main et l’emmenait plus loin pour avoir cet énième discussion. Elle avait raison, elle n’était pas la Maman de Yuto, mais elle devait s’en occuper tout comme. Rina trouvait ça si injuste ! Elle ne réalisait pas que c’était un travail, que de s’occuper d’un autre enfant. Cette maison était si grande, mais elle n’avait pas le droit d’aller dans la plupart des pièces. Elle ne comprenait pas, c’était bizarre. A part sa mère et parfois l’autre enfant, personne ne lui parlait et sa mère lui disait de ne parler à personne, sûrement pour ne pas les embêter. Elle disait que les Hashimoto étaient déjà très gentils de les laisser vivre chez eux toutes les deux. Il n’y avait que Gô pour lui tenir vraiment compagnie, et sa mère, le soir venu, quand elle pouvait l’avoir juste à elle !
dans sa tête de petite fille, tout aurait du continuer comme ça pour toujours. pourquoi changer un bon équilibre ? rina n'avait pas de père, elle ne vivait pas une vie comme tous les autres mais ça ne l'avait jamais dérangé plus que cela. sa vie lui plaisait bien. sa mère, elle, et parfois, yuto et les autres employés de la grande demeure. oui, c'était très bien, vraiment. ça l'était jusqu'à ce qu'elle se fasse renvoyer. du jour au lendemain, sans qu'elle ne s'y attende. elle était trop douce, trop permissive. sans qu'elle n'y comprenne grand chose, elles devaient rassembler leurs affaires, emménager dans un studio minuscule de tokyo. à peine assez grand pour elles deux. beaucoup plus silencieux, aussi. sa mère ne parlait plus beaucoup, elle était inquiète, elle avait peur. pour le garçon qu'elle avait laissé, il allait juste avoir onze ans, il avait encore besoin d'elle. avec les années, il était presque devenu son fils à elle aussi. rina le savait, il lui manquait aussi, mais bien moins qu'à sa mère qui ne comprenait toujours pas ce renvoie, elle qui s'était démenée pour cette famille, qui se dévouait corps et âme. elle ne comprenait pas. ça la rendait malade, dans tout les sens du termes. elle s'affaiblissait, mangeait peu, multipliait les ménages à droite à gauche sans jamais prêter attention à sa santé. rina avait neuf ans, elle s'inquiétait mais elle ne l'écoutait pas. une nuit, l'appartement était toujours aussi calme sans qu'on n'entendait plus qu'un seul souffle. Un arrêt cardiaque. Elle était si jeune, comment aurait-on pu imaginer une chose pareille arriver ? elle avait hurlé, frappé à toutes les portes pour qu'on lui ouvre, qu'on vienne l'aider à réveiller sa mère qui dormait depuis la veille et ne se réveillait pas pour l'amener à l'école. on prit soin d'elle, on l'emmena dans un foyer provisoire, le temps de lui trouver de la famille.
nagano, la nouvelle destination. elle ne souriait pas beaucoup, elle n'avait pas envie d'aller là. elle avait envie de rentrer chez elle. chez les hashimoto. jouer avec yuto, lui voler ses peluches, prendre sa mère dans ses bras quand il les lui reprenait, fuir à toute vitesse quand le père de famille revenait. mais c'était impossible. un foyer, elle n'avait pas dix ans. des enfants seuls, comme elle, l'assistante sociale avait formulé ça comme ça. elle lui disait qu'une famille allait peut-être l'adopter, qui sait. mais elle ne voulait pas d'une autre famille. au début, rina restait assise dans un coin, à observer les autres enfants, sans bouger. elle n'arrivait même plus à pleurer, elle voulait rentrer, qu'on lui dise que c'était un mauvais rêve. juste un mauvais rêve. la tête souvent baissée, elle la releva un jour, quand un garçon du foyer vint lui parler. Il s’appelait Takayuki et elle était tombée immédiatement sous le charme. Plus âgé qu’elle, il avait ce côté un peu bad boy qui plaisait tellement aux adolescentes et un sacré charisme, comme s’il n’avait peur de rien. elle avait quatorze ans, il en avait dix-sept, il n'allait plus au lycée, il errait avec sa bande de copain, des types pas fréquentables comme disaient les gens de son collège mais elle s'en fichait bien. il l'attirait, pour la première fois, un homme l'émoustillait. elle allait le voir tous les jours, le suivant dans tout ses mauvais coups, elle en était folle amoureuse et aurait pu faire n'importe quoi pour lui. après un an, il lui donna un pistolet, pour plaisanter, il lui apprit à tirer, et elle ressentait une adrénaline grisante à chaque coup de feu. viser sa cible, elle y arrivait, un peu trop bien. mieux qu'il ne l'aurait lui-même imaginé. plus le temps passait, plus elle s'améliorait. certains étaient doués en mathématiques, d'autres en langues, elle, c'était en tire. elle était un véritable petit prodige et toute sa bande de petits voyous étaient impressionnés. un an plus tard, takayuki avait décidé d'aller vivre à tokyo. on lui avait parlé d'un gang qui commettait des crimes organisés, ça payait bien, il ne voyait plus quoi faire à nagano. seize ans, se faire émanciper, sinon, elle fuguait, ils n'avaient pas trop le choix. elle était devenue incontrôlable, elle devait rester avec l'homme qu'elle aimait, elle voulait le soutenir.
dans chacune de ses missions, elle n'était pas bien loin, supervisant comme elle pouvait, s'assurant qu'il allait bien. le suivre était une chose, l'accompagné aussi, mais elle avait eu son exigence : continuer à aller au lycée, obtenir son diplôme. parce que c'était ce que sa mère avait toujours le plus souhaité. il ne comprenait pas, mais il ne s'y opposait pas. les mois passèrent ainsi, elle savait que c'était dangereux, qu'elle pouvait tout perdre d'un moment à l'autre, elle craignait que takayuki se fasse tuer et lors d'une mission un peu périlleuse, elle crut bien que ce moment allait arriver. sans réfléchir, elle tira pour le protéger, en voyant qu'il perdait le contrôle. elle avait tiré et entendu un corps s'écrouler sur le sol. sa main avait tremblé un peu et elle s'était approché, sentant en corps se jeter sur elle. elle lui avait sauvé la vie, au détriment de celle d'une autre personne. et tout ce qu'elle ressentait, c'était le soulagement de voir que lui vivait encore. mais c'était la dernière fois qu'il la serrait dans ses bras. la police vint l'arrêter quelques heures plus tard, pour meurtre. il ne dit rien, il ne la dénonça pas. il avait fait bien pire de toute façon. elle les observa l'emmener, puis elle du se faire interroger et elle s'étonna elle-même. cette air paniqué, ces larmes, cette incompréhension. il était si doux avec elle, si gentil, elle n'aurait jamais pu l'imaginer faire ça, vraiment. comment ? comment est-ce qu'elle n'avait pas pu voir tout ça ? elle était jeune, naïve, innocente, aveuglé par l'amour qu'elle lui portait. quinze ans de prison ferme.
quittant l'appartement qu'elle partageait avec lui, elle demanda l'asile chez sa meilleure amie. elle paiera sa part du loyer. elle s'inscrivit à royal, en section photographie. il lui fallait un diplôme, mais il fallait qu'elle continue ses activités. tueuses à gage, elle était douée, ça gagnait bien et elle n'avait plus aucun scrupule. au fond d'elle, elle gardait ce même but, obstinément. elle devait venger sa mère. elle collectionnait les articles de journaux, les moindres informations sur lui. hashimoto père, elle allait l'arrêter, elle allait l'effacer. chez elle, la photo de yuto ne la quittait pas, à côté de celle de sa mère. elle sera fière d'elle, d'où elle était. rina allait la venger et s'assurer que yuto allait bien. c'était son but et elle y parviendra. Pour sa mère.
Tanaka Ayumu. Une toute nouvelle identité. Recroiser Yuto à ce moment-là n’était pas prévu, elle ne pouvait pas lui dire qui elle était réellement. Il avait changé, grand beau, tiré à quatre épingle et lisse, beaucoup trop lisse. Loin du style d’homme qui lui plaisait d’ordinaire. Rina avait tout fait pour se rapprocher de lui. Etre proche de lui, c’était être proche de son père. Un jour, elle trouverait le meilleur moyen pour le tuer. Elle s’en voulait d’utiliser ainsi le fils, mais elle se persuadait qu’elle ne faisait rien de mal. C’était pour sa mère, pour toutes les personnes que ce monstre avait blessées. Mais elle n’avait pas prévu qu’il était encore plus monstrueux qu’elle se l’imaginait. Malgré son métier, en voyant la police devant sa porte, elle avait su. Elle avait su qu’en la voyant avec son fils, il avait fait ses recherches, qu’il savait qui elle était. Asami Rina, fille de Nanami. On l’arrêtait pour meurtre. Elle connaissait cette personne. Une de ses camardes de fac, à l’époque. Tout concordait, tout l’accusait. Mais elle ne l’avait pas fait. Il avait parfaitement monté son coup. L’ironie du sort, se retrouver derrière les barreaux pour un crime qu’elle n’avait pas commis.
Elle s’était toujours trouvée si forte, pourtant, quand elle avait intégré cette prison, elle ne s’était jamais sentie aussi faible. La violence au quotidien, l’intimidation. Elle avait dû se placer sous la protection d’une dure à cuir, devenant sa pouff ou son faire-valoir, elle ne savait pas trop. Au moins, elle ne se faisait plus agresser aussi souvent et on lui laissait la peur d’affaire qu’elle avait. Le jour de son procès, elle y allait quasiment consternée. Elle n’avait aucun moyen de prouver son innocence et pourtant, la chance tourna en sa faveur. On ne trouva pas son ADN sur le corps, ni sur l’arme du crime. Au final, les quelques preuves restantes ne tenaient plus la route et un soulagement énorme la gagna. Elle était enfin libre. Ce séjour lui coupa l’envie de reprendre ses activités, bien qu’elle ne comptait pas épargner Hashimoto. Mais sa sortie fut comme l’espace tout entier qui lui tombait sur la tête. Sa colocataire lui avait volé tout son argent, et l’homme était déjà mort. Une rage et une haine sans pareille la gagna. Elle n’y croyait pas. Ce n’était pas le majordome. Elle ne pouvait y croire et elle trouverait la vérité. Petit à petit, elle recollerait les pièces du puzzle et se vengerait. Sinon, quel sens aurait sa vie ?
Sans argent, sans logement, elle s’arrangea pour utiliser les dommages donnés pour ces deux mois en prison pour s’inscrire à la Royal Private School, dans une totale réorientation, dans le stylisme. Elle allait devenir conseillère en image, elle trouvait le cursus plus qu’intéressant. Le paraître était ce qui comptait le plus de nos jours, elle ne manquerait pas de clientèle.
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