La surprise est l'épreuve du vrai courage

Je n’avais qu’une envie : courir loin de cet endroit, rentrer dans les dortoirs et me cacher sous la couette de mon lit pour le reste de la journée. Je saturais déjà de discuter du problème, certes non des moindres, qui venait de se présenter devant nous, tel un cadeau empoisonné laissé par un mauvais farceur passé par là. Pourquoi diable cette fichue feuille de résultat ne pouvait pas changer ?! On n’avait vraiment pas besoin de ça, encore moins dans de telles conditions qui rendaient tout cela très délicat à gérer, j’en étais parfaitement consciente. Je n’avais aussi pas la moindre idée quant à la façon de gérer tout cela, je n’arrivais pas y penser calmement et de façon réfléchie, c’était encore trop récent dans mon esprit pour prendre une décision importante à ce sujet, encore moins avec Ryû qui pointait constamment les diverses difficultés auxquelles je devrais me préparer si jamais je ne décidais pas de recourir très prochainement à l’avortement. Au lieu de m’aider à réfléchir plus précisément à la question, ça avait le don, au contraire, de m’agacer terriblement. Je n’avais pas envie de débattre durant des lustres sur le sujet, encore moins en ce moment précis, encore moins avec lui. J’avais besoin de calme, de silence, voilà tout.

Alors cela me faisait gentiment rire quand il me disait de ne pas hésiter à faire appel à lui si jamais j’avais besoin d’aide. Et que pouvait-il faire, j’aimerais bien le savoir. Il ne pouvait pas faire disparaître Royal Shit ni tous les élèves qui me toiseraient avec des yeux pleins de jugement, non, il n’avait pas ce pouvoir-là, sans quoi je n’aurais pas besoin de me faire autant de sang d’encre. En vérité, je ne comprenais pas pourquoi il s’obstinait à vouloir faire mine de m’épauler dans cette histoire, ce n’était pas comme si on se connaissait vraiment ou qu’on s’appréciait. On avait juste couché ensemble par mégarde une fois, erreur fatale qui nous avait amené jusque-là, mais c’était tout. On n’allait pas se mentir, cet embryon grandissant, c’était un fardeau au vu de la situation, alors je ne voyais pas bien pourquoi ça l’intéressait tellement. Soit, c’était en partie de sa faute aussi, mais de là à s’impliquer autant, je ne pensais pas que c’était possible à vrai dire. Et je n’aimais pas non plus avoir à me reposer sur quelqu’un même quand les choses paraissaient impossibles à gérer. Je préférais me débrouiller seule, quitte à devoir attendre un peu plus avant de pouvoir sortir la tête de l’eau.

Aussi ne pus-je m’empêcher de rouler des yeux au moment où Ryû me répondit qu’on en reparlerait quand j’aurais besoin d’aide. Bien sûr. Il n’avait pas saisi le message ? Comment étais-je supposée lui faire comprendre qu’il ne pouvait en fait rien faire pour m’aider désormais ? Je ne voulais pas de sa prétendue aide, je n’avais pas envie d’avoir à le consulter dès qu’il faudrait prendre une décision et je savais que je devrais en prendre à plusieurs reprises dans les mois qui allaient suivre. Et si j’avais pensé que nier en bloc le fait que c’était lui le père biologique serait une idée qu’il approuverait, je fus à nouveau bien déçue du résultat. Pourquoi diable s’entêtait-il à tout compliquer ? C’était tout de même dans notre intérêt mutuel à ce que cette soi-disant relation professeur/élève pointée du doigt par Royal Shit ne soit jamais révélée, non ? Enfin, je ne savais pas pour lui, mais je n’avais franchement aucune envie de me faire convoquer par le directeur avec lui parce que, ouhlàlà, entre un professeur et une élève, même non officielle, ça ne se faisait pas. Les sermons moraux j’en avais ma claque d’avance.

« Je sais pas, lui répondis-je sèchement, le regard noir, je verrais bien de toute façon ça se verra pas tout de suite. Au pire ça sera qu’une énième aventure qui aura mal tourné, que veux-tu… »

Le champ des possibles était assez ouvert pour cela, je n’aurais qu’à piocher dans des situations toutes faites fournies par les dramas, ce n’était pas bien compliqué à trouver. Je pouvais tout aussi bien m’inventer un petit-ami fictif qui demeurait en Corée du Sud, j’aviserais quant à la meilleure solution à fournir. Mais s’il avait envie de plonger la tête la première dans les emmerdes avec moi, je n’allais pas me décarcasser à trouver un scénario plausible. En fait, je ne comprenais même pas pourquoi j’avais eu la brillante idée de vouloir lui sauver la mise dans l’histoire ni pourquoi ça me mettait tellement en rogne de voir qu’il s’obstinait à vouloir ne pas me laisser me débrouiller toute seule. Enfin quoi, il ne pouvait pas être un mec, un vrai, qui prenait ses jambes à son cou dès qu’il entendait le mot « enceinte » ? Qu’est-ce qui clochait avec lui ?

« Mais si tu préfères te faire virer et être au chômage, vas-y je ne vais pas te retenir, repris-je avec un ton sarcastique, c’est sûr que ça me sera tellement plus utile. Enfin bon, tu fais ce que tu veux. Je suis une grande fille et la seule chose dont j’ai actuellement besoin, c’est mon lit et beaucoup de sommeil. Alors arrête de vouloir m’aider, j’ai pas besoin d’aide et encore moins de la tienne ! »

Moi-même je n’avais pas compris comment je m’étais retrouvée à m’emporter et à lui crier dessus juste parce qu’il voulait m’offrir un peu de soutien. Les nerfs qui lâchaient certainement ou les hormones qui commençaient déjà me faire avoir des sautes d’humeur. Génial. En revanche, je ne voyais pas bien comment ces deux facteurs seuls pouvaient expliquer pourquoi je m’étais retrouvée à coller mes lèvres contre celles de Ryû. La folie me guettait, je ne voyais que ça. Prenant conscience de l’énorme bêtise que je faisais, encore, je me dégageai et m’enfuis, comme une voleuse, sans rien dire, courant aussi vite que mes jambes me le permettaient. C’était vraiment la pire journée de mon existence.

FICHE ET CODES PAR ILMARË