Quand il ne s’agissait pas des matchs, c’étaient les entraînements ou toute autre activité liée de près ou de loin de loin au baseball. Et aujourd’hui il s’avérait que ça soit entraînement sur entraînement sur encore entraînement. Autant dire de quoi me démoraliser dés le début de la journée. Je m’étais levée tôt et comme à mon habitude j’étais parti en avance au Tokyo Dôme. Je n’avais dit aucun mot aux membres de l’équipe lorsque ceux-ci étaient arrivés puis j’étais parti m’échauffer sans broncher. Ca avait été épuisant et je trouvais que les heures s’écoulaient à une longueur inimaginable tellement le temps paraissait lent. J’avais joué et exécuté les tâches qu’on me donnait de faire, ne mangeant qu’un infime sandwich à midi avant de retourner m’entraîner auprès des autres. La chaleur était elle aussi insupportable et je commençais à me sentir mal de jouer autant sans me rafraîchir. Heureusement, pour mon plus grand bonheur, Takeshi-san annonça que c’était « fini pour aujourd’hui ». Soufflant de soulagement, je partis rapidement me ressourcer au lavabo du stade puis à peine douché et changé, je m’engouffrai dans les rues de la capitale. Il y avait du monde à cette heure-ci. L’après-midi se terminait tout juste tandis que la soirée commençait. La plupart se réfugiait dans les bars ou les restaurants pendant que d’autres s’amusaient dans les salles de jeux. Les filles s’extasiaient devant les vitrines, attirées par les nouvelles collections alors que je pouvais entrevoir non loin d’eux, un petit garçon accompagné de sa mère qui essayait tant bien que mal un gant de baseball qui n’était absolument pas à sa taille. Comme le dit on souvent, il fallait de tout pour faire un monde. J’haussai les épaules, n’affichant aucune expression sur mon visage alors que je glissai mes lunettes de soleil devant mes yeux et branchaient mes écouteurs dans les oreilles. Il faisait un temps merveilleux et le ciel était d’un bleu éclatant que je trouvais ça un peu triste de rentrer maintenant. Quitte à me rafraîchir, autant boire quelque chose de bon, ou plutôt d’excessivement délicieux.

Je me baladais dans les rues, observant quelques boutiques et une boulangerie française attira aussitôt mon attention. Elle proposait diverses sortes de pâtisserie et mon ventre qui n’avait pu être rassasié au déjeuner criait famine à la vue de ses gâteaux qui me faisaient de l’oeil. J’hésitais mais finalement, je me résignai pensant au fait que je n’aurais pas mon cocktail de suite si je me laissais amadouer par de miséreux gâteaux. C’était ainsi que quelques minutes plus tard, je me retrouvai dans le quartier de Shibuya. préférant fuir le quartier de Bunkyô où le baseball régnait en maître. Il y avait largement un ramassis de bars qui proposaient de nombreux choix et j’entrai dans le premier qui me parut plutôt pas mal. Il était un peu typé américain, voir trop coloré cependant pour le coup cela ne me dérangeait pas. Les cocktails représentent une sorte d’exotisme non ? Cela s’adaptait avec le décor et à la vue des verres qui servaient aux clients autour de moi, je me disais que j’avais trouvé le bon endroit. Ma commande une fois prise, celle-ci arriva peu de temps après et je souris intérieurement à la vue de ce grand verre qu’on me posait devant moi. Par contre je ne compris pas pourquoi on m’avait mis deux pailles, probablement une habitude ici au cas où quelqu’un devrait me rejoindre. En y réfléchissant, c’était vrai que rares étaient ceux venant déguster un cocktail tout seul. Attrapant la paille de mes lèvres, je soupirai d’aise lorsque les premières gorgées se dissipèrent dans mon corps, me provoquant un étrange bien être. C’était rafraîchissant. Néanmoins la musique qui passa au même moment me força à arquer un sourcil, presque à m’étouffer. Pourquoi il fallait toujours que ce genre de choses arrive lorsque je suis dans l’endroit concerné ? J’allais vraiment finir par me demander si on n’essayait pas de m’envoyer un message. Mais je n’étais pas gay bon sang. Je sais encore ce qui me plaît et ce qui ne me plaît pas. Si les mecs m’exciteraient, cela ferait longtemps que je le saurais. Trop concentré à réfléchir, je n’avais pas prêté attention à la jeune femme qui s’était installé à côté de moi. Ce fut seulement lorsque celle-ci vint s’emparer de la paille vide que mes pupilles se dilatèrent de stupéfaction, s’arrondissant presque comme des billes tant la surprise avait été forte. Je clignai mes paupières à plusieurs reprises avant de reconnaître la personne présente en face de moi. Aussitôt je me reculai précipitamment, manquant de m’étouffer à cause de ma boisson que j’avais bu de travers et je reculai le plus possible sur mon siège afin qu’elle ne tente même pas de m’approcher. Cette femme, c’était le diable en cher et en os. Elle avait toujours cette fichue manie de me « courir après ». Je crois que c’était l’expression juste pour expliquer ce qu’elle faisait avec moi. Elle voulait toujours me touche, peu importait le comment du moment qu’elle le faisait. Ce n’était pas une question de peur, c’était simplement que je ne supportais pas ça alors à chaque fois, lâche que j’étais, je fuyais.

- Qu’est-ce... Qu’est-ce que tu fais là ?! Pestais-je en lui lançant un regard froid, Je t’ai déjà dit de ne pas m’approcher. Qu’est-ce qu’il y a de difficile à comprendre là-dedans ?

Je me saisis de mes affaires, payant mon cocktail que finalement je n’avais pu terminer et commençai à m’échapper vers la sortie du bar. Avançant, je ne cessai de jeter des coups d’oeil derrière moi et quand je la vis se lever, mes yeux s’écarquillèrent de plus bel, ma conscience me conseillant de m’enfuir le plus rapidement possible. Je claquai la porte dans un fracas que je ne pus contrôler et je marchais le plus vite que je le pouvais, regardant toujours en arrière. Elle était là. Pire qu’une sangsue. Dés que je l’avais dans les pattes, elle ne me lâchait plus. La première fois que je l’avais rencontré, c’était à l’hôpital lorsqu’Adrien n’était pas là. Elle s’était occupée de moi et remarquant de suite mon comportement, elle m’avait charrié, embêté, touché. En bref, elle était rentrée un peu trop - beaucoup - dans mon cercle d’intimité, dans mon espace vitale et je n’appréciais pas ça. C’était comme si, on tentait de me violer sur place. Je ne pouvais pas clairement l’expliquer néanmoins c’était la sensation que je ressentais.

- Ne m’approche pas ! Lui ordonnais-je alors en avançant à reculons, Ne me touche pas ! Sinon je crie pour harcèlement !  

D’un certain point de vue, c’était un peu ça. Mais jusque là elle n’avait jamais rien fait de « mal », c’était simplement moi qui ne supportait pas le contact avec les autres. J’étais loin d’être des plus tactiles et je n’aimais pas qu’on me touche de trop près sans y avoir été invité. Et vraisemblablement, cette fille, de son nom Sae Ra, l’avait remarquée et prenait un malin plaisir de s’en servir pour m’embêter.

J’aurais du m’en douter que ce n’était pas une journée pour sortir. J’aurais du me douter qu’un mauvais présage allait me tomber dessus. Alors j’aurais peut-être dû m’arrêter dans cette fameuse pâtisserie et y prendre quelque chose de rafraîchissant là-bas en plus de ces gâteaux délicieux qui m’avaient fait de l’oeil à multiples reprises. Cette fille était toujours là où je me trouvais et le plus souvent dans des endroits où je m’y attendais le moins. J’allais finir par croire qu’elle me stalkait. Pire qu’un paparazzi et tellement pot de colle aussi. J’ignorai ce qui l’intéressait tant chez moi mais j’aurais préféré qu’elle ne s’intéresse à rien du tout plutôt que de me courir après comme elle le faisait tout le temps. J’étais incapable de dire si c’était une question de peur me concernant, je pense que ça l’était un peu. Jusqu’ici je n’avais jamais vu quelqu’un d’aussi déterminé et aussi fou dans sa tête, sauf dans les films. Peut-être qu’au fond d’elle, Sae Ra avait des envies de psychopathe et que ça l’amusait de me voir souffrir ainsi. Oui, je pouvais l’avouer, elle me faisait peur. La simple idée de ce qu’elle pourrait me faire m’horripiler et je refusais qu’elle me touche ou quoi que ce soit d’autre de similaire. Je détestais ça. C’était d’ailleurs sûrement la raison pour laquelle elle « m’effrayait » parce qu’elle était la seule à oser s’attaquer autant et si ouvertement à mon espace vital. Je ne pouvais pas non plus expliquer pourquoi j’étais comme ça, pourquoi je détestais tant le contact avec les gens mais c’était sûrement à cause de mon caractère qui était déjà bien particulier. Il n’y avait qu’avec « elle », la mère de mon fils, où ça avait été étrangement différent. Enfin, c’était assez bizarre. Mon comportement était exactement le même qu’aujourd’hui mais il y avait ce jeu étrange entre nous et on avait fini par se laisser aller. Je n’ai plus de grands souvenirs de comment c’était, je n’étais pas amoureux d’elle et hormis l’enfant qu’on avait en commun, notre relation ne m’avait pas marqué. Bien sûr c’était l’une des plus grandes que j’avais eu néanmoins ce n’était qu’un jeu. Et c’était peut-être cette envie d’essayer d’être différent qui m’avait conduit à agir de la sorte. Mais c’était bizarre. Maintenant que j’y pensais, ça l’était. Mis à part le plaisir ressenti, je me rappelle de ne pas apprécier ce trop grand contact qu’il y avait entre elle et moi, cette proximité, ses mains. Cependant elle avait quelque chose qui m’obligeait à ne rien lui refusait, malgré mes réticences sur certains points. Donc, c’était la seule qui avait pu m’approcher de trop près. Même dans ma famille, on évitait les contacts physiques parce qu’on savait que je n’appréciais pas cela. Certains de mes cousins s’en amusaient cependant cela n’allait jamais très loin. Dans toute cette histoire, j’étais certainement la personne la plus étrange de mon entourage.

En tout cas, au contraire de ce que cette femme avait dit, il était hors de question que je ne me laisse faire. Elle me faisait bien trop peur pour que je reste planté là sagement, sans bouger le moindre pied. Non, je préférais fuir. Le plus loin possible. A l’autre bout du monde si on me l’autorisait. Tout ce que je demandais c’était un lieu où elle ne serait pas là pour m’attraper. C’était la raison pour laquelle je continuais de reculer, marchant le plus vite que mes jambes me le permettaient et j’étais en train de songer sérieusement à me mettre à courir. Seulement, pour quelqu’un qui n’aimait pas se faire remarquer, ce n’était pas une très bonne idée. Bien que je savais déjà que j’étais en train de me faire remarquer en cet instant précis.  Le mot « câlin » résonna dans mes oreilles et paniqué, je pouvais déjà sentir mon coeur battre à tout va, terrifié de ce qui pourrait se passer par la suite. Je voulus m’enfuir, courir comme je l’avais dit cependant mon corps se crispa aussitôt lorsque Sae Ra se saisit de mon bras, m’obligeant à m’arrêter. Incapable de me retirer de son emprise, je m’éloignais du mieux que je pouvais d’elle et la foudroyai du regard, tentant de me débattre en même temps.

- Va faire un câlin quelqu’un d’autre ! M’exclamais-je malgré moi,Ne me touche pas, arrête de me coller et va faire chier une autre personne !

Non mais sérieusement, cette femme était réellement terrifiante ! Je réussis enfin à retirer ma main et je la bousculai avec plus de force que je ne l’aurais voulu de manière à ce qu’elle sorte de mon cercle d’intimité. Toutefois, ne m’étant pas contrôlé, je l’avais poussée un peu trop fort et ses fesses avaient aussitôt heurté le sol. Les gens autour de nous nous regardaient d’un mauvais oeil - en fait, c’était sur moi - et je baissais automatiquement ma tête pour ne pas qu’on me reconnaisse avant de dériver mon attention vers la demoiselle, soufflant de lassitude. Elle m’exaspérait. Il n’y avait pas de mots pour décrire à quel point les émotions que j’éprouvais à son égard étaient immenses. Néanmoins je reconnaissais y avoir été un peu fort et que c’était de ma faute. Seulement elle l’avait cherchée aussi. Je soupirai de plus bel avant de tendre ma main en sa direction pour l’aider à se redresser. Je n’étais pas à l’aise et cela se sentait à mon bras qui tremblait à cause du stress. Quand je disais que je ne supportais pas, ce n’était pas des conneries. Encore moins avec elle. Elle avait cette présence qui m’obligeait à me braquer un peu plus et dont je ne pouvais expliquer pourquoi. Alors qu’elle s’apprêtait à s’emparer de ma main, je retirai cette dernière brusquement et m’avançai près d’elle pour la soulever de mes bras afin de la remettre sur pied. Chose faîte, je me décalai aussitôt et l’observais d’un regard méfiant. Sait-on jamais, elle pourrait avoir l’envie soudaine de me sauter dessus.

- Pardon, M’excusais-je alors de mon ton détaché, Mais ne t’approche pas d’accord ? J’ai dit que je ne voulais pas !

Sur ses dires, je ne pus que froncer les sourcils afin d’accentuer mes propres paroles. J’ignorais ce qu’elle voulait mais la voir s’avancer ne me faisait présager rien de bon alors je marchais en arrière, ne remarquant pas l’homme qui marchait en sens inverse et je lui rentrai brutalement dedans avant de me retrouver à mon tour à terre. Celui-ci grommela toute sorte d’injure, ne m’accordant aucun intérêt tandis qu’il reprenait sa route. Et moi je grimaçai de cette maladresse qui n’était pas habituelle du tout. C’était la faute de cette femme qui me faisait perdre toute connexion avec la vie réelle. Sans me relever, Je la fixais en train d’avancer et reculer à l’aide de mes mains ainsi que mes jambes. Mes pupilles reflétaient certainement toute l’inquiétude et le désespoir que je pouvais ressentir par cette fatalité qui s’offrait à moi.

- Ca suffit maintenant j’ai dit !! Arrête tes conneries, ce n’est plus drôle à force !

Je ne pouvais m’empêcher de penser « Kei, t’es un homme, relève-toi et bat-toi » cependant je n’ai jamais été quelqu’un qui s’affrontait contre qui que ce soit. J’ignorais si appeler ce genre de comportement « lâche » était la bonne définition. Je n’avais simplement pas envie de me battre, ni de me prendre la tête. Je voulais juste être au calme, dans ma petite vie rien qu’à moi et qu’on me laisse tranquille. Mais tout le monde prenait un malin plaisir à y rentrer et venir me casser les pieds.  

Je ne me comprenais parfois. Je pourrais m’enfuir, courir loin - ce n’était pas l’endurance qui me manquait - néanmoins au lieu de ça je passais pour un idiot devant tout le monde à reculer les fesses à terre avec mes mains au lieu de me redresser et de m’échapper. Mettre toutes les fautes sur cette femme ne changerait rien, c’était moi qui n’était qu’un incapable et qui agissait maladroitement. Parce que je n’avais jamais vécu ce genre de situation auparavant et que personne n’avait tenté de me mettre autant mal à l’aise. Et cela m’effrayait. Quoi ? Je n’en savais rien, juste que j’étais complètement terrifié à l’idée de ce qu’elle pourrait faire en s’approchant de moi. Alors je n’avais pas eu l’idée de me relever et de partir, comme si mon esprit était déconnecté avec tout le reste et qu’il avait perdu la notion de comment réagir. Je soufflai, ne cessant jamais mes gestes. Je pouvais voir les personnes qui nous observaient autour de nous, je pouvais les sentir et je maudissais Sae Ra de la situation dans laquelle elle me mettait. J’aurais tellement voulu savoir ce qui la poussait à se comporter ainsi avec moi, ce qui la motivait tant à m’embêter de la sorte. Ne pas me faire de mal ? Bien sûr qu’elle m’en ferait. Dés qu’on est trop près de moi, on me fait mal. J’étouffe et j’ai l’impression de me liquéfier littéralement sur place. Je n’ai jamais eu de grande affection quand j’étais petit mais je pense que c’était moi en particulier qui fuyais toujours. Ou peut-être que cet aura que je dégageais impressionnait souvent mon entourage et les bloquait à m’approcher. Bien que j’étais quelque peu plus souriant à l’époque. Cependant je reconnaissais être celui qui ne réclamait jamais de câlins ni de caresses et dés que je remarquais quelqu’un prêt à m’en faire, je me braquais aussitôt, trouvant une excuse stupide avant que la personne ne soit tenter de faire quoi que ce soit. Mais je n’avais pas le souvenir que mes parents aient tenté quoi que ce soit. Je suppose qu’ils avaient compris qu’avec moi c’était perdu d’avance et maintenant ils se servaient de ce trait de ma personnalité plus pour m’embêter qu’autre chose. Et je n’aimais pas ça. Plutôt que de m’aider à m’ouvrir, cela créait l’effet contraire. Ils ne s’en prenaient qu’à eux-mêmes. Néanmoins voilà le comportement que j’adoptais à présent et je crois que si je me revoyais plus tard, je me trouverais bien pitoyable.

Je n’eus le temps d’analyser ce qu’elle venait de dire qu’elle s’était subitement jetée dans mes bras. Je fus incapable de bouger, choqué. Mes bras étaient devenus mous et je n’avais pas pu les lever non plus. Mon coeur manquait de s’échapper de ma poitrine tant il avait été pris de plein fouet par un élan si soudain et mes paupières ne cessaient de se cligner par la choc. Je ne tremblais pas mais cela serait étrange si je disais que j’avais envie de pleurer ? Je ne savais pas pourquoi. Je n’aimais pas ça. Je détestais ça. Et ça me frustrait. J’avais envie qu’elle me lâche, qu’elle cesse de me coller de la sorte et qu’elle comprenne ô combien tout ça me désespérait. Je pris sur moi, la décalant délicatement avant de faire quelque pas en arrière de façon à regagner mon espace vital.

- Arrête, Ordonnais-je froidement, Ne peux-tu pas simplement te comporter comme tout le monde et faire ce qu’on te dit ? Je sais que ça te démange mais je déteste ça. Et puis, on ne se connaît pas.

Je crois que c’était - en plus de mon mauvais caractère - l’une des principales raisons pour laquelle je ne supportais pas son attitude.

- Ce n’est pas parce que tu es infirmière que tout t’es permis ! Maintenant ça suffit ! M’exclamais-je, réellement en colère cette fois-ci.

Je ne m’emportais pas souvent et arrivait la plupart du temps à me contrôler, à rester indifférent peu importait la situation qui s’offrait à moins toutefois avec cette femme j’avais l’impression d’être quelqu’un d’autre par moment. Elle me mettait hors de moi. Je n’en pouvais plus, si ça continuais j’allais vraiment finir par hurler au harcèlement. Elle ne devait pas être très net dans sa tête pour avoir des idées pareilles. En plus, maintenant que j’y repensais, à cause d’elle, je n’avais même pas pu finir mon cocktail. La garce. Si elle avait été plus compatissante, plus abordable et moins entreprenante, on aurait peut-être pur s’entendre. Mais là non, jamais je ne m’entendrais avec quelqu’un qui ne savait pas garder sa place là où elle était.

Non. La réponse était catégorique. Je ne la laisserais pas m’enlacer même si je la connaissais. Personne ne le faisait, même dans ma famille alors pourquoi elle aurait le droit et pas les autres. Ce n’était pas une question de connaissance, c’était que je détestais qu’on s’infiltre dans mon espace vital. Je ne voulais pas de câlins, ni de baiser, ni rien d’autres. Pas de geste d’affection. Cela ne m’apporterait rien. Juste de la peur et de l’angoisse dont je serais incapable décrire la provenance en réalité. J’étais comme ça et j’avais du mal à comprendre pourquoi cette femme ne saisissait pas. Je plaignais ses patients parce que si elle adoptait avec eux le même comportement qu’elle adoptait avec moi, les pauvres... Il y avait réellement de quoi fuir devant une énergumène pareille. Moi elle m’effrayait sincèrement et je ne savais plus quoi faire pour lui échapper. Je commençais à songer que de toute façon c’était inutile et que plus je tenterais de courir, plus elle essaierait de me rattraper. C’était un cercle vicieux qui ne s’arrêterait jamais parce que Sae Ra n’avait pas la bonne idée de cesser son attitude plus qu’oppressante.

Je redressai mon regard neutre en sa direction à l’entente de ses mots et soupirai à mon tour. Ce n’était pas ce que j’avais dit, elle avait mal compris. Mais tant pis. J’avais juste mentionné que parce qu’elle était infirmière, elle se croyait tout permis car généralement les médecins ne se gène pas à toucher tel ou tel partie du corps n’est-ce pas ? Que cela soit volontaire ou non, ils n’en ont pas vraiment le choix afin de trouver ce qui n’allait pas chez leurs patients. J’espérais ne jamais devoir retomber sur elle à nouveau. Je ne pourrais que penser qu’elle en profite pour me ploter et rien qu’à l’idée d’y songer, j’en frissonnais d’écœurement et une grimace bizarre se dessina sur mon visage. Cela ne devrait pas exister des infirmières comme elle... Enfin si ça arrivait, je porterais plainte ou plutôt je ferais en sorte que ça n’arrive pas, priant à ce qu’Adrien soit dans les parages pour me sauver la mise. Je n’irais plus à l’hôpital si il n’y était pas, quitte à souffrir le martyre, je n’y mettrais pas un seul pied. Encore plus après aujourd’hui.

Je m’apprêtais alors à me relever en même temps qu’elle cependant je ne pus bouger à nouveau en sentant son corps collé au mien. J’allais finir par croire qu’elle le faisait exprès... Incapable de faire le moindre geste, je voyais l’homme qui l’avait bousculé s’excuser d’un air amusé tandis que je le foudroyais du regard et attendit que Sae Ra daigne bien vouloir bouger de moi. Je soupirai, ne disant rien et me frottai les bras comme pour enlever la « saleté » qu’elle avait placé en me touchant. Je l’écoutais parler mais j’en avais plus qu’assez. J’avais eu ma dose d’évènement pour la journée et qu’elle en rajoute encore était loin de m’enchantait. Ca m’énervait, m’agaçait et encore. Il n’y avait pas de mots pour décrire les émotions que j’éprouvais à cet instant précis.

- Rentrer, Rétorquais-je froidement tout en me levant et époussetant mon pantalon, Tu en as assez fait tu ne crois pas ? Laisse-moi juste tranquille.

Je fis demi-tour mais à peine avais-je avancé quelques pas plus loin qu’on me sauta dessus ce qui m’obligea à sursauter et me décaler subitement sur le côté. Qu’est-ce que c’était que ça encore ?! J’abaissai mon regard pour voir ce qu’il en était et aperçu un petit chiot qui me contemplait avec des yeux brillants, m’observant avec bonheur. J’ignorais pourquoi j’attirer toujours autant les animaux et les enfants vers moi alors que j’étais le dernier des hommes à être agréable, accueillant bien que je le trouvais mignon. On aurait dit Sekai lorsqu’il était bébé. Ne prêtant pas attention à où se trouvait Sae Ra, je m’accroupit devant cette boule de poile et la caressai doucement. Autant je n’étais pas tactile, autant les chiens c’étaient différents. Peut-être parce que le mien m’avait tout de suite compris et m’avait apporté beaucoup de soutien lorsque j’en avais le plus besoin. Quand on dit que le chien est le meilleur ami de l’homme, je ne crois pas que ça soit un mensonge. Quoi qu’on fasse un chien sera toujours fidèle à son maître et c’était sûrement la raison pour laquelle j’acceptais l’affection de Sekai parce que je lui donnais toute ma confiance. Mes yeux vaquèrent autour de moi à la recherche d’un éventuel maître cependant ne trouvant personne, je continuai mes caresses et lui adressai un doux sourire tandis qu’il aboyait de bien être. C’était quelques minutes plus tard qu’un enfant nous rejoignit, enlaçant vivement son chien dans ses bras et le grondant de s’être échappé. Je ne dis rien, me redressant simplement avant d’hausser les épaules quand le garçon me remercia pour ensuite retourner auprès de son père.

Cela m’avait détendu un peu, j’en avais oublié ce qui s’était passé avant et ça me rassurait d’être à nouveau calmé. Je n’aimais pas trop me sentir aussi frustré, en colère, ce n’était pas dans mes habitudes de laisser aller autant mes émotions. Détournant légèrement mon visage, j’aperçu Sae Ra et fronçant les sourcils en guise de salue, je n’ajoutai rien d’autre alors que je faisais demi-tour. C’était une drôle de façon de dire au revoir néanmoins je n’avais pas envie de faire d’effort pour cette femme. Elle m’avait mis en colère tout à l’heure et j’espérais lui faire comprendre au travers ce geste.