Mon entraîneur m’avait grondé. Il m’avait reproché de ne pas pouvoir assister aux matchs à cause de mes blessures cependant je savais que c’était juste qu’au fond il était inquiet. Je ne me plaignais jamais et c’était la première fois que je le faisais alors il avait été obligé de réaliser que mon état n’était pas en très grande forme. Et il m’avait aussi harcelé de questions néanmoins comme à mon habitude, je n’y avais pas réellement répondu puis l’avais laissé imaginer les réponses qu’il désirait. Cela n’apporterait pas grand chose de plus à sa vie de toute façon et ça aurait été trop long à expliquer. Je ne me voyais pas lui dire que j’avais pris la défense de quelqu’un, que je m’étais fait volontairement tabassé et que j’étais rentré en ne tenant presque pas sur mes jambes à l’appartement. Ca n’aurait fait qu’accentuer ses tourments à mon sujet et il m’aurait encore réprimandé sur le fait que je n’avais pas réfléchi, que ça pourrait nuire à ma carrière si je me retrouvais grièvement blessé. J’y avais déjà songé plusieurs fois - bien que je n’y avais pas pensé ce soir là - et au fond ça m’effrayait. J’ai joué au baseball pendant une grande partie de ma vie et même si ce n’est plus ce que c’était à présent, j’ignorais comment je m’en sentirais si je venais à en être privé pour le reste de mon existence. Mais dans tous les cas, je préférais ne plus pouvoir jouer que de laisser cette jeune femme entre les mains de ces inconnus. D’ailleurs, ça avait été assez étrange ce soir-là, du moins pour ma part. Je n’avais pas spécialement l’habitude d’accueillir des gens chez moi, c’était même très rare. Elle s’était endormi devant l’animé et ça m’avait fait sourire mentalement. Elle n’avait cessé de pester qu’elle ne parviendrait pas à trouver le sommeil cependant à peine la télévision avait été lancée que ça l’avait bercé. Je pense que j’avais bien fait de mettre Touch, c’était un manga agréable à regarder et d’un certain sens, ça détend. Plus trop pour ma part désormais cependant il fut une période où cela fonctionnait. Mais je suppose que la télévision et les dessins animés sont un remède infaillible afin de s’évader au pays des songes le coeur léger. J’avais attendu un peu avant d’éteindre puis j’avais fini par m’endormir dans une position pas très confortable.

Le jour suivant avait été moins remplis en émotion et j’avais retrouvé l’entièreté de mes esprits qui avaient été chamboulés la veille. On n’avait pas parlé beaucoup, on n’avait juste mangé ensemble et elle avait fini par partir au travail. Même si je ne l’avais pas montré, j’avais été inquiet qu’elle retourne déjà à l’hôpital après ce qu’elle venait de vivre néanmoins je pense que c’était une excellente manière de s’occuper et d’oublier alors je n’avais rien dit. J’avais prévenu Takeshi-san de ma condition et on en arrive donc aux réprimande de ce dernier. Il était pire que mon père celui-là. Enfin, mon père n’avait jamais vraiment eu à se tracasser pour moi au vue du fait que je ne disais jamais rien et faisait en sorte de me débrouiller toujours seul, quelque soit les ennuis. Bien qu’au fond de moi, j’en avais souvent voulu à mes parents de n’avoir jamais rien remarqué et de ne rien remarquer encore aujourd’hui. On dit que ce sont eux qui devraient nous connaître le plus et voir quand cela ne va pas néanmoins pour ma part, ça n’était jamais arrivé. Mais en grandissant j’avais appris à ne plus leur reprocher ça, c’était moi qui décidait de garder le silence alors je ne devais m’en prendre qu’à moi-même n’est-ce pas ?

Sinon, pour ce qui était de ma santé, j’allais mieux. Ce n’était pas encore tout à fait ça, mon coach m’avait conseillé de prendre encore quelques jours de repos même s’il préférait que je sois là pour les matchs néanmoins j’avais refusé. Bien sûr, si cela ne tenait qu’à moi, j’aurais choisi le repos néanmoins j’avais une équipe et un lourd emploi du temps qui s’annonçait, je ne pouvais pas me permettre de manquer plus. Ce n’était que des coups, je n’avais rien de cassé alors ça ne pouvait pas s’aggraver, je n’avais qu’à supporter la douleur qui était beaucoup moins forte qu’auparavant. C’était jour de match aujourd’hui et Takeshi-san avait fait en sorte de me ménager un maximum afin que je sois opérationnel pour cette confrontation. Il nous avait expliqué la stratégie et je ne rentrerais pas de suite sur le terrain de façon à que je ne sois pas épuisé avant la fin des dernières manches. Tout le monde le sait, les manches les plus cruciales sont les dernières et c’était la raison pour laquelle il avait favorisé de me réserver pour la moitié du match. Assis dans les tribunes, j’observais le match et ne pouvait que constater que l’adversaire avait de l’avance, pas de beaucoup certes mais assez pour nous devancer tout de même. Je gardais cette expression indifférente alors que l’entraîneur à côté de moi commençait à stresser pour le dénouement de cette compétition. Puis, rapidement, ce fut à mon tour de faire mon apparition au sein du Tokyo Dôme. L’arbitre annonça le changement et mon gant en main, je courus me placer au centre du terrain. Aussitôt le public applaudit et on pouvait entendre d’autre crier, heureux et ébahi de voir que j’allais enfin jouer. Il fallait aussi dire que pour les matchs précédents, je n’avais pas été présent. Selon Takeshi-san, ça avait crée un sacré manque dans le jeu des Giants mais j’avais préféré ne pas trop m’y attarder. Je n’avais rien perdu quant à mon savoir faire et la plupart de mes adversaires furent « Out » rapidement ce qui impressionna les spectateurs mais fit rager l’équipe des Tigers, pas contents de pouvoir plus creuser l’écart sur les scores. Les rôles permutèrent et quand ce fut mon tour, je frappai la balle aisément, l’envoyant loin de les airs ce qui me permit de franchir deux bases et deux de mes coéquipiers marquèrent un point chacun. On continua ainsi jusqu’à la fin du match et la victoire fut à nous de justesse. L’acclamation du public était immense, tellement immense que je ne pus m’empêcher de lever la tête pour observer cet amas de spectateurs qui mettaient l’ambiance à chaque confrontation. On pouvait entendre des noms de joueurs résonnaient dans les gradins, j’entendais même souvent le mien mais ne réagit pas à cette remarque, finissant par aller saluer l’équipe des Hanshin Tigers comme le faisait déjà mes collègues. Je fus - au contraire de d’habitude - le premier à aller me changer au vestiaire et rapidement, j’atterris à l’arrière du dôme. Je sursautai en voyant qu’il y avait des « fans » de l’équipe qui attendaient et reculai machinalement, ne souhaitant pas me accoster de trop près. Je voulais m’enfuir et pour la première fois m’en aller chercher mes équipiers, leur dire qu’on les attendait à l’extérieur, ce qui me permettrait de m’échapper discrètement. Cependant je savais que c’était impossible, que mon entraîneur me réprimanderait de plus bel en disant que je ne donnais pas une bonne image à l’équipe et que rendre service aux admirateurs était aussi mon boulot. Mais, personnellement, je n’en avais que faire de l’image que l’équipe avait du moment qu’on gagnait, il ne devrait avoir rien d’autre d’important à ses yeux. Apparemment pas.

Puisque je ne pouvais pas fuir et que j’étais seul, je les freinai de moi-même, pointant ma main devant moi pour les empêcher de s’approcher un peu plus et disant de ma voix froide que « ici, ça ira ». Les écoutant me parler, s’exciter ou s’extasier de joie, je ne répondis pas vraiment à leurs questions acquiesçant parfois d’un hochement de tête ou d’un simple « Hum. » pour montrer que je suivais ce qu’il me racontait - ou pas du tout. Je signais les balles de baseball qu’ils me donnaient, les papiers et même certaines images aussi. Toutefois lorsqu’ils demandèrent des photos, ce furent plus compliqués, j’avais toujours cette appréhension d’en croiser des « tactiles » et même si c’étaient des fans, je ne supportais pas ça. Alors je faisais en sorte d’être clair, une photographie ne signifiait pas forcément être collé l’un à l’autre et heureusement la plupart comprenait ça. Après il ne fallait pas non plus se plaindre de l’image que j’affichais, j’étais incapable de me forcer à sourire ce qui créait des clichés parfois un peu bizarre. Mais tant pis. J’avais envie de rentrer, de me reposer cependant je suppose que ce n’était pas pour de suite. Tandis que je saluais les fans, je voulus reprendre ma route, ne m’attendant pas un seul instant de ce qui allait arriver ensuite.

Je marchais tranquillement, la hâte de rentrer chez moi ne cessait d’effleurer mon esprit. Je n’avais envie de m’arrêter nul part ni pour me rafraîchir ni pour grignoter, je voulais juste retrouver mon lit. Le match avait été fort en émotion et je n’avais pas imaginé que j’aurais besoin de me dépenser autant. Je le ressentais dans mes jambes encore fragiles par l’agression de la semaine dernière. Je sortis mon téléphone, continuant d’avancer tout en regardant les nouveauté qui se disaient sur internet. Même si je m’en fichais, j’aimais tout de même savoir ce qui se disait sur moi et je soupirais de lassitude en voyant encore ses rumeurs sur Naohito et moi. A croire que les gens n’avaient rien de mieux à faire que de raconter n’importe quoi sur la vie privée des gens. Je m’apprêtais à contacter le concerné, ignorant si ce dernier était au courant. On n’en avait jamais vraiment parlé jusqu’ici et cela ne faisait que récemment que tout le monde s’amuser à nous inventer des vies. Encore heureux que je n’étais pas une idole sinon cela ne serait pas seulement sur internet qu’on apparaîtrait mais aussi dans les magazines people et en couverture en plus de cela. Quand je disais que je n’aimais pas être tactile avec les autres, j’avais la preuve aujourd’hui que j’avais raison de ne pas apprécier ça. Cela allait nous créer des ennuis à l’avenir et je n’osais même pas imaginer ce que les Giants feraient s’ils le découvraient. Ils s’en serviraient certainement comme prétexte pour encore me chercher des noises et je soupirais déjà d’avance rien qu’à y penser. Je voulus l’appeler cependant je sursautai lorsqu’on se plaça prestement devant moi, m’obligeant à reculer machinalement d’un pas en arrière. Sae Ra ? J’arquai un sourcil en la reconnaissant. Qu’est-ce qu’elle faisait encore là ? J’allais finir par croire qu’elle me suivait n’importe où je me trouvais bien que la dernière fois c’était plus moi qui était venu vers elle que le contraire.

L’avantage - ou plutôt l’inconvénient - était que maintenant elle savait pour mon métier, ce qui me fit aussitôt lever les yeux au ciel à sa remarque. Je n’aurais pu le lui cacher éternellement de toute façon, si ce n’était pas par jour de match ni par moi, elle l’aurait sûrement découvert par la télévision ou les journaux. Pourquoi je ne lui avais pas dit était cependant logique non ? D’origine je ne suis pas des plus bavards, je parle rarement de moi et elle ne m’a jamais demandé ce que je faisais dans la vie. On n’était pas proche alors je n’allais pas débarquer naturellement avec un grand sourire et m’exclamer « Eh ! Au fait tu sais quoi ?! Je suis joueur de baseball, c’est cool non ?! » Ce n’était absolument pas moi. Puis honnêtement si je pouvais éviter d’avoir à parler de ce sport, ça m’arrangerait. Tant pis.

Je rangeais mon portable dans ma poche, j’appellerais mon camarade plus tard et égarai mon regard impartiale vers la jeune femme présente devant moi. Je pouvais déjà sentir l’attention des fans laissées derrière qui nous observaient sûrement par simple curiosité.

- Tu ne m’as rien demandé, Répondis-je en haussant les épaules, Et puis qu’est-ce que ça change ? On s’en fou.

En silence, je la détaillais discrètement de haut en bas et constatai qu’elle avait l’air de se portait plutôt bien. Ce qui était déjà rassurant. Même si je me doutais que les séquelles de son passé n’était probablement pas prête de s’effacer aussi facilement.
Puis me souvenant d’un détail, je lui tendis ma main avant de planter mes yeux sombres dans les siens.

- Si tu as un papier ou autre, donne. J’aurais du mal à te faire une dédicace autrement.

Je n’étais pas idiot et me doutais qu’elle avait fait cette remarque juste pour plaisanter néanmoins si jamais elle était sincère, je me devais de le lui donner. Puisque cela faisait soit disant parti de mon métier. Signant ce qu’elle me passa, je l’observait avant de lui remettre son bien et d’ajouter de mon intonation habituelle :

- Tu as l’air d’aller bien. Je retrouve la tarée de service.

Lassé, je poussai un soupir tandis que moi-même je songeais au fait que je n’avais aucune délicatesse, même dans les mots que j’utilisais. Je voulais simplement dire que j’étais tout de même content de voir qu’elle paraissait s’en être remise et que c’était un bon point. Néanmoins je n’avais pas pu. Bien qu’au fond, je crois que je préférais la voir comment elle était aujourd’hui. Comme moi, Sae Ra avait son caractère bien spéciale et je n’avais pas le droit de la juger là-dessus puisqu’elle était ainsi. Et maintenant je savais que même si tout forçait à croire le contraire, elle n’était pas quelqu’un de mauvais.

L’harcèlement de question ne m’avait pas grandement enchanté. C’était justement ce que j’avais voulu éviter en n’en parlant pas si ouvertement. Tous ceux qui le savaient et me connaissaient plus ou moins me bombardaient sans arrêt de questions et mon unique envie était de leur dire que ça n’avait aucune importance et que s’ils souhaitaient tant en savoir sur moi, ils n’avaient qu’à aller lire mes interviews ou mes biographies sur internet. Je détestais devoir me répéter à chaque fois, mentir et dire que le baseball était fantastique, que les sensations ressentis étaient inexplicables, que je voudrais consacrer mon temps à ce sport ainsi que m’entraîner encore et encore. Parce qu’évidemment, je ne pouvais pas révéler la vérité aux médias ni à mon coach sinon cela créerait encore plus de rumeurs, l’inquièterait et je ne saurais pas quoi faire. Déjà que je n’aimais pas me faire remarquer, là je serais la cible de tout le monde et rien que l’idée de l’imaginer ne me motiver pas à parler. Je préférais me débrouiller seul, le garder pour moi et avancer comme je le pouvais. Dans tous les cas, elle parlait trop à mon goût. J’étais rassurée qu’elle aille mieux cependant une partie de moi ne pouvait s’empêcher d’être blasé de retrouvée ce caractère bien trop excité pour quelqu’un comme moi. J’haussai les épaules lorsqu’elle mentionna mes blessures, ça allait mieux et même si ça avait été douloureux, je refusais de me plaindre ni de parler à nouveau de cet évènement. Il était préférable de le classer dans les choses passées que le contraire. Toutefois j’arquai un sourcil lorsqu’elle me montra son portable, réclamant mon numéro de téléphone. Amenant ma bouteille d’eau à mes lèvres, je réfléchissais et pesait le pour et le contre. Rares étaient ceux à qui je donnais mes coordonnées mais rares étaient ceux qui me les demandaient également. Je ne savais pas si c’était une bonne idée de le lui donner, elle risquait de m’harceler encore plus dés qu’elle l’aurait. Cependant je me disais qu’après ce qu’on avait vécu tous les deux, je ne devais pas avoir de raisons de ne pas le faire. Bien que je refusais de l’admettre, cela nous avait forcé à effectuer un grand pas en avant et nous rapprocher. Je ne ressentais pas spécialement l’envie de la connaître mais je pensais que de toute façon si je ne cédais pas, elle ne me lâcherait pas et risquait même de se coller à moi sans que je ne lui ai demandé. Chose que je ne demanderais jamais d’ailleurs.

- Ah ! J’ai vu ton petit ami au fait !

Machinalement, tout le liquide que je venais d’absorber s’échappa de mes lèvres et je manquai de m’étouffer par le choc. Qu’est-ce qu’elle racontait encore comme sottise ? Reprenant mes esprits, je l’observai de nouveau en arquant un sourcil avant de réaliser de quoi elle parlait. Certainement toutes ses rumeurs qui circulaient sur internet et qui m’agaçait de plus en plus. Pourquoi fallait-il toujours que tout le monde me pense gay ? Enfin, qu’ils croient ce qu’ils veulent après tout, du moment que moi je sais qui je suis, c’est déjà bien.

- Mon petit ami ? Répétais-je alors impassible, Tu parles de Nao ? Ce n’est pas mon petit ami.

Je lui fis signe de ranger son portable, cette réflexion m’avait fait changer d’avis. Elle n’aurait pas mon numéro. Dans tous les cas, pas de suite.

- Et je ne suis pas gay. J’ai...

Silence. Je m’étais tu aussitôt avant de dire quelque chose que je pourrais payer cher plus tard si j’en parlais et qu’on m’entendait. Je ne pouvais pas parler de cette histoire à n’importe qui, très peu de monde était au courant et ça ne la regardait pas. Je soufflai, sortant finalement mon téléphone que je lui passai d’un air détaché.

- Pense ce que tu veux, je m’en fous. Mais arrête de t’incruster comme ça dans la vie des gens, c’est chiant.

Je parlais surtout de la vie privée en réalité, de cette manie de toujours vouloir franchir mon cercle d’intimité, d’essayer sûrement de me comprendre aussi et le baseball. On n’avait rien en commun si ce n’était cette agression qu’on avait vécu à deux. J’avais l’impression que ce n’était pas dans le même monde, que ce n’était qu’un simple rêve que j’avais fait et que rien de tout ça n’avait été véritablement réel.
Des bruits résonnèrent derrière nous et me retournant, je remarquais mes coéquipiers qui sortaient enfin ce qui me fis automatiquement les yeux au ciel. Ils faisaient les fier, souriaient gaiement et s’amusaient à être gentils alors qu’ils n’étaient rien de tout ça. Ca me faisait pitié.

- Allons ailleurs, Lançais-je d’un ton plus glacial que d’habitude, Je crois qu’on n’a plus rien à faire ici non ?

Et je n’avais pas envie d’avoir à les croiser encore une fois, recevoir leurs sarcasmes et leurs remarques désobligeantes sur cette rumeur avec Naohito. Ils étaient tellement idiots que je peinais à me dire que j’avais en face de moi des adultes.

Je n’avais pas relevé quand elle avait parlé de Nao parce que je savais d’avance que c’était inutile. Elle ne m’aurait pas cru et je pense que si j’étais une femme et que je croisais un gars tel que moi, je ne me croirais pas moi-même. Pourtant je disais la vérité, je n’étais pas attiré par les hommes bien que tout portait à croire le contraire. J’étais juste une personne un peu -trop - renfermé et qui peinait à s’ouvrir à son entourage. Je n’avais jamais pu expliquer pourquoi j’étais comme ça cependant je supposais que c’étaient les faits passés qui avaient construit mon caractère. Je n’avais jamais reçu de grandes affections de mes parents du à leurs absences, j’étais mal intégré à l’école alors avec le temps j’avais fini par fuir le monde et me réfugier dans ma bulle. En grandissant, les évènements ne m’avaient pas aidé à changer, j’étais victime de nombreuses brimades et je ne savais pas pourquoi c’était toujours moi qu’on visait. J’avais plusieurs fois songé que c’était sûrement mon physique qui ne plaisait pas ou cette indifférence que j’accordais lorsqu’on m’embêtait. Petit à petit, j’étais devenu celui que j’étais aujourd’hui, ne sachant jamais comment réagir avec mon entourage et adoptant une attitude maladroite, froide et désagréable. Je n’avais pas grandi comme j’aurais du grandir et je pense que j’étais un peu comme un nouveau né dans ce monde de brut et ma seule défense était mon caractère. Je pensais que je ne devais pas être normal au vue du nombre incalculable de reproches que j’avais eu jusque là néanmoins comment devrais-je agir alors ? Je n’y connaissais rien... J’ai toujours vécu ainsi et pas autrement. On ne m’a jamais dit ce que je devais faire quand ces élèves s’en prenaient à moi à l’école, on m’avait simplement dit que je ne devais pas me battre, que la violence c’était pour les faibles et que ça ne résolvait rien. Alors, bêtement, je ne me défendais pas et je n’attaquais personne. Je restais juste impartiale sans jamais montrer mes émotions parce qu’un « garçon qui pleure, ce n’est pas beau » répétait souvent ma mère. Et si je ne me plaignais, c’était parce qu’on m’avait aussi appris à ne pas le faire. Peut-être avais-je mal compris à l’époque néanmoins je n’agissais que par ce qu’on me conseillait. Je ne voulais pas que mes parents me déteste alors j’acquiesçais sans broncher et je ne parlais jamais pour rien dire. L’entente à la maison n’était pas mauvaise bien qu’ils étaient souvent absents à cause de leur travail respectif, je n’avais jamais manqué de rien sauf peut-être de l’affection physique que je rejetais aujourd’hui. Probablement que s’ils avaient été plus tendre avec moi à ce moment là, je ne serais pas celui que j’étais à présent à avoir peur de tout, à refuser le moindre contact et à être toujours sur mes gardes.

Une fois ma mère m’avait conseillé d’aller voir un spécialiste, que je parle à quelqu’un néanmoins je n’avais pas compris, disant qu’il n’y avait pas grand chose à raconter. Je ne me confiais à personne, je ne vois pas en quoi un spécialiste aurait changé quoi que ce soit. Le baseball était sûrement la meilleure chose qui avait pu tomber dans ma vie, cela m’avait permis de voir certaines choses par moi-même, d’aller à l’encontre de ce que désirait mes géniteurs et de m’ouvrir un peu plus. Même si mon caractère s’était construit, il n’y avait qu’avec une batte entre les mains où j’étais différent, où je me sentais vivre et surtout libre. J’étais spécial et je l’acceptais. Tout le monde me le disait donc j’avais fini par croire que c’était vrai, que j’étais certainement quelqu’un de méchant, que je ne voyais que moi et que j’étais insensible. Parce que je ne montrais jamais mes émotions, peu importait les circonstances, j’avais même eu le droit à divers surnoms que je ne comprenais pas. Je ne voyais pas ce que j’avais fait de mal cependant naïf et peut-être trop idiot, je ne faisais que croire ce qu’on me racontait sur moi. Si on me rétorquait « tu es méchant » je répondais machinalement « Oui, je le suis ». En grandissant, je n’étais plus aussi bête que j’étais lorsque j’étais enfant, je voyais bien que le problème ne venait pas que de moi même si j’en doutais parfois. Pour ce qui était de l’équipe, je savais que ce n’était pas de ma faute. J’avais essayé de m’intégrer, j’avais essayé d’être sympathique mais on m’avait aussitôt rejeté. Parce que j’avais du talent et que ça les dérangeait. Parce qu’ils étaient jaloux et qu’ils m’enviaient. Ca m’avait tellement blessé que je m’étais mis à penser que je ne méritais pas mon savoir faire, qu’être capable de jouer parfaitement au baseball ne devrait pas m’être permis et que c’était pour cette raison qu’ils s’en prenaient souvent à moi. Mais ce n’était pas de ma faute ! Criait la plupart du temps ma conscience, folle de rage et émue par les circonstances. J’avais travaillé dur pour en arriver là, tout n’était pas venu soudainement cependant personne ne semblait vouloir me comprendre. J’aurais tant aimé qu’un jour quelqu’un m’explique ce qui clochait chez moi. Pourquoi fallait-il que j’ai toujours des gens contre moi sans que je ne leur fasse quoi que ce soit ? Je refusais de penser que j’étais méchant et que j’avais mauvais fond. Je ne voulais plus croire ça et j’aurais souhaité qu’au moins une personne soit capable de me prouver le contraire.

Je n’avais pas relevé la réflexion de Sae Ra sur mes coéquipiers, je n’avais pas envie d’expliquer et c’était inutile de toute façon. On dira que c’était moi qui ne souhaitait pas m’intégrer, au moins l’affaire serait réglé et je n’aurais pas besoin de me justifier sur des tas de choses. Sauf que je n’avais pas prévu qu’Hideo fasse une remarque désobligeante. Je crois que lui, c’était le pire. Il ne pouvait jamais s’empêcher de se taire ni de garder sa langue dans sa poche. Mais je me disais que s’il osait taquiner ainsi, c’était certainement que les fans étaient partis et même si habituellement je me serais tu puis encaisser ses réflexions sans broncher, aujourd’hui c’était différent. Parce que je n’étais pas seul. Je farfouillai dans mon sac, ne répondant pas à la jeune femme, puis lorsque j’eus trouvé ce que je voulais, je me retournai brusquement, lui envoyant une balle rapide contre sa tête. Je n’étais pas aussi stupide que lui et je n’avais pas mis toute ma force dans mon lancé afin qu’il ne soit pas blessé. J’avais juste voulu me défendre à ma manière.

- Mes lancés au moins ont pu sauver le match. Tu devrais peut-être prendre exemple parfois, au lieu de faire le pitre. A bon entendeur.

Levant ma main, je fis signe à Sae Ra qu’on pouvait y aller et je n’affichai aucune expression quant à ce qu’il venait de se passer. Je savais déjà d’avance que l’entraînement du jour suivant ne serait pas des plus joyeux mais peu importait. C’était toujours ainsi.

- N’y prête pas attention, Rétorquais-je à la demoiselle, regardant mon téléphone où son numéro avait été enregistré, Ils sont juste un peu immature.

J’haussai les épaules comme pour montrer que je m’en fichais. Je n’avais pas spécialement envie de parler d’eux, je les supportais assez à longueur de journée.

- Et moi je suis désagréable alors c’est normal que ça ne soit pas la joie tout le temps. Mais il faut faire avec alors ne t’en mêle pas. Cela ne te regarde pas non plus.

Pour accentuer mes mots, je la contemplai d’une lueur glaciale et repris ma route en silence, songeant au fait que plus que d’habitude, cette journée était vraiment merdique.

J’étais énervé. Cela faisait longtemps que je n’avais pas ressenti ça et je ne pouvais pas l’expliquer. J’étais juste en colère contre ces types qui n’avaient rien de mieux à faire que de m’embêter même lorsqu’on ne travaillait pas. Je suppose que c’était une accumulation de choses, que je commençais à me poser tellement de questions que cela me prenait la tête et un rien m’irritait. Parce que ses dires ne m’obligeaient qu’à me détester encore plus. J’étais sûrement lâche cependant je n’étais pas le genre d’individu à croire aussi facilement en soi. J’étais tout le contraire, je pensais de moi ce que les autres pensaient que j’étais et par moment, ça en devient douloureux. Je n’ai pas envie de me dire que je suis quelqu’un de mauvais, de méchant ou que je suis aussi abrutis que les membres de mon équipe. Je n’avais pas envie de me voir comme ça mais tout le monde le disait alors peut-être que s’ils agissaient aussi violemment avec moi, c’était parce que je ne méritais que ça ? Je ne saisissais rien et à mes yeux la vie n’avait pas grandement de sens. Non pas que ne plus en faire partie me plairait, ce n’était pas la question, c’était simplement que je ne la comprenais pas. Je ne savais jamais comment je devais réagir, on ne m’avait rien appris et lorsque j’éprouvais des émotions comme aujourd’hui, j’aimerais qu’on m’explique pourquoi. Ce que j’avais bien pu faire de mal pour subir une telle humiliation. Je n’étais qu’un être parmi tant d’autre, jusque là j’avais des objectifs et j’ai travaillé dur pour les réaliser, je n’ai jamais cherché préjudice à qui que ce soit, j’ai toujours fait en sorte d’obéir aux conseils qu’on me donnait. Je n’ai ni agressé ni tué quelqu’un, je n’ai jamais touché à la drogue non plus, je n’ai pas utilisé la violence à mes dépends, j’ai même déjà essayé de me faire accepter plusieurs fois mais en vain. Donc c’était bien que le problème venait de moi n’est-ce pas ?

Plus qu’être en colère, j’étais triste. Triste et fâchée contre moi-même. Triste d’être ainsi, de ne pas comprendre, de ne pas réussir à me faire accepter comme je l’aurais souhaité, triste de... Je soupirai discrètement quant à mes propres pensées. Ce n’était pas dans mes habitudes de me laisser autant aller. Cela devait être certainement mon coup de blues du moment du à ce surplus de fatigue à tous ces évènements qui s’étaient enchainés les uns les autres. Parfois, c’était quand même frustrant d’être moi. J’aimerais être plus fort, plus réactif, moins peureux de ce qui m’entoure et plus ouvert aussi cependant j’avais beau le penser énormément, je n’y parvenais pas. Parce que quoi qu’on dise, j’avais toujours vécu ainsi et on ne pouvait pas changer une personne si aisément. J’ignorais si j’arriverais à être différent un jour de toute façon.
Pour une fois je bénissais le fait que Sae Ra soit avec moi et qu’elle me sortait de mes réflexions un peu noires, je ne savais pas où je serais allé si j’avais continué de me torturer autant l’esprit. Alors quand elle me proposa d’aller quelque part, une partie de moi aurait certainement décliner l’invitation néanmoins l’autre plutôt motiver à se changer les idées m’avait forcé à ouvrir la bouche, prêt à répondre qu’un verre ne serait pas de refus avant d’être à nouveau coupé dans mon élan. Je me tournais, faisant face à Hideo et le dévisageai de cet air indifférent qui l’agaçait souvent d’ailleurs. Je crois qu’il aimerait que je pleure ou me voir totalement effrayé néanmoins je ne lui offrirais jamais ce plaisir. Surtout que ce comportement était tellement puéril que je ne voyais même pas pourquoi je devrais réagir.

- Pense ce que tu veux Hideo, je n’en ai rien à faire, Rétorquais-je froidement, m’approchant de lui afin de récupérer ma balle, Ma vie ne te concerne absolument pas.

Le jeune homme profita de cette faible distance pour s’approcher un peu plus de moi ce qui me fit automatiquement reculer. Cependant je ne pus faire grand chose qu’il agrippa vivement mon tee-shirt afin de me ramener près de lui et de me chuchoter certains mots dans le creux de l’oreille. Je restai toujours impassible à ses paroles, me contentant de lui arracher brusquement ses doigts de mon haut et de le fusiller de mes yeux sombres. Je le repoussai au loin pour être sur qu’il ne vienne plus briser mon espace vital puis rejoignit Sae Ra, lui indiquant qu’on y allait.

- Et laisse-les tranquille. Je t’ai dit de ne pas t’en mêler alors ne te rends pas plus immature que tu ne l’es déjà.

Soufflant, lassé, je la devançai et marchai sans jamais me retourner, réfléchissant à où on pourrait aller. Je n’avais pas envie de rentrer. C’était rare mais là, maintenant de suite, je voulais quelque chose de plus vivant, de plus fun. Je voulais complètement m’évader l’esprit et c’était sûrement la raison pour laquelle après avoir marché quelques minutes, j’étais rentré dans un de ces bars populaires où personne ne calculait qui que ce soit, donc avec un peu de chance on ne viendrait pas me chercher sur ma célébrité. Je m’étais « camouflé » du mieux que je le pouvais et laissant la jeune femme entrer, je refermai derrière nous, allant directement m’installer à une table dans un coin de la salle.

En premier lieu, j’avais opté pour un cocktail. Parce que c’étaient devenus plus qu’une habitude de me rafraîchir avec ce genre de mélange cependant je crois que cela ne m’avait pas suffit puisque mon verre fut bu rapidement et j’avais désiré autre chose. Un alcool plus fort. Et ignorant la demoiselle qui m’accompagnait parce que ça se savait que je n’étais pas une personne des plus bavardes et que je n’avais pas grand chose à dire alors pour m’occuper, je vidais mes verres. Je ne savais plus au combien j’étais et en remarquant qu’il n’y avait déjà plus rien à l’intérieur de l'énième, je me mis à rire légèrement sans aucune raison précise. Je crois que je n’avais plus tout à fait toute ma tête et que je n’aimerais pas revoir, le jour suivant, l’état dans lequel j’étais à présent. Toutefois je n’étais pas encore saoule au point de ramper par terre donc je suppose que ma condition aurait pu être pire. Je me levai, un étrange sourire accroché à mes lèvres tandis que je me dirigeais vers Sae Ra, lui prenant la main afin de la forcer à me suivre.

- Allons danser ! Dis-je simplement en me dirigeant vers la piste.

Ce n’était pas vraiment une discothèque mais il y avait de la musique et de quoi bouger, autant en profiter. C’était ce que je pensais ou plutôt ce que mon subconscient pensait puisque de moi-même jamais je n’aurais franchi le moindre pas afin d’aller danser. L’alcool avait certainement eu raison de moi et je savais, malgré tout, que si je ne faisais pas quelque chose, j’allais me morfondre dans une espèce de dépression sans fin. Je ne buvais pas souvent cependant lorsque ça arrivait, je me m’étais toujours dans des états plutôt improbables et inimaginables.

De base je ne suis pas un très bon danseur et je n’avais pas de doute sur le fait qu’en étant ivre, ça ne s’arrange pas pour autant. Au contraire, cela devait être sûrement pire. On ne devient pas danseur professionnel du jour au lendemain. Soit on sait soit on ne sait pas. Et je crois que même si j’avais voulu apprendre, ça n’aurait pas changé grand chose. Mon corps était bien trop rigide pour ce genre de sport parce que j’étais de nature de ce qu’on pourrait appeler de quelqu’un de « coincé ». Détestant me faire remarquer, je n’aimais pas me trémousser sur une piste devant une foule de monde déchainé. Moi ça me braquait. Et je crois que même avec trois grammes d’alcool dans le sang, mon corps le ressentirait toujours de cette façon là malgré tout. Parce que ça fait partie de ma personnalité et mon subconscient ne pouvait pas tout effacer si facilement. Ce serait trop beau n’est-ce pas ? C’était déjà beau que je daigne lever mes fesses d’une chaise et faire l’effort d’aller sur cette fichue piste. Dans mon état normale, même en me tirant de toutes les forces possibles qui puissent exister, pour sur que je n’aurais pas dansé. J’aurais probablement pris mes jambes à mon cou et me serait enfui de cet endroit ignoble avant que ça ne tourne au vinaigre. M’enfin, c’était sûrement mieux que je sois ainsi plutôt que je ne commence à tergiverser pour un oui ou pour un non n’est-ce pas ? Je n’avais pas envie de me rappeler quel être abjecte et misérable j’étais. Je voulais être cool, qu’on me trouve amusant et qu’on passe du bon temps en ma compagnie, que le jour suivant  je puisse recevoir un « c’était trop bien la soirée avec toi hier » avec une sincérité sans faille et qu’on me demande de recommencer. J’avais besoin qu’on me dise que j’étais quelqu’un de bien, que je n’étais pas méchant et qu’on m’aime. Je n’étais pas capable de le faire moi-même alors si on pouvait le faire pour moi, ça serait bien.

Pour l’instant, plutôt que de me tourmenter, j’essayais déjà d’aligner un pas devant l’autre alors que la musique venait d’être lancée. Je crois que je n’étais pas le seul à ne pas être doué au vue de ma partenaire qui peinait à bouger comme il le fallait. J’entendais les autres rires et moi je souriais, amusé par la situation. Parce que c’était drôle n’est-ce pas ? On galérait et même si on se moquait de nous, je ne trouvais pas ça embarrassant car moi-même j’étais obligé d’admettre qu’on avait l’air de pauvres manchots en dansant comme on le faisait. Mais le principale était de passer une bonne soirée, de se défouler et de ne surtout pas penser ni au passé ni au lendemain. Toute façon au vue de mon degré d’alcoolisme je suppose que je ne songerais pas au jour suivant avant que celui-ci ne débarque à grand pas et me remémore avec un violent mal de crâne à quel point la soirée de la veille avait été minable.

Et puis, sans que je n’eus le temps de réaliser vraiment ce qui venait d’arriver mon dos heurta brusquement le sol et une légère grimace se forma sur mon visage à cette sensation. Il fallut l’espace de quelques secondes pour que je constate que je n’avais pas trébuché seul et qu’une chose non identifiée s’était écroulée sur moi. Sae Ra. Je ne réagis pas, n’ayant pas réellement d’avis particulier à la situation bien que j’avais quand même envie qu’elle se décale, sans que je ne puisse expliquer pourquoi, ça me dérangeait. Heureusement, elle le fit avant de retomber subitement contre moi et que ses lèvres vinrent rencontrer les miennes. Mes paupières ne cessaient de se cligner tandis que même saoule, je restais incapable de bouger. Ce n’était pas si désagréable. Je crois même que j’aimais ça. Mon subconscient aimait ça. Bon, j’admettais, j’avais certainement bu plus que je ne l’aurais du... J’allais le regretter le lendemain, c’était sûr. Et pourtant je n’aurais pas dit non à un autre verre.

Profitant de la distance que la jeune femme mettait entre nous en se redressant, j’en profitai pour faire de même et me mit à rire bêtement de sa réaction.

- Je te pardonne, Répondis-je alors naturellement, Parce qu’elles étaient douces.

Un sourire puis je retournai à la table, hélant le serveur afin qu’il amène une bouteille. Ce serait plus simple que d’enchaîner verre sur verre. A peine fut-il revenu, que je buvais déjà ma boisson, soupirant d’aise avant de détourner mon regard vers mon interlocutrice.

- Ne soit pas gêné, c’est la fête ce soir ! Ne t’en fait pas ! C’est cool, on s’amuse ! Ca faisait longtemps que je n’avais pas ris comme ça ! On devrait profiter !

En fait je crois que c’était même la première fois. Je n’avais jamais eu l’occasion de rire à plein poumon, de m’éclater et de faire quelque chose de dingue. Ce n’était pas mon monde. Je ne m’ouvrais pas comme ça. Je n’y arrivais pas. Et je pense que l’alcool était ma façon de devenir ce que je rêvais d’être mais ce que je ne serais jamais. Cela pouvait être étrange dit ainsi néanmoins je pense que c’était bien ça. Gardant cette esquisse complètement idiote sur mes lèvres, je remplissais nos verres de plus bel et trinquai avant d’amener le mien à ma bouche.

- Tu vois ? Je peux être sympa aussi quand je veux ! Je t’ai même laissé m’embrasser ! Tu en mourrais d’envie en fait hein ? C’était pour ça que tu me courais autant après, parce que j’avais l’air trop cool à tes yeux c’est ça ?

D’accord, là je commençais à divaguer et raconter n’importe quoi. Je suppose que ça n’avait même pas de sens et qu’à cet instant esprit, je devais vraiment avoir l’air d’un idiot fini. Un gars comme moi, complètement bourré, qui se laissait trop allé juste parce qu’il avait bu beaucoup d’alcool n’avait rien de « cool ». Il n’en était que plus pitoyable qu’il ne l’était déjà à l’origine.

Alcool ou pas. Je n’appréciais pas le contact de ses mains contre mes joues. On n’était trop proche et autant moi que mon subconscient n’aimions pas vraiment cela. Bien que, je ne me décalais pas pour autant. Je fronçais simplement les sourcils, réfléchissant à ce qu’elle venait tout juste de dire. Comme je le pensais, on me préférait comme j’étais aujourd’hui même si elle passait son temps à me courir après, elle ne me trouvait pas particulièrement attrayant. Je devais même lui sembler ennuyant, sans aucun intérêt et c’était juste pour m’embêter qu’elle agissait de la sorte. Non pas parce qu’elle m’aimait bien. Elle n’était pas différente des autres finalement et aujourd’hui si elle s’amusait, c’était parce que j’avais bu et qu’elle voulait qu’on continue. C’était certain, on devient de suite plus cool et plus attirant dés qu’on sait faire la fête n’est-ce pas ? Je souris malgré moi à sa réflexion en la voyant se servir elle aussi. A nous deux on allait être bien ainsi cependant elle hésita à me remplir mon verre ce qui me fit élargir encore plus l’esquisse sur mes lèvres. Je tenais plutôt bien à l’alcool, la preuve aujourd’hui, je devenais juste au fil des grammes que j’emmagasinais un peu plus incohérent dans mes propos et mes réactions. Je m’en fichais d’ailleurs du nombre de whisky que j’écoulais du moment que cela me faisait du bien et que je m’amusais. Je riais sans raison précise, songeant au fait que je n’avais certainement pas l’air malin ainsi. Mais elle était drôle avec sa bouteille pendant au-dessus du vide, hésitante à me resservir. J’essayais de l’hypnotiser de mes yeux noisette afin de l’amadouer et de lui dire qu’elle pouvait le faire. De toute façon j’étais beaucoup plus cool ainsi non ? Alors elle devrait être satisfaite et profiter. Elle devrait même me saouler jusqu’à ce que je n’en puisse plus puisque c’était un jour exceptionnel et qu’elle ne m’aurait pas dans de telles conditions tout le temps. Surtout qu’elle avait l’air de me préférer ainsi et au fond de moi, je suppose que cela me rendait triste. Parce que ce n’était pas « moi ». Je rigolais, racontais n’importe quoi à tort et à travers cependant je savais que les sentiments que j’éprouvais à l’intérieur n’avaient rien de drôle. Ils étaient juste recouverts de cette ivresse qui me transformait en un gars complètement stupide et puéril. C’était probablement la raison pour laquelle lorsque Sae Ra me servit de plus bel, me proposant un jeu que je n’aimais guère, je l’avais contemplée fixement, sans jamais sourciller. J’avais comme un mauvais pressentiment. Je pense que c’était juste dans ma tête et que je me faisais certainement des idées néanmoins le fait que je sois aussi chamboulé par les effets de l’alcool ne m’aidait pas alors je prenais les choses de travers. Sûrement. Probablement. Je ne lâchais pas le verre qu’elle m’avait remplie du regard comme si ce dernier avait été empoisonné par une espèce de substance bizarre et je le rejetai aussitôt. Je n’en voulais pas. Elle allait me faire du mal. Je le voyais au sein de ses iris, cette aura maléfique qui ne me plaisait pas. Le simple fait qu’elle s’invite à tenter de découvrir qui j’étais avec son jeu étrange en était la preuve. Pourquoi ne pouvions-nous pas juste nous amuser et rire comme nous le faisions à l’instant ? En fait, je crois que j’avais commencé à divaguer dés le moment où la jeune femme avait sous-entendu que j’étais mieux ainsi. Et ça ne m’avait, inconsciemment, pas plu. Cela m’avait blessé malgré moi parce que quoi qu’on dise, alcool ou non, on garde toujours cette partie de ce qu’on est dans la réalité. Je n’oubliais pas qui j’étais, je voulais l’oublier. Ce qui était différent. Je n’avais plus envie de rire.

- Quoi ? Tu veux connaître ma vie ? Dis-je d’un rire narquois, presque nerveux.

Je ne crois pas que c’était véritablement son intention cependant j’étais trop faible et je me sentais aussitôt visé. On m’approchait de trop près, on pénétrait dans ma vie et on la piétinait sans arrêt. Que devrais-je faire d’autre ? Rire encore ? Je ne voulais plus rire même si l’envie de m’amuser, de prendre du plaisir et de faire l’idiot était rafraîchissante. Je suppose que l’excitation était tombée aussi vite qu’elle était arrivée.

- Je n’ai rien à te dire et ton jeu n’est même pas amusant !

De ma main, je fis glisser mon verre qui s’écroula aussitôt à terre, s’explosant en mille morceaux. Je ne l’avais pas vraiment fait exprès, j’étais juste en train de perdre le contrôle et je continuais de rire sarcastiquement sans comprendre pourquoi je rigolais en réalité. C’était tellement pitoyable.

- Je devrais boire plus souvent hein ? Ca te fait plaisir de me voir comme ça ! C’est sûr c’est tellement cool !

Je ne prêtais pas réellement attention à ce qui m’entourait, je ne voyais que moi, la table et cette bouteille qui me faisait de plus en plus de l’œil. Sans un mot de plus, je m’en saisis et amenai le flacon au bord de mes lèvres, buvant ainsi. Qu’est-ce que cela pouvait bien faire de toute façon ? Je soupirai d’aise en relâchant l’objet avant de boire de plus bel. J’avais l’impression que cela ne me faisait plus d’effet et que je ne me rendais que plus minable à chaque gorgée que j’ingurgitais.

- Et Je devrais aussi faire la fête plus souvent ! On m’appréciera peut-être plus ainsi !

J’avais décidemment bien trop bu. Et je sentais déjà mon cœur se compressait à chaque mot que je rétorquais. C’était plus qu’un simple complexe. C’était pire. Et c’était douloureux.

Oups. Elle avait l’air en colère. Je crois que je l’avais froissée. Un petit peu. Je ne croyais en rien de ce qu’elle racontait de toute façon. Elle n’était pas crédible et je n’étais pas d’accord. En quoi pouvait-elle être contente de me voir tous les jours ? Elle avait juste trop bu. Tout comme la personne d’aujourd’hui et celle que je suis habituellement sommes les mêmes, qu’est-ce que c’est que ça ? J’en rirais presque tant c’était hilarant. Parce que ce n’était pas vrai. Une personne sous l’emprise de l’alcool ne peut pas être exactement la même que lorsqu’elle est sobre. On se lâche simplement plus facilement quand on est ivre parce qu’on a l’impression qu’on peut tout faire et que même si on se moque de nous, ce n’est pas grave car justement on était ivre. Et puis je n’avais même pas conscience de mes actes sinon je ne serais plus ici. Je serais parti depuis longtemps, la laissant toute seule au milieu de la piste après qu’elle m’ait embrassé et je serais rentré chez moi en me nettoyant les lèvres avec tous les produits possibles et inimaginables que je pouvais avoir dans mon appartement. Je ne l’écoutais pas. Parce que tout ce qu’elle disait était faux. Si je me dévalorisais, c’est que j’en avais bien des raisons non ? Je n’étais pas quelqu’un de bien et je ne faisais que du mal autour de moi. C’était pour cela que j’avais tous ces gens contre moi. Je ne m’aimais pas. Je me détestais. Voir même pire parfois. Je n’avais absolument pas confiance en moi et c’était malheureusement un fait que je ne pouvais pas changer. On ne m’avait jamais laissé le droit de croire le contraire, je ne vois pas pourquoi cela serait si différent aujourd’hui. Sae Ra racontait n’importe quoi. Elle essayait juste de se faire bien voir, d’avoir le beau rôle mais on ne me dupait pas moi !

Fronçant les sourcils, je la dévisageais tandis qu’elle me privait de ma bouteille. C’était moi qui payé alors j’étais encore en droit de riposter si je le voulais ! C’était ma bouteille, qu’elle me la rende ! Si je voulais boire, où était le problème ? Elle ne comprenait rien à mon calvaire ni à ce que je pouvais vivre chaque jour à l’intérieur de mon esprit. Elle ne comprenait en rien mes complexes et ne voyait pas à quel point je pouvais la détester pour ça. En cet instant précis tout du moins parce qu’elle refusait de me rendre mon whisky ! Je ne m’aimais pas, c’était un fait qu’elle devrait aussi assimiler et accepter. Je n’aimais pas celui que j’étais habituellement, cet homme rigide et froid cependant je n’aimais pas non plus celui que j’étais aujourd’hui, complètement ivre, mendiant pour une misérable bouteille et qui était plus pitoyable qu’autre chose. Même si je riais, au fond mon coeur ne s’amusait pas lui. Il ne connaissait pas ce sentiment de liberté, ce sentiment de bonheur et ce que cela faisait d’avoir une flamme à l’intérieur. On me traitait souvent d’insensible, peut-être que c’était vrai. Je rigolais sous les effets de l’alcool mais consciemment, riais-je réellement ? J’aimerais pouvoir le ressentir. J’aimerais un matin me réveiller, sortir et pouvoir rire comme cela ne m’était jamais arrivé et sentir ces agréables sensations que tout le monde autour de moi semblait prendre beaucoup de plaisir à éprouver. Je n’avais pas l’impression que là, ce soir, c’était le cas. Plutôt que joyeux, au fond de moi, je me sentais angoissé, renfermé, triste ? Je n’avais pas réellement de mots pour décrire les émotions qui parcouraient mon âme néanmoins je suppose que c’était pour faire disparaître cela que j’avais essayé de boire autant ce soir. Comme quoi, l’alcool ne résout vraiment pas les problèmes... Ca ne fait que les atténuer légèrement, rien de plus.

Malgré tout, je lui arrachai enfin la bouteille des mains. Bouteille que j’avais lutté pour l’avoir et fini ce qu’il restait à l’intérieur avant d’expirer subitement d’aise.

- Qu’est-ce que tu comprends de moi de toute façon ? Crachais-je en reposant le récipient sur la table et plongeant mes yeux dans les siens.

Je voulais être froid mais à croire que lorsque je veux l’être, ça ne donne pas l’effet escompté. Au contraire, mes pupilles brillaient et ma voix était plus troublée qu’elle ne l’aurait du l’être. Je crois même que si je ne me retenais pas, je risquais de pleurer. Hors, un homme ça ne devait pas pleurer.

- Je me déteste alors comment oses-tu me dire de ne pas me dévaloriser ?! Je suis comme ça ! Je ne m'aime pas ! Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? Que je suis génial, cool et que j’ai tellement confiance en moi que je n’angoisse jamais avant un match ? Je ne peux pas ! Parce que ça ce n’est pas moi. Je suis lâche, faible et insensible. Tu vas encore me dire que c’est faux mais c’est la vérité !

Et voilà... J’avais craqué. Mon poing se cogna fermement contre la table et je riais de tristesse tant je me trouvais lamentable.

- Je ne suis pas gentil. Je ne suis rien. Absolument rien du tout parce qu’on ne m’a jamais appris à ce que c’est d’être bien ! Je ne m’aime pas, c’est tout... Et je n’attends pas à ce que l’on m’aime non plus... J’ai l’habitude.

Mais je crois que pour moi, cela pouvait être considéré comme mon plus grand rêve : pouvoir être aimé par quelqu’un.