Tenue ➦ Je sais, justement. Les détails m'échappent, l'histoire n'est pas clair, mais je commence à m'en douter. C'est blasant, parce que je viens de mettre les deux pieds dans le plat sans savoir comment m'en retirer. Les mots sont difficiles à prononcer, je trouve la situation délicate, et Minoru doit bien s'en rendre compte. Je ne peux pas me blâmer moi-même, mais j'ai fait une gaffe en voulant creuser aussi loin. Qu'est-ce que je suis allé fourré mon nez dans son passé ? Qu'est-ce que ça m'apporte à moi ? Je ne veux pas le brusquer, ni ramener des mauvais souvenirs à la surface... Pourtant, n'est-ce pas ce que je suis entrain de faire ? Je perds de mon mordant, de mon enthousiasme et j'ai peur que mon cadet s'en rende compte et se braque. Je n'aurai pas dû entamer un sujet aussi délicat, bien qu'il ne puisse pas rester éternellement dans l'ombre. Comment pourrais-je procéder ? Être cru et direct ? Prendre des pincettes ? Je ne sais pas, je l'ignore. C'est agaçant, parce que je ne peux prévoir ses réactions. Déjà qu'il est à deux doigts de fondre en larme... Qu'est-ce qu'il va faire si je sors les mots sans éprouver de gêne, ou si je fais l'inverse ? Je me prends la tête, mais sûrement est-ce pour la bonne cause. Effectivement, j'ai deviné. J'hoche doucement ma tête pour approuver, sans savoir quoi faire de plus. Oui, j'ai deviné mais je ne sais quoi dire de plus à présent. Est-ce une erreur de savoir ? Veut-il seulement que je le sache ? Aaaah, trop prise de tête! Je pourrais, mais j'hésite à dire les bons mots pour en venir droit au but. Être ou ne pas être, je ne sais pas, bordel.

Normalement, Minoru refuse tout contact physique avec qui que ce soit, pourtant il n'a pas tellement hésité à se rapprocher de moi pour effectuer un geste réconfortant. ça m'allège le coeur, m'arrache un sourire et je peux affirmer que mon histoire n'est plus aussi triste qu'auparavant. C'est du passé, et je dois laisser au passé ce qui appartient au passé. Minoru n'a pas à s'en faire, je ne plus vraiment à plaindre maintenant. Je sors la tête de l'eau, tout doucement. Parler de ma soeur me redonne doucement le sourire, surmontant le flot de larme que j'ai pu verser jusqu'à peu. Je ne veux plus pleurer pour un souvenir, un fantôme. Ma soeur doit être bien là où elle est, et je ne peux mourir à sa place. ça ne m'empêche pas de la valoriser, même dans le mort. Elle était parfaite, beaucoup plus parfaite que moi. Il peut en douter, mais à ce moment-là, j'aurai aimé lui présenter. Quant à l'apparence, suffit de me regarder et de me mettre une perruque pour y voir ma soeur. Après tout, nous étions des jumeaux, des copies conformes. C'est souvent elle qui m'aidait à surmonter mes soucis face à mon père, mais c'est aussi elle qui m'a poussé vers le fond. Je ne peux pas lui en vouloir, ce n'est pas sa faute. Mais j'ai été comme Minoru durant des mois, dans l'incapacité de me débrouiller seul, dans une longue agonie et une interminable tourmente. Nous avons tous des faiblesses, des parties de nous que nous détestons et pourtant... On vit avec. « Comme tu peux le voir, ça va très bien même. » Je lui souris pour le rassurer et prouver que je vais bien. J'ai affronté mon moi intérieur et j'ai triomphé, même s'il reste quelques batailles avant la grande victoire.

Minoru n'a qu'à avoir confiance en lui et il pourra s'en sortir. Seulement, il doit avoir confiance... Et cela, c'est compliqué après son vécu. Plus les pièces se joignaient et plus le puzzle prenait forme. J'avais déjà pigé le plus gros de son histoire, mais j'ai terminé par réellement le comprendre maintenant. Sa famille, sa situation, tout devenait plus clair à présent. Il n'avait pas besoin de vraiment confirmer mes doutes pour que je le sache une bonne fois pour toute. Minoru se dévoilait de seconde en seconde, m'avouant que sa famille le savait, qu'il a tout avoué. « il » je suppose qu'il parle de son agresseur, si puis-je dire cela ainsi. Le silence tomba sur nous, seulement brisé par les quelques paroles de minoru. Coups. Viols. Je m'en suis douté au fil de notre conversation, mais là, c'est sûr et certains, clair et net. Qu'est-ce que je devais faire ? M'excuser ? Compatir ? Me taire ? Parler ? Je ne sais pas trop, alors je le regarde un instant sans ne rien dire, ni rien faire. C'est étrange, mais il a réussi à vider son sac. « Je comprends pourquoi tu as peur des contacts physiques... Même si je t'aurai bien prit dans mes bras à ce moment-même. » J'ai envie de le consoler, de le réconforter, mais je sais parfaitement qu'il n'apprécie pas ce genre de réaction. « Il va sûrement falloir du temps pour te reconstruire, mais ne dis pas que c'est perdu d'avance, Minoru. » Je ne veux pas qu'il pense à mal, qu'il s'enterre avant même d'avoir vécu. Je lâche un fin soupir, penchant ma tête vers l'arrière pour fixer le plafond. « Tu n'as pas encore vécu les meilleures choses, celles qui valent la peine d'être vécu. Patiente, c'est la seule chose que je peux te conseiller... Même si c'est long. » Je tourne ma tête vers lui pour le regarder, un léger sourire en coin. S'il baisse les bras, il ne gagnera jamais aucune bataille. Espérer, c'est la clé.

Tenue ➦ Minoru renifla bruyamment et s'essuya en même temps le nez d'un revers de manche juste avant de laisser échapper un petit rire. Il l'aurait pris dans ses bras ? Vraiment ? Les rapports du jeune japonais avec les autres se retrouvaient déformés justement à cause de son passé. Il craignait qu'on le touche parce qu'il n'était plus en mesure de différencier un geste amical d'une agression. Il s'imaginait qu'à chaque approche, la personne désirait lui faire du mal. Que son kidnappeur passe du statut de grand protecteur à celui d'agresseur avait bouleversé complètement sa façon de se comporter avec les autres. Il refusait même que sa propre mère le prenne dans ses bras. Le moindre contact l'effrayait. Il ignorait comment apprivoiser les gens autour de lui et ne pas se sentir menacer par eux. Il ne se méfiait néanmoins plus de Ji Hyuk. Au tout début, la première fois que le coréen était venu à son secours, il s'était demandé ce qu'il lui voulait et dans quel but il l'avait aidé. Il avait même évité son sauveur pendant un moment avant de peu à peu lui accorder de sa confiance et comprendre qu'il se tenait à ses côtés pour l'aider. Il acceptait enfin cette main tendue vers lui. Il lui parlait. Il venait de prononcer les fameux mots qu'il retenait depuis son retour. Ces mots qui malheureusement rendaient trop réel ce qu'il avait vécu pendant toutes ces années enfermé. « Un jour, tu le feras. Tu me prendras dans tes bras. Tu me diras 'tu vois, ça va mieux'. » Il racontait ça comme s'il écrivait une histoire. Une sorte de promesse qu'il lui adressait. Il avait envie de se relever, d'aller mieux, d'être normal. Il ne savait juste pas comment s'y prendre, par où commencer ni même s'il en était capable. Il soupira et sa lèvre inférieur trembla tandis qu'il retenait encore ses larmes. Il l'attrapa avec ses dents pour arrêter les tremblements. Peut être qu'il avait raison. Peut être que la vie lui réservait autre chose maintenant. Elle ne pouvait pas le faire passer par pire, c'est ce que Minoru se disait. « On arrête ? » 'd'en parler' mais sa voix dérailla et il ne réussit pas à prononcer la suite. Il pouvait s’effondrer à tout moment et Ji Hyuk ne méritait pas de se retrouver avec un bébé chouineur sur les bras. Même si les larmes coulaient sur ses joues sans qu'il le veuille, il les essuya très vite pour effacer les preuves de son mal être.

Il se leva -non sans manquer de trébucher d'ailleurs- et prit de grande respirations pour essayer de se calmer. Il continuait d'essuyer ses joues humides devenues rouges à force des frottements. « Pardon, pardon, pardon. » Murmurait-il comme s'il s'agissait d'une espèce d'incantation. Mais Ji Hyuk sans le savoir et surement sans le vouloir venait d'ouvrir les robinets mais surtout de déclencher quelque chose. Minoru n'avait encore jamais pleuré à cause de tout ça. Il pleurait souvent pourtant. Parce qu'on s'en prenait à lui, parce qu'on l'insultait, ce genre de choses mais pas parce qu'il repensait à tout ça. En fait, il évitait juste d'y penser. Il refusait même d'y penser. Il tremblait à présent comme une feuille et s'en voulait de se retrouver dans cet état. Il marchait dans l'appartement de son héros mais tanguait. Au bout d'un bon moment. Il parvint néanmoins à miraculeusement reprendre le contrôle. Et plutôt que de s’asseoir à nouveau sur le canapé, il s'installa en tailleur au beau milieu de la pièce. Il resta silencieux encore quelques minutes le regard perdu dans le vide. Puis il commença à le poser sur chaque meuble et s'arrêta à la fin sur Ji Hyuk. Il pencha la tête sur le côté, une question lui brûlait les lèvres. Une question qui venait d'on ne sait où. « La personne dont tu me parlais, c'est ton amoureuse ? » Oui, tout ça pour ça. Il revenait soudainement sur un tout autre sujet parce que repenser à leur conversation piquait sa curiosité. Si Ji Hyuk ne voulait pas lui répondre, il en avait le droit mais il allait avoir bien du mal à esquiver les questions de l'étudiant en littérature qui risquaient de fuser. « Non parce que tu parlais... tu parlais... ah oui ! d'une bonne épaule pour te soutenir, alors je sais pas c'est sûrement une amoureuse non ? C'est souvent les amoureuses qui font ça. » Déclara-t-il en secouant vivement la tête. Et voilà, l'ancien Minoru. Ou plutôt le Minoru normal avec un peu d'alcool dans le sang.

Tenue ➦ Ses paroles résonnent comme une douce promesse. Un jour, je le ferais. N'est-ce pas une sorte de récompense après un dure boulot ? à force de persévérance et de temps, je pourrais enfin le rendre plus humain et confiant. Je ne doute pas de moi, ni même de mes efforts. Un jour, Minoru se capable d'être « normal » avec les gens, de pouvoir leur serrer la main comme être enlacé et câliné. Il mérite bien d'être rassuré et cajolé, même s'il n'est plus un enfant et qu'il pourrait très s'en sortir seul. L'âge ne veut rien dire, surtout pas quand les expériences du passé nous brise. à ses mots, je souris doucement d'une manière convaincu, hochant ma tête pour accepter cette sorte de deal. « Un jour, tu seras libre de faire ce que tu veux, comme tu veux. » ça résonne réellement comme une promesse, même si seul le temps peut fournir des réponses. C'est à lui d'avancer, de relever la tête et de progresser. Je ne peux pas le secouer, ni le forcer, et encore moins le booster s'il ne désire pas s'améliorer. à part garder confiance en lui et prouver mon soutiens, je ne peux rien faire de plus. Un jour,  ça ira beaucoup mieux. « On arrête. » Acceptais-je en reconnaissant que nous avons beaucoup parlés, mine de rien. Il s'est ouvert à moi, il a vidé son sac et c'est déjà pas mal. Un gros progrès pour des bons résultats. Je devrais être psychologue plus tard, peut-être que ça me réussirait mieux que sénateur ou idole ? Quelle idée, je ne pourrais jamais donner des bons conseils quand je n'ai pas su m'y tenir moi-même. Il peut bien pleurer, si cela peut le soulager. Les larmes, j'en ai versé des tonnes jusqu'à aujourd'hui. à mes yeux, pleurer est la meilleure solution pour se sentir mieux et léger plus tard.

Il s'excuse, mais je ne comprends réellement pas pourquoi. Est-ce ma faute ? Est-ce que j'ai dit un truc qu'il ne fallait pas ? Je me tourmente silencieusement en le regardant verser des litres d'eau salés. « Hey, ça va aller... Je ne disais pas ça pour te faire pleurer, hein. » Je tente quand même de le rassurer, même si je ne mène pas large. Mince, quel idiot je suis. Minoru n'en terminait plus de tourner en rond dans mon salon, et mes yeux ne cessèrent de le suivre sans un mot. Où va-t-il comme ça ? Je m'attendais à le voir tomber, s'écrouler mais le jeune homme tenait bon, jusqu'à s'asseoir par terre. Au moins, il ne s'est pas blessé dans un faux mouvement ou une chute. à le voir faire, Minoru semblait perdu. Il a dû vite fait faire le tour de ma décoration, puisque la pièce est quasiment vide -et un peu triste-. Amoureuse ? Je manque de m'étouffer, ravalant ma salive de travers. Il croit que... à l'écouter, oui. Le bonhomme croit que je sors avec une fille, ou que je suis amoureuse de l'une d'elle. C'est compliqué à avouer, ou à en parler. Je cherche à savoir comment aborder le sujet, sans paraître fou ou dégueulasse. « C'est que... Ouais, je suis amoureux... » Bon dieu, je ne sais comment le dire, rougissant lentement mais sûrement. à chaque fois, je rougis et perds mes moyens. J'ai déjà mit un temps fou à accepter ma relation et ma nouvelle vie, alors la divulguer sans crainte. « Mais ce n'est pas une fille... Je suis... Je ne suis pas... Enfin tu vois ? Je ne sors pas avec une "amoureuse"... » Je baisse aussitôt la tête en me mordillant la lèvre. Pour quoi va-t-il me prendre, hein ? Les gens m'ont souvent jugé pour sortir avec d'autres garçons, pour coucher avec même si ce n'était pas sérieux, puis maintenant Kyann ? Je ne dois pas être normal, pourtant j'aime mon copain et je ne voudrais jamais m'en séparer. « C'est un garçon... Et il habite juste en face. » Juste pour préciser, sait-on jamais.

Temps mort. Il ne lui restait plus aucune force après ces aveux si difficiles. Il ne pensait pas trouver un jour le courage nécessaire pour en parler. En décidant de sortir avec ses frères, il se voyait passer sa soirée dans son coin et non sur le canapé de son sauveur préféré à se confier. Une petite séance thérapeutique non planifiée mais qui allégea considérablement son pauvre cœur. Mais cette sensation de soulagement s'accompagnait aussi d'une soudaine fatigue. Comme assommé par leur discussion, il se leva, encore fébrile. Les larmes continuèrent de couler sur ses joues quelques minutes. Il s'en excusait d'ailleurs. Minoru s'en voulait d'encombrer le coréen de la sorte. Il l'embêtait avec ses histoires et maintenant il pleurait à chaudes larmes devant lui. Un véritable bébé. Parfois, il respirait difficilement et hoquetait. Il cherchait quelque chose pour se raccrocher au monde réel et ne pas dériver. Il repensa alors à tout ce que Ji Hyuk lui avait dit. Ses encouragements, sa promesse muette, ses belles paroles. Un détail en particulier attrapa toute son attention. Plus il y songeait, plus il oubliait le reste. Préoccupé, il posa ses fesses sur le sol. Son regard vagabonda dans toute la pièce. Ça bouillonnait dans sa cervelle. Il devenait difficile de mettre de l'ordre là-haut. L'alcool embrouillait tout. Et si l'innocence de Minoru lui permettait de poser tout un tas de questions différentes sans ressentir la moindre gêne, imaginez-le éméché. C'est pourquoi, il interrogea Ji Hyuk sans hésiter. Il ne se trompait pas, il en était sur. Qui d'autre qu'une amoureuse serait capable de l'aider ? Il avait lu tellement de livres à l'eau de rose. L'amour, il pensait se trouver en mesure de le reconnaître. Il fronça les sourcils en le voyant s'étouffer et tenta de se relever pour lui venir en aide mais il ne réussit pas retombant lourdement par terre. Minoru grimaça en se massant le bas du temps. Puis, tout à coup, son visage s'éclaira. « Oooooooooh ! » S'écria-t-il. Il avait vu juste. Ji Hyuk était amoureux. Aussitôt, un grand sourire d'imbécile se glissa sur son visage. Il s'approcha en marchant à quatre pattes de Ji Hyuk et lui tapa sur le genoux pour réclamer plus d'informations.

Sauf qu'il le déstabilisa complètement. Comment ça ? Pas une fille ? Il ne comprenait pas. Il pencha un peu la tête sur le côté, signe que le coréen venait de le perdre. Une idée un peu folle lui traversa alors l'esprit. Il jeta un regard discret aux deux chiens de son ami. Non ? Quand même pas ? Il aimait ses animaux mais sûrement pas à ce point. « Tu es amoureux de Ben et Nuts ? Tu sais que tu peux pas hein ? Les garçons aiment les filles, pas les chiens. » Il secoua un index désapprobateur. Ivre, il se rendait encore moins compte des bêtises qu'il proférait. Surtout qu'il atteignait un niveau de ridicule hors du commun pour le coup. Mais heureusement, Ji Hyuk ne le laissa pas dans le fou trop longtemps. Un garçon ? Qui habite en face ? Mais c'est tout alors ? Minoru éclata de rire et se laissa tomber en arrière s'allongeant complètement sur le sol. Il se tenait les côtes et roulait même. Il ne se moquait pas de Ji Hyuk mais de lui-même. Une fois de plus, il était parti trop loin. Bien sur un garçon, si ça n'était pas une amoureuse, ça ne pouvait être qu'un amoureux. Minoru, bien qu'éduqué à l'écart de la société, avait bien conscience que l'homosexualité n'était pas la chose la plus acceptée. Il s'en était rendu compte durant ses études en littératures mais aussi à cause des moqueries qu'il entendait parfois. Néanmoins, il ne portait pas encore de réel jugement sur la question. Et d'un côté, il ne voyait pas pourquoi ça devrait le déranger. On peut aimer qui on veut, n'est-ce pas ? Alors il se redressa avec les yeux grands ouverts. « J'peux le voir ? » Et avant même que Ji Hyuk ne puisse lui répondre, il se tenait déjà debout devant la porte. Il habitait en face, vraiment ? Dans ce cas, Minoru avait envie de le rencontre, de voir de quoi il a l'air. Il attrapa les clés mais les fit tomber. Il se baissa pour les ramasser mais tomba à son tour. Alors à genoux devant la porte, un éclair de génie lui traversa l'esprit. « Mince, il fait nuit. Il doit dormir hein ? » Il leva les yeux vers Ji Hyuk avec une petite moue. « Tu crois qu'il dort ? » Comme s'il pouvait le savoir juste comme ça. Alors Minoru se releva en se tenant au mur pour retourner sur le canapé ou il s'échoua. Allongée sur le ventre, il bailla. « Il est comment ? » Curieux, il se demandait de quelle genre de personne son sauveur était tombé amoureux.

Tenue ➦ Qui aurait cru que je parlerais amour avec un adolescent qui a vécu la pire chose dans sa vie ? Certes, je lui ai assuré que l'amour était le remède à ses malheurs, mais de là à parler ouvertement de moi, de ma relation, de mon copain. En plus, il croit que je suis amoureux d'une fille, ou que je sors sûrement avec l'une d'entre elles. Malheureusement, non. Je ne suis pas ce genre de garçon qui rentre dans le moule qu'impose la société. Je vais à contre sens, dans une rébellion sans nom. Je refuse les plans de mon père, rechigne à obéir et par dessus le marché, je suis gay. Qu'est-ce qui pourrait être pire que savoir son enfant différent, anormal ? Je me sens bien comme je suis, je ne me sens pas inhumain ou telle une erreur. Dire que je suis amoureux n'est pas si simple, finalement. Au point que je manque de m'étouffer entre temps, comme si les mots venaient de s'étrangler dans ma gorge. Un effort, Jihyuk, ce n'est rien de dramatique. Minoru semble s'en réjouir et j'ai peur de lui casser son enthousiasme. Il doit croire qu'un homme doit forcément aller avec une femme... Ou peut-être pas, j'en sais rien. Du coup, je bloque un peu à parler, cherchant les bonnes phrases, les bons mots. Suffit que je tourne à ma façon pour qu'il comprenne sans mal le prendre. Je m'inquiète, alors qu'il ne doit y avoir aucune raison de s'en faire. Plus il réclame des détails, plus je déglutis avec hésitation. Juste quelques paroles et voilà, ça devrait le faire. Plus facile à dire qu'à faire, hein ? Je parviens à articuler une vérité, avant de la regretter à moitié. Et s'il me juge suite à cela ? Pour le moment, le grand dadet ne paraît pas comprendre un traître mot de mes aveux. Est-ce trop compliqué ? Bah, après son vécu, il  ne doit pas trop savoir les nouvelles tendances chez les jeunes. Être gay, c'est typique à cette génération perdue.

Ah, je n'ai pas de suite précisé que c'était un homme. Je ne pouvais pas aimer mes chiens! Mes joues s'empourpre aussitôt et je bas des mains dans l'air pour éloigner cette hypothèse. « Non non! Je ne suis pas amoureux de mes chiens! Enfin... Je les aimes beaucoup, mais comme des chiens, quoi... Pas des humains... » C'est moi où tout devient compliqué d'un coup ? C'est juste un garçon, qui vit pas très loin. Fallait que je précise, même si j'aurai dû me la fermer. Minoru éclate de rire et je ne comprends pas pourquoi. Ai-je dit un truc amusant ? Ou il se moque de moi ? C'est si amusant d'aimer un homme ? Je rougis un peu plus en baissant mes yeux vers le sol, gêné. Aah, je pensais pas que son fou rire me ferait un tel effet embarrassant, comme si j'étais en faute. Pris de court, je relève mes pupilles vers lui, la bouche à présent entrouverte. Le voir ? Maintenant ? à cette heure-ci ? Je ne sais même pas ce qu'il fait ou s'il est réellement chez lui. Décidément, je suis de plus en plus confus avec Minoru. « Il .. Je.... » Aucune idée, en fait. Il ne perd pas de temps, filant déjà vers ma porte tandis que je me relève rapidement pour l'interrompre. On ne peut pas y aller comme ça, sans prévenir.  Minoru ne manque pas une occasion de gaffer et de m'inquiéter, me rapprochant doucement de lui pour m'assurer qu'il n'a rien. « Dormir... Ouais, sûrement. » Approuvais-je. Qu'est-ce que Kyann dirait en me voyant débarquer à l'improviste avec un jeune homme comme Minoru ? Je sais pas, et je ne tiens pas vraiment à savoir. « Il est tard quand même et il bosse autant que moi... Il doit sûrement dormir. » Je suppose, puisque je ne l'ai pas vu depuis notre retour. Une chance pour moi, Minoru abandonne l'idée et retourne sur le canapé où il se laisse choir comme une épave. « Idiot. » Répondis-je aussitôt à sa question. Non non, Jihyuk... Tu dois le valoriser, pas le dénigrer. « Il sourit tout le temps, mais quand il doit dire un truc, il le dit. C'est... Mon sauveur à moi. » Je rougis en détournant les yeux, avant de penser à un truc. Fouillant dans mes poches, je prends mon téléphone pour lui montrer une photo de mon copain, un sourire aux lèvres. Il fait toujours l'idiot sur les photos, puis il adore cela, nous photographier. « C'est lui, Lee Kyann. »

Innocemment, Minoru s'imagina d'abord que son héros préféré parlait de l'amour qu'il portait à ses animaux. Une idée bien grotesque. Il le comprit très vite quand Ji Hyuk osa lui avouer qu'il aimait un homme. La première réaction du japonais fut d'éclater de rire. Tout ça parce qu'il se sentait soudainement très bête. Il aurait dû y penser avant. Bon, peut être que l'alcool avait une part de responsabilité et altérait pas mal ses jugements les dénuant de toute logique. Son fou rire incontrôlable résultait sûrement aussi de son état d’ébriété plutôt avancé. Car il ne se moquait pas de son ami. Il ne se le permettrait jamais. Pourquoi ferait-il à quelqu'un ce qu'il détestait qu'on lui fasse ? Et puis, il ne voyait aucune raison de le rabaisser. Il plaçait presque Ji Hyuk sur un pied d’étale tant il l'admirait et le trouvait fort -bien plus fort que lui en tout cas, bon c'est vrai que c'est facile-. Il s'étonnait juste d'avoir eu une idée aussi saugrenue. Lorsqu'il se calma et qu'il appris que l'heureux élu vivait l'appartement juste en face, il ressentit irrépressible envie de le connaître. Ji Hyuk avait l'air de tant l'aimer. Il se précipita donc vers la porte, prêt à rendre visite à cette personne si précieuse aux yeux de son sauveur. Mais sa maladresse habituelle ainsi que son taux d'alcoolémie le firent chuter. Cela lui permit de réaliser qu'il était bien trop tard pour rendre visite à qui que ce soit. Il ne pouvait pas sonner chez ce mec à cette heure-ci et risquer de le réveiller. Puis il n'avait pas tellement envie de le rencontrer en étant dans cet état en plus. « Ouais, il dort. » Confirma-t-il en hochant la tête après les paroles de Ji Hyuk. C'était normal. Il n'allait donc pas le voir aujourd'hui. Dommage. Quelle perspicacité. Enfin bref. Il haussa les épaules, un peu déçu, et décida de retourner s'allonger sur le canapé. Le monde tournait un peu trop vite autour de lui et ça lui donnait la nausée.

Il s'étala comme une épave sur le canapé. Allongé sur le ventre, la joue écrasé contre le cuir, il leva juste les yeux vers Ji Hyuk. Il voulait qu'il lui décrive. De quelle genre de personne son super héros était-il tombé amoureux ? Il laissa échapper un petit rire quand il traita son petit ami d'idiot. C'était mignon. Il entendait presque les battements de son cœur. Il sentait en tout cas cette émotion si légère et si délicate dans sa voix. Ji Hyuk tenait vraiment à ce garçon. Minoru trouvait cela touchant et était même un peu ému. Il espérait de tout cœur avoir un jour la chance de connaître ce sentiment lui aussi. Il adorait les histoires d'amour dans les livres qu'il lisait et rêvait d'en vivre une toute aussi magique. « Lee Kyann. » Répéta-t-il en observant la photo que Ji Hyuk lui montrait. Un petit sourire se glissa sur ses lèvres. Comme s'il approuvait le choix de son héros. « Il est mignon. » Puis il bailla. Mais il le trouvait vraiment mignon. Minoru ne réalisait pas qu'un hétéro n'aurait probablement pas dit ça. Il disait innocemment tout ce qui lui passait par la tête. Il ne se posait d'ailleurs aucune question au sujet de sa sexualité. Il ne se demandait pas s'il aimait les hommes ou les femmes, il n'en savait rien. Il n'avait jamais ressenti une attirance pour l'un ou l'autre. Et puis, il n'était pas en mesure d'assumer une relation amoureuse. Il n'était pas assez stable pour aimer et ne désirait pas encombrer quelqu'un avec ses problèmes. « Ji Hyuk ? » Il l'appela d'une toute petite voix. Il avait fermé les yeux depuis quelques secondes parce qu'il sentait que ses paupières devenaient lourdes. Pour autant, il n'avait pas envie de dormir. Il voulait continuer à lui parler. « Comment on sait qu'on est amoureux ? » Minoru essayait encore de comprendre les mystères du monde qui l'entourait. Il n'arrivait pas à saisir certains sentiments ou émotions. Il posait du coup pas mal de questions. Les plus méchants se moquaient de lui pour ça et le disaient retardé ou totalement idiot. D'autres, comme Ji Hyuk, était en mesure de comprendre qu'il cherchait juste des repères.

Tenue ➦ Ce n'est pas une mince affaire de dévoiler un secret. Être homosexuel n'a jamais été une qualité pour moi, du moins, à l'instant où je me suis dit que je l'étais. à partir de là, je ne l'ai pas avoué à beaucoup de personne, en dehors de mon copain, de quelques rares amis et deux ou trois conquêtes du passé. Quand il se met à rire, une tonne de question défilent dans ma tête. Des pourquoi en permanence, comme si c'était important que je sache la raison de son fou-rire. Je devrais savoir qu'il est bourré, surement pas en état de bien réfléchir et qu'un rien pourrait le faire rire, mais quand je parle d'un sujet délicat, ça me donne toujours des doutes. Minoru n'est pas du genre à juger, surtout pas quand il s'excite à l'idée de rencontrer celui qui vit en face de chez moi. à ce moment-là, mes doutes s'envolent et je me sens soulagé qu'il ne soit pas dégoûté. Sur le coup, j'hésite. Pour plusieurs raisons, d'abord parce que mon cadet n'est pas en état d'être présenté, puis parce qu'il est un peu tard aussi. Kyann doit dormir -même si j'en doute- ou il n'est pas chez lui -même si j'en doute encore plus-. Normalement, on dort ensemble, soit chez l'un, soit chez l'autre. à tout les coups, il attend mon retour... Mais je ne voudrais pas l'embêter avec mes soucis, même si Minoru n'est pas un problème en lui-même. Il doit d'abord décuver, se reposer aussi, reprendre des forces et remettre son cerveau en place. Il aura d'autres occasions de rencontrer mon copain, de voir le héro du héro. à sa confirmation, je souris en secouant légèrement ma tête, approuvant à nouveau. Je préfère qu'il reste là, sur mon canapé, plutôt qu'il se surexcite à vouloir parler avec mon petit ami. Je penserais à lui en parler plus tard, histoire d'organiser un peu plus les choses. En attendant... Bah, faudra attendre justement.

Idiot. C'est souvent ainsi que je décris mon copain. Il n'est pas vraiment idiot en réalité, mais je l'ai toujours traité ainsi depuis notre rencontre. à mes yeux, il est stupide. Parce qu'il adore m'embarrasser et me faire rougir, parce qu'il ne se gêne jamais pour agir à sa guise, sans se soucier de personne. Parce qu'il n'en fait qu'à sa tête et pense à mes réactions que trop tard. En bref, il est débile dans sa manière d'être. Il n'est pas bien difficile d'entendre mon coeur battre au rythme de mes sentiments, rien qu'à regarder la photo prise sur mon téléphone. J'en suis gaga, comme une mère avec son gosse. L'amour rend idiot, alors je dois être atteint aussi. Mignon. Oui, il est adorable dans son genre. Un physique attirant, un sourire amusant, une bouille d'ange. Je peux égoïstement dire qu'il est à moi, que personne ne peut me le voler, mais je garde ma possessivité pour au moins -au maximum, du moins-. à son bâillement, je suppose qu'il doit être fatigué, complètement éreinté. Après une telle soirée, ce doit être parfaitement normal. Il devrait remettre cette question de couple, de sentiment ou d'orientation de côté pour cette fois-ci. J'ai été comme lui par le passé, à ne pas savoir ce que j'étais réellement. J'ai toujours vu mon meilleur ami collé à ma soeur, dans le genre à s'aimer sans se l'avouer, pour finalement vivre un truc enviable et intéressant. Il doit être ainsi aussi, toujours des questions pleins la tête. Quand il m'appel, je relève la tête et me rapproche de lui, attendant qu'il parle à nouveau. Comment on sait qu'on est amoureux ? Je réfléchi un court instant. « Quand la personne est toujours dans ta tête ? Ou quand tu t'entends super bien avec quelqu'un aussi ? C'est ce que je ressens pour lui, en tout cas... » Je le regarde, souriant doucement face à son air endormi. « Mais ça, c'est à toi de le voir. » Dis-je pour lui redonner un peu d'espoir. En fait, j'ignore s'il pourrait un jour découvrir tout cela ou s'il pourrait tomber sur la bonne personne. J'espère pour lui. « Tu ferais mieux de dormir un peu. ça été mouvementé ce soir ~ » Profitant qu'il pique du tête, je caresse doucement ses cheveux durant deux secondes, avant d'arrêter pour ne pas qu'il le prenne mal. Dormir devrait lui faire du bien, et demain sera un nouveau jour.

Minoru lisait énormément de romans contemporains à l'eau de rose. Ces bouquins de gare pour les jeunes femmes rêveuses ou les ménagères en quête de romantisme. Il se perdait dans ces aventures mielleuses et craquait lui aussi pour ces protagonistes virils qui, sous leur carapace, veillaient au bonheur de leurs demoiselles en détresse. Il s'imaginait trouver un jour quelqu'un de suffisamment patient pour prendre soin de lui. Une personne sur laquelle il pourrait compter. Une épaule où s'appuyer. De la chaleur pour sécher ses larmes. Dès son arrivée dans le monde réel, Minoru avait dû emmagasiner beaucoup d'informations sur les différents rapports entre les gens. Sa vision, encore un peu faussée, se limitait autrefois à ce lien qu'il avait avec son kidnappeur et agresseur. Rien de très sain. D'abord une certaine dépendance, puisqu'il lui apportait à manger et lui tenait compagnie. Puis, il n'avait vu personne d'autre pendant près de dix ans. Et à la fin, de la haine, de l'amertume, du dégoût. Tout ça bizarrement mélangé avec une espèce de reconnaissance. De la gratitude face à cet homme qui, même s'il l'avait violé et frappé, s'était très bien occupé de lui pendant longtemps. Alors après ça, ce qu'il découvrait dans ses livres, y compris dans les classiques, lui donnait matière à rêver. Même s'il se doutait que la réalité était différente. Il savait à présent d'expérience que la réalité n'était jamais telle qu'on se la représentait et qu'elle ne ressemblait pas à tous ces mondes imaginaires. C'est pourquoi, un peu curieux, il interrogea Ji Hyuk sur la question. Il était amoureux, il connaissait donc bien ce sentiment, pas vrai ? Minoru se demandait si c'était vraiment comme ce qu'on décrivait dans les histoires. « Tu veux dire que tout le monde ne le ressent pas de la même façon ? » L'alcool avait beau lui vrillé le cerveau et même si la fatiguait l’assommait, Minoru continuait de se creuser les méninges. À tort, on prenait son innocence pour de la bêtise. Certains le pensaient même carrément retardé. Mais s'il était très naïf, cela ne signifiait pas qu'il ne cherchait pas à comprendre le monde qui l'entourait. Quelques détails restaient mystérieux. Des zones d'ombre l'effrayaient encore un peu. Il continuait d'avancer malgré tout. Lentement, en tâtonnant.

L'étudiant luttait contre le sommeil. Cette conversation l'intéressait et le rendait curieux. Mais il se sentait un peu plus partir à chaque seconde. Il baillait assez souvent ou se frottait les yeux. D'ailleurs, cela devenait rare qu'il puisse s'endormir sans prendre ses médicaments. Même s'il n'en avait pas vraiment l'air, Minoru suivait un traitement depuis quelques mois. Somnifères et autres anxiolytiques appartenaient désormais à son quotidien pour l'aider à mener une vie plus 'normale'. « D'habitude, je prends un médicament pour dormir. » Dévoila-t-il à son sauveur. Il ne le criait pas sous tous les toits mais maintenant que Ji Hyuk était au courant de son passé, sa langue se déliait pour laisser échapper d'autres détails. De plus, il ne sera probablement plus aussi bavard une fois sobre. Il frissonna et retroussa son petit nez en sentant les doigts de son héros passer dans ses cheveux. Un contact doux mais auquel il n'était pas encore habitué. Après ces dernières années à éviter de toucher ou d'être touché par les autres, il ressentait cette sensation différemment. Mais l'aspect fraternel et chaleureux de ce geste le poussa à en réclamer plus. C'était réconfortant en fait, de se laisser dorloter. Ses doigts s'enroulèrent autour du poignet du coréen et il l'invita ainsi à recommencer. « Merci Ji Hyuk. » Ce simple murmure parvint encore à franchir la barrière de ses lèvres avant qu'il ne s'envole définitivement pour le pays des rêves. Bercé par les caresses de Ji Hyuk et rassuré par sa présence.

Tenue ➦ Passe à un temps j'étais similaire à Minoru. Ma vision des choses était erroné à cause d'une seule personne qui gouvernait mon monde. Pour mon père, le  boulot passait avant tout. Apprendre, savoir, régner, gérer, calculer. J'ai vécu dans cette optique durant des années, à croire que l'amour est programmer, qu'une famille se construit comme on pourrait construire un château de sable. Rien n'était naturel avec lui, fallait tout faire selon un chemin, des plans, des idées bien précises. Le hasard n'existait pas à ses yeux, c'est nous seul qui organisons notre vie de a à z, sans compassion ni faiblesse. J'ai été plongé dans un moule dès mon plus jeune âge, sans avoir la chance d'en sortir. Je voyais bien ma soeur différente de moi, mon meilleur ami beaucoup plus heureux que moi alors qu'il possédait beaucoup moins que moi. Je ne comprenais pas cette façon de vivre, je ne comprenais même pas pourquoi je me sentais mal et à l'écart des autres enfants. En grandissant, j'ai compris que ce n'était pas normal, que je m'étais laissé avoir par les illusions de mon père et qu'au final, je ne voulais pas être comme lui. Je ne veux pas aimer une personne sous prétexte qu'elle est riche, qu'elle a une place importante dans la société, mais aucun sentiment entre nous. Je ne veux pas aimer sous prétexte que ce serait une femme et qu'elle pourrait me donner un gamin qui finira comme moi, mal dans sa tête et dans sa peau. Il a fallut que je me secoue, que je m'en aille loin de ma famille vers l'inconnu pour rencontrer le sens véritable d'une vie. Une vie que l'on désire et que l'on chéri, sans papa dans notre dos pour tirer les ficelles. Kyann a briser ses liens qui me manipulaient, il m'a fait découvrir que notre existence ne se résume pas à des attentes, ni à des choses qu'on n'a pas envie de faire. Ce serait bien que Minoru comprenne le propre sens de la vie, de sa vie. Qu'il ne faut pas rester sur une expérience passée, mais qu'il faut progresser et s'ouvrir malgré les blessures ou les chaînes qui nous ont retenus jusqu'à présent. C'est à lui de l'apprendre, mais je tente toujours de lui montrer la voie, de lui expliquer sans le forcer. Il y arriver, j'ai confiance en lui. « Je ne pense pas. En fait, j'en sais rien. Ce sera à toi de me dire comme tu l'as ressenti, quand cela t'arrivera. » Je serais curieux de le voir, d'ailleurs.

Le temps passait vite malgré qu'il soit curieux et bavard, ou que nos sujet de conversation soit intéressant et instructif. Je le vois lutter contre la fatigue, agissant comme un enfant à force de se frotter les yeux ou de bailler. Pour ma part, je ne suis pas encore à cet état de somnolence, sûrement parce que l'alcool n'a aucune emprise sur moi et que cela ne risque pas de m’assommer. J'ignorais complètement les habitudes du jeune homme, ne pensant même pas qu'il puisse prendre des médicaments, sauf quand il me l'appris de vive voix. « Je dois avoir un effet somnifère. » Plaisantais-je en voyant qu'il piquait du nez, mes doigts glissant doucement dans ses cheveux claires. Je n'ai pas de médicament pour l'aider chez moi, mais je fais en sorte qu'il se sente à l'aise et en sécurité pour fermer les yeux sans aucune crainte. J'aurai pu être un bon père, pensais-je avec un sourire d'idiot. Malheureusement, ce n'est pas moi qui pourrait en avoir, et je ne pense pas qu'adopter un enfant pour un coup gay soit bien vu. Tant pis, dans une autre vie, qui sait. Je ne comptais pas être insistant sur mes caresses, mais la main de Minoru autour de mon poignet m'autorisa à continuer, ce que je fis avec un sourire amusé et tendre. Il est adorable, sérieux. « Ce n'est rien. Repose-toi, demain il fera jour. » Soufflais-je en repensant aux mots de Kyann, demain il fera jour. Minoru tomba dans les bras de Morphée, tandis que je le berce encore un peu, avant de recouvrir son corps avec une couverture et ranger rapidement mon appartement. Cela fait, je pouvais aussi aller dormir et cela sur mes deux oreilles, sans hésitation. Demain sera un autre jour, qu'importe le temps.