TENUE ☍ Feindre qu’on va mal n’est pas difficile avec le temps, avant de rencontrer Momiji ce soir j’étais déjà épuisé et je n’avais qu’une envie c’était de rester allonger et dormir pour ne plus y penser, mais les choses ont pris cette tournure et maintenant je suis à l’hôpital. D’un côté s’il doit m’arriver un truc au moins je serais sur place, bien que j’espère pouvoir rester debout et conscient jusqu’au retour chez moi. Si Momo ne veut pas montrer ses faiblesses je suis pareil, bien que l’on ait parfois pas le choix, forcé par la douleur ou la situation de nous montrer vulnérable, en général nous préférons cacher ce genre de choses. C’est mon cas et j’ai pu voir ce soir que c’était aussi le sien. Après avoir appris que je pouvais le rejoindre je me suis empressé de prendre le couloir, sauf que mon cœur m’a fait comprendre que j’étais trop téméraire et que je devais me calmer en me faisant mal, suffoqué et étouffé comme si l’air autour de moi était devenu aussi brulant qu’au centre d’un volcan. L’eau froide m’a permis de me calmer, assez pour que je puisse rejoindre Momo sans paraître réellement au bout de ma vie... Bien que cela soit vrai. Il est réveillé et je suis content de savoir qu’il n’a rien de grave, ils ont branché une perf, va falloir attendre qu’elle soit terminée. « Si tu pouvais éviter de finir encore dans un état aussi pitoyable ça m’arrangerait. » Je souris amusé, avant de regarder les rideaux, ça fait vraiment couper du monde. « Je pensais pas que tu dirais ça. » Dis-je en le regardant. « Mais tu n’as pas beaucoup de temps pour me la rendre, qu’est-ce que tu vas faire ? » J’agis le plus naturellement possible, mais je connais mon corps, j’ai déjà réalisé que ce n’est plus qu’une question de temps maintenant avant que je n’atteigne mes limites, des heures, des minutes ? Je l’ignore. « Ne fait pas ça. » Me penchant sur lui pour arrêter sa main avec la mienne. « Sois patient pour une fois, ça sera bientôt fini. »

TENUE ☍ Rien n'est plus chiant qu'être cloué dans un lit, relié à un tuyau qui diffuse un liquide dans tes veines. Il réduit la douleur, certes, mais je ne supporte pas de voir ce truc sous ma peau. Kellian me l'a fait remarqué comme si c'était un délais à respecter avant de partir, mais je ne suis pas si sûr que lui quant à ce truc. Plus facile à dire qu'à faire, ce n'est pas à défaut d'être calme pour une fois. Je n'ai pas cherché la bagarre et je ne serais pas dans cet état si les gars étaient avec moi. Coup du sort, même quand je ne cours après la merde, celle-ci vient à moi. En tout cas, je lui dois un fière chandelle, même si ça pourrait m'infecter la langue de l'avouer. Sûrement l'effet des médicaments, ça me fait raconter des choses surprenantes. évidement, j'ignore comme lui rendre. Il m'en demande trop avec sa question, c'est un sans réponse pour moi. « à toi de m'le dire. » Peut-être qu'il ne sera plus là demain, peut-être que ce sera trop tard pour lui rendre quoi que ce soit en retour de son intervention, mais sachant que c'est justement le cas, je fais un effort pour ne pas me renfrogner comme d'habitude. La perfusion me dérange et je tente de la retirer, avant d'être interrompu par sa main. Patient ? ça n'a jamais été dans ma liste de qualité. « Comment peux-tu supporter ça ? » Il doit souvent être confronté à cette connerie de perfusion et à sa place, je serais devenu cinglé. Pourtant j'abandonne mon geste et ramène ma main de son côté, soupirant bruyamment pour faire savoir mon mécontentement. « Tu es blanc. » Le teint de son visage est pâle comme s'il avait fait un malaise. C'est dingue comme certains détails me sautent aux yeux maintenant que je le regarde bien, sans m'énerver ni me vexer. « J'ne peux pas te soigner, ni créer un miracle. » Le prévenais-je au cas où il espère que la magie opère. Je ne peux pas réaliser de souhait impossible, ni être l'ami de son frère.

TENUE ☍ Je suis habitué à être dans ce genre de lit branché à toutes sortes de machines ou de transfusion, je sais que c’est pour mon bien alors je l’ai supporté même si au début, moi qui aimé courir partout et m’amuser dans le bac à sable du parc avais du mal à d’un coup se voir mettre toutes sortes de freins. Mais la vie est comme ça, certain ont de la chance, d'autres le son moins, je n’ai bien entendu jamais pensé être un exclu, faut s’adapter à ce qu’on a, même si c’est dur. Je ne serais peut-être plus là demain alors quand il dit qu’il m’en doit une j’aimerai bien savoir de quelle manière. Je souris en voyant qu’il l’ignore, ça m’aurait étonné qu’il m’en donne la réponse. Quand il tente de s’arracher la perfusion je l’arrête, bloquant sa main pour lui demander d’être patient. « Je n’ai pas le choix. Crois-moi il y a pire que ça. » Je garde le sourire malgré tout. Il abandonne et je suis rassuré de voir qu’il ne fait pas sa tête de mule, me redressant doucement, vu que j’étais à moitié affalé sur lui, blanc ? « Tu trouves ? » Je ne suis pas étonné, prenant sur moi je ne peux pourtant pas cacher que ma santé n’est pas au top, bien que je sois surpris qu’il puisse le remarquer. « Je ne t’ai pas demandé de le faire. » Je sais bien qu’il ne peut en aucun cas me sauver et je n’en attends pas autant de lui, qu’il se rassure. « Si je te demandais de ne plus faire le con, tu le ferais ? » Par faire le con j’entendais bien entendu cette violence gratuite avec son masque. « Si tu es encore blessé je ne pourrais pas me soigner cette fois. » C’était surement la première et dernière fois que je pouvais le soutenir. « Et achète toi un lapin ! T’en occuper pourrait te rendre plus aimable. » Plaisantais-je en riant comme si je ne supportais aucune douleur, bien que c’était tout le contraire, j’étais épuisé.

TENUE ☍ Je n'ai pas réponse à tout, c'est déjà bien que j'accepte de lui en devoir une alors que je pourrais très bien faire genre que non. Quant à cette perfusion, je me demande bien ce qu'il y a de pire que ça. évidement, je garde cette question pour moi et me contente d'être calme. Ce n'est clairement pas dans mes cordes, j'ai toujours du mal à me tenir tranquille ou à être sympathique, pourtant c'est que je tente de faire avec lui. Il y a dû avoir un déclic, mais allez savoir lequel. En tout cas, à force de l'observer et d'être silencieux, j'en remarque des détails qui ne m'avaient pas forcément interpellés, ni sautés aux yeux, les quelques fois précédentes. Il est pâle, suffisamment pour juger de sa santé qui doit se dégrader. Kellian en a trop fait, mais je le savais déjà, depuis le moment où il a voulu m'aider. à sa question, j'hausse les épaules, restant vague comme à mon habitude. En revanche, je ne peux pas faire de miracle et il s'en doute, mais ne l'a jamais demandé non plus. Nous sommes au moins d'accord là-dessus. Ne plus faire le con ? Il plaisante ? « Qu'est-ce que tu veux dire par "faire le con" ? » J'ai toujours fais le con justement, ça serait compliqué de changer les bonnes vieilles habitudes, puis en aurais-je vraiment envie ? « Je ne t'ai pas demandé de le refaire. » Ce sont ses mots, je n'attends pas de lui qu'il puisse me soigner à nouveau si jamais je venais à être encore blessé. Un lapin. C'est étrange, mais cela me surprend de l'entendre dire une telle chose. Pourquoi me d'acheter un lapin ? ça me fait rire, réveillant doucement la douleur de mes côtes. « Tu cherches vraiment à me changer avant de mourir. » Veut-il faire de moi un saint ? Je suis loin d'être une bonne personne et je crains fort de ne jamais pouvoir l'être. « Trouve moi s'en un. » De lapin. Je ne compte pas le laisser crever si facilement, au final. J'ai toujours souhaité qu'il disparaisse rapidement pour me foutre la paix, mais comme le coup de l'hôpital, on dirait que j'ai changé d'avis et que je tiens à l'embêter jusqu'au bout, jusqu'à la dernière minute de son existence.

TENUE ☍ Je ne peux pas cacher indéfiniment que je vais mal, il est déjà informé que je vais mourir alors à quoi bon mentir, bien que je fasse bonne figure je suis tout de même étonné qu’il puisse remarquer une chose pareil. Je sais bien qu’il ne pourra pas faire de miracle et me sauver, je ne lui ai jamais demandé de faire de choses impossibles. Je prends le risque de lui demander de ne plus faire le con sachant qu’il peut m’envoyer balader à sa guise, au point où j’en suis j’aimerai pouvoir lui donner plus de sagesse et lui faire prendre soin de sa vie, même si je ne peux pas le changer, cela n’est pas dans mes cordes et je n’en ai pas le temps de toute façon. « Ce que tu fais... » mimant les masques avec ma main. Je ne sais pas ce qu’il trouve d’amusant dedans en blessant des innocents et j’aimerai qu’il soit un déclic en comprenant que ce n’est pas la solution. « Je sais, mais contrairement à toi, même si j’en avais envie je ne serais plus là pour le faire. » Plaisantais-je en souriant simplement, malheureusement c’est comme ça. Je le regarde apparemment surpris par mes paroles, gardant mon sourire je suis sérieux. « Je suis sûr que ça te fera du bien d’avoir quelqu’un à t’occuper. » Il ne doit pas se priver à cause de ses parents, il trouvera surement le moyen d’en obtenir un s’il le souhaite et puis ça pourrait le rendre plus aimable, bien que je ne dise pas cela pour ça, je connais Momo et au fond j’ai appris à passer outre à son mauvais caractère et ses paroles crues. Lui en trouver un ? « Si je t’en offre un avant de mourir, prends-en soin, je pourrais y mettre mon âme dans ce lapin ! » Je prends un faux air sérieux avant de rire, comme si c’était possible. « Je devrais aller le prendre maintenant. » Soufflais-doucement, je ne tiendrais pas longtemps a cette allure, c'est même étonnant que je puisse encore rire ou parler. « Comment tu l’appellerais ? »

TENUE ☍ Est-ce justement parce que je sais qu'il va mourir que j'ai la sensation de voir des choses que personne d'autre ne pourrait remarquer ? à mes yeux, il a une pancarte lumineuse au dessus de la tête qui clignote comme l'enseigne d'un bar et qui indique plutôt le soucis que l'emplacement. C'est psychologique, comme quand tu regardes une image montrant un homme alors que ce sont plusieurs éléments qui le forme. Au début, tu ne remarques pas ni le meuble, ni le chat, ni rien d'autre mais seulement la silhouette, puis quand tu captes l'environnement sur l'image, la personne disparaît et tout devient plus claire. C'est exactement cela avec Kellian, maintenant que je sais pour sa maladie, celle-ci domine tout le reste, que je le veuille ou non. Je fais pleins de chose qui sont connes, mais Kellian en choisit une particulièrement. Mon masque. « Donc tu n'es pas contre l'idée que je continue à sortir pour boire, fumer et me droguer ? » Il est courant pour ça, puisqu'il l'a vu dès notre première rencontre. « Tu ne veux simplement pas que j'attaque un autre innocent. » Concluais-je par moi-même, comme s'il s'inquiétait uniquement de ces gens-là. Avoir envie ou non, ce n'est plus la question. Il faut surtout savoir s'il est capable ou non de le faire, s'il sera toujours là ou pas. Quant au lapin, ça m'étonne de l'entendre parler de ça, mais je ne suis pas aussi sûr que lui quant au changement que cette idée pourrait apporter. Son âme ? « Finalement, je n'en veux pas. » Je ne veux pas d'un lapin posséder par l'âme d'un mort, non merci. Surtout pas par la sienne, il risque de me pourchasser jusqu'à sa seconde mort. Maintenant ? Je soupire, fatigué par son dynamisme presque irréaliste. « Civet. » Qu'est-ce que j'en sais, moi. Je n'ai jamais nommé personne dans ma vie. Jetant un coup d'oeil à la perfusion, celle-ci est vide au trois quart, il ne doit rester qu'une bonne poignée de minute avant d'être terminé et que je sois libre de partir d'ici. Encore une poignée de minute avant qu'il ne se décide à réellement m'acheter un lapin.

TENUE ☍ Il n’aurait jamais fait attention à ma santé il y a quelques jours, en fait même s’il pouvait le remarquer il serait du genre à s’en foutre totalement sans même relever le souci de mon teint bien trop pale ou même des signaux de fatigues que mon corps envoie, mais qu’il puisse y faire attention aujourd’hui me surprend un peu, peut-être que j’aurais préféré qu’il reste aveugle à tout ça d’un côté, malheureusement il semblerait qu’il me voit plus que je ne le pensais. Je lui parle d’arrêter de faire ses conneries avec son masque, s’en prendre à des innocents ne lui apportera rien, ni réconfort ni soulagement, il ne ferait que du mal gratuit et ça lui retombera dessus un jour. « Est-ce que si je disais que j’étais contre tu arrêterais ? » Je souris simplement en reprenant. « Je ne peux pas te changer totalement. » Il a vu juste. « Exactement. Tu ne gagneras rien à les blesser. » Je lui dis ensuite de prendre un lapin, ça pourra toujours l’occuper quand il s’ennuiera comme une thérapie avec les animaux. Je plaisante en disant que je pourrais y mettre mon âme dedans, mais ça ne semble pas l’intéresser, riant a sa réponse. « Je plaisante, comme si c’était possible idiot. » Bien que j’aie dit que je pourrais le hanter après ma mort. Si je propose de l’acheter maintenant c’est simplement parce que je ne sais pas si je pourrais le lui en offrir un dans les heures à venir, honnêtement la seule chose qui me fait tenir c’est la présence de Momiji, si j’étais seul j’aurais surement déjà fermé les yeux. La crise de tout à l’heure est persistante et ma fatigue est dominante, je ne sais pas si je pourrais me lever de ce lit sans tomber, au final je lui pose une question essayant de passer outre ce sentiment. « T’es sérieux ? » Civet... Je le regarde en le jugeant, il n'a vraiment aucun style. « C’est nul. » Je ris en me moquant de lui, avant de tousser de nouveau, j’ai chaud. « Je vais me rafraichir, j’étouffe là. » Sa perfusion est bientôt terminée, je lui souris avant de descendre du lit, j’arrive à faire quelques pas, sortant du rideau et donc du champ de vision de Momo, mais je n’arrive pas à aller plus loin, ma main empoigne l’emplacement de mon cœur qui me fait mal, suant à grosse goute, j’ai du mal à respirer, la pression que je gardais en feintant que tout allé bien me retombe dessus, mes genoux rencontrent le sol dans un bruit sourd, me penchant pour tenter de faire disparaitre cette douleur, j’essaie d’attraper mes médicaments dans ma poche, mais ma main tremble et je suffoque, j’ai besoin d’air....

TENUE ☍ Rien n'est éternel, les choses changent. C'est qu'on a tous pensé un jours dans sa vie, qu'elle soit bien ou mauvaise. Jusqu'à présent, je n'ai jamais voulu changer pour quoi que ce soit et je crois que je n'ai pas conscience de pouvoir le faire naturellement, sans faire de gros effort. Je remarque des points qu'auparavant je ne voyais pas. Je dis des choses que je ne disais pas autrefois. Je souris alors que ce n'était pas le cas les fois précédentes. Et quand il me parle d'arrêter, j'hésite, je réfléchi, je pèse le pour et le contre, je me demande pourquoi je devrais le faire pour lui, là maintenant. ça m'embrouille, ça non plus je ne le faisais pas avant. « à ton avis ? » Oui ou non, c'est à lui de me dire si je serais capable d'arrêter ou de ne pas l'écouter. Sa réponse m'affirme que non, il ne peut pas me changer à ce point-là et je secoue doucement la tête, consterné. « Tu vois, tu ne peux pas. » Mais si je ne blesse plus les autres, je me blesserais toujours moi-même. Cette histoire de lapin est aussi étrange que celle de la dette, on croire à une discussion surnaturelle dans un monde parallèle. Possible ou pas, s'il m'offre un lapin, je risque de le voir à travers à cause de sa connerie! C'est un peu trop pour un héritage, non ? Les baisers, les soins, puis le lapin. « Tu t'attendais à quoi ? Que je le nomme Lapinou ? » Nul ? Je le juge à mon tour comme s'il venait de m'insulter. « Bah si t'es si  malin, trouve lui un nom. » Je répond seulement à la provocation, sans me rendre compte que je lui donne à nouveau un tâche à faire pour moi. D'abord me trouver le lapin, puis le nommer. Sauf que la conversation tourne court quand il tousse et évoque le fait qu'il étouffe. Je plisse les yeux, les gardant encrés sur lui tel un rapace sur sa proie. Il s'en va, passant les rideaux qui me bloquent la vue et je reste là, à fixer le tissu blanc qui flotte encore après sa sortie. Une série de chose se déroule dans ma tête, des questions, des films, des appréhensions, des images. Je ne peux pas dire exactement ce que c'est, mais je me doute que le destin est un connard pour s'amuser avec ses pions. Tirant sur la perfusion, j'arrache l'aiguille de ma peau et quitte mon lit, me retenant au rideau que j'empoigne sous le coup de la douleur dans mes côtes... Et je le vois là, à moitié au sol. Silencieusement, il ne me faut pas une seconde de plus pour appuyer sur le bouton qui alerte les infirmières, restant muet comme une tombe sous ce spectacle.

TENUE ☍ On change tous d’une façon ou d’une autre, en bien ou en mal il y un moment où un déclic se fait et où on a besoin de ce changement. Pour ma part je ne sais pas si c’est déjà arrivé ou non, mais ça je ne le saurais peut-être jamais. Momiji semble m’écouter et entendre ce que je dis, curieux même de mes réponses il ne les ignore pas et on échange vraiment une conversation ce qui me fait sourire bêtement. Je sais qu’il ne ressent pas de pitié ou qu’il ne fait pas ça par compassion pourtant je me dis que le fait que je vais mourir doit jouer aussi sur ce changement, je n’ose pas lui demander de tout changer, je n’en ai pas le droit, même si j’aimerais pouvoir le faire. « Je ne veux pas prendre le risque que tu me tournes encore le dos, mais c’est à toi de prendre soin de ta santé. » Si j’avais eu plus de temps j’aurais surement répondu « oui » sans aucune hésitation, mais je n’en ai pas et je le sais parfaitement. « Lapinou c’est mignon ! » pour un lapin en tout cas. « Tu peux l’appeler Bunny ? C’est simple, mais mieux que civet je t’assure. » Je me moque toujours de lui. « Tu as autre chose à me demander ? » Je pensais qu’il voulait se débarrasser de moi, mais j’ai surtout l’impression que c’est tout le contraire ce soir. Mais ça ne me dérange pas, au contraire, je me sens utile jusqu’à la fin. Je ne peux pas plaisanter plus, ayant besoin d’air, je commence sérieusement à étouffer. De l’autre côté du rideau alors que ses yeux ne sont plus sur moi je m’écroule sous la douleur et la suffocation, mes forces m’ont soudainement quitté et je n’arrive pas à respirer, mon corps semble en feu, trempé de sueur en très peu de temps, replié sur moi-même mes membres tremblent, je n’arrive pas à prendre mes cachets, essayant de me concentrer sur un point pour ne pas perdre connaissance, je peux encore tenir, j’en suis certain... Je peux entendre le rideau se tirer et l'alarme raisonnée dans les bureaux des infirmières pas loin dans le couloir, je tente de regarder Momo, j’aurais préféré qu’il ne voit pas encore aussi faible, j’aurais vraiment voulu tenir davantage et lui acheter le lapin, mais ça risque d’être difficile. « Dé-so-lé. » J’ignore s’il a entendu, si ma voix a été assez forte et compréhensible, mais c’est tout ce que j’ai pu dire avant de fermer les yeux. Tout est arrivé si vite.

TENUE ☍ Encore ? La première question à se poser est plutôt, quand est-ce que je me suis mis face à lui ? Je n'ai pas dû m'en rendre compte durant ces quelques mois, mais je lui ai donné plus d'importance que je n'aurai voulu le croire. Serais-je capable de lui tourner le dos à nouveau ? C'est possible. Ce n'est pas comme si je ne l'avais jamais fait auparavant, mais à ce moment-là, je n'avais pas non plus mesuré la gravité de sa maladie. D'ailleurs, j'ignore ce que réserve celle-ci à son porteur. M'a-t-il seulement confié ce qu'il avait ou me suis-je contenté du minimum ? Je le saurais tôt ou tard, ou bien jamais. Il n'a sûrement pas le temps de s'occuper de moi et à coup sûr que je ne lui aurais pas laisser l'opportunité non plus. C'est un mal pour un bien, finalement. Il ne peut pas quand je ne veux pas. Changer, c'est bien, mais faut du temps pour les choses évoluent et soient différentes. Lapinou, c'est affreux. Je préfère encore le nommer Civet. Bunny. ça me fait penser à ce personnage de dessin animé que je voyais souvent le matin, au petit-déjeuner. Celui qui disait souvent "quoi d'neuf docteur ?" et bizarrement, je trouve que ça colle bien à Kellian. « Non, ça ira. C'est déjà beaucoup trop. » Le nom du lapin m'aura achevé dans ma gentillesse, j'vous jure. Sur ce, il s'en va soit-disant pour se rafraîchir un peu, mais le doute s'installe et sachant pour son état, je trouve ça suspicieux. Mon instinct ne me trompe que très rarement et j'ai beau être le pire des connards, je ne peux pas non plus jouer l'aveugle face à une personne qui meurt. Kellian ne va peut-être pas s'éteindre de suite, mais il a déjà un pied de l'autre côté. De toute façon, mon corps réagit seul et actionne le bouton d'alarme, mes yeux rivés sur sa silhouette recroquevillée. Je m'en tamponne de ses excuses, il n'a pas à le faire mais je crois que c'est justement sa voix à peine audible qui me fait réagir. « Fermes-là! » ça me sort aussitôt de ma transe, tournant mon attention vers la porte. Encore quelques pas et je suis à l'embrasure de celle-ci. « Bougez vos culs! » Hurlais-je dans le couloir, ma voix portant sur les murs jusqu'à la pièce des infirmières. ça remue d'un coup, et le temps qu'elles se bougent, je suis déjà revenu vers lui. « C'est l'heure ? » Demandais-je pour refouler les pulsations qui me vrille l'esprit et font battre trop rapidement mon coeur. Je ne pensais pas agir de la sorte, surtout pas avec lui. « Ne meurs pas devant moi. » C'est un ordre, une excuse.

TENUE ☍ Je ne me plains pas, le fait qu’il me demande des choses c’est juste surprenant alors qu’il est surement celui qui a le plus envie d’être débarrassé de moi. Il me l’a à plusieurs reprises fait comprendre et je ne l’ai jamais pris mal bien sûr, parce que d’un côté cette relation me suffisait, je voulais être son ami, mais cela aurait été plus blessant si j’avais réussi à le devenir, de cette manière je peux mourir en paix sans voir de tristesse dans ses yeux ou autres sentiments compatissants. Bunny c’est cool pour un lapin, surement que tous ceux qui en on pense à l’appeler ainsi mais pour Momiji s’est suffisant, il serait vraiment capable de lui donner un nom atroce le pauvre, je veux qu’il en prenne soin pas qu’il en fasse un martyre haha. Mais maintenant qu’on s’est mis d’accord la suite devait se dérouler normalement, Momo aurait fini sa perfusion et on serait sortir de l’hôpital chercher un endroit où acheter son animal, mais ça s’est enchainé trop vite et la douleur que je trimbale m’étouffe, je m’isole loin de son regard pensant pouvoir tenir jusqu’à me rafraichir ou prendre des médicaments, mais non, je m’écroule sous cet air absent, mon cœur me fait atrocement mal, ma poitrine est en feu et j’ai l’impression de totalement suffoquer, cette chaleur et cette sueur, je n’arrive pas à bouger, totalement paralyser sous cette pointe qui me tue doucement, vais-je mourir maintenant ? Je m’excuse auprès de Momiji car on dirait que je ne pourrais pas lui acheter son lapin. Je l’entends à peine se lever pour rameuter les infirmières, les yeux fermés je suis déjà entrain de partir, si je tombe inconscient c’est fini et je le sais... Mais je suis épuisé, seule la voix de Momo me retient encore conscient. Bien qu’il soit toujours aussi franc. On dirait que c’est l’heure en effet, c’est ironique que je sois venu pour lui et que je sois celui qui va y rester ce soir, je ne sais pas si je suis prêt pour ça, la douleur autant que la peur me fait verser des larmes mélangées à la sueur, je suis en réalité terrorisé. Pourtant je n’aurais peut-être pas le temps de l’être longtemps, ma respiration est déjà entrain de s’affoler sous cette crise fatale. Je ne peux pas parler, ouvrant simplement les yeux pour le regarder, tentant de ramener ma main tremblante jusqu’à lui pour le pousser, les yeux brillant, mais les pupilles de plus en plus sombres, s’il ne veut pas me voir mourir il devrait s’en aller... Je ne voulais pas mourir devant lui, c’est pour ça que je me suis échappé hors de sa portée, si seulement il n’avait pas tiré ce rideau. Mes paupières se ferment à nouveau laissant coulé la dernière larme sur ma joue quand j’entre en arrêt respiratoire complet.

TENUE ☍ Beaucoup trop de chose s'enchaînent à la fois, ce n'était pas prévu dans le programme. Je n'ai pas non plus envisagé que son état s'aggrave à ce point-là et qu'il soit à la limite du supportable. ça n'a jamais été facile entre lui et moi, surtout par ma faute, mais même si je l'ai souvent souhaité, je ne voulais pas réellement qu'il crève. C'était une manière pour moi de le dire de rester à l'écart, de ne pas m'approcher, de ne pas être mon ami, qu'on n'était pas compatible, que je ne l'appréciais pas, mais quand la réalité se joue sous mes yeux, je ne peux pas simplement me dire tant mieux. Nous étions venus pour moi, pour mes cotes cassées, et voilà qu'à la fin, c'est lui qui chute plus bas que je ne l'ai été. J'ignore ce que j'éprouve, si j'ai peur de le voir mourir ou si je suis inquiet, ou si je ne ressens rien de tout cela et agis par automatisme. Pourtant, même si c'était un réflexe humain, jamais je n'aurais cru pouvoir le faire, ni l'avoir en moi. Kellian a déchanté et je me précipite pour hurler dans le couloir, oubliant toute forme de politesse que je n'ai jamais eu au final. Quand je reviens vers lui, c'est seulement pour savoir si c'est la fin, avant de lui dire de tenir le coup encore un peu. évidement, mes mots ne sonnent pas comme des encouragements et je peux voir sur son visage déformé par la douleur qu'il ne se réjouit pas non plus d'être arrivé jusqu'à la ligne d'arrivée. Son geste me fait clairement comprendre qu'il veut me repousser mais je ne bouge pas, restant là jusqu'à l'arrivée des infirmières, puis jusqu'à ce que des brancardiers prennent le relais, soulève son corps inanimé et le dépose sur le brancard. Ce sera la dernière image de ce jour, la dernière fois que j'aurai vu Kellian bien vivant, la dernière fois qu'il m'aura parlé et sûrement la dernière fois que j'aurai fait l'effort de ne pas le rejeter ou l'insulter. Le silence retombe dans la chambre et je reprends doucement mes esprits, finalement c'était l'heure pour lui.