Tenue ღ Les joies d'une vie bien remplie. Plus une seule minute ne lui appartenait. Chaque seconde comptait. Elle adorait ça. Elle aimait vivre comme ça. Hazel se sentait puissante. À nouveau, elle marchait la tête haute et évinçait les autres. Elle brillait et écartait quiconque se mettait au travers de sa route. Cette nouvelle confiance, elle la devait à ses étudiants. Sans eux, jamais elle n'aurait trouvé la force de reprendre sa carrière. Ils ne s'en doutaient pas -car ils ne l'encourageaient pas et continuaient même à la détester- mais les aider, les faire progresser et les accompagner sur le chemin de la réussite, tout ça, avait contribué à raviver sa propre flamme. Elle, qui ne se croyait plus capable de brûler les planches, se surprenait à rêver de récupérer sa place. Entraîner Maylie lui prouvait que son corps répondait encore très bien et se pliait à ses exigences sans mal. Coacher Miyaki la poussait à se remettre en questions et à vouloir aller plus loin. Elle se rendait compte que renoncer pour une blessure ne lui ressemblait pas. Elle allait se battre et coupait l'envie aux mauvaises langues de baver sur son dos. Elle n'avait pas eu une carrière brillante, elle était encore en plein dedans.
Elle se tuait donc à la tâche. Entre ses cours, les répétitions avec ses protégés et l'élaboration de son prochain spectacle, Hazel revenait à elle tel un phœnix qui renaît de ses cendres. Puis elle ne veillait pas sur Miyaki et Maylie pour rien. Elle avait décelé une étincelle particulière chez ces deux jeunes gens et sentait leur potentiel. Ce n'était pas innocent. À la fin de leurs études, elle voulait avoir le monopole sur eux et leur ouvrir les portes de ce monde rempli de strass et de paillettes. D'ailleurs, elle préparait déjà le terrain. Aujourd'hui, elle allait accompagner sa tête brûlée préférée à une audition dont elle avait entendu parler grâce à ses contacts dans le milieu. Rien d’extravagant, ils cherchaient simplement un jeune danseur figurant pour un clip. Pour Hazel, Miyaki avait toutes ses chances et avait même plutôt intérêt à être sélectionné. Elle détestait perdre, disposant d'un esprit de compétition à toute épreuve. Elle ne le présentait pas pour rien en plus. Elle le savait capable et ne risquait pas de tolérer un échec.

À la manière d'une mère poule, elle avait récupéré son poulain sur le campus une heure avant. Ils roulaient dans le centre de Tokyo. La concentration était de mise alors que la belle brune répétait encore et encore les mêmes conseils. Elle radotait un peu mais cela lui permettait de libérer son stress. Car oui, elle était stressée. Elle sentait ses mains moites glisser sur le volant et s'étonnait de prendre autant à cœur cette audition à laquelle elle ne faisait que présenter un candidat. Même pour les siennes, elle ne s'était pas montré aussi nerveuse. « Oublie pas, la première impression est super importante. Ils font attention à ce qu'une personne dégage. Confiance, maîtrise, charisme. Des mots clés, tu dois leur inspirer tout ça. » Elle n'arrêtait plus pour le plus grand malheur du jeune homme assis à ses côtés. Lorsqu'ils arrivèrent enfin sur le parking de l'immense immeuble de l'agence qui faisait passer le casting, elle resta un moment sur place sans couper le moteur ou serrer le frein à main. Ce n'est qu'après avoir pris une grande respiration qu'elle quitta la voiture. Elle lissa sa jupe, balança ses cheveux en arrière et tout en faisant un V de victoire avec ses doigts lança : « C'est parti, tu vas les défoncer. » Là, elle ressemblait plus à une amie qu'à une enseignante, mais une fois les grandes portes passées, on remarquait tout de suite la différence.

Les gens qui travaillaient là, la saluèrent avec de grands sourires et de belles courbettes. Les danseuses professionnelles qui croisèrent sa route lui exprimèrent leur admiration. À l'accueil, elle n'hésita pas à passer devant tout le monde. « Excusez-moi, je suis là pour présenter quelqu'un au casting de monsieur Satô. » La demoiselle s'agita derrière son comptoir, donna les papiers à Hazel ainsi que le numéro. La ballerine pivota vers Miyaki et lui colla aussitôt l'étiquette sur le t-shirt puis remercia l'employée. « Suis-moi. » Elle ouvrit la voie à travers les couloirs. Ils prirent l’ascenseur jusqu'au sixième étage. Là, ils prirent à droite et tombèrent sur un grand vestiaire déjà rempli d'autres danseurs venus pour tenter leur chance eux aussi. Dès l'entrée de l'américaine, on se mit à chuchoter mais elle n'y accorda aucune attention. Il fallait motiver les troupes maintenant. « T'es prêt ? Ça se fait en trois étapes. Je crois que vous êtes cinquante, après vingt puis dix. Si tu passes pas la première, j'te jure que je te démonte. » Elle pointa un index menaçant sur le jeune homme et fronça les sourcils. La Hazel stricte, sévère et peau de vache était de sortie.

Tenue ღ Il n'y a pas un jour où l'envie de progresser ne m'habite pas. Chaque heure qui s'écoule, je pense encore à m'améliorer, à danser, à pousser mes limites, même en étant assis sur une chaise pendant un cours d'histoire sur la Japon féodal. Le professeur m'a déjà surpris entrain de dessiner des trucs bizarres qui d'après lui « ne ressemble à rien » alors que je tentais de mettre mes idées de chorégraphie sur papier. D'accord, j'avoue dessiner comme un pied et ne pas dépasser le niveau d'un gamin avoisinant les deux ans, mais quand même! ça m'offusquait qu'il ose dire une telle chose, comme si la danse ne ressemblait à rien. Ouais bon, là aussi, je m'emporte pour que dalle. Il a fini par me faire recopier dix fois son foutu cours pour que, d'après lui « je ne dois penser qu'à l'histoire de notre pays ». Rien à foutre des morts. Ils ne dansaient pas à l'époque, ou cela n'avait aucun sens pour eux, à part jouer la geisha -et encore-. Là encore, il n'a pas apprécier mes remarques déplacées et m'a collé deux heures à la fin de semaine... Comment vais-je expliquer cela à Hazel sans qu'elle ne m'arrache un oeil ou le crâne ?

En parlant de Hazel, elle ne m'a pas lâché d'une semelle depuis notre contrat. Elle le prend très au sérieux, comme moi. C'est une occasion que je ne peux louper, alors qu'elle peut me projeter au devant de la scène ou dans un groupe de danse. Je garde encore l'espoir et la conviction d'arriver à bout de mes efforts et d'être enfin reconnu. Ce n'est pas la motivation qui me manque, ni la ponctualité d'ailleurs. J'ai toujours été à l'avance, peut-être que de cinq minutes, mais c'est mieux que rien. Avec ces cinq minutes d'avance, j'ai déjà pu croiser cette étrange fille qui me tape sur le système, Maylie. Je ne comprends pas sa façon d'agir... Elle insiste toujours, même quand je suis méchant avec elle. C'est son problème, si cette idiote adore se frotter à un gars comme moi. Qu'importe, je chassais rapidement cette fille de ma tête pour me reprendre. Aujourd'hui, j'ai du boulot. Grâce à Hazel, comme toujours. Cette femme est forte pour trouver des bons plans, et cette audition est parfaite pour moi. Vraiment, avec toute la modestie que je possède, je me vois déjà réussir et être prit pour le tournage du clip en tant que danseur. L'ambition, c'est le plus important pour un danseur, surtout quand il n'a grimpé que la première marche.

Pêché sur le campus par Hazel, j'ai quitté l'université pour la suivre dans sa folle aventure vers mon audition de danse. à la voir et à l'entendre, le stresse la rongeait de partout. Je me demande qui de nous deux passe cette audition, sérieux. Parce que moi, je suis étrangement calme et à ma place. Pas une once d'angoisse en moi, alors que je suis le candidat. « Madame, c'est moi qui doit danser... Arrêtez d'être aussi stressé à ma place. Vous allez fondre sur votre siège à force de transpirer comme ça. » Elle ne transpire pas, c'est juste une façon de parler pour lui dire de se calmer. Hazel n'en finissait plus, instaurant une pointe de doute en moi. Pourquoi radoter alors que je suis si confiant ? Douterait-elle de moi ? Je n'ai pas l'air si confiant, pleins de charisme et maître de moi ? Elle m'agace quand elle est dans cet état, franchement. Même sur le parking, elle ne s'apaise pas pour autant, réagissant au ralentis. Ce n'est qu'une fois en dehors de sa voiture qu'elle se décrispe, sourit et me fait un signe avec ses doigts. Au départ, une grimace blasée déforme mon visage, avant qu'un sourire ne s'étire jusqu'à mes oreilles, le pouce levé. J'y crois, ouais. « Oui, chef! » Un salut militaire, puis je la suivis dans le bâtiment.

Je dois être avec une star, ce n'est pas possible autrement. Tout le monde s'inclinent devant Hazel, limite à ses pieds ou à se traîner par terre pour elle. ça me blase davantage, tandis que je continue de la suivre jusqu'à l'accueil, dérangé de passer devant les autres. Ce n'est pas illégal, ça ? Les mots de ma professeur me remirent les pendules à l'heure, mon coeur s'agitant doucement sous le coup de pression. C'est bientôt mon tour, pensais-je en ravalant ma salive, une étiquette collé à mon t-shirt. « C'est ce que je fais depuis tout à l'heure. » Je me tais, ok ok. Comme prévue, je la suivais dans les couloirs, jusqu'à l'ascenseur puis le sixième étage. C'est haut, dis donc. De quoi ai-je l'air avec Lee Hazel à mes côtés ? Je vois déjà la tête des autres participants, leurs chuchotements ne passant pas tellement inaperçu. Apparemment, je n'ai pas le droit à l'erreur, d'après leurs regards. à la voix de mon aînée, je reporte mon attention sur elle, attentif et silencieux. « Faites-moi confiance, je passerai toute les étapes haut la main. » Je ris en regardant son doigt, donnant une pichenette dedans. Pff, c'est presque trop facile comme défi. Ils ont tous l'air de chiffe môle, ahlala. Mon manque de modestie reprend le dessus, comme le côté ingrat et chiant de Hazel. « Et si je réussi, à quoi ai-je droit ? » Je demande en haussant un sourcil, taquinant un peu ma sempai.

Tenue ღ Cela l'énervait presque qu'il soit aussi calme. Ou plutôt, ça la stressait encore plus. Ne ressentait-il pas toute la pression qui pesait sur ses petites épaules d'étudiant ? Hazel hallucinait. Ce sale gosse arrogant se voyait sans doute déjà réussir haut la main toutes les étapes de l'audition. De la maturité et de l'expérience, voilà ce qui lui manquait. Heureusement qu'elle était là pour lui remettre les idées en place. Toutes ces heures qu'elle passait avec lui finiraient par payer un jour, elle voulait y croire. Alors lorsqu'il lui parla de fondre sur son siège, elle tendit son bras pour le bousculer à plusieurs reprises et le cogner avec une certaine violence sur l'épaule. « Toi ! Arrête d'être détendu comme ça. T'es trop zen, putain. » Elle ne tenait plus sa langue devant le jeune homme depuis longtemps. D'ailleurs, celui arrivait parfois d'être vulgaire devant une de ses classes mais elle essayait de se contenir au mieux. Sauf qu'aujourd'hui, alors qu'ils s'approchaient du lieu où se tenait le casting, Hazel se sentait mille fois plus stressée que si elle s'apprêtait à s'y présenter. C'est pourquoi, elle s'autorisa une petite minute en solitaire dans la voiture pour se décrisper et reprendre le contrôle. Tout le monde la connaissait ici. Elle avait déjà travaillé avec eux plusieurs fois par le passé. Après avoir pris une grande bouffée d'air, elle sortit et claqua la porte derrière elle dans un geste théâtral.

Leur entrée ne manqua à personne. Ils ne les quittèrent pas du regard une seule seconde et Hazel salua plusieurs de ses connaissances. Elle se permit de dépasser tout le monde. D'ailleurs, pas un ne broncha. Au contraire, ils chuchotaient tous, surpris de la voir entre ces murs avec un si jeune garçon. Hazel colla l'étiquette avec le numéro qu'on venait d'attribuer à son protégé sans grande délicatesse -s'en servant pour passer un peu ses nerfs-. D'ailleurs, elle le punit aussitôt pour sa remarque de faux adolescent blasé en l'attrapant par l'oreille. Les dents serrés, elle articula assez pour que lui seul puisse l'entendre. « Au cas où t'aurais pas remarqué t'es sur mon terrain là, interdiction de faire le malin et de me taper l'affiche, compris ? » Elle le délivra pour lui ouvrir la voie. Elle connaissait parfaitement chaque coin de cet immeuble et paraissait avoir une sorte de carte dans la tête.

Elle déposa son sac et se dérassa aussi de sa veste dans un coin de la salle bien à l'écart des autres. Si elle avait appris quelque chose des nombreux castings de sa carrière, c'était bien ça : ne pas se mélanger pour éviter de se faire influencer. Hazel expliqua le fonctionnement à son étudiant et fronça les sourcils devant une telle désinvolture de sa part. « T'as un ego surdimensionné. À ne pas confondre avec la confiance qui, elle, reste la bienvenue. » Elle croisa les bras sur sa poitrine. Aucune trace d'un quelconque sourire. Le visage fermé, Hazel ne rigolait plus. Si ces derniers temps sa relation avec Miyaki s'était amélioré et qu'ils parvenaient plus ou moins à discuter -enfin ça dépendait des jours, quelque fois ils se hurlaient dessus plus qu'autre chose- elle n'en restait pas moins fidèle à elle-même. Stricte et exigeante, elle attendait le meilleur de sa part ne comptant pas accepter une quelconque défaite. « Si tu réussis ? J'te rappelle que rien qu'être là c'est un cadeau. T'as ta place ici uniquement parce que je m'appelle Lee Hazel. » Elle lui rendit sa pichenette mais sur le bout du nez. « Allez, échauffe-toi et étire-toi un peu. » Elle s'empara pendant ce temps là du dossier qu'elle gardait dans son sac et qui contenait les planches de présentations du spectacle qu'elle désirait créer. Pour ça, elle avait besoin de partenaire et elle comptait bien se mettre dans la poche cette agence. Elle s'adossa à un mur pour le feuilleter répétant dans sa tête son petit discours. Elle remuait les lèvres mécaniquement mais aucun son ne sortait.

Elle ne s'arrêtait que lorsqu'on entrait dans la salle pour annoncer le candidat qui devait passer. À chaque fois, elle avait l'impression que son cœur allait la lâcher tant la pression était grande pour elle. Elle soupirait de soulagement lorsqu'elle n'entendait pas le numéro de son étudiant. Comment avait fait son agent pour rester solide dans ces moments ? Quand enfin on prononça celui de Miyaki, elle envoya valser son porte-document sur ses affaires et le prit par les épaules en le poussant jusque là bas. Juste avant qu'elle ne passe la porte, elle lui chuchota à l'oreille « Fighting. » et le laissa car bien sur, elle n'avait pas le droit de l'accompagner. Alors elle se contenta de tenir sur la pointe des pieds pour l'observer à travers le hublot de la fenêtre. Quatre juges, deux grandes pointures dans l'industrie et deux danseurs reconnus qu'elle avait croisé quelques fois.

Tenue ღ Cette prof m'étonnera toujours autant à faire sa petite crise de stresse, alors que je gardais mon calme comme si j'étais maître dans l'art du yoga. Inspirer, expirer. Rien ne pouvait m'atteindre et me faire descendre de mon petit nuage sécurisant, bien haut placé au-dessus de tout le monde. Une vague impression de narcissisme, en plus d'être imbu de moi-même par la même occasion. Si je cède à la panique et m'emporte comme elle, jamais je ne passerais le pas de la porte. Sauf que Hazel prend vraiment les choses au sérieuse, jusqu'à me défoncer l'épaule avec ses petites mains. Par réflexe et pour me défendre, je fis un écart sur ma droite en protégeant la zone ciblé de ma main libre. « Pas la peine de me réduire l'épaule en miette! » Ma voix ne monte même pas de tonalité, restant toujours aussi zen et droite. Faudrait qu'elle apprenne à se contrôler avant de me tirer dans ses aventures, parce que si le chef ne suit pas, l'apprentis n'ira pas loin non plus. Bref, je la laisse reprendre sa respiration dans sa voiture, attendant qu'elle daigne enfin prendre son rôle de tuteur, professeur, ou ce que vous voulez de plus adulte et mature. Une image qui lui colle bien à la peau, quand j'y pense. Cette femme a une allure professionnelle et je ne serais pas étonné d'être respecté rien qu'en l'accompagnant. Déjà, être son élève est une bonne opportunité pour mon rêve et moi.

Au-delà des murmurent, notre entrée ne passait pas inaperçu. Pas un seul regard ne se détournait d'elle, tandis que mes yeux voyageaient dans la pièce, parmi les gens, entre le mobilier. Je me sens presque transparent, percé à jour, jeté dans la fosse au lion. Quoi que, c'est Hazel le lion, ces gens ne sont rien comparé à elle. Puis, elle me colle son truc dessus, non sans délicatesse de sa part. J'aurai dû m'en douter qu'elle prendrait ce prétexte pour défouler son stresse sur moi, avec son auto-collant ringard. Un numéro. Genre, il devrait coller mon nom sur mon vêtement, pas un simple petit numéro de pacotille. Modestie à part, je ne lâchais toujours pas Hazel d'une seconde, ni d'un mètre. Même quand elle faillit m'arracher l'oreille en tirant dessus. « Hey! Mais je n'ai rien fait! » Aussitôt je récupère mon oreille avec un mouvement de tête vers l'arrière. Pff, comme si j'allais faire le con ici ou lui foutre la honte.

Il y avait du niveau dans ce petit vestiaire, des bonnes pointures en danse, sûrement. Mais nous nous attardons même pas avec eux, plutôt à part et en retrait. Hazel jouait la coatch sérieuse et confiante, pendant que je m'appuyais un peu trop sur mes chevilles gonflantes. Où était le mal à déjà se voir gagnant ? Au moins, je ne peinerai pas à les battre, même si ça pourrait causer ma perte à trop croire en mes facultés. Si je tombe, je serais plus que déçu de moi-même. « Vous dites n'importe quoi, je suis confiant. » je n'accepte pas son commentaire, mimant une croix avec mes mains croisées l'une contre l'autre. C'est elle la pro, la déesse du tutu, le cygne du lac, en bref, ce n'est pas à moi, pauvre petit canard, de donner la leçon. Hazel savait de quoi elle parlait et je ne doutais pas de ses mots, même si je n'accepte pas pour mon égo. Quant à ma réussite, je quémanderai presque une récompense pour celle-ci, laissez moi rêver. « J'aurai préféré un cadeau plus matériel. » Fis-je avec une moue, avant de froncer mon nez à sa pichenette. « Oui, m'dame! » Tant pis pour ma récompense. Je laissais Hazel à ses affaires pour m'étirer dans mon coin, que ce soit en restant debout pour me courber dans tout les sens, ou assis pour aussi me tordre dans tout les sens. Je sentais mon corps craquer et bouillonner, animé par cette envie de gagner. Je serais reconnu, quoi qu'elle dise. Ces gens-là ne me font pas peur, je pourrais tous les dépasser sans aucun problème. J'y crois tellement, merde.

à l'annonce du début, mon coeur s'activa enfin dans ma poitrine, battant plus rapidement qu'auparavant. Ce n'est pas du stresse ou de la panique, mais plutôt de l'excitation. Je vais pouvoir me donner à fond et montrer mes capacités à des gens populaires et taillé dans ce domaine. Hazel fait partie de leur monde, mais le siens a quelque peu chaviré à cause de sa blessure à la cheville. C'était du un par un, apparemment. Les autres candidats allaient et venaient, sans trop savoir leur chance. L'impatience se lisait sur mon visage, le regard fixé sur la porte. J'en avais arrêté de bouger, sautillant presque sur place  à l'entente de mon numéro. Il serait temps! Hazel ne me laissait pas le temps d'avancer tout seul, me poussant par les épaules jusqu'à la porte, avant de murmurer à mon oreille et de me faire sourire. Relevant mon pouce avec un clin d'oeil, je la laissais en arrière pour entrer dans la pièce et saluer les juges, me présentant brièvement à eux. Respect et politesse, si je me souviens bien. Ce qu'ils pensaient de moi ? Je l'ignore. La musique se mit simplement en route, comme convenu et je sentis mon palpitant redoubler d'ardeur, de vitesse. Mon corps s'activa de lui-même, emporté par le rythme de la mélodie se répercutant en moi, dans chaque cellule, chaque membre, chaque muscle. En fermant quelques instants les yeux, ce n'est pas dans une pièce que je me vois, mais dans la rue, avec des potes. Ils sont là à gueuler pour m'encourager, me dire de les défoncer et un sourire complice se dessine sur mon visage. Je ne perds pas non plus de vue que ces personnes face à moi ne représente pas ma bande, et que seulement eux peuvent réellement m'aider à aller plus loin, au-delà des portes ouvertes par Hazel.

Tenue ღ Trop confiant même. Elle croisa ses bras sur sa poitrine tout en le toisant. Ce gamin se croyait invincible. Une infime part d'Hazel en vint à souhaiter qu'il échoue, juste pour que ça lui serve de leçon, mais c'était vraiment minime. Elle préférait la victoire. Elle adorait la plus haute marche des podiums. Et ne tolérait pas l'échec. Elle finit par soupirer et haussa les épaules. « C'est bien, mais ça ne suffit pas tu sais. » Oh que non. D'autres jeunes présents se voyaient déjà obtenir la place que Miyaki convoitait et ils y croyaient sans aucun doute autant, voir peut être plus pour certains, que lui. Il fallait qu'il se mette bien ça dans le crâne. Même s'ils collaboraient depuis quelques semaines maintenant et qu'elle constatait avec plaisir ses progrès, le chemin à parcourir pour la rattrapait -ou lui arrivait ne serait-ce qu'à la cheville- était encore très long. Il n'avait rien d'un professionnel pour le moment contrairement à ce qu'il semblait s'imaginer. D'ailleurs, cela n'amusait plus Hazel qui préférerait qu'il se concentre. « Un cadeau plus matériel ? Tu veux que je rajoute des heures à notre planning ? » Plus menaçant, les poings sur les hanches après lui avoir rendu sa pichenette, elle grogna même légèrement. Il lui tapait vraiment sur le système là.

Pendant qu'il s'échauffait, Hazel se concentra sur le dossier qu'elle devait présenter plus tard. Cela l'aidait à ne pas trop penser et à contrôler son stress qui montait à chaque fois qu'on appelait un autre numéro que celui de son élève. Les battements de son cœur partirent en vrille quand enfin on demanda Miyaki. Elle ne lui laissa pas le temps de reprendre ses esprits le poussant déjà dans la bonne direction. Néanmoins, avant de l'abandonner et de le livrer dans la gueule du loup, elle lui souhaita bonne chance. Le voir aussi excité l'apaisa un peu lui rappelant comment elle avait été à sa place. La porte se referma et elle lia ses mains comme si elle allait prier pour lui. Hissée sur la pointes de ses pieds -pas évident quand on porte des talons aiguilles-, elle ne rata pas une miette de la prestation de son protégé. Elle notait bien sur ses erreurs dans un coin de son esprit et parfois elle regardait les juges en tentant de déchiffrer leurs expressions. Mais ils affichaient tous une totale poker face ce qui rendait la tâche compliquée. Même si ce n'était pas parfait, Hazel était très satisfaite de ce qu'il venait de leur montrer. Dès qu'il termina, elle s'empressa de chercher une serviette et une bouteille d'eau, en bonne coach. Elle se poussa pour le laisser revenir dans la grande salle qui servait de vestiaire et les lui tendit. « Deux mouvements que tu n'as pas porté assez loin. Et un temps fort raté. » Comme d'habitude, elle ne le félicita pas. Elle ne le faisait que très rarement. Pour comprendre qu'elle était fière, il suffisait de le lire dans ses yeux. « Comme je n'ose pas regarder ce que font les autres, on a plus qu'à attendre. » A nouveau, la nervosité de la danseuse étoile se faisait palpable.

Après une bonne heure, le temps de faire passer tous les candidats, une heure durant laquelle Hazel fit les cent pas dans la pièce, vint le temps des délibérations. Elle se massa les tempes tout en fixant intensément son étudiant. « Si tu passes pas je sais pas c'que j'te fais. » Elle agita un poing serré devant son visage qu'elle rangea dans son dos lorsqu'un juge passa la porte. Ça y est, verdict de la première étape. Elle cacha son visage dans ses mains et tourna carrément le dos. Hazel s'étonnait de réagir ainsi mais elle n'arrivait pas à contrôler ses nerfs. Après tout, elle était connu pour son caractère sulfureux et la facilité à laquelle elle s'emportait. Comme beaucoup de grands artistes, c'était une personne à fleur de peau. La pression fut énorme pendant ces quelques secondes. Elle attendait d'entendre le fameux numéro, celui de Miyaki et il ne vint qu'à la toute fin, en dernier. La réaction s'avéra à la hauteur de ce jeu avec ses nerfs et ses jambes la lâchèrent un peu. Ce n'était pourtant que la première étape mais elle resta accroupie un moment. « Il a réussi, l'enfoiré. » Chuchota-t-elle. La brune tendit le bras pour attraper le poignet de Miyaki et le tira pour trouver la force de se relever. Aussitôt, elle se mit à lui ébouriffer les cheveux. Sa façon à elle de le féliciter.

« Hazel ! » L'ancienne danseuse étoile tourna la tête en fronçant les sourcils. Elle reconnut alors le juge. Quel plaisir de croiser ici... son ex-mari. Mais en femme forte, elle se tint bien droite et le salua cordialement tout en gardant ses distances. « Que fais-tu ici ? » Elle ramena un peu plus Miyaki vers elle pour le mettre en avant. « Je suis l'enseignante de ce jeune homme. » Répondit-elle froidement. « Oh bien, ça ne peut être qu'une graine de star si notre chère et talentueuse Hazel s'ennuie au point de l'amener ici. » Et le sourire mauvais qui passa sur les lèvres de son ancien amant avant de quitter la salle ranima toute sa haine envers lui. Il insinuait là qu'elle ratait sa vie à enseigner ? Elle ne supportait pas ce jugement qu'il venait de faire. Hazel appréciait son nouveau travail et adorait tomber sur des perles rares comme Miyaki ou Maylie. Alors elle serra les dents et attendit qu'il passe enfin la porte pour se tourner vers Miyaki. « Maintenant, tu es vraiment obligé d'y arriver. C'est bien compris ? » Il en allait de sa propre fierté.

Tenue ღ « Que faut-il de plus, alors ? » Demandais-je directement en la toisant de mes yeux noisettes. Hazel critiquait mon égo surdimensionné et quand je lui dit que c'est de la pure confiance, ça ne lui suffit pas. Faudrait savoir, quoi! Qu'est-ce que je dois faire pour qu'elle soit contente et fière de son élève ? J'en viens à réellement me poser des questions sur ses attentes envers moi. Je ne comprends plus rien de la jeune femme, ne sachant même plus à quoi m'attendre. Elle veut plus, d'accord! Je lui donnerai, lui montrerai beaucoup plus. Que j'y gagne quelque chose ou rien du tout, c'était juste histoire de l'embêter un peu avant de grand moment. Sauf que Hazel ne prenait pas cela à la plaisanterie et se montrait presque désagréable. Bah ça, c'est comme d'habitude, vous me direz. « Non merci, sans façon. » Je grommelle en tirant une mauvaise grimace, prit à mon propre piège. Elle ne rigole vraiment pas, la Hazel. M'échauffer permettait aussi de fuir ce monstre pour quelques minutes, pendant qu'elle s'attarde sur je ne sais quoi. De toute façon, je m'en moque. Je ne pense qu'à ma prestation et à ma chorégraphie, la vivant mentalement dans ma tête. J'en oubliais presque les appels et les candidats qui passaient la porte. Bientôt, ce serait à moi. Bientôt, je devrais me donner à fond. Quand je songe à cela, mon coeur palpite et s'emporte, aussi surexcité que moi. Nous ne sommes pas une seule et même personne pour rien, haha.

Mon numéro tomba comme une pierre à l'eau, mes yeux se rivant à peine sur l'étiquette collé à mon vêtement que la porte se rapprochait déjà de moi. Merci Hazel, surtout. Ma professeur me poussait par les épaules, cherchant sûrement à se débarrasser de moi. Quoi ? Je l'agace à ce point pour qu'elle me jette directement dans la fosse aux lions ? Un peu de patience, que je reprenne au moins mon souffle. L'espace de trente secondes, j'ai cru qu'elle allait me faire un câlin en jouant les filles larmoyantes et tristes de voir son petit frère partir au combat... à la place, elle me souhaita un « fighting » que je pris avec le sourire et enthousiasme. Je ne vais pas perdre contre eux. Ces juges seront bien obligés d'admettre que je ne suis pas nul, même plutôt talentueux dans leur propre domaine. Je crois que j'ai abandonné le mot « modestie » à la naissance, il ne fait même pas partie de ma petite vie. Le traque en moins, être face à eux ne me semble pas si terrible. Ce ne sont que des gens, des vieux comme des moins vieux. Ils ont déjà dansés dans leur jeunesse ? Tango ? Salsa ? Peut-être même que le Hip Hop leur échappe ? Je plaisante tout seul, alors que la musique commence déjà. Pas le temps de faire le clown plus longtemps, que j'entame déjà ma chorégraphie répétée et répétée dans ma tête. Maintiens, souplesse, force, habilité. C'est difficile de mêler le tout pour un bon résultat, mais je me souviens encore des leçons citées par Hazel. Je ne suis pas un manche à balais, je suis Miyaki Yukine. Quelques minutes plus tard, mon tour prenait fin sur un léger soupir, à  peine essoufflé par mes mouvements. Vu la torture que me fait vivre cette femme, normal qu'une chanson ne soit pas fatiguante. à la fin de mon tour, je m'incline respectueusement devant les juges, puis quitte la salle en silence. à peine un pied dans le vestiaire qu'elle m'agresse avec ses erreurs, appréciant quand même la serviette et la bouteille d'eau. « Ravi de savoir que vous me suiviez attentivement. » Un sourire étira un coin de mes lèvres d'une façon faussement hypocrite. à sa seconde remarque, j'hausse les épaules sans rien ajouter. Moi non plus, je n'ai pas regardé les autres, de toute façon.

Une heure. Une heure durant laquelle j'ai regardé Hazel marcher sous presque tout les angles possible et inimaginable. C'est elle qui me stresse à s'angoisser de la sorte... Perso, je n'ai pas bougé de mon banc, zieutant mon portable pour envoyer des texto à mes potes. Ils attendaient des nouvelles, mais je n'en savais pas plus qu'eux. Une heure à parler de tout et de rien par sms, avant que le moment fatidique n'arrive. « Des heures en plus sur le planning ? » Fis-je avec une mine indescriptible, mi-blasé, mi-convaincu. « Ah non, c'est ma récompense ça. » Mauvaise blague, je crois. Quel point menaçant, j'en tremble de peur. à la venue du juge, Hazel se mise dans tout ses états, attirant encore une fois mon attention. Elle stresse trop, p*tain. L'homme n'a pas encore ouvert sa bouche qu'elle se cache comme une souris dans un trou. Quant à moi, j'attends en regardant le pauvre monsieur réciter des numéros. Il est où le miens ? Hein, ou qu'il est mon numéro ? Sérieux, je perds patience à attendre ce foutu numéro. En plus, il le prononce en dernier, genre j'ai la tête du mec à dire en dernier ? Pff, ils n'y connaissent rien. Enfin bref, j'ai réussi! Sortez le champagne, les confettis, les feux d'artifices! Même si ce n'est que la première épreuve, arf. Encore une fois, j'en oublie Hazel qui a cédé à son stresse, accroupit par terre. Le temps que mon regard se pose sur elle, ma prof attrape mon poignet pour se redresser et me décoiffe d'une manière que je trouve très étrange. Serait-elle fière de moi ? « ça va al- » Coupé dans mon élan par un inconnu.

C'est qui, lui ? Attendez, sa tête me dit quelque chose... Ah oui! Il était sous mes yeux tout à l'heure, je m'en souviens parfaitement. Ils se connaissent ? à en juger par sa façon de la tutoyer, j'en déduis que oui. Pourtant, Hazel ne semble pas tellement ravi de le voir, ce gars-là. C'est moi où elle préférerait ne pas lui parler ? Puis, elle me met en avant, rapportant que je suis son élève. J'ai l'air d'un gamin, là. Regardez comme il est grand, il sait compter jusqu'à deux et lacet ses chaussures. Je vous jure, sérieux. Je pige pas toute ses paroles mais je n'aime pas sa façon de parler. Graine de star ? Je me retiens de l'ouvrir, regardant le juge partir. Quel con, je peux pas me le piffer celui-là. Je me tourne aussi vers Hazel, la dévisageant deux secondes avant de parler. « C'est qui c'gars ? Pour qui il se prend, sérieux ? » En fait, ça m'énerve. Qu'est-ce que j'ai à lui prouver à ce pauvre débile, hein ? « Je lui dois quelque chose pour y arriver à tout prix ? » Je fronce les sourcils, de plus en plus agacé. Ce n'est même pas de la colère, je ne m'emporterais pas pour une simplet pareil. « J'ai déjà dit que je ne perdrais pas, Madame. » Ceci voulait dire "d'accord" dans mon langage, si jamais elle ne comprends pas. Bref, c'est quoi le programme maintenant ? « Et maintenant ? »

Tenue ღ Parfois, elle sautillait pour prendre de la hauteur et voir un peu mieux son étudiant danser. Sa petite taille ne la complexait pas mais elle devait bien avouer qu'il arrivait souvent que cela complique sa vie. Quelle idée aussi de mettre le hublot aussi haut. Ses doigts liés, priant tous les dieux, Hazel assistait à la première étape avec nervosité mais fierté. Le petit rebelle exécutait ses mouvements sans oublier de prendre en compter certains de ses précieux conseils. On ne pouvait pas dire qu'il s'agissait là d'une prestation totalement parfaite mais l'ancienne danseuse étoile s'en satisfaisait. Miyaki faisait du bon boulot. Mais même si elle était sure qu'ils allaient le retenir -son flair ne la trompait jamais, elle savait reconnaître quelqu'un avec du talent-, elle ne pouvait s'empêcher de stresser pour lui. Si bien que les compliments passèrent à la trappe. Elle ne souligna que les défauts de son étudiant mais il paraissait habitué maintenant. Hazel n'était pas vraiment du genre à lancer des fleurs et son côté exigeant l'emportait sur tout le reste. Elle plissa les yeux comme si elle l'analysait. « Des erreurs idiotes. Tu aurais pu les éviter, je sais que tu peux faire mieux que ça. » Elle dansait avec lui depuis assez longtemps pour connaître ses capacités. D'un côté, cela n'était pas plus mal, il valait mieux ne pas tout donner tout de suite mais d'un autre, cela présentait peut être un risque. Pour éviter une scène en public -telle qu'ils savaient si bien les faire-, Hazel se tint à l'écart de son protégé.

Elle arpenta chaque mètre carré de la pièce, ce qui attira d'ailleurs l'attention de ceux qui l'avaient reconnue. Mais elle s'en fichait. Elle n'arrivait pas à se tenir. Elle les entendait chuchoter se demandant ce qu'elle faisait ici. Un instant, elle se posa elle aussi la question. C'était trop de stress pour elle. Et puis pourquoi elle se mettait dans un état pareil pour un sale gosse comme lui hein ? Quand une fois de plus, il joua avec ses nerfs, elle l'attrapa avec violence par le t-shirt et le secoua. « Si t'étais pas mon élève j't'aurais déjà assommé. Krav maga p'tit, tes couilles n'auraient pas survécu. » Son vocabulaire contrastait avec sa tenue et son physique de princesse mais encore une fois Miyaki avait l'habitude de tant de vulgarité de sa part. Hazel pouvait très se la jouer petite aristocrate et la seconde suivante parler comme une camionneuse. La porte grinça annonçant ainsi l'arrivée du juge qui allait délivrer les premiers résultats. Le stress grimpa d'un coup et à chaque nouveau numéro, elle sentait son cœur la lâcher un peu plus. Dos à tout le monde, elle essayait de rester calme mais mourrait d'envie d'aller étrangler l'autre abruti qui ne prononçait toujours pas le numéro de Miyaki. Quand enfin elle l'entendit. La pression retomba d'un seul coup et elle vacilla un peu sur ses jambes. Pour ne pas s'écrouler, elle s'accroupit le temps de se remettre de ses émotions.

Elle se releva pour féliciter le japonais à sa manière en le décoiffant. Elle passa ses mains dans ses cheveux et surtout dans tous les sens. Hazel riait même. Soulagée. Son geste prouvait sa tendresse naissante pour le jeune garçon et ressemblait à une pulsion maternelle. Elle s'arrêta net quand une voix qu'elle ne connaissait que trop bien prononça son prénom. Lui, ici, pourquoi ? Elle se figea et renfila aussitôt son masque de tigresse. Pourtant, elle sentait son cœur s'affoler dans sa poitrine. Terrifiée à l'idée de refaire face à cet homme après ces années. Elle serra les poings, incapable de trouver de quoi lui clouer le bec sur le moment. Il venait de la regarder de haut. Hazel ne tolérait pas ça. Elle n'était pas en bas. Elle ne l'avait jamais été et ne comptait pas l'être. « Qui c'est ? Mon ancien partenaire. » Celui avec qui elle avait dansé sur presque chacun de ses shows. Et accessoirement celui qui avait partagé sa vie un temps, mais ça Miyaki n'avait pas vraiment besoin de le savoir. « Tu ne lui dois rien. Mais tu me dois quelque chose. Je t'en prie, ne foire pas. Ma réputation est en jeu on dirait. » Elle passa sa main dans ses cheveux et poussa un long soupir. Voilà qui plaçait le défi à un autre niveau pour Hazel.

Elle jeta un coup d’œil à l'heure sur son téléphone puis fit signe à Miyaki de la suivre. « On a une pause avant la deuxième étape. Viens. » Hazel attrapa ses affaires et celle du nippon puis ils quittèrent comme le reste des candidats la salle. Ils se dispersèrent ensuite. Certains fumaient dehors, d'autres prenaient simplement l'air. Hazel slaloma dans les couloirs jusqu'à la cafeteria. Elle déposa les sacs à une table et revint avec une boisson énergisante pour lui, un thé pour elle. Sa nervosité restait inchangée. Cela se voyait au mouvement de sa jambe. Elle avait la bougeotte et ne parvenait pas à se tenir tranquille. Elle porta la tasse de thé brûlant jusqu'à ses lèvres et en avala une longue gorgée avant de la reposer. Puis elle se mit à la fixer. Après un silence, elle commença à parler d'une toute petite voix. « Ils continuent de m'attendre. J'ai ma place au milieu de ces requins et on se demande juste pourquoi je suis pas assise avec eux. » Elle haussa les épaules et osa finalement lever les yeux avec une lueur nouvelle dissimulée dans ses prunelles. « Mais ma place est de ce côté. Je ne suis pas faite pour être dans les bureaux. » Elle était faite pour danser et surtout pour transmettre sa passion maintenant qu'elle enseignait. « Je suis encore capable. T'en es la preuve vivante. » Et malgré elle, un sourire moqueur s'afficha sur son visage de poupée. « Alors tu vas m'aider ? »

Tenue ღ à mon niveau -et même si je fais l'arrogant- je sais parfaitement que ma danse n'est pas parfaite, ni des meilleures. Disons que j'espérais quelque part que mes erreurs passent inaperçu pour les juges. Je n'ai sûrement pas leur expérience, ni leur niveau, mais je tente au mieux de danser en rythme, avec souplesse et bonne tenue, sans fatiguer, ni perdre mes moyens. Une pointe de stresse survient par moment, quand je remarque un léger faux pas ou des erreurs idiotes, comme elle me dira plus tard. Quant aux résultats, je n'en sais pas plus que les autres. Ils doivent sûrement en délibérer, et blablabla. Quant à moi, je quitte la pièce une fois ma chorégraphie et mes marques de politesse terminées et établies. Une fois de retour dans les vestiaires, je ne suis même pas étonné des « compliments » de Hazel, ou plutôt des reproches. Je le sais, je sais bien que je n'es pas été parfait comme je le voulais, ni comme je le proclamais fièrement quelques minutes plus tôt. Rien n'est parfait, de toute façon. à sa seconde remarque, je ne dis rien, acceptant ces mots sans broncher. J'aurai pu faire mieux, évidement. ça encore, je le sais que trop bien. J'aurai pu, mais je n'ai pas pu pour autant. ça ne me blesse pas qu'elle me dise ce genre de parole, j'en suis sûrement habitué depuis le temps que nous travaillons ensemble. Au final, je me contrôle parfaitement avec elle, évitant des situations bien compliqués entre nous.

Agglutiné sur mon téléphone portable, j'évite de regarder Hazel faire les cents pas dans la pièce en attendant le verdict, attirant tout les regards sur elle. ça m'agace de la voir bouger autant, alors que rien n'est encore dit. Je n'ose imaginer sa réaction si j'échoue... Je préfère encore ne pas y penser et dire à mes potes que ma professeur est trop chiante, trop stressante et ainsi de suite jusqu'à qu'ils en rient avec moi. Heureusement, elle ne peut pas voir mes messages, sinon je ne donne pas cher de ma tête ou de mes cheveux. Au lieu de ça, mon t-shirt en prend un coup quand elle décide de s'acharner dessus pour me secouer tel un prunier. Bon sang, elle va se calmer ouais! « Vous êtes vulgaire, madame, calmez-vous. » Sérieux, on dirait un ogre. Puis, qu'est-ce qu'elle vient de dire ? Kra quoi ? J'ai rien compris. Si je suis habitué à ses mots là, les gens autours de nous ne le sont pas... Et j'imagine leur tête à l'entendre jurer de la sorte, contre son propre élève en plus. Enfant maltraité, moi je dis. La porte grinçante annonça les résultats, ainsi que l'arrivée du juge. Un long moment sans entendre mon numéro et ce n'est pas le stresse qui m'envahit, mais plutôt un léger sentiment de colère. Comme ne peuvent-ils pas me prendre ? Je suis bien plus doué que la plus part des gens interpellés jusqu'à présent. Encore un peu, et j'aurai fait un malheur. Heureusement, mon numéro sort au dernier moment, poussant Hazel dans ses derniers retranchements, quel soulagement. Je suis sélectionné, ravi, heureux, fier de moi. Un sourire étire le coin de mes lèvres, plutôt incrédule malgré mes paroles confiantes et mon ego surdimensionné. J'avoue, ce n'était pas tellement de la confiance, à ce moment-là.

Qu'elle me décoiffe semble surprenant, même choquant. Hazel n'a jamais été aussi proche et affectueuse avec moi, et j'en reste un peu idiot, même en étant content. Malgré ma nouvelle coupe en bataille -ce qui ne change pas d'habitude-, je souris quand même à ma prof, avant qu'elle ne s'arrête dans son geste. Cet homme, je l'ai déjà vu tout à l'heure. Il parle avec elle d'une manière familière, comme s'ils se connaissent parfaitement. Peut-être est-ce le cas, mais je ne peux juger sur une impression... Attendez, c'est ce que je fais h24 avec la danse classique. Tant pis, je juge quand même sur une impression. Au final, je me demande bien qui cela peut être pour elle. Un partenaire ? De danse ? Pourquoi je repense à notre conversation de la dernière fois ? Sur le fait d'abandonner bien des choses derrières nous, pour la danse. Je ne dis rien concernant cela, toisant Hazel en l'écoutant. Je ne dois rien à cet homme, mais à elle, oui. Dans le fond, c'est juste pour ne pas la ridiculiser. « D'accord, je ferais de mon mieux. Ce type comprendra que vous êtes la meilleure des prof'. » Juste pour lui rabattre son caquet et prouver que je suis quelqu'un, et pas n'importe qui. « Ne vous en faite pas, il ne perd rien pour attendre. » Je hausse des épaules, contraire avec mes paroles sûres et réconfortantes.

Et maintenant, que fait-on ? Je ne sais pas, mais je la suis quand même. « Combien de temps ? » Pour la pause, évidement. De toute évidence, la seconde étape suivrait le laps de temps après cette pause, donc bon. Autant savoir pour celle-ci, avant la seconde épreuve. Les mains vides -puisqu'elle vient de prendre mes affaires- je continue de suivre Hazel jusqu'à une cafétaria, l'attendant à la table choisis pour la voir revenir avec des boissons. Je ne dis pas non, ô grand dieu, jamais. Je meurs de soif, après une telle épreuve sur soi et physique. Sur soi d'abord, parce qu'il faut la supporter la Hazel. Pendant qu'elle boit son thé sans une once de sensibilité, je vide à moitié ma boisson en lâchant un long soupir de satisfaction. Je me rends compte que je suis pris pour la suite, quoi. Jusqu'à entendre ses mots. Ils se demandent surtout pourquoi elle s'occupe d'un gamin comme moi, ouais. Je ne dis rien, encore une fois, gardant cela pour moi. Ah, voilà une phrase qui me plait bien. Un sourire fend mon visage, mes yeux rivés sur elle. J'en attends pas moins de ma professeur, même si elle danse du classique et j'ai horreur de cela. « Je préfère encore vous avoir sur le dos, plutôt qu'en face avec un regard de rapace. » Je suis pas fan des vautours, franchement. Amusé par sa question, je viens taper un coin de ma canette dans sa tasse comme pour trinquer avec elle. « évidement! Ma carrière est en jeu aussi. » Qu'elle n'oublie pas sa promesse. J'ai un nom à obtenir, un avenir à gagner. Sans elle, je ne peux pas grimper la première marche et les autres non plus. « Un nom m'attends au bout de ce chemin, je n'ai pas intérêt à vous lâcher. » Même si nos buts sont plutôt égoïstes, à bien regarder.  

Tenue ღ Ce type comprendra que vous êtes la meilleure des prof'. Elle baissa la tête pour cacher le sourire qui se dessinait sur son visage sans qu'elle puisse le retenir. Cela ne semblait pas représenter grand chose. Sûrement que ce Miyaki ne se doutait pas de la force de ses mots mais un souffle nouveau gonfla la poitrine de l'ancienne ballerine. Ce gosse qu'elle avait pris l'habitude de maltraiter depuis le début, qu'elle n'appelait jamais par son prénom et qui l'agaçait si facilement, venait juste de lui offrir le plus beau cadeau pour un enseignant. Sa façon de le dire, ce compliment déguisé et cette confiance qu'il plaçait en elle, tout ça la touchait. Son petit cœur qui s'était affolé à la vue de son ex mari se calma, comme rassuré. À nouveau, dans un élan de tendresse semblable à celui qu'elle avait eu à l'annonce des premiers résultats, elle se hissa sur la pointe des pieds pour mettre le désordre dans sa chevelure. « Aaah~ Miyaki tu vas me faire rougir. Mon preux chevalier. » Cela comptait énormément pour elle. Elle n'enseignait pas depuis longtemps et avait au départ accepté cette place pour passer le temps, pour danser sans se sentir juger. Elle y accordait maintenant beaucoup d'important et sentait qu'elle pouvait s'épanouir dans ce rôle. Peut être allait-elle faire ça de sa vie à présent : guider les jeunes talents. Ce qu'elle récoltait de la part du jeune japonais l'y encourageait chaudement.

Elle leva le poignet à hauteur du visage du danseur. « Quinze minutes, top chrono champion. » Et elle le guida jusqu'à la cafeteria en faisant claquer ses talons aiguilles contre le carrelage. La tête haute, elle reprenait du poil de la bête. Elle n'allait pas laisser son passé ankyloser. Hazel s'installa à une table avec son petit protégé après lui avoir cherché une boisson et s'être pris un thé. Elle espérait calmer ses nerfs comme ça parce que bon, il restait deux étapes encore. Il ne fallait rien lâcher. Ce sale gosse pouvait y arriver. Elle le savait. Elle y croyait. Suivant la trajectoire de la canette de Miyaki jusqu'à sa tasse, le tintement sonna à ses oreilles comme un son merveilleux. Ils en avaient parcouru du chemin tous les deux. Même s'ils étaient comme chien et chat, ils avaient trouvé un terrain d'entente et Hazel s'apprêtait à accompagner l'étudiant sur le chemin du succès. « Ton nom sera toujours à côté du mien, t'as pas intérêt à m'oublier dans tes remerciements plus tard, sinon j'te botte les fesses. » Elle tenta de se faire menaçante en lui montrant ses dents puis se détendit et relâcha ses épaules dans un roulement félin. Elle se pencha en avant et tapota avec son doigt sur la table. « Plus sérieusement, interdiction de te planter à partir de maintenant. Ils viennent de virer la moitié et là ils vont garder les meilleurs. Tu dois te démarquer, c'est im-pé-ra-tif. » Chassez le naturel et il revient au galop, voilà la véritable Hazel, bien fidèle à elle-même. « Va plus loin, mais ne livre pas tout quand même. Quand vous serez plus que dix, là j't'autorise à laisser sortir la bête en toi, ok ? Mais faut les surprendre maintenant. » N'avait-elle pas l'air d'une espèce de prêtresse étrange ? Ou même d'une sorcière ? Enfin, une bien jolie sorcière alors. Elle baissa les yeux vers sa montre, il était temps pour eux d'y retourner.

De retour parmi le reste des candidats, Hazel ne tenait de nouveau plus en place. Elle faisait les cent pas, tournait autour de Miyaki sans arrêt. Encore un peu et elle allait creuser une tranchée. Heureusement, cette fois son protégé ne fut pas appeler en dernier. Elle tapa dans ses mains en entendant son numéro et comme avant le poussa jusqu'à la porte en lui tapant sur les épaules. «  Fighting ! Fighting ! Fighting ! » Spectatrice derrière son hublot, elle retint son souffle pendant presque toute sa prestation. Et se rendit compte alors combien une chanson pouvait durer longtemps. Arg, et la plante de ses pieds la faisait souffrir à force de se tenir sur la pointe comme ça. À un moment, son regard se perdit sur cet homme qu'elle avait tant aimé et qui allait juger son protégé. Elle fronça les sourcils en le voyant grimacer. De quel droit ? Ce qu'il faisait était parfait. Enfin presque, mais très bien en tout cas pour un simple étudiant. Elle serra le poing se jurant de le démolir. Le jeune japonais termina sa danse et dès son premier pas dans les vestiaires Hazel lui sauta au cou. Une grande première. Jamais elle l'avait félicité jusque là. Ou du moins pas directement et sans entrain. Là, elle était fière et elle lui montrait. « C'est dans la poche ! » Quand elle retrouva la terre ferme, elle débrieffa son audition tout en faisant de grands gestes avec les bras, excitée comme une puce. « Quand t'as fait ce mouvement de bassin là au milieu, oh god. Ah et à la fin, la façon dont t'as marqué les temps, super original ! Puis le début aussi, nan mais, t'es le meilleur. High five ? » Et elle leva la main pour frapper dans la sienne. « Bon par contre, c'était brouillon un peu à un moment donné mais c'est rien. » Ouais, elle ne pouvait pas ne pas redire quelque chose.

Tenue ღ Je suis sérieux en disant que Hazel était l'une des meilleures professeurs que j'ai pu connaître, même si c'est une danseuse étoile et que j'ai toujours détesté ces trucs-là comme la peste ou le coryza. C'est une sorte d'infection qui peut causer votre mort, et je ne tiens pas à mourir si jeune et en bonne santé. Je m'emporte vraiment en pensant à cette manière de bouger sur une chanson lente et ennuyeuse, oubliant presque mon compliment discret fait à mon aînée. Je le pense malgré tout, même si je ne l'avouerai pas à voix haute. Au moins, elle se requinque et ne se laisse pas abattre par l'autre gogole de service qui se trouve être son ex-partenaire. Ex ou pas, il va mordre la poussière quand il verra l'étendu de notre talent. En combinant nos forces, nous sommes prêt à tout affronter! Comme dans les jeux vidéos. Sauf que là, nous ne sommes pas dans un jeu et que ça bourrasque est bien réel. Mes cheveux en souffre et je râle sans me retenir, comme d'habitude. Yeurk, son preux chevalier. Ma grimace doit en dire long sur ce commentaire. « Vous me faites peur... » Je plaisante, il en faudrait plus pour m'effrayer. Au pire, Hazel me donne envie de m'éloigner avec ses rougeurs. Outre l'ingrat que je suis, nous nous entendons beaucoup mieux qu'au départ. J'ignore à quel point je l'encourage dans sa nouvelle fois, mais j'en serais sûrement heureux en l'apprenant. Elle m'aide dans mon projet d'avenir, je lui rends au mieux en compliment son talent. Elle n'est pas prof pour rien, surtout. N'est-ce pas l'essentiel dans sa carrière ? Peut-être qu'elle ne peut plus se montrer sur scène comme grande danseuse, mais ça ne l'empêche pas de pousser ses élèves à le faire pour elle. Ce n'est pas une cause perdue comme le pense la plus part de ses anciens collègues, camarades, je ne sais quoi.

Quinze minutes ? Ce n'est pas beaucoup pour souffler un bon coup, mais on fera avec! Je suis assez booster et motivé pour supporter un laps aussi court. En quinze minutes, j'ai le temps de grignoter quoi, au juste ? ça m'occupe les pensées de réfléchir à des trucs idiots et sans aucune importance. Reprendre des forces avant tout, sans se faire trop lourd pour autant. Hazel risque de me tuer si je m'empiffre au point de somnoler, alors le minimum serait le mieux. Ou juste boire un truc rafraîchissant, ça ira. De toute façon, Hazel m'apporte qu'une canette et c'est largement suffisant pour cette petite pause. Mon estomac ne me jouera aucun tour, comme ça. En attendant, je viens taper doucement ma canette contre sa tasse, marquant le début de quelque chose entre nous. On gagnera ces épreuves, j'en fais la promesse silencieuse. « Je ne risque pas d'oublier la personne qui m'a permit d'arriver si haut. » Fis-je fièrement comme si j'étais déjà au sommet du podium. Elle est longue encore ma route, mais je nourris le rêve d'afficher nos noms sur une étoile. Pas besoin de sortir les crocs pour cela! D'ailleurs, je lui tire rapidement la langue, avant de sourire comme un idiot. Mes yeux suivèrent son doigt tapotant sur la table, tandis qu'elle parlait sérieusement de la suite. « Être le meilleur et me démarquer, pas de problème! C'est dans mes capacités ~ » Je ne perds pas ma confiance, reprenant une grande bouffée d'air en bombant le torse. Si je crois en moi, je peux aussi croire en ma victoire. Je note ses paroles dans un coin de ma tête, me rappelant que je ne dois utiliser qu'un cinquième de mes compétences pour la seconde épreuve, et plus tard, tout donner pour la finale. Je hoche ma tête avec lenteur, regardant ma canette, puis Hazel. « Oui chef! Ils ne vont rien voir venir, juré! » Et pas craché, parce que c'est dégueulasse devant une femme. La pause touche à sa fin et je n'en suis pas plus déçu que cela.

Le second round commençait à l'instant, quelques minutes après que nous soyons revenus dans la masse, une Hazel surexcité à mes côtés. Je ne l'ai jamais vu aussi en forme et en mouvement, tournant autour de moi comme une abeille autour du miel. Heureusement que cela ne dure pas éternellement que mon tour arrive. Avec la réduction de candidat, le temps se raccourcissait aussi, permettant à mon numéro de surgit plus rapidement que la fois dernière. Comme à l'épreuve précédente, ma professeur me pousse jusqu'à la porte en m'encourageant et je le prends avec un grand sourire et un rond formé avec mes doigts pour dire « ok, compte sur moi. ». La même pièce, les mêmes juges, une identité plus ou moins dévoilée et un défi au dessus de la tête. Je ne peux pas m'arrête en si bon chemin, surtout quand j'ai un nom à gagné et débile à ridiculiser. La musique démarre et je sens mon corps se caler sur ce rythme nouveau, mon bras suivant une certaine note sur un certain passage, sans perdre le mouvement. Je ne donne pas mon maximum comme le veut Hazel, juste assez pour leur en mettre pleins la vue, sans que ce soit spectaculaire. Je me fiche de leurs têtes, qu'ils s'intéressent ou pas à moi, qu'ils me critiquent ou m'admirent. Je ne me concentre que sur ma danse, mon talent, la musique qui défile dans mes oreilles. Finalement, ce n'est pas si mal. La sueur perlait à mon front mais je m'en inquiète pas, saluant les seules personnes présentes pour retrouver dans la pièce voisine. à peine à l'intérieure que mon aînée me saute au cou, me surprenant sans que j'y attends réellement. Un changement dans nos comportements ? Son « compliment » me fit plaisir et je bombe le torse d'une manière sûr de moi et macho. « évidement! Je suis le meilleur, haha! » Une seconde après et  j'éclate de rire, plutôt fier de moi. Hazel retrace presque ma performance en compliment quelques mouvements que j'ai appris avec le temps et les gens que j'ai vu dans la rue. Roulement de hanche, les pauses, et ainsi de suite. « J'en conclus que vous trouvez ça pas mauvais ? » Pour dire « meilleur » je peux très bien le conclure. à son geste, je joins ma main à la sienne dans un claquement sec, bien heureux de ma journée. « J'aurai dû m'en douter. » Je roule des yeux en prenant une mine qui veut tout dire. ça ne m'étonne pas du tout qu'elle me dise ça, au contraire. Je la trouvais bizarre jusque là, en fait. « Dans combien de temps la dernière étape ? » Je veux savoir combien il me reste pour décompresser et souffler un peu, je suis à cran avec la fin de cette épreuve. Le stresse me gagne lentement, sans que je ne le montre. « Je m'en fumerai bien une. » Je lâche comme une bombe, alors que je n'ai rien sur moi pour une telle chose. Un commentaire dans l'air.
 

Tenue ღ Les doigts entrelacés fermement comme dans une prière aux dieux de la danse, Hazel ne quittait pas des yeux son étudiant. Ils passaient peut être leur temps à se chercher, à se provoquer mais depuis quelques temps, un lien différent se tissait entre eux. Une confiance s'instaurait. Hazel désirait être la meilleure des enseignantes pour lui. Elle se donnait à fond pour qu'il progresse. Elle voyait tellement de potentiel en lui. Elle croyait en ses capacités et n'imaginait pas une seule seconde que quelqu'un d'autre puisse saisir cette occasion. Il devait réussir. Il méritait d'apparaître dans ce clip. Cela pouvait lui servir de réel tremplin. Une petite apparition discrète mais suffisante pour susciter la curiosité. Un bon début en somme. Elle implora toutes les forces existantes de lui venir en aide pour soutenir son petit protégé. Pour Hazel, c'était dans la poche. Dès la dernière note, un sourire immense -presque trop grand pour son petit visage d'adolescente- envahit son visage et ne la quitta pas. Même, il s'aggrandit encore plus lorsqu'elle sauta au cou du jeune japonais. Ce sale gosse de Miyaki venait de danser comme un pro -enfin à quelques détails près- mais jamais elle n'avait été aussi satisfaite de son travail. Puis surtout, elle lui montrait pour la première fois combien elle était fière de lui. Elle le menaça faussement en agitant son index sous son nez mais son excitation la trahissait bien trop. « Eh, j'ai pas dit ça ! N'abuse pas. » Elle ne s'autorisera à le qualifier de « meilleur » que s'il réussit à décrocher ce foutu contrat. Néanmoins, elle débriefa avec lui sa performance en citant bon nombre de points positifs. Il ferait mieux d'en profiter d'ailleurs parce que le naturel reprit bien vite le dessus. Même si elle trouvait sa prestation excellente, elle avait repéré quelques erreurs. Son œil de lynx voyait tout et Miyaki avait encore beaucoup de chemin à faire avant d'atteindre la perfection. « Qu'est-ce que tu crois ? Y te reste du boulot avant d'atteindre ne serait-ce que ma cheville. » Elle le défia du regard avec un air malicieux, il savait qu'elle marquait un point.

Elle tourna les talons pour chercher la bouteille d'eau ainsi que la serviette du jeune homme. Puis, elle désigna le banc pour l'inviter à s’asseoir avant de faire de même. Elle jeta un coup d’œil à sa montre puis soupira. « Aucune idée. Je pense que ça va dépendre du temps de délibération. » Elle haussa les épaules et passa une main tremblotante dans ses longs cheveux ce qui trahissait son état. Elle stressait comme pas possible. Confiante malgré tout car son étudiant avait effectué un sans faute selon elle mais angoissée à l'idée de ne pas avoir un avis suffisamment objectif. Et si les autres avaient fait mieux que lui ? Elle balaya la salle du regard détaillant les concurrents. Quand Yukine lâcha une véritable et gigantesque bombe. « Pardon ? » Elle le bouscula violemment à l'épaule. « Tu fumes ? J'te préviens si tu fumes t'as intérêt à arrêter tout de suite. T'es un sportif, tu peux pas fumer t'entends ? » Elle le secoua comme un prunier en le tirant par la manche de son tshirt. « Si je te chope un jour avec une cigarette, j'te jure que je te la fais bouffer. » Hazel concevait que tout le monde ne pouvait pas mener un train de vie aussi sain que le sien. Cependant, certaines choses devaient être bannies au nom de la réussite. La cigarette en faisait partie. Un danseur avait besoin de son souffle. Il ne pouvait pas se permettre de se foutre les poumons en l'air pour un truc aussi con que le tabac.

L'arrivée d'un des jurys dans la salle mit fin à la scène. Son ex-mari, encore une fois. Elle se leva, lissa les plis de sa jupe. Cette fois, le suspense dura moins longtemps et on annonça le numéro de son élève parmi les premiers retenus. Hazel tenta de dissimuler sa joie devant son ancien partenaire mais dès qu'il tourna le dos, elle ébouriffa les cheveux de Miyaki comme si cela constituait une tradition dans sa manière de le féliciter. Elle reprit bien vite son sérieux et, poings sur les hanches, donna ses consignes comme un sergent donne des ordres à ses soldats. «  Maintenant, t'as pas intérêt à tout faire foirer. Faut les épater. Compris ? Sors le grand, fais du charme aux femmes dans le jury, sois précis et lâche toute la fougue que tu as. » La brunette posa ses mains sur les épaules du géant qui était pourtant son étudiant. Elle ressemblait plus à sa petite sœur qu'autre chose. « Profite surtout. Éclate-toi. Et te plante pas. » Certes, le plus important résidait dans le fait que c'était une excellente première expérience du monde de la danse pour Yukine et il devait par conséquent en profiter pour s'amuser mais Hazel aimait gagner. Puis, elle avait quelque chose à prouver là. Il fallait à tout prix qu'ils clouent le bec à son enfoiré d'ex.

Tenue ღ Penser danse, respirer danse, fonctionner danse, il n'y a que la danse qui compte pour moi à cet instant précis. Le monde peut bien s'écrouler, la terre se mettre à trembler, le ciel nous tomber sur la tête, je n’arrêtai pas de danser pour autant. Qu'importe si mon pied dérape un peu trop vers l'avant durant un mouvement, que ma réception n'est pas des meilleures durant une prouesse, que mon sérieux rende un pas plus raide qu'un autre. J'ai su limiter la casse pour montrer une parcelle de mon talent, sans pour autant déplacer des montagnes ou décrocher la lune. Ce qu'il faut pour les éblouir, mais pas au point de les rendre aveugle. C'est le souffle court et le coeur en pagaille que je quitte la pièce et sens un poids m'écraser à moitié. Hazel. Je ne pensais pas la rendre si fière avec une petite danse de rien du tout. Je me doute bien que son niveau n'est pas égal au siens et qu'il me reste beaucoup de boulot à faire avant de parvenir ne serait-ce à sa cheville, mais  je suis bien content de ses compliments. Pour une fois qu'elle ne critique pas ouvertement du début à la fin et qu'elle me sourit, en plus. Je devrais la prendre en photo, histoire de garder un souvenir de cette belle journée. Je ris à sa remarque, sachant bien que je ne suis pas le meilleur ici bas. J'ai le droit de rêver et de gonfler mon égo, non ? Pourtant, sous ses compliments se cachent toujours une part de critique, et ça ne m'étonne même pas qu'elle détaille mes erreurs. Moi-même j'ai bien senti à quel moment tel pas était mal placé ou un peu raté. Je l'ai ressenti jusqu'à la moelle, quand mes muscles se crispaient à l'idée de me louper aussi bêtement. « Je le sais bien, mais je ne perds pas espoir d'aller même plus haut que votre cheville. » J'en fais la promesse sur mon honneur de danseur et d'homme. Un jour, je la surpasserai et c'est elle qui suppliera pour un cours privé ou un autographe. J'ai de l'ambition dans la vie, personne ne peut me retirer une telle chose.

Cette épreuve venait de m'assécher complètement, ma gorge hurlait à la maltraitance en brûlant comme une chaumière. J'ai soif, en plus d'être en chaleur. ça fait un bien fou de danser, mais en même temps, ça épuise totalement. M'écroulant à moitié sur le banc, je prend note de la suite pour me faire une idée du programme, mais même Hazel l'ignore. « C'est bien utile. » Soufflais-je en ouvrant ma bouteille pour en boire plusieurs gorgées sans faire attention, le liquide s'échappant du goulot pour fuir dans mon cou. Je crève, bon dieu. L'angoisse me gagne lentement, ainsi que l'envie de nicotine. Depuis que j'ai commencé la danse, la cigarette m'est passée par dessus la tête, mais  j'avoue que ça me manque un peu. Au lycée, je ne me gênais pas pour consumer plusieurs bâtonnets toxiques à la journée, me fichant pas mal que cela soit bien ou pas. Ma remarque doit ébranlé ma professeur qui ne manque pas d'être violente avec moi, sûrement mécontente d'un tel aveux. Oups. De suite, elle grimpe sur ses grands chevaux en m’interdisant de fumer et je reste un peu idiot pour le coup. « Je ne fume pas. » Mensonge, même si c'est devenu plus rare. Secoué comme un prunier, je lâche un grognement en voulant récupérer ma manche, lui lançant un regard sans méchanceté. « C'est bon, c'est bon! Je n'ai rien dit, oubliez. » Aish, je vous jure les femmes. La cigarette est entrée dans ma vie avant la danse, et tout le monde sait qu'il est difficile d'arrêter une telle merde. Je ne suis pas un toxico compulsif, mais par moment, ça combat plutôt bien le stresse. Mieux vaut pour nous que je sois détendu et prétentieux, que sous tension et empoisonné. « Promis, je ne touche pas à une cigarette jusqu'à ma mort. » La main sur le coeur, la seconde levée en signe de serment. Je jetterai mon seul paquet à la poubelle quand je rentrerais ce soir chez moi, promis.

Sans cigarette, il ne me reste plus qu'à jouer nerveusement avec ma bouteille à moitié vide, la craquant sous mes doigts comme un maniaque. Le juge d'auparavant, ex-partenaire de Hazel, fit son apparition pour dévoiler les derniers participants, mon numéro surgissant dans les premiers. Wow... Je m'en doutais, en fait. Être convaincu soi-même est un véritable boulot, sérieux. Puis, je crois que la jeune femme me prend pour un chien à toujours me secouer la crinière. Je suis à deux doigts de japper ou de lui donner la patte, mais à la place de ça, je souris franchement. Je me sens fier, et je pense que je le mérite un peu. Cette euphorie ne dure évidement pas longtemps, avant que Hazel ne reprenne son rôle initial et donne les instructions. Je redeviens son élève et elle, mon professeur. J'aime bien! C'est dans mes cordes de faire du charme aux femmes et d'impressionner les gens. D'un geste du poing, je lui confirme ses paroles avec confiance. « Comptez sur moi! Ils ne verront que moi, haha. » Encore une promesse sur mon honneur, etc. Les yeux dans les yeux, un sourire narquois illumine mon visage, tandis que je ricane d'une façon sournoise. « J'croyais que je ne devais rien foirer. » Plaisantais-je en venant tapoter son épaule, façon de dire « ne vous inquiétez pas ». Je sais quels sont les enjeux de cette compétition, pas seulement ma réputation à venir, mais aussi son nom et son image. Elle n'est pas qu'une simple pointure dans la danse, Hazel est une bonne professeur qui se donne à fond pour ses élèves. Même si les débuts entre nous furent compliqués, aujourd'hui ils s'améliorent pour que je pense une telle chose d'elle. « Si je gagne ma place, vous serez d'accord pour manger un morceau avec moi ce soir ? » Ceci n'est pas un rencard, je pense surtout à fêter notre victoire. Si je perds, peut-être que ce repas n'aura pas lieu et que nous rentrerons chacun chez nous, comme des perdants. Je préfère me voir en vainqueur autour d'une table, plutôt que l'inverse. ça me motive toujours plus à gagner!

Tenue ღ Hazel se rappelait de ces moments terribles que représentaient l'attente des résultats. À chaque fois, bien que sure d'elle et de ses capacités, elle angoissait. Elle se souvenait qu'elle se repassait sans cesses ses mouvements à la recherche des plus petites erreurs. Elle s'en créait même parfois comme si cela allait amortir sa déception dans le cas d'une réponse négative. Mais durant sa courte carrière, on avait toujours retenu son nom. C'était ce qui avait écœuré ses anciens camarades de la Juilliard qui malheureusement n'avaient pas rencontré le même succès qu'elle. Hazel faisait l'unanimité dans le milieu. Pas seulement talentueuse, on murmurait qu'il s'agissait d'un don de dieu. Aujourd'hui, aux côtés du jeune japonais, elle expérimentait un tout nouveau genre de stress. Elle sentait une pression immense sur ses épaules, pire encore que celle qu'elle se mettait elle-même, et ça car elle ne voulait surtout pas que Yukine soit déçu. Puis elle désirait prouver à son ex qu'elle gérait dans son rôle de professeur et que, peut être, elle serait en mesure d'être le manager de nouveaux talents. Son protégé le tira de ses pensées en parlant de cigarette. Elle monta immédiatement dans les tours. Elle n'en croyait pas ses oreilles. Ce sale gosse fumait ? D'un côté, cela ne l'étonnait pas, il voulait tellement faire son petit rebelle. Néanmoins, il n'y avait rien de plus mauvais pour un sportif et en particulier pour quelqu'un comme lui qui souhaitait faire de la danse son gagne pain. Par conséquent, elle lui remonta les bretelles bien comme il faut. « Yukine, c'est pas pour t'embêter. Mais tu dois être au top de ta forme si tu veux être un bon danseur. » Elle se radoucit quand il lui promit de ne plus toucher aux cigarettes. Elle posa sa main sur son genou et le secoua doucement. « Je préfère ça. J'ai besoin d'un matos de qualité pour te permettre d'atteindre le top. » Et par matos de qualité, elle entendait un corps sain. Et puis, ils s'enfermèrent à nouveau chacun dans sa bulle. Hazel priait de toutes ses forces pour qu'il soit retenu.

Son ex-mari annonça les seconds résultats et pour le plus grand bonheur de l'américaine, Miyaki allait pouvoir participer à la dernière étape. Il se rapprochait encore un peu du but. Fière comme pas possible, elle le décoiffa. Cela allait sans aucun doute devenir une habitude et sa façon à elle de le féliciter. Cependant, pas question de perdre le nord, et elle lui livra dans la seconde les consignes pour cette dernière étape. Ils n'allaient en garde qu'un maintenant. Il fallait que ce soit lui. « C'est ça, fais-toi remarquer. Tu peux pas te permettre de te foirer maintenant. » Pourtant, pour la forme plus que pour autre chose, Hazel lâcha qu'il devait aussi en profiter pour s'amuser à fond. Il ne fallait pas qu'il perde de vue l'objectif principal mais la danse restait une passion et ne devait pas perdre ce charme là. Bizarrement plus sereine qu'avant, un sourire illumina son visage. Elle lui faisait confiance. Elle savait qu'il en était capable. Il lui pinça la joue comme les vieilles dames gagas le font avec les bébés. « J'te fais confiance. Me déçois pas. » C'était plutôt épatant et impressionnant de voir à quel point leur relation avait évolué. Cela ne voulait pas dire qu'ils n'allaient plus jamais se disputer mais disons qu'ils étaient désormais en mesure de passer plusieurs heures ensemble sans se mettre à se hurler dessus. Cela représentait un progrès énorme qui risquait d'épater les camarades de Yukine lors du prochain cours de Hip Hop assuré par Hazel. Elle se rassit sur le banc dans l'attente qu'on appelle son élève pour son dernier passage. Elle ne put s'empêcher de laisser échapper un rire quand le jeune japonais l'invita au restaurant pour célébrer sa possible victoire. « Est-ce que c'est un rencard ? » Elle tenta de prendre un air charmeur et battit des cils avant de rire une nouvelle fois. « Comme s'il n'y avait pas assez de rumeurs sur nous. Mais entendu, va pour un restau' et je paye. Si tu réussis, ce sera ma récompense. » Cela ne pouvait pas aggraver la situation et puis ce n'était plus de son âge de faire attention à ces histoires bien que ça n'avait jamais été vraiment son genre.

Si son étudiant ressortait de ce casting avec un contrait, elle allait surtout sérieusement envisager d'ajouter une corde à son arc en devenant aussi manager. Hazel ne pensait pas qu'elle aimerait ça mais guider Yukine ou même Maylie lui plaisait et elle se voyait bien aller plus loin en les aidant à se faire un nom. « Tu sais quoi ? Je crois que s'ils te prennent, j'vais sérieusement songer à devenir manager. » Elle hocha doucement la tête comme si elle approuvait ce qu'elle venait de dire. « Enseignante, chorégraphe et manager. Pas mal non ? Avec ça, aucun risque de m'ennuyer. » Et surtout au revoir la vie privée. Cela ne la dérangeait pas, bien au contraire. Hazel préférait vouer toute sa vie à la danse qu'à l'amour. Elle n'y croyait plus, n'en rêvait plus. Cela l'avait tellement brisé par le passé qu'il n'était plus question qu'elle refasse preuve d'autant de faiblesse. Son passé la rattrapa et passa la porte du vestiaire pour appeler le premier candidat à passer. Miyaki en l’occurrence. Hazel l'accompagna jusqu'à la porte mais cette fois sans le pousser. Elle resta sagement derrière. Elle se mordillait la lèvre avec une certaine violence. Avant qu'il n'aille danser, elle lui tapota sur l'épaule. « Donne tout. » C'était maintenant ou jamais, tout ou rien comme on dit.

Tenue ღ C'était une erreur de parler cigarette et fumer, bien que cela soit plus fort que moi, à mon grand malheur. On ne perds pas les mauvaises habitudes, aussi sales et dégoûtantes soient-elles. Hazel n'a pas attendu une seconde pour réagir, prenant ma petite remarque comme une insulte grave et profanatrice. Mes oreilles font siffler, je le sens venir à des kilomètres. En même temps, c'est tout à fait normal comme réaction. Quelle professeure de danse ne serait pas outré en apprenant que son élève s'envoie en l'air avec des clopes ? Bon, j'abuse parce que ça fait une éternité que je n'ai pas descendu un paquet entier en une seule journée. Je me stabilisé, presque rangé. Sa leçon de moral était justifié, même obligé. Comment répliquer à cela, hein ? Je me doute d'avance de ses paroles, de ses remontrances, de ses critiques, de sa colère. Enfin bref, je pourrais presque connaître Hazel comme si nous étions super potes et en bonne entente. Qu'elle me nomme par mon prénom avec autant de sérieux me fit déglutir, comme un gamin qui s'attends à une correction digne de ce nom. Pourtant, je le sais que trop bien, autant pour le « top de ma forme » que le reste. Pour cela, j'hoche doucement la tête en signe d'affirmation, prenant sans le vouloir un air agacé et consterné. Je le sais, je le sais. Cette promesse devrait la calmer et lui redonner confiance en mes convictions et mes ambitions. La danse est essentielle dans ma vie, pas la cigarette. « Je suis une machine pour vous, n'est-ce pas ? Ne vous inquiétez pas, je ne m'encrasserai pas avec une telle merde. » Qu'elle me fasse confiance, je suis prêt à tout pour progresser et y arriver. Retour de l'angoisse et de l'attente, je m'ennuyais ferme dans ces moments-là. La jeune femme à mes côtés stressait à mort et ce sentiment négatif devait doucement déteindre sur moi, parce que je stresse à mon tour.

L'autre babouin revenait pour annoncer les résultats et je n'étais même pas surpris d'entendre mon numéro dans sa bouche. Je l'ai complètement scotcher, avouez.  Au moins, j'étais pris pour la dernière épreuve, celle qui annoncerait ma victoire dans ce championnat. Je me vois déjà à l'affiche de ce prochain tournage, fier et heureux de moi. Ils vont tous très vite comprendre que Hazel est la meilleure prof qu'il soit et que je suis un très bon élève aussi. En attendant, je dois me donner à fond dans cette dernière partie, tout en profitant de celle-ci, tel était les désires de mon aînée. Jamais je ne pourrais perdre, ce serait un drame pour moi, ma carrière, et tout le reste. Un nouveau geste de la main et je conclus ce nouveau pacte silencieux entre nous. Ce sera ma fin, ma victoire, et ils seront tous ébahis et étonnés de mon talent. à présent, nous pouvions nous détendre et respirer un peu, avant que la suite n'arrive à grand pas, le stresse avec. Je ne suis pas timbré, je sais déjà qu'elle va angoisser en me regardant danser et que moi-même, je vais ressentir ce regard sur moi. « Jamais de la vie, comptez sur moi. » Je lève ma main avec le sourire, attendant qu'elle tape dedans pour en conclure notre accord. C'est reposant quand même de ne pas se hurler dessus à savoir qui a raison ou qui a tord. à la longue, ça fatigue comme genre de relation, et une pause de temps en temps ne fait de mal à personne, surtout pas à moi. Ma gorge ne pourra jamais suivre cette cadence, ni la sienne, je suppose. ça reste donc une bonne chose, aussi épatante soit-elle. Je vais même jusqu'à l'inviter à manger pour ma future victoire, sans penser à la défaite. N'est-ce pas comme cela que fonctionne les champions ? Un petit ricanement m'échappe et je réponds d'une façon moqueuse. « Vous êtes trop vieille pour moi. » Et juste après, je fais un écart au cas où elle tenterait de me frapper. Je lui casse sa petit comédie, mais c'est trop marrant. « Ce ne sont que des rumeurs, on s'en bran- fiche. D'accord! J'ai déjà hâte d'y être. » Elle ne peut pas me faire plus plaisir, là. Quelle belle récompense, je ne suis pas patient de nature, mais là ça risque d'être pire. Quant aux rumeurs, j'en ai royalement rien à foutre. Si je les écoute, je n'aurai aucun avenir, rien de bien à faire de ma vie. Bref, ça me saoul de toujours les écouter et y faire attention.

Je pouffe doucement de rire à sa remarque, bien qu'elle soit sérieuse en me disant cela. Manager ? Je plains ses futurs recrues! Hazel a un caractère de battante, c'est un phil' version femme et ses élèves ne risquent pas d'être tous des hercule. « J'espère pour vous que vos prochains élèves seront aussi tenaces. » Laissez moi en douter trente secondes, s'il vous plait. Faut être fou ou rebelle pour lui tenir tête et avancer avec elle, dans son sens. Malheureusement, je n'ai même pas ce temps-là pour en rire, voyant mon tour arriver. Je suis le premier à passer, le premier à prouver réellement mon talent. à cause d'elle, je stresse et sens la nervosité se saisir de mes membres. Ce n'est pas le moment de flancher! Reprenant bien mon souffle, je me tourne vers elle avec un sourire vainqueur sur les lèvres, malgré mon angoisse grandissante. « Ce ne sera pas bien difficile. » C'est dure de s'en convaincre, mais je retourne dans la même pièce pour fixer les juges, puis écouter la musique. Concentre-toi, Yukine. Ils ne sont pas plus que les adversaires que tu affrontes dans la rue, avec amusement et compétition. ça me redonne confiance et courage, bien décidé à les éblouir comme un flash. La première note arrive en même temps que mon premier pas. ça semble bien démarré, à fond dans ma chorégraphie. Je mêle une part de plaisanterie à ma façon de bouger, m'approchant de leur table pour narguer une juge avec un beau sourire ravageur. Je la vois surprise, puis rougir et noter un truc sur sa feuille. Amusant, vraiment amusant. D'ailleurs, je lance un regard provocant à l'autre que je n'aime pas, revenant au centre de la pièce avec aisance et facilité, sans perdre le rythme. Je me donne à fond, comme promis. Je suis tellement bien dans cet élément, tellement à ma place. Je sens déjà ma victoire, ma première place, ma- Je sens mon pied glisser sans m'y attendre, perdant brusquement l'équilibre.  Mon corps part sur le côté, vers le sol et c'est avec mon poignet blessé que je me rattrape, grimaçant de douleur. Qu'est-ce qu'il s'est passé ? à quel moment j'ai foiré ? Ressaisis-toi! à la seconde, je me redresse dans une figure plus compliqué que prévu, me remettant sur mes pieds pour terminer ma danse en soufflant tel un buffle. On-t-il capté mon erreur, mon faux pas ? Je me rattrapé au mieux sur la fin, mais je sais déjà que Hazel va piquer une grosse crise à cause de cela...

Tenue ღ Cela l'épatait tout de même. Hazel n'avait jamais ressenti une quelconque animosité envers le jeune japonais même si elle montrait le contraire lors de ses cours. Ce qui rendait leur relation aussi explosive résidait dans leur fierté réciproque. Deux caractères aussi forts ne pouvaient pas se tenir côte à côte sans provoquer au minimum quelques petites étincelles. Parfois, cela allait plus loin -trop loin même- et ils se hurlaient dessus mais dans le fond cela ne prouvait rien d'autre que le fait qu'ils se ressemblaient plus qu'ils ne voulaient l'admettre. Même si Hazel n'avait pas toujours eu la force de s'affirmer, aujourd'hui elle ne laissait plus personne lui marchait sur les pieds. Elle connaissait ses capacités et estimait son talent à sa juste valeur, à savoir immense. Pas prétentieuse, elle faisait simplement preuve d'une confiance quasiment infaillible. Yukine lui ressemblait beaucoup de ce point de vue là. Il devait donc tout faire pour ne pas la décevoir. Elle ne l'avait pas traîné ici pour rien. Elle le considérait comme parfaitement capable d'obtenir ce contrat. Un premier pas important pour sa future carrière. L'accord se trouva donc fixé lorsque Hazel tapa dans la main de son étudiant avec un air déterminé. Elle comptait sur lui. « Si tu te plantes, ça va chauffer pour tes fesses. » Elle posa ses points sur ses hanches tentant de se donner une attitude menaçante. On pourrait croire que parce qu'elle fait plus jeune que son âge, qu'elle est toute petite, elle n'intimide personne mais un bon nombre de ses élèves la craignait. Certes, ce n'était pas le cas du jeune Miyaki mais cela ne signifiait pas qu'elle ne savait pas se faire respectée, bien au contraire. Trop vieille ? Hazel fit claquer sa langue contre son palais en feintant d'être profondément vexée par sa remarquer. Elle se permit même de faire semblant de le frapper. « De toute façon les petits mecs prétentieux c'est pas mon genre. » L'ambiance bonne enfant qui régnait entre eux tenait presque de l'irréel. Ils se décidèrent donc pour un restaurant. Hazel pouvait bien gâter Miyaki s'il réussissait. Puis il se débrouillait tellement bien pour le moment.

Pour réussir et se faire un place dans ce métier, il valait mieux être tenace de toute manière. Et encore, cela ne suffisait pas. Du culot, du talent, de l'intelligence, du charisme, tant d'ingrédients nécessaires et beaucoup de jeunes gens en manquaient aujourd'hui. « S'ils ne sont pas capables de me supporter alors ça voudra dire que ce métier n'est pas fait pour eux. » Et Yukine savait très bien qu'elle marquait un point. Valait mieux avoir un mental de faire pour faire face à tous les requins du milieu. Mais pas le temps de papoter plus, son étudiant fut le premier appelé. Une vague de stress la submergea aussitôt. Elle angoissait plus que si c'était elle qui passait l'audition, du incroyable mais vrai. Son mental d'acier n'était plus ce qu'il était. Elle l'encouragea jusqu'au bout en l'accompagnant jusqu'à la porte de la petite salle. Elle ne pouvait pas faire plus. Si elle pouvait, elle le tiendrait par la main mais bon, il ne se laisserait pas materner de la sorte et elle ne tenait pas tellement à le faire. Attentive à chacun des mouvements de son protégé, elle ne cessait de se balancer d'un pied à l'autre. Elle comptait les temps à voix haute, sourit quand elle le vit jouer de ses charmes avec une des jurys et grimaçait quand il se trompait. Puis vint la chute. Hazel plaqua ses deux mains sur la bouche choqué. D'abord effrayée qu'il ait pu se blesser, son instinct de compétition reprit rapidement le dessus et elle fronça les sourcils. Mais quel imbécile, pensa-t-elle. Elle allait lui faire sa fête. Elle jeta aussitôt un coup d’œil à son ex qui secouait la tête en prenant ses notes. Bien sur, il fallait que ce soit lui qui remarque cette erreur. Elle donna un violent coup dans la porte qui effraya les autres candidats présents puis tourna les talons. Elle ne tenait pas à assister au reste du massacre.

Quand le grincement de la porte résonna dans les vestiaires, Hazel se leva du banc pour intercepter immédiatement son étudiant. Toute sa colère se lisait sur son visage. Son expression beaucoup plus fermée et froide ne présageait rien de bon pour le jeune homme. Les autres personnes présentent les fixaient l'air curieux d'ailleurs comme prêt à assister à une pièce de théâtre. La première réaction de l'américaine ne se fit pas attendre. « J'peux savoir ce que tu viens de faire là ? » Elle désigna la porte avec son bras. « Non, attends, je vais te le dire moi ce que tu as fais. Tu viens littéralement de te pourrir toutes tes chances, j'espère que tu t'en rends compte. Ils ne vont jamais retenir un pauvre mec pas capable de tenir sur ses pieds. » Elle abusait sans doute en l'appeler ainsi, c'était limite insultant mais quand Hazel s'énervait elle n'était pas capable de retenue. « Peu importe que tu te sois rattrapé. Il a remarqué tout de suite que tu avais perdu ta concentration. Et c'est pas le fait que tu te sois planté qu'il a retenu hein, mais que tu sois pas resté concentré du début à la fin. » Clairement, Hazel lui en voulait d'avoir commis une faute aussi idiote. Elle mourrait d'envie de lui mettre des claques mais se retenait. Elle poussa à la place un long soupir et renvoya ses longs cheveux lisses en arrière. C'était foutu. Elle le sentait. Pourtant, une part d'elle continuait d'espérer que les autres juges avaient adoré suffisamment adoré les autres performances et évaluaient le talent de Miyaki à sa juste valeur, c'était leur seule chance. Elle repensa à la fameuse chute et prit le poignet du japonais. « T'as mal ? » Elle appuya à plusieurs endroits et le fit bouger un peu dans tous les sens. Cela ne paraissait pas trop grave heureusement.

Tenue ღ « Attention, vous risquez de me faire peur. » Plaisantais-je en gloussant bêtement, pas le moins du monde impressionné par ses manières de prof sévère et autoritaire. Je n'ai pas le droit de perdre, je le sais mieux qu'elle. Si j'échoue à la fin, ce serait un catastrophe, pas après avoir donné 220% de ma personne, de mon talent, de mes efforts. de toute façon, on ne relève pas un défi si c'est pour partir en perdant. Dans la tête, faut toujours voir la victoire et faire en sorte de l'attraper à deux mains, plutôt que la frôler des doigts. Je la respecte, même si je ne la crains pas pour autant. Hazel ne me fait pas peur, parce que je sais que je peux gueuler plus fort qu'elle si la situation le permet. Ce n'est pas bien, certes, mais ça ne sera sûrement pas la première et dernière fois. Puis, elle est trop vieille pour moi. J'esquive facilement son geste, souriant à sa façon de me répondre. « Je ne suis pas petit. » Fis-je en plaçant ma main sur mon front pour l'amener vers elle de façon à monter trop haut pour comparer nos tailles. Elle est naine, je suis géant. En tout cas, elle me doit un restaurant si je parviens à obtenir cette fameuse place, ce trophée, ce nom gravé dans le marbre. J'exagère, ce n'est pas autant mais suffisamment pour un début. Sans elle, je ne pourrais même pas m'afficher ici, ni danser devant des danseurs, des vrais danseurs. Hazel aussi est une danseuse, mais elle n'a pas sa place derrière la table des jurés, mais plutôt de mon côté.

Elle marque un point. S'ils ne sont pas capable d'être fort, tenace et talentueux face à Hazel, alors ils ne pourront jamais atteindre ne serait-ce la première marche. « Je vous l'accorde, vous êtes un monstre. » J'ignore encore le rapport, mais fallait que je le place à quelque part à un moment ou à un autre. ça me semblait être le miens. Hazel n'est qu'un avant-goût, un début, avant que la tempête ne s'intensifie et les emporte totalement. Je sais tenir tête à Hazel sans pour autant être une merde, je sais tenir sur mes deux jambes sans fléchir un genou. Plus tard, ça m'aidera à garder le dos droit et les épaules solides, pour affronter n'importe qui, n'importe quand. La réflexion s'arrête là, mon tour est venu de me protéger face à ces requins, à sortir les armes pour me défendre et sauver ma peau. Je suis sûr de moi, bien tenu par mes principes et mon courage, même si une pointe de stresse palpite dans mon coeur. C'est normal, puisque j'approche de la fin, du grand résultat, du bout du chemin. Accompagné jusqu'à la porte, je lui lance un bref regard et un rapide sourire, avant de m'enfermer entre ses murs pour prouver ma valeur et mon don en danse. Ils ne perdent rien pour attendre, je suis remonté contre le monde entier, contre moi-même. La musique coule dans mes veines, elle tambourine dans mes oreilles et me faire chavirer la tête. Je dois tenir bon face à elle pour ne pas oublier mon objectif principal; danser. Comme prévu, je sors le grand jeu et séduit la galerie, nargue l'autre moitié et m'amuse au possible sans oublier ma part de sérieux. Tout se passe bien au début, jusqu'à la dernière minute où je chute et me réceptionne sur mon poignet blessé. ça fait des années que j'ai été opéré, mais à part une cicatrice, je n'en garde rien. à ce moment-là, je feinte une grimace à travers un sourire maladroite, tentant au mieux de me rattraper pour ne pas perdre la face. Quel con, je vous jure. Mon coeur s'emballe à chaque nouvelle seconde où je déplace un pied, perdant de ma concentration et ma précision. Je crois que j'ai foiré au moment où je me suis gamelé... ça n'allait pas, je n'aime pas perdre ainsi face à ma cupidité, ma prétention, mon envie de vaincre. Je me sens juste minable quand la musique s'éteint et que je quitte la pièce, la sueur perlant sur mes tempes et mon front, le tee-shirt collant à ma peau, mon épiderme bouillonnant et frissonnant.

Sa colère, je la comprends parfaitement. J'ai fauté et je suis le seul coupable. Si je n'avais pas perdu ce sérieux, jamais je ne me serais loupé, ni chuté. Calme, je suis très calme malgré ma situation, malgré que ma professeur soit sur le point de m'étrangler et qu'elle se montre froide, limite tranchante. Aie, mais c'est exactement la réaction que j'attendais de sa part. « Une erreur. » Je réponds simplement en serrant les dents, beaucoup trop serein pour être effrayant. Elle assène des coups violents que je prends entièrement pour moi, encaissant sans broncher. Ruiner mes chances, j'en suis bien conscient. ça me fait chier de l'entendre de sa bouche, mais je ne peux protester, mon regard intensément braqué sur elle. J'attends finalement qu'elle poursuive ses commentaires, qu'elle déverse sa colère et termine d'achever son discours de pierre. Il l'a vu, mais qu'est-ce que j'y peux, hein ? D'un coup, j'ai envie d'exploser et de parler comme elle, sur le coup de la colère. J'ai les nerfs à fleur de peau, sous cet air d'indifférence, de « je m'en fou de toute façon ». ça m'emmerde plus qu'elle ne le croit, autant ma stupide faute que ses foutues mots. Je n'ai pas demandé à tomber, ni à perdre ma concentration, ni à faire ces autres erreurs qui ne m'ont pas sautés aux yeux. Bon sang, ça m'agace ! Elle s'est calmée, c'est bon ? Je peux reprendre mon souffle sans me faire mitrailler de ses yeux revolver ? Pour le coup, j'en veux à la terre entière d'avoir merdé, même si je suis l'unique fautif. Hazel passe de la colère à l'inquiétude en attrapant mon poignet pour le tordre dans tout les sens en demandant si ça va. Je le récupère aussitôt avec une mine contrariée, mordillant ma lèvre inférieure d'une façon nerveuse. « Ce n'est rien. » Rien de plus qu'une impression de tiraillement dans les doigts jusqu'à l'avant-bras. Je m'en fiche de mon poignet, je m'en fiche d'avoir, je m'en fiche s'il se brise. à présent énervé, je m'éloigne de la jeune femme pour m'asseoir sur un banc et attraper une bouteille, la vidant d'une traite. Les autres peuvent bien passer, je m'en moque aussi. Merde, ça me fait réellement chier ce truc.

Tenue ღ Elle retint son souffle pendant presque la totalité de la performance de son étudiant. Parfois elle couinait, contente d'un de ses mouvements. Ou bien elle grognait, agacée par de petites erreurs. Pour autant, elle ne s'attendait pas à le voir tomber. Hazel plaqua même ses mains sur sa bouche pour camoufler un cri. Elle n'en croyait pas ses yeux. Il ne pouvait pas se planter comme ça. Elle refusait de le voir échouer. Elle n'acceptait pas la défaite. Mais dès qu'elle posa ses yeux sur son ex, qu'elle le vit secouer la tête, elle comprit qu'il ne restait plus d'espoir. Ils ne risquaient pas de lui filer ce contrat. Son sang ne fit qu'un tour et elle cogna la porte avec toute sa haine. Elle se retourna et renvoya ses cheveux en arrière avec ses doigts. Plus elle dévisageait les autres jeunes qui se trouvaient dans les vestiaires, plus elle sentait sa colère augmentait. Ils ne méritaient pas de prendre la place de son poulain. Yukine les battait tous. Il ne dansait pas à la perfection, mais avec le cœur et beaucoup de talent contrairement à ces amateurs. « Quoi ? Vous voulez ma photo ? » Elle foudroya du regard un japonais à la fausse chevelure blonde et ce qui semblait être sa mère. Ils ne cessaient de parler dans leur dos depuis le début et ça commençait à lui taper sur le système. Elle s'assit sur un des bancs et tenta de se calme mais le mouvement frénétique de sa jambe trahissait l'état de ses nerfs.

Hazel ne le rata pas. Elle s'acharna presque sur lui. Mais quand elle n'avait jamais échoué à aucun casting, aucune audition, elle ne se trouvait pas en mesure d'accepter l'échec de son étudiant. Elle croyait tellement en lui. Elle connaissait si bien ses capacités. Il venait de la décevoir, bien sur. Elle n'en revenait pas. Elle ne mâchait pas ses mots. Elle le mitraillait. Le jeune Miyaki encaissait sans rien dire. Que pouvait-il dire de toute manière ? Il devait avoir conscience qu'Hazel n'en rajoutait pas. Elle disait malheureusement la triste vérité. Il n'y avait plus rien à faire pour rattraper ça. Se foirer à la dernière étape était impardonnable. Finalement, elle s'arrêta de débiter sa haine. Pour canaliser tout ça, elle prit une grande respiration et se massa les tempes en même temps. Oh, c'est vrai, peut être s'était-il blessé ? Elle lui attrapa le poignet pour le malmener un peu tout en guettant ses réactions. « J'espère que ce n'est rien. » Murmura-t-elle en le regardant s'éloigner. Elle décida de le laisser respirer un peu. Pour ne pas risquer de se remettre à lui gueuler dessus, elle garda une certaine distance et se contenta d'observer les autres candidats entrer et sortir. Elle secouait parfois la tête. Vraiment, personne d'autre que son étudiant ne méritait cette place. Elle refusait tout bonnement de le voir échouer. Petit à petit, elle se raccrocha donc à l'espoir un peu fou que ses autres passages valaient mieux que tout le reste, que son talent avait peut être ébloui les juges.

Alors quand son ex pénétra enfin dans les vestiaires pour annoncer qui était l'heureux élu, elle croisa tout ce qu'elle pouvait croiser. Elle espérait de tout son cœur que, malgré son erreur, Yukine avait fait la différence et s'était démarqué. Hazel ferma même les yeux, pria tous les dieux, invoqua toutes les pires superstitions. Que quelqu'un l'entende quoi ! Elle ne demandait pas la lune non plus. Après le petit discours de remerciement, les compliments traditionnels et hypocrites à souhait, il arriva enfin au plus important. Hazel eut la sensation que son cœur allait lâcher. Enfin, il prononça un nom. Un autre. Pas celui de son étudiant. Échec cuisant. Il osait en plus la regarder droit dans les yeux en souriant. Un sourire tout ce qu'il y avait de plus moqueur. Il passa à côté d'elle et lâcha une bombe tout en regardant Yukine. « Faut croire que ton protégé est pas encore au niveau. C'est sans doute pas fait pour toi le métier de prof. » Non, elle ne pouvait pas le laisser s'en tirer comme ça. Il n'avait pas le droit de dire ce genre de choses. Ni une, ni deux, elle l'attrapa par le col de sa chemise de luxe. « Tu te fous de ma gueule ? Tu sais comme moi qu'aucun de ces avortons ne lui arrive à la cheville. Il est le seul à se tenir correctement, le seul à connaître son corps et le seul à danser avec le cœur. » Et elle commença à le secouer avec une certaine violence. Peut être qu'elle n'en imposait pas physiquement mais cela ne signifiait pas qu'elle n'avait aucune force. Dieu seul sait combien elle en a en vérité. Les gens autour d'eux ne faisaient rien. Ils poussaient de petits cris, faisaient les choqués et recommandaient de les séparer mais personne ne bougeait. « Alors c'est quoi ton problème ? C'est parce qu'il est avec moi ? Cela ne t'a pas suffit de m'humilier une première fois et de foutre en l'air notre mariage ? Faut qu'tu grandisses mon pauvre. Tu sais que j'ai raison et que tu viens de laisser passer un putain de talent. » Elle déversait toute sa hargne. Elle le secouait comme un prunier. Le bousculait, le cognait. Bref, elle le malmenait et cela risquait de mal finir si quelqu'un ne se décidait pas à intervenir.

Tenue ღ Perdre est la pire chose que je puisse imaginer ou vivre. Je suis né pour réussir, pour vaincre, pour montrer au monde que je ne suis pas une petite racaille, ni un gosse de riche avec une cuillère en or à la main. J'ai beaucoup trop à prouver pour perdre maintenant... Pourtant ma chute me fait perdre de la confiance et une bonne partie d'espoir. Même si je me rattrape, même si je me relève habilement suite à ma réception improvisée, je sais que ça ne passera pas inaperçu chez les juges. Bon sang, j'ose encore moins imaginer la tête que doit tirer Hazel derrière cette porte. J'entendrais presque son coup de point résonner dans ma tête et me donner le tournis. J'ai perdu un temps précieux à vouloir me rattraper de ma grosse erreur, mais aussi une parcelle de ma concentration. La fin ne ressemble à rien, beaucoup trop préoccupé par l'épisode précédent. Qu'est-ce qu'il va advenir de cette épreuve, hein ? L'homme face à moi est du genre à prendre la moindre excuse pour m'exclure, et je crois qu'il vient de l'obtenir de ma part. Quel idiot, j'aurai dû faire plus attention et éviter de me laisser trop aller à mon petit jeu de séduction. Mes chances de réussites partaient doucement au loin en me faisant coucou d'un petit mouchoir humide de larme. Le sol s'effrite sous mes pieds, il s'ouvre carrément sous moi pour me précipiter dans un gouffre profond. Je n'ai pas encore perdu, surtout pas sans savoir les résultats. Néanmoins, je ne me voile pas davantage la face en me disant « ce n'est rien, ils n'ont vu que du feu », puisque ce ne serait que me mentir à moi-même. Le retour risque de se faire avec douleur et colère. J'entends déjà ma professeur hurler et se transformer en monstre mythologique, si ce n'est pire encore.

Raison l'emporte, Hazel se jette littéralement sur moi pour m'incendier et limite me claquer mentalement. J'ai fauté, d'accord. Je me suis ramassé en beauté, Okay. Ainsi que plusieurs autres erreurs que je qualifierai de minime, tellement elles ne sont pas visible. Bien sûr, rien n'échappe à son oeil de lynx, sa vision de tigresse, et c'est ses griffes de panthère que je sens me lacérer la peau. Je suis comme un pauvre humain qui attends sa fin, encaissant difficilement les coups sans broncher. Je n'ai rien à dire, surtout pas en sachant qu'elle a entièrement raison et que j'ai complètement tord. Le message est pourtant très bien passé, pas la peine d'en faire des montagnes pour m'écraser davantage. Sa colère n'a pas de limite et j'ignore si ma patience en possède autant. Le torrent se calme doucement, emportant avec lui sa haine et ses excès de rage. Je n'ai toujours pas ouvert ma bouche depuis tout à l'heure, haussant un sourcil quand elle s'inquiète de mon poignet. Sérieusement, je m'en fiche d'avoir mal ou d'être blessé, et même si c'est le cas, je préfère encore dire que ce n'est rien. Chacun possède ses petites blessures. Hazel a été touché à la cheville, moi au poignet, mais comparé à cette dernière, ça ne m'empêche pas de danser à fond. Suite à cet court échange, je m'éloigne d'elle pour m'asseoir sur le banc et me murer dans mon silence, buvant ou vaquant sur mon portable. J'ai suffisamment les nerfs pour m'occuper les esprits à envoyer des messages ou à surfer sur le net. ça me rend dingue cette attente, encore plus d'entendre les portes s'ouvrir et se fermer sur les différents candidats restant. Qu'ils me valent ou pas, je m'en fiche aussi. Mon humeur est tellement en désordre que très peu de chose peuvent avoir de l'importance à mes yeux. Dans ce cas-là, je pourrais même dire que cette audition me passe par dessus la tête et que je m'en fou d'être prit ou pas pour cette campagne de pub. Ils perdent quelque chose, voilà tout.

Toujours agglutiné dans mon coin, je relève à peine la tête quand les portes s'ouvrent à nouveau, habitué à ce bruit agaçant depuis plusieurs minutes à présent. Cette voix m'horripile et je darde mes pupilles sombres sur cette silhouette que je ne serais pas mécontent de bousculer un peu. Sa façon de parler me porte sur les nerfs, autant que ses compliments bidons et à chier. Si ça ne tenait qu'à moi, je lui ferais manger son calepin à note avec le stylo avec. ça n'en finit plus de l'entendre blablater, jusqu'au moment décisif où j'attends qu'il prononce un nom. Le miens ? Je n'ai plus envie d'y croire, de toute façon. Et ça ne m'étonne même pas qu'un autre soit dit et même acclamé. Quelle merde, encore une idée à la con de cette professeur. Mon coeur bat d'une manière étrange, presque douloureuse. Qu'importe ce que j'en pense, ça fait toujours mal. J'ai perdu, minablement perdu contre eux, contre des nuls. Quittant mon banc pour me rapprocher de Hazel, j'entendis parfaitement les mots de ce sale type, autant que je vois son regard posé sur moi. Il me cherche. Peut-être qu'il sait danser et remuer sa graisse, mais il va vite comprendre que je suis poussé sur un autre terrain que la danse. Calme-toi, Yukine. La jeune femme à mes côtés fit LE geste que je voulais faire, attrapant le juge par le col pour s'acharner sur lui. Il le mérite, et je n'en suis nullement peiné pour ce pauvre type. Par contre, j'étais loin de m'attendre à tel discourt de sa part. à ses yeux, je suis un talent et je vaux mieux que tout ces gars réunis. Suite à cela, Hazel perdit complètement pied en secouant son ex-partenaire d'une violence que je ne soupçonnais pas venant de ma professeur. Encore une fois, je n'interviens pas et observe le visage perdant de ses couleurs de l'homme malmené. Je l'ai déjà dit, il le mérite. Mariage ? Alors, c'est son... Mari ? Comment a-t-elle pu aimer un couillon pareil ? Sidéré par cette nouvelle, j'attends une petite minute avant de séparer Hazel et son ex-mari. « Calmez-vous, madame. J'aurai d'autres occasions de me rattraper. » Je parle tout en l'éloignant du juge qui râle et nous prévient qu'il va appeler la police. Ni une, ni deux, je lui décoche une bonne droite dans la figure en crachant par terre... Mauvaise habitude. « Je plains les gens qui ont de l'estime pour vous. Vous ne valez pas mieux qu'une merde, et je ne suis pas déçu de perdre si ça peut m'éviter de vous voir encore une fois. » C'est faux, je suis quand même déçu de perdre et de ne pas avoir prouvé véritablement mon talent. Bref, j'attrape la main d' Hazel et la tire vers la sortie, ignorant les autres personnes présentes dans ce vestiaire. J'ai besoin d'air, de crier un peu et de relâcher la pression. « Désolé. Je sais que vous voulez gagner contre lui, j'ai été nul sur ce coup-là. » ça me fout tellement les boules de ne pas avoir tenu mon engagement et d'avoir échoué en si bon chemin... Pourtant, ce qui est fait, est fait.  

Tenue ღ Hazel devait sans aucun doute son fort caractère au sang italien qui coulait dans ses veines, en tout cas, il ne fit qu'un tour quand son ex se permit de la dénigrer elle et son petit protégé. Elle l'attrapa au col avant de le secouer comme un prunier. Les gens présents reculaient effrayés par sa férocité. Ils murmuraient dans son dos. Mais à cet instant, la brunette ne pouvait pas moins s'en soucier. L'ordure qu'elle maltraité avait osé donner un coup à sa fierté. Grave erreur de sa part. Hazel ne se laissait plus marcher sur les pieds. Elle claquait des doigts et tout lui réussissait. Elle ne voyait pas ce qu'elle devrait prouver à cet homme qui n'a jamais été capable de faire décoller sa carrière. Il se permettait en plus de rabaisser son étudiant. Il le jugeait sans connaître toute l'étendue de ses capacités. Les yeux de l'américaine se transformaient en véritables lance-flammes. Si quelqu'un ne se décidait pas à intervenir très rapidement, elle risquait même d'en venir aux mains. D'ailleurs, elle serra le poings, prêt à lui écraser dans la figure quand Yukine s'interposa pour les séparer. Hazel hésita un moment à se retourner. Elle mourrait d'envie de le frapper depuis qu'il l'avait quittée pour une autre, c'était peut être l'occasion ou jamais ? Elle l'entendit les menacer d'appeler la sécurité et même la police, elle virevolta mais le sale boulot était déjà fait par le jeune japonais. Hazel ne put s'empêcher de sourire mais déchanta la seconde suivante. « Ce gosse ne vaut rien. Tu n'en tireras rien, Hazel. Il vient de ruiner ses chances. » Elle ne chercha pas à répliquer et lui adressa un doigt tandis que Yukine la traînait hors des vestiaires. Qu'il s'estime heureux, elle venait de l'épargner. Suffisamment éloignés du champ de bataille, Hazel commença par lisser les plis de sa jupe puis remit un peu d'ordre dans ses cheveux. Il désirait la guerre ? Elle se sentait prête à lui offrir. Elle écouta les excuses de son élève d'un oreille distraite. Son cerveau fonctionnait à plein régime. Elle élaborait un plan, réfléchissait aux personnes qu'elle devait contacter et à ce qu'il lui fallait pour rattraper tout ça. Elle posa enfin son regard sur Yukine et pointa un doigt menaçant devant son visage. « Toi, tu m'en dois une. T'as tout foiré sur ce coup. J't'ai jamais vu faire de la merde comme ça. » Dire que quelques minutes plus tôt elle le défendait encore et l'encensait, le couvrant de compliments au sujet de son talent. « Suis-moi. » Elle extirpa son portable de son sac et se mit à pianoter avec frénésie tout en ouvrant la marche.

Elle slaloma dans les couloirs et monta les escaliers sans lever la tête une seule seconde. Habituée des lieux, elle retrouverait son chemin même les yeux bandés. Ses talons claquaient contre le carrelage. Elle avançait à grandes enjambées. Elle finit par s'arrêter devant la porte d'un bureau. Hazel rangea alors son portable et donna une consigne simple à Yukine. « Attends-moi là, j'en ai pour cinq minutes. » Elle poussa la porte sans même prendre la peine de toquer et la referma aussitôt derrière elle abandonnant son étudiant. Puisqu'elle avait l'impression d'avoir été battue sur son propre terrain et qu'en plus elle ressentait désormais le besoin de prouver à nouveau des choses, elle comptait bien lancer une contre-attaque. Un boulet de canon plus exactement. Elle discuta avec l'un des dirigeants de l'agence pendant à peine une minute de plus que ce qu'elle avait estimé. Le convaincre fut un véritable jeu d'enfant. Son projet, bien qu'elle pensait y bosser encore un peu, était déjà suffisamment abouti et solide pour séduire les grands noms. De toute manière, lorsque Hazel apposait ses initiales quelque part cela signifiait forcément une grande rentrée d'argent pour celui qui acceptait de la signer. Lorsqu'elle retrouva Yukine dans les couloirs, elle tenait une liasse de papiers impressionnante entre les bras. « Maintenant, on va manger et je vais t'expliquer comment tu vas rembourser ta dette envers moi, compris ? » Elle passa à nouveau devant et conduisit son rebelle préféré dans l'un des meilleurs restaurants du coin. Ils les installèrent à une table à l'écart, Hazel envoya quelques derniers messages puis, malgré l'échec, elle commanda une très bonne bouteille. Pas pour elle, rappelons qu'elle ne buvait pas une goutte d'alcool, mais pour l'étudiant. Il ne s'en doutait pas encore, mais elle l’entraînait dans un plan un peu dingue.

Elle tassa le paquet de feuilles pour qu'il soit bien lisse, bien carré et mit sa main sur son verre au moment où le serveur arriva avec la bouteille. Ainsi, il ne servit que le jeune homme. Hazel lui demanda de remplir le sien avec de l'eau. Il s'éclipsa enfin, sonnant l'heure des choses sérieuses. « L'agence où on était est la filière japonaise de celle qui a lancé ma carrière. Le siège se trouvant à New York. » Jusque là, rien de bien compliqué à comprendre. À la regarder, elle ressemblait presque à un savant fou ou à un méchant d'un dessin animé qui s'apprête à livre son plan diabolique. La deuxième option s'approchait dangereusement de la réalité, en fait. Elle prit les dix premières feuilles du dessus et les posa devant Yukine de façon à ce qu'il puisse les lire. « Si tu signes là, tu es engagé chez eux pour une durée déterminée et sous ma tutelle. » Voyait-il déjà où elle voulait en venir ? Non, elle ne comptait pas lancer sa carrière du moins pas vraiment. Il avait tellement de choses à apprendre encore, des études à terminer, un diplôme à obtenir. Mais elle aussi, bien avant d'avoir fini son école, avait foulé les planches. Bon nombre de jeunes gens talentueux connaissaient le succès avant d'être totalement formés. « T'es déjà allé au casino ? Non ? Bon, bah  dis-toi juste que là je mise gros. Ma carrière et la tienne. Si ça marche, tu as une place assurée chez eux à la fin de tes études. Sinon disons que tu peux presque faire une croix sur tes chances de percer et que moi je peux dire au revoir à toute reconnaissance. » Elle porta son verre d'eau à ses lèvres et avala une longue gorgée. L'excitation, l'adrénaline, cela donnait soif. Elle tapa plusieurs fois sur le tas de paperasse qui était encore devant elle. « J'ai juste besoin de savoir si t'as suffisamment confiance en moi pour oser ce pari fou ? » Hazel lui tendit alors la main, en plissant légèrement les yeux. Allait-il lui la serrer et embarquer avec elle dans cette folle aventure ?

Tenue ღ Hazel était à deux doigts d'étrangler son ex-mari ou de le cogner contre un mur au vu de sa façon à la secouer dans tous les sens. Sur l'instant, je me voyais déjà appeler les ambulances pour ce con, mais je pris les choses en main en repoussant ma professeur pour qu'elle ne le tue pas. ça ne m'a pas empêché de lui mettre mes phalanges dans le nez et d'apprécier le doux craquement de mes os contre son visage. Sadisme à part, je me sentais vidé de toute cette pression accumulée avec la dernière épreuve. Je m'en fichais de réussir, surtout si c'était pour finir sous les ordres d'un mec pareil. Quant à ses mots, ils ne tombèrent pas dans l'oreille d'un sourd, même si je fis genre de ne rien entendre. Je ne vaut rien, d'après lui. Sauf que je suis jeune et j'aurai mainte occasion de me rattraper. J'ignore ce qui me retient de le frapper à nouveau, sûrement l'envie de partir en vitesse d'ici et de ne plus voir sa tronche. Je me sens suffisamment remonté contre ces épreuves pour déverser ma colère et ma violence contre ce pauvre gars. Là, je signerais vraiment mon arrêt de mort et la fin de mes efforts, le pied même pas posé sur la première marche. à présent en dehors de ça, je présentais mes excuses à Hazel sans même qu'elle ne les écoute. J'aurai dû m'en douter... Elle est trop remonté contre moi et mes erreurs pour être gentille, et je ne suis même pas étonné qu'elle dise une telle chose. Encore une fois, ça me passe par dessus la tête, justement pour ne pas me la prendre davantage. à l'écouter, je suis exactement tel que son ex m'a décrit; bon à rien. Je prends ça à la légère et hoche doucement la tête comme pour dire oui oui. à ses mots, je la suivis toujours en restant dans ce silence, la regardant se battre avec son portable en disant qu'elle doit sûrement envoyer des textos. Sinon pourquoi elle taperait aussi vite sur son écran ?

Comme prévu, je la suivis dans les nombreux couloirs sans savoir où nous allons, pas du tout habitué des lieux.  Je ne fis que jeter des coups d'oeil à droite ou à gauche en détournant vite mon attention vers un autre point, sans jamais m'y attarder, jusqu'à terminer devant cette porte de bureau. Son portable en moins, Hazel se tourne vers moi pour me donner une sorte d'ordre que j'acquiesce sans broncher. Où veut-elle que j'aille, de toute façon ? Même si je soupire discrètement une fois qu'elle passe la porte et m'abandonne dans ce couloir. Franchement, dans quoi me suis-je embarqué avec elle ?  Les cinq premières minutes, j'ai attendu debout contre le mur, à tapoter le talon de mon pied contre la paroi. Les cinq minutes passées, j'ai perdu ma patience et je me suis assis par terre en râlant, sans faire attention aux rares personnes passant par-là. Puis j'ai prit mon portable et j'ai commencé à envoyer des textos à mes potes, me plaignant un peu au près d'eux qu'elle mettait trois plombs à sortir, blablabla. Au final, j'ai dérivé sur un autre sujet qui me fit rire et j'en oubliais presque Hazel, qui me surprit en ressortant. D'un bond, je me relève pour lui faire face avec une mine sérieuse, mon portable rangé à la va-vite dans ma poche. Qu'est-ce qu'elle fout avec cette paperasse dans les bras ? Mes yeux voyagent entre les papiers et elle, tirant une moue d'incompréhension. Manger ? Je croyais que ce serait ma récompense si je « gagnais », pas l'inverse. Puis, les rouages se mirent doucement en marche. J'aurai dû m'en douter, ça cache quelque chose de plus gros, de plus volumineux. Toujours sans rien dire, je la suis en dehors du bâtiment pour rejoindre un restaurant dont je ne connais même l'enseigne. Elle s'y connait, pas moi. Même si mes parents sont riches et reconnus dans leurs domaines, ça ne m'empêche pas de vivre comme un gars des rues et de préférer la roulotte aux ramens du coin, plutôt que le resto d'luxe. Hazel agit d'elle-même en commandant à boire ou prenant une table à l'écart, je ne fis que suivre sans pouvoir y placer un mot. Vraiment, je ne sais toujours pas dans quoi je m'embarque avec la jeune femme.

Quand le serveur apporta la bouteille, Hazel déclina pour de l'eau, remplissant ainsi que mon verre. Je ne comprends pas en quel honneur je mérite cette alcool, ni même si c'est une bonne chose de boire. Je le fais en soirée avec des potes, pour m'amuser et en rire, mais je ne suis pas le genre à être vite saoulé, ni celui qui tient l'alcool. Un juste milieu, même si je connais mes limites à deux verres seulement. Au delà, je ne préfère pas tester. Filière japonaise. Siège à New York. Je ne comprends pas où elle veut en venir en me parlant de cela, bien que ce ne soit sûrement que des détails à savoir. Un peu dépassé par les événements, je pris mon verre entre mes doigts pour en boire quelques gorgées. Les papiers, ce n'est pas mon fort. Pourtant je les regarde rapidement en continuant de boire, terminant presque mon verre à une goutte près. « Signer avec la filière japonaise ? » Si je pige bien où elle veut en venir. ça ramène à quoi d'être dans cette agence sous sa tutelle ? Est-ce que ça changera de l'école et de nos cours particuliers ? Ce serait un plus pour moi en étant engagé chez eux et sous sa tutelle, mais encore une fois, je ne sais pas dans quoi je m'embarque. Casino ? Ouais, je connais plus ou moins le principe pour y avoir déjà traîné avec des amis, mais quel est le rapport ? Une grosse mise ? ça me stresse quand elle parle ainsi et que je ne comprends même pas à moitié. Elle me permet d'avoir une place dans cette agence à la fin de mes études ? Confiance ? Un fin sourire se dessina sur mes lèvres pour les étirer. « Je vous ai déjà fait confiance pour venir jusque là. » Rayais-je en venant taper doucement mon verre dans le siens en signe de « santé », avant de reprendre en jetant un coup à la paperasse. « Je signe où ? » Je ne donne pas cher de moi, mais je préfère me jeter entièrement dans un projet, plutôt qu'attendre que rien ne me tombe dessus. Hazel a un nom dans l'histoire de la danse, pourquoi devrais-je douter d'elle ? Même si je perds à nouveau, peut-être que cela m'ouvrirait d'autres portes ? « Je n'ai pas peur d'avancer. Perdre est une façon d'avancer, aussi. Aniki me disait souvent que, quand on tombe, il faut toujours se relever. J'ai eu confiance en lui, je peux aussi l'avoir en vous. » C'est étrange de parler de lui, maintenant qu'il n'est plus là pour m'aider et me faire découvrir de nouvelle chose. Hazel reprend un peu son rôle, bien qu'elle ne soit pas du tout comme lui.

Tenue ღ Hazel connaissait par cœur les bâtiments de beaucoup d'agences artistiques différentes. Même si elle n'appartenait officiellement qu'à une seule, d'autres s'offraient assez souvent ses services en lui proposant un beau chèque avec de jolis zéros derrière. Ainsi, dans la filière japonaise du petit monde qui l'employait, elle se sentait comme un poisson dans l'eau. Elle pénétra dans le bureau du directeur sans prendre la peine de toquer. On pouvait la trouver culotée mais en vérité, Hazel savait juste se faire entendre et atteindre ses objectifs. Puis ce dernier ne lui refusait jamais rien et devait même en pincer un peu pour elle. Comment résister à ce bout de femme ? Elle négocia à peine cinq minutes avec ce dernier. Il lui imprima ensuite toute la paperasse nécessaire à l'élaboration d'un nouveau contrat. L'américaine obtenait toujours ce qu'elle désirait. D'une façon ou d'une autre. On avait refusé une place qui revenait de droit à son protégé ? Qu'à cela ne tienne, elle allait carrément le faire intégrer l'agence. Enfin, s'il acceptait son offre un peu risquée. Mais elle ne manquait pas d'arguments et sentait que le jeune Miyaki possédait un feu identique au sien. Cela risquait d'ailleurs de causer pas mal de vagues dans le milieu. D'abord à cause de son altercation avec son ex-mari et ensuite à cause du forcing qu'elle était en train de faire. Mais Hazel croyait en son projet. Il tenait parfaitement la route. Et ce n'était pas comme si elle montait un show pour la première fois en plus. Seulement, tout le gratin n'attendait que ça, voir son nom au bas d'une affiche, alors elle n'avait pas le droit à l'erreur. Même si elle était confiante, elle sentait déjà la pression peser sur ses épaules alors qu'elle emmenait dîner Yukine. Elle continuait donc d'envoyer les messages nécessaires à l'élaboration de son plan. Elle prenait contact avec des gens qu'elle savait compétents. Partenaires, stylistes, productions, danseurs, elle avait tant de choses à faire pour arranger tout ça.

Lorsqu'elle estima avoir fait tout ce qu'elle pouvait au travers de son téléphone, elle le posa sur la table. Il restait quelques coups de fils à passer et des personnes à voir, mais les rendez-vous importants étaient déjà fixés au moins. Hazel commanda une bonne bouteille mais demanda au serveur de remplir son verre d'eau. Yukine ne devait pas comprendre grand chose. Heureusement, l'enseignante ne tarda pas trop à lui apporter quelques informations. Elle lui expliqua dans les grandes lignes en quoi consisterait ce fameux contrat. Même s'il allait appartenir à cette agence, cela ne lui donnait pas vraiment une place chez eux. Pour l'obtenir, il fallait que le projet d'Hazel fasse un carton. Mais en général, tout ce que la belle touchait se transformait en or. Elle ne s'inquiétait pas tant pour ça même si elle ne fréquentait plus trop cet univers, elle connaissait toujours les bonnes personnes et se souvenait très bien des rouages du métier. À la fin de son petit monologue, Hazel lui posa la question cruciale. Avait-il assez confiance en elle pour tenter ce pari un peu trop fou ? Elle se mordit doucement la lèvre en attendant sa réponse puis se mit à son tour à sourire en l'entendant dire que c'était le cas. Dire qu'il y a quelques petits mois encore, ils passaient leur temps à se chercher des noises. Hazel sortit un stylo de son sac qu'elle lui donna puis posa son doigt au bas de la dernière page du petit feuillet. « Si tu signes, tu deviens officiellement la star de mon prochain spectacle. » Prêt à travailler dix fois plus ? Parce qu'entre les cours et ça, le pauvre Yukine allait devoir se montrer solide. Elle le regarda apposer sa signature puis lui reprit le stylo et compléta avec la sienne. Ils se lançaient tous les deux dans une grande aventure. Enfin tous les deux, Hazel avait encore quelques petites choses à lui dire mais elle voulait le laisser profiter pour le moment. Elle connaissait cette joie de signer un premier contrat, elle n'avait pas envie de lui gâcher ce moment si magique.

« Au fait, qui est ce fameux Aniki ? » Demanda-t-elle en portant son verre d'eau à ses lèvres pour avaler une grande gorgée. Tout ça venait de lui donner chaud. Et puis, maintenant qu'ils étaient liés d'une certaine manière, ils allaient bien devoir apprendre à se connaître. Surtout que Yukine en savait déjà pas mal sur elle, l'air de rien. Il venait de rencontrer son ex et plus ou moins de découvrir l'échec que fut leur mariage. Elle se sentait un peu honteuse d'ailleurs d'avoir lâché ses émotions prendre le dessus comme ça. Elle ne devrait pas laissé sa vie personnelle empiéter comme ça sur le boulot. « Par rapport à avant, je suis désolée de m'être emportée comme ça. J'aurais pu foutre toutes tes chances de percer en l'air. » Et elle sentait déjà que cet enfoiré allait sans aucun doute leur mettre des bâtons dans les roues mais Hazel était prête à tout affronter maintenant.

Tenue ღ J'ai dû faire une sacrée erreur pour me retrouver à parcourir les couloirs de cette agence avec Hazel, avant qu'elle ne m'abandonne devant une porte pour faire je ne sais quoi. à partir de là, j'ai attendu comme un clochard qu'elle ressorte et me mette un minimum au courant pour ses agissements. Avec un peu de chance, cela ne me concerne pas du tout ? Mais j'en doute fort, puisque j'ai une dette envers elle. Qu'est-ce qu'elle veut dire par-là ? Ce n'est pas comme si elle avait perdu une tonne d'argent ou quoi, non ? J'ai quand même fait de mon mieux pour réussir, même si j'ai foiré sur la fin et que l'autre con en a profiter pour accorder la victoire à quelqu'un d'autre. Ce n'est pas ma faute s'ils se font la guerre et que le premier prétexte est bon pour humilier l'autre. Quoi que, Hazel n'a pas commencé ce petit jeu avec lui, c'est l'autre qui s'est amusé à lui chercher des noises. Enfin bref, ça n'explique pas pourquoi je poireaute plus de cinq minutes et que j'en perds patience au point d'utiliser mon portable pour m'occuper. Perdre, c'est déjà un truc que je déteste, mais attendre plus que prévu, est pire. La situation m'échappe quand même et je ne peux rien faire de plus que suivre ma professeur en attendant le moment opportun pour avoir des réponses. Son invitation au restaurant ne tient pas la route, mais je ne peux refuser si elle le propose -ou l'impose ?-. Son portable ne quittait plus ses mains et je demande même si elle fait attention à ma présence. Je pourrais ralentir et changer de route qu'elle ne ferait sûrement pas attention. Quoi que, elle semble savoir où elle va sans se louper, mon idée tombe à l'eau.

L'alcool ne me dérange pas, même si je connais son effet sur moi. Je ne bois jamais plus que de raison, lorgnant mon verre à présent rempli en me jurant de ne pas m'en faire resservir un second. Qu'est-ce que ça voulait dire, d'abord ? On n'offre pas à boire à un perdant techniquement, non ? Je me sens un peu mal à l'aise au début, comme si Hazel me cachait quelque chose d'important que je devais comprendre à la seconde. Les explications s'étalèrent sur la table à travers des dossiers et un tas de paperasse, accompagné par les mots de la jeune femme. étonnant, aucun autre mot ne pouvait traduire cette situation loufoque. Elle pourrait m'avoir une place dans l'agence à l'aide quelques renforts ? Alors pourquoi me suis-je tué dans cette audition ? Par moment, je me pose énormément de question inutile. Si j'étais assez fou pour lui faire confiance et entrer dans son jeu ? Ce pari était risqué apparemment, mais de quoi ai-je peur hein ? Rien, évidement. Même si c'est dingue et à première vu impossible, je prends le risque avec elle et confie ma confiance à cette dernière. Ne m'a-t-elle pas emmené jusqu'à cette épreuve ? Même avec la défaite, ça reste une belle preuve de pouvoir et de confiance. Son stylo en main, je l'examine deux secondes avant de dériver mes yeux vers la feuille qu'elle m'indique. Une signature et je serais une star pour un temps indéterminé. à prendre ou à laisser ? Je prends. « J'ai juste à signer ? D'accord. » Il m'en fallait pas plus pour signer mon fameux « Miyaki » et rendre son stylo à Hazel. Nos noms côte à côte, je pouvais officiellement me considérer comme parenthèse à cette agence, sans y être réellement inclus. Je n'ai passé autant de semaine à travailler dure pour me dire que cela ne me servirait jamais à rien. Quitte à bosser deux fois plus, autant obtenir de bon résultat.

Aniki. Penser à lui me coupe l'envie de boire et j'abandonne aussitôt mon verre sur la table pour sourire faiblement. J'en sais un paquet sur elle et sa vie, je peux bien parler un peu de moi aussi. « C'est un gars avec qui je traînais dans la rue, il m'a appris la danse plutôt que le combat et je lui dois beaucoup. Disons que sans lui, je ne serais pas votre élève. » C'est étrange d'en parler avec elle, même si je n'ai rien à cacher sur cet homme. Il m'a donné l'envie de danser et d'affronter les autres à l'amiable. Pas de poing, pas de pied, juste nos corps dansant sur un rythme et une mélodie. Maintenant qu'il n'est plus là, ça ne m'empêche plus de me battre contre ceux qui cherchent les ennuies et touchent à mes amis. Aux mots de Hazel, je relève mes yeux vers elle et ricane. « Je n'ai pas été mieux en le frappant. Désolé, c'est une manie chez moi d'utiliser les poings quand on touche à des gens que j'ai- » Je m'arrête avant d'en dire trop, toussant doucement en passant une main dans mes cheveux. Ouais bref! « Il ne fait pas le poids contre vous, j'en suis sûr. » Je ne fais pas le lèche, croyez pas. J'ai davantage confiance en Hazel depuis qu'on bosse ensemble et je ne doute plus du tout d'elle. « Comment vous en êtes arrivée à ça ? Faut sacrément être folle pour aimer un blaireau pareil. » Ouais bon, je n'ai pas la meilleure façon de parler.

Tenue ღ On avait osé renvoyer l'étudiant de la grande Lee Hazel ? Qu'à cela ne tienne, elle comptait bien lui offrir une chance quand même. On ne refusait rien à la tigresse américaine. Que son ancien compagnon lui tienne tête de la sorte et se permette en plus de critiquer Yukine ne l'avait pas juste agacée mais plutôt bien révoltée. Elle pensait qu'il disposait des qualités et du talent nécessaires pour se créer un nom dans le milieu. Il ne méritait pas qu'on lui claque la porte au nez comme ça et encore moins qu'on le descende. Hazel ne se trompait jamais sur ce genre de chose. Yukine paraissait, certes, encore un peu rebelle et indiscipliné mais il possédait le truc. Ce fameux petit plus qui manquait à d'autres. Elle se lançait dans une aventure avec lui pour le prouver. Tout ce qu'elle attendait du jeune homme c'était qu'il lui fasse confiance. Ils allaient devoir beaucoup travailler. Ça risquait de ne pas être tous les jours très facile et gérer les cours en même temps sera compliqué pour lui mais Hazel croyait en son potentiel et surtout en ce projet. Elle pensait le réaliser plus tard et ne rien presser afin de profiter un peu plus de sa longue pause artistique. Cependant, son ex venait de lui donner comme un coup de pied aux fesses. Elle se réveillait, prête à montrer au monde entier qu'elle n'avait pas perdu son talent. Prête surtout à introduire Yukine à cet univers. Sans hésiter, elle apposa sa signature à côté de celle du japonais avec un air déterminé. « Maintenant, je vais être deux fois plus sur ton dos. J'espère que tu es prêt à travailler. » Elle rassembla toutes les feuilles avant de les ranger dans une pochette qu'elle mit de côté. La paperasse terminée, elle allait pouvoir tout mettre en route le lendemain.

À part s’entraîner ensemble, Hazel et Yukine ne partageaient pas grand chose. Enfin, en mettant de côté leur mauvais caractère commun. Ils ne perdaient en général pas trop leur temps à se raconter leurs vies respectives. Cela pourrait même paraître plutôt déplacé au vue de leur relation enseignante et étudiant. Mais maintenant qu'un contrat les liait, ils allaient partager beaucoup plus de choses. En ce jour, Yukine avait même découvert certains détails du passé de la belle danseuse. Celle-ci le questionna donc sur la personne qu'il venait de mentionner. Attentive, elle hochait lentement la tête à ses paroles. Elle comprenait mieux d'où venait cette fougue et cette passion qu'elle trouvait dans sa façon de danser. Cet homme avait échangé la violence contre l'art. « J'aimerais bien le rencontrer. Tu pourras peut être l'inviter pour ta première scène. » Évidemment, Hazel ne pouvait pas savoir qu'elle mettait les pieds dans le plat. Tout comme Yukine ne s'en était pas douté de nombreuses fois. À présent qu'il disposait de quelques indices sur le passé amoureux de l'ancienne danseuse, celle-ci se sentait étrangement plus à l'aise. Elle n'avait pas tellement besoin de prétendre être quelqu'un d'autre ou de se cacher. Puis les remarques de son étudiant sur son ex l'amusaient et l'aidaient à se détendre. Il marquait des points, c'est sur. Et pourtant, d'un côté, Hazel comprenait pourquoi son premier amour avait mis les voiles. Être dans son ombre, supporter son sale caractère et la voir faire passer la danse avant tout, ça ne devait pas être évident. « On était à la tête de notre promotion à la Juilliard. Partenaires pour les examens puis pour des spectacles. C'est un excellent danseur. » Elle ne se voyait pas le rabaisser. Lui retirer son talent ne la valoriserait en rien et ne risquait pas d'apaiser sa douleur. « Il en a eu marre d'être juste le mari d'Hazel. Et j'ai mon caractère, comme tu le sais. » Elle haussa les épaules puis se pinça les lèvres, un peu gênée de se dévoiler autant à un de ses élèves. Heureusement, le serveur se pointa pour prendre leur commande et la sauver d'une certaine manière.

La danseuse se décida pour l'un des deux menus du jour car il n'y avait pas de viande dans ce dernier, parfait pour une végétarienne donc. Elle joignit ses mains ensemble et posa son menton dessus tout en plissant légèrement les yeux. Yukine venait de signer son contrat sans même lui poser des questions à propos du spectacle. À l'intérieur, elle jubilait car il n'était pas au bout de ses surprises et risquait peut être de lui en vouloir un peu lorsqu'il découvrira ses cachotteries. « Tu n'as rien demandé à propos du contenu du spectacle ou des gens avec qui tu vas travailler. Tu me fais confiance à ce point ? » Elle pencha un peu la tête sur le côté alors qu'un petit sourire se glissait sur ses fines lèvres. « Tu es déjà allé aux États-Unis ? » Car leur petite affaire allait inclure quelques voyages à l'étranger, autant lui poser la question.

Tenue ღ La vie, c'est un peu comme un avion. Faut savoir gérer la piste de décollage avant de s'envoler dans les airs. Une carrière, c'est la même. Sans rouler et prendre de l'élan, on ne va jamais très loin. Hazel est telle une piste, menant toujours plus loin pour aller toujours plus haut. Elle me donne du boulot, elle me force à avancer quitte à me tuer à la tâche. Je n'ai pas peur de bosser, ni d'être overbooké. Les études sont importantes, autant que mes entraînements avec elle. Tant que je parviens à négocier les deux et à m'en sortir sans soucis, alors ça va. Disons qu'il y a un juste milieu et que j'arrive facilement à tenir la balance en équilibre. Hazel peut donner du poids, je saurais le régulariser quand même, et cela quoi qu'il arrive. Elle n'a pas à s'en faire pour moi. Ce n'est qu'un long et lent passage à surmonter avant que les portes ne s'ouvrent. Qui n'est pas déjà passé par là, hein ? N'importe quelle célébrité a fait du chemin avant de monter sur le podium, je ferais de même pour y arriver et être fier. « Je n'ai pas été prêt jusqu'à aujourd'hui ? Je pense être capable de surmonter votre entraînement de guerre. » Je me donne pas mal de courage en parlant. Hazel range les feuilles, marquant ainsi le début de notre arrangement. Je ne plus faire marche arrière, mais qui dit que je pensais le faire ? Je ne me donne jamais à fond dans une tâche si celle-ci ne me plait pas. La danse est une grande partie de ma vie, alors je n'ai pas matière à râler contre mon professeur et sa façon de progresser.

Notre relation évolue lentement d'un point à un autre. Hier encore, nous étions un peu tel des inconnus qui ne savaient rien sur la vie de l'autre, mais maintenant, les portes s'ouvrent doucement. J'ai appris qu'elle était marié et que son ex-mari est un enfoiré de première. De son côté, elle sait que j'ai appris la danse grâce à mon « aniki » et que sans lui, je ne serais pas là avec elle. à ses mots, je souris faiblement en lâchant un « pff » amusé, relevant mes yeux vers le plafond sans paraître triste. « ça va être difficile. » Le seul moyen pour moi de parler avec Charlie, c'est d'aller lui rendre visite au cimetière et me recueillir sur sa tombe. « Il est mort l'année dernière... » Concluais-je en reposant mon regard sur elle, sans une once de peine. J'ai fais mon deuil depuis ce temps, surtout pour lui rendre hommage à travers ma futur carrière. Ce sera un nom à noter dans la liste, avec celui de ma professeur. L'atmosphère se détend doucement et je peux me montrer un peu plus indiscret en posant des questions sur sa vie privée, sur son ex, et surtout sur comment elle a pu aimer « ça ». Un partenaire d'école, de danse, de spectacles. Je comprends de suite pourquoi ils ont eu le béguin l'un pour l'autre, sûrement avant de grandir et de prendre des chemins différents. D'après elle, il danse superbement bien. Je ne peux pas lui retirer son commentaire seulement parce qu'il m'a laissé une mauvaise impression, ça non. « Sur ça, je peux le comprendre parfaitement. Vous n'êtes pas facile à vivre, à moins de gueuler aussi fort que vous. » Après tout, je parviens bien à la supporter sans vouloir la jeter d'une fenêtre. Quoi que, ça m'a déjà effleuré l'esprit. Son mari dispose d'une plutôt bonne excuse, quand on sait par quoi ils sont passés. « Dommage que vous vous faites la guerre à cause de ça. » Surtout si je trinque à être au milieu. Qu'il me juge mauvais danseur, ça passe. Qu'il me juge bon à rien par rapport à son ex-femme, ça passe moyen.

Sauvé par le gong, ou plutôt le serveur. Je ne sais même pas quoi prendre, optant finalement pour l'un des menus du jour, celui avec la viande. Pourquoi se casser la tête quand on peut faire simple ? J'ai l'impression de finir à bout de tout avec cette méthode là. Je ne me pose jamais de question, je signe ou je commande. Qui sait où ça me mènera et si j'aurai vraiment envie de la trucider plus tard. Sa question ne me surprends pas et je souris à nouveau. « Ce n'est pas seulement une question de confiance. Vous faites de l'excellent boulot et en sachant votre carrière et votre succès, je ne peux qu'accepter sans détour. Qu'est-ce que je pourrais bien faire sinon ? Faut souffrir pour être belle, d'après le dicton. » Je ne suis pas une fille, mais elle devrait mieux comprendre mes intentions ainsi. Je ne lui fais pas seulement confiance, je m'abandonne complètement à elle. « Jamais. Mes parents étaient trop occupés ici pour faire des voyages. » Ils sont riches, jeunes, mais ils n'ont des yeux que pour leurs carrières. Hazel parle-t-elle de voyager aux états-Unis ? D'un coup, j'ai la sensation de tomber de ma chaise, les yeux grands ouverts. « Vous insinuez que je pourrais y aller ? » Wow, trop cool! J'ai déjà hâte de bosser avec elle.

Tenue ღ Difficile ? Hazel arqua un sourcil. Elle ne comprenait pas. Dans sa tête, elle s'imaginait que ce fameux Aniki vivait trop loin ou bien qu'il ne le voyait plus. Elle se mordit la lèvre lorsque Yukine lui dévoila triste vérité. Mince, mais quelle idiote. En même temps, elle ne pouvait pas savoir. Son regard se perdit dans celui de son étudiant. Elle découvrait un jeune homme et cessait de le considérer comme un petit rebelle. Cela ne signifiait pas qu'elle le sous-estimait avant mais disons que son caractère explosif semblait cacher bien des choses. « Oh, désolée. » Elle ignorait ce qu'elle pouvait dire d'autre. Elle n'était pas vraiment douée pour se montrer chaleureuse. Pourtant, elle compatissait. Elle se doutait bien que perdre cette personne avait dû être une sacré épreuve pour Yukine. Après tout, il était celui qui avait amené la danse dans sa vie. Et à sa façon de bouger, Hazel ressentait toute la passion qu'il y mettait. « Je vais toute faire pour qu'il soit fier de toi. » Il ne s'agissait pas de paroles en l'air mais d'une véritable promesse. Maintenant qu'un contrat les liait, elle comptait plus que jamais le pousser un peu plus aux portes du monde artistique. Elle aurait tant aimé disposer d'un tel soutien elle aussi que l'offrir à ce môme l'enchantait. Et puis, elle ne le voyait plus seulement comme la tête brûlée de ses cours. Elle le considérait désormais comme un danseur. Il lui ressemblait plus qu'il ne le voulait sûrement. Si Maylie possédait cette même grande sensibilité, Yukine détenait la même fougue. « Nous n'étions pas sur la même longueur d'onde. Il pensait à se poser et je vivais à cent à l'heure. Ma carrière passait avant tout. » Elle haussa les épaules. Hazel estimait que dans le fond elle n'avait pas perdu grand chose. Si cela s'était terminé ainsi, c'est bien qu'ils n'avaient rien à faire ensemble au départ. « Et là, il a juste peur de me voir revenir. » Un sourire en coin diabolique illumina son visage. Elle comptait bien faire un retour remarqué. Elle avait la bonne recette pour, elle en était persuadée.

Que l'étudiant japonais lui fasse confiance les yeux fermés l'étonnait tout de même. Surtout quand on connaissait les débuts difficiles de leur relation. Ils passaient autrefois leur temps à se provoquer. Aujourd'hui, même s'ils n'étaient pas à l'abri de quelques dérapages qui pourraient conduire à une dispute, ils s'entendaient relativement bien. La danse les avait en un sens réconcilié même si Hazel n'avait jamais été vraiment fâché avec lui. Elle avait décelé son potentiel dès le début. « Je te l'accorde, mais et si ce que je prépare ne te plaît pas ? » Elle ne craignait pas de poser les bonnes questions et tenait surtout à s'assurer que ce gosse ne risquait pas de la planter. Après tout, leur chemin ensemble allait être long et rempli d'épreuves. Elle lui demandait donc là de faire confiance en ces choix artistiques. Elle décida donc qu'il s'agissait du bon moment pour lâcher sa première bombe. « Je veux que tu danses avec une ballerine. » Elle planta son regard dans le sien, l'air confiante. « Danse de rue et classique. Je veux les deux. » Elle tapait sur la table avec son index comme une femme capricieuse mais surtout pour asseoir son autorité. Même si Yukine avait changé d'avis à son propos et commençait à se faire une raison sur son talent, elle avait peur qu'il ne soit pas capable de reconsidérer son jugement sur la danse classique pour autant.

Et puis la conversation dériva. Ce spectacle nécessiterait quelques voyages. Pour trouver d'autres danseurs, d'autres collaborateurs. Un petit rire échappa à la danseuse lorsque Yukine écarquilla les yeux. Elle aimait le voir comme ça. Doucement, Hazel hocha la tête et appuya sur chacun de ses mots. « Non, tu vas y aller. » Le serveur arriva avec leurs entrées. La brunette se redressa un peu sur sa chaise en mettant volontairement sur pause leur discussion le temps d'ouvrir sa serviette et de la placer sur ses jambes. Elle en profita pour boire une petite gorgée d'eau aussi tout en guettant du coin de l’œil la réaction du danseur.